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Un centre national de la musique (CNM)… suite

Issu des nombreuses consultations de la filière à l’occasion des débats parlementaires, le projet de Centre national de la musique refait surface avec une déclaration de la Ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, annonçant qu’il sera « le grand chantier de cette année. ». Les principaux acteurs de la filière s’en félicitent, tout en manifestant certaines réserves.

Voici donc le retour du serpent de mer : Un centre national de la musique, en vis-à-vis du Centre National du Cinéma. Depuis que le numérique a fait irruption, en particulier dans le monde de la musique, détruisant l’équilibre précaire de son circuit économique, nombre d’acteurs de la filière ont fait le parallèle avec le secteur de l’audiovisuel bien moins impacté par la crise suscitée par Internet ; une explication : l’existence du centre national du cinéma (CNC). La filière musicale bien que profitant d’une multitude d’organismes à son service, ne dispose pas d’une force de frappe équivalente.

C’est ce que le gouvernement Fillon avait promis à la profession le 30 septembre 2011 avec la signature des « 13 engagements pour la musique en ligne », qu’avaient fini par conclure les producteurs et les plateformes numériques. Une mission de préfiguration avait même été engagée le 11 avril 2011 et confiée à Didier Selles, conseiller maître à la cour des comptes, avec en appui Franck Riester, député UMP de Seine et Marne (rapporteur de la loi Création et internet à l’Assemblée), Daniel Colling, directeur du Printemps de Bourges, Alain Chamfort, compositeur et interprète et Marc Thonon, président de la SPPF (Société Civile des Producteurs de Phonogrammes en France).

La mission s’est traduite par la remise d’un rapport « Création et diversité à l’ère numérique » décrivant par le menu détail ce que pourrait être ce futur CNM, précisant l’ensemble des mécanismes d’aides, ainsi que les sources de financement. Dès le 7 novembre 2011, le CNM entre en phase réelle de préfiguration, le processus s’accélère le 28 janvier 2012, le ministère de la Culture et les professionnels de la musique signent un accord-cadre sur « les missions, les ressources et le mode de gouvernance ». Enfin le 9 mars 2012, l’association de préfiguration est créée, nous sommes à deux mois du 1er tour de l’élection présidentielle. Le président en est Didier Selles, sa vice-présidente Catherine Ruggeri (Directrice générale du centre nationale du livre de 2010 à 2011) et enfin son directeur est un conseiller référendaire à la cour des comptes très au fait des questions du numérique, Jean-Baptiste Gourdin.

Mais la précipitation n’est pas toujours bonne conseillère. Alors que le calendrier du gouvernement Fillon prévoyait une présentation des dispositions législatives au parlement avant la fin de l’année 2012… le changement de majorité mettait brutalement fin au processus. Pour la nouvelle ministre de la culture Aurélie Filippetti, le CNM n’est pas possible. Constatant que celui-ci n’est ni budgété, ni sécurisé d’un point de vue juridique elle annonce le 26 juin 2012 lors d’une interview au journal le Monde qu’elle met un terme au projet  : « Nous n’avons pas réellement besoin d’un nouvel établissement public, qui nécessiterait, en plus des ressources existantes, 50 millions d’euros. Ce n’est pas possible actuellement ».

L’onde de choc dans la profession est profonde amenant la ministre, un peu plus tard, à nuancer son propos. Le 26 septembre 2012, elle se dit ouverte à la réflexion et affirme sa volonté politique de soutenir financièrement la production. Mais le nouveau pouvoir a lancé dès son arrivée une nouvelle mission confiée à Pierre Lescure, elle dit en attendre ses conclusions pour début 2013.

Depuis… la confusion s’est installée, Pierre Lescure a rendu ses conclusions : 81 propositions qui se devaient d’être l’ossature d’une grande loi, marquant l’acte 2 de l’exception culturelle française. Pour l’instant une seule de ces propositions a été mise en œuvre, la sanction par la coupure de l’accès à internet a été remplacée par une amende, et l’HADOPI (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet) est toujours là.

Devant la mise en place d’une telle stratégie de l’inertie, aggravée par la proximité des élections municipales, la rue de Valois s’est sans doute sentie obligée de sortir du bois et de faire une annonce : « L’engagement du Président de la République était de reprendre le chantier du CNM (Centre national de la musique), cela ne voulait pas dire créer un établissement public qui s’appellerait CNM. Cela voulait bien dire assurer l’accompagnement du secteur musical, du secteur de la production musicale. Ce sera le rôle d’un CNV (Centre national de la chanson, des variétés et du jazz) profondément rénové et réformé. Nous travaillons pour pouvoir avoir un financement d’ampleur du CNV destiné au secteur de la musique. Ce sera le grand chantier de cette année. ».

On savait le projet d’établissement public fusionnant diverses structure en charge de la musique mort-né, on apprend donc que c’est l’un d’entre eux qui a été choisi pour porter les promesses présidentielles : le Centre National de la Chanson, des variétés et du jazz (CNV), dirigé par Jacques Renard, haut fonctionnaire du ministère de la Culture, qui a dirigé le cabinet de Jack Lang. Ce denier va donc connaitre d’importantes modifications pour en faire « le réceptacle du financement dédié à la musique ». Cela reste pour le moins vague !

L’annonce de la validation par la Commission européenne le 21 novembre 2013 de la Taxe sur les distributeurs de service de télévision (TSTV), initialement prévue pour apporter des financements nouveaux (rendement attendu de 270 millions euros en 2014) à ce futur CNM, a relancé la pression des professionnels sur le gouvernement.

Mais le scepticisme est de règle dans la filière, ce qu’exprime Bruno Lion (Président de Tous pour la Musique) : « L’annonce d’une réforme du CNV (Centre national de la chanson, des variétés et du jazz), qui deviendrait le “réceptacle du financement dédié à toute la filière musicale”, par la ministre de la Culture et de la Communication est d’abord une grande joie pour l’ensemble de nos métiers. Mais un certain nombre de questions restent en suspens. Sur les financements, la ministre reste trop vague. ».

Pourtant Patrick Bloche (SRC), président de la commission des affaires culturelles à l’Assemblée nationale a déclaré de son côté le 3 décembre, à l’occasion d’un colloque organisée par l’Adami (Société pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes) : « Je soutiens l’idée qu’il puisse exister, sur le modèle du cinéma, une sorte de fonds de soutien pour financer la musique. Je ne désespère pas que le CNM (Centre national de la musique), qui avait l’inconvénient de ne pas être budgété au moment de l’alternance, le soit un jour. J’y crois beaucoup ».

On dit les peuples sans mémoires, heureusement, car sur ce sujet : l’avenir de la filière musicale à l’ère du numérique, cela fait un bon moment que les pouvoirs publics, pour le moins ne manifestent aucun courage, pour le pire se moquent du monde, jugez-ne vous-mêmes :

- 30 juin 2006 : la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite loi DADVSI.

- Septembre 2006 : la Mission Olivennes, qui aboutit à un 1er rapport : « Le développement et la protection des œuvres culturelles sur les nouveaux réseaux » publié le 23 mai 2007.

- Novembre 2007 : les accords dits de l’Elysée débouchent sur le projet de l’Hadopi.

- 12 juin 2009 : la loi Création et internet instaure, entre autres, la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi).

- Septembre 2009 : la mission Zelnik est créée et aboutit à un second rapport : « L’offre légale de contenus culturels sur Internet et la rémunération des artistes et de tous ceux qui concourent à la création de ces œuvres » remis en janvier 2010 au ministre de la Culture.

- Janvier 2010 : mise en place de la mission de médiation, confiée à Emmanuel Hoog, pour « mettre en place un régime de gestion collective obligatoire des droits liés à la mise çà disposition interactive de musique ».

- 2011-2012 : une réflexion est engagée sur la création d’un Centre national de la musique (CNM), une mission est confiée à Marc Thonon, Daniel Colling, Alain Chamfort, Didier Selles et au député Franck Riester, laquelle aboutit à un 3ième rapport : « « Création et diversité à l’ère numérique » »

- Juillet 2012 : Pierre Lescure se voit confier une nouvelle mission avec pour objectif de réunir les éléments pour une grande loi qui serait l’acte II de l’exception culturelle, laquelle aboutit à un 4ième rapport « Contribution aux politiques culturelles à l’ère numériques ».

- Septembre 2013 : Christian Phéline est missionné pour « objectiver » les recommandations de la mission Lescure sur la musique en ligne et le partage de la valeur entre artistes, producteurs et sites…, naissance d’un 5ième rapport : « "Musique en ligne et partage de la valeur – État des lieux, voies de négociation et rôles de la Loi".

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1 réactions à cet article    


  • claude-michel claude-michel 2 février 2014 11:12
    Un centre national de la musique.... ?...La musique est universelle...pas la peine de vouloir la mettre dans un centre (gauche)... ?

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