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Fraîcheur et jeunesse. Les Pièces de Clavecin en Concerts de Rameau par Les Timbres

Le 250ème anniversaire de la mort de Jean-Philippe Rameau (1683-1764) bat son plein un peu partout sous l’égide de différents projets discographiques. Je ne pensais pas y mettre mon grain de sel mais c’était sans compter ce disque de l’ensemble Les Timbres sorti chez Flora et consacré aux Pièces de Clavecin en Concerts. Une excellente surprise que je vous invite d’ores et déjà à découvrir.

La composition des pièces que composent ce recueil se situe vers 1740 pour être publié en 1741. Chronologiquement, c’est la quatrième apparition du clavecin dans l’oeuvre de Rameau après trois livres pour le clavecin seul publiés respectivement en 1706, 1724 et 1728. Entre ce dernier livre pour clavecin seul et les Pièces en Concerts, aucune trace de musique instrumentale, Rameau s’attèle à l’opéra. La révolution qui s’opère dans les années 1737/38 avec la parution des sonates pour clavecin enrichies d’un violon de Mondonville laisse un impact sur la production musicale future, et Rameau en premier puisqu’il en fait état dans son « Avis aux Concertans » en prélude à la partition. Cependant, Rameau va plus loin : en plus du violon est ajouté une viole et la partie de clavecin n’est plus une basse chiffrée mais une partie « réalisée », évitant ainsi les imperfections et donnant au clavecin non plus le rôle de soutien harmonique mais celui d’instrument principal.

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Dix-neuf pièces dont quatre danses (menuets et tambourins) forment les cinq concerts. Les titres évoquent soit un lieu géographique - Le Vézinet - soit des caractères liés aux souvenirs d’une personne - La Timide. D’autres enfin rendent hommage à des personnalités avec le monde musical - La Marais

Préférant le terme « concert », plus souple, à celui de « sonate », Rameau établit une grille d’effectif à géométrie variable où il laisse entendre que ces pièces peuvent être jouées au clavecin seul sans que la qualité de la musique ne soit altérée. Une flûte peut aussi remplacer le violon - ou un deuxième violon seconder le premier - à défaut d’utiliser la combinaison originelle.

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La version qu’en donne Les Timbres est d’emblée admirable. Les premières mesures donnent le ton tant dans la cohésion du trio que la liberté de parole, et il est d’autant plus réjouissant de le signaler que c’est le premier disque de l’ensemble. Cinq ans après leur Premier Prix obtenu au Concours International de Bruges, ils mettent la barre très haut en proposant un discours lumineux et fluide ainsi qu’une énergie favorisant cette lecture tout en relief. Ecoutez le dialogue des cordes ou l’autorité et la tendresse du clavecin de Julien Wolfs. Tout semble facile sous leurs doigts et archets alors que c’est l’un des recueils de musique de chambre les plus redoutables. Désarmante La Cupis, brillante L’Agaçante, gracieuse La Boucon rendue à sa juste valeur, tout ceci est frais, enjoué, équilibré ; les intentions sont diablement précises et la conduite des phrases d’une clarté limpide comme en témoigne la Fugue La Forqueray

Virtuose La Rameau ? Jamais trop car le trio sert cette musique en musiciens sensibles, tapissant ces mouvements de fusion entre viole et violon comme autant de possibilités de mettre en valeur la science harmonique de Rameau. A noter que la viole de gambe de Myriam Rignol, copie de l’instrument conservé à la Cité de la Musique de Paris, possède huit cordes au lieu de sept afin de simplifier le registre aigu mis à contribution dans ces pièces. Autant de petit détails qui honorent ce (grand) disque d’une force poétique troublante. Une certaine quintessence de la musique de chambre en somme.

_____________________

Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Pièces de Clavecin en Concerts avec un violon et une viole (Paris, 1741)

I. Quatrième concert - La Pantomime, Loure vive
II. Cinquième concert - La Cupis, Air tendre
III Deuxième concert - L’Agaçante, Rondement

Ensemble Les TImbres

Yoko Kawakubo, violon
Myriam Rignol, viole de gambe
Julien Wolfs, clavecin

2014 Flora, FLORA3113

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Ce disque peut être acheté ICI


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2 réactions à cet article    


  • Christian Labrune Christian Labrune 6 septembre 2014 11:48

    à l’auteur
    Merci pour cette information. Il ne reste plus qu’à se procurer l’enregistrement.
    On ne se lasse jamais de la musique baroque. Celle de Rameau me fait toujours penser à ces vers de La Fontaine, dans « Les amours de Psyché et Cupidon » :

    J’aime tout, il n’est rien qui ne me soit souverain bien
    Jusqu’au sombre plaisir d’un coeur mélancolique.

    S’il fallait donner un équivalent pictural, ce serait probablement les paysages de Watteau, son contemporain, lesquels me font penser aussi à ces vers beaucoup plus tardifs de François Coppée :

    Marquise, vous souvenez-vous
    Du menuet que nous dansâmes ?
    Il était discret, noble et doux,
    Comme l’accord de nos deux âmes.

    Aux bocages, le chalumeau
    A ces notes pures et lentes ;
    C’était un air du grand Rameau,
    Un vieil air des Indes galantes.


    • Frédéric Degroote Frédéric Degroote 6 septembre 2014 14:08

      Merci pour ce mot, Christian ! Vous verrez, vous ne le regretterez pas, ce disque est une merveille. Et ce jeune ensemble a bien besoin d’être connu (ils viennent d’obtenir un Diapason d’or pour ce disque).


      Vos comparaisons sont judicieuses !


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