Tunisie - Election législative : faut-il en rire ou en pleurer ?
A voir les plateaux TV des chaînes de TV nationales et privées de Tunisie on remarque une jubilation de soulagement qu'expriment les invités politiques, observateurs, journalistes et autres analystes, comme si tous n'ont retenu de ce scrutin législatif que le net recul d'Ennahdha et l'émergence de Nidaa Tounes.
Faut-il rappeler l'enjeu de ces élections ?
Si pour les Tunisiens il était clair qu'il fallait écarter les Frères musulmans de tout pouvoir pour leur idéologie néfaste qui a mis à genou la Tunisie en 3 ans de pouvoir, et les occasions n'ont pas manquées pour leur dire leur rejet (assassinats politiques de Chokri Belaid, de Lotfi Naghedh, de Mohamed Brahmi ...) ; pour l'opposition, son attitude vis à vis des Frères nahdhaouis, a agacé bon nombre de Tunisiens d'autant qu'elle traitait les "Ikhwansjia" nahdhaouis comme s'ils étaient incontournables et indispensables à la vie politique en Tunisie. Obéirait-elle à des "pressions" étrangères qui veulent que les islamistes restent coûte que coûte au pouvoir ou du moins dans le paysage politique en Tunisie, depuis que leurs "frères" en Egypte ont été écartés du pouvoir et leur parti a été interdit pour cause de terrorisme ? Il faut croire que oui ! Faisant de la Tunisie un laboratoire pour expérimenter de nouveaux concepts "démocratiques" qui choqueraient les démocrates des vieilles démocraties mais qu'ils imposent aux démocrates tunisiens ! Rappelez-vous les manifestations massives quotidiennes durant plus d'un mois, pour dire "dégages" à Ennahdha responsable de tous les malheurs des Tunisiens et des assassinats politiques ! Que fit chaque fois l'opposition ? Elle a repris le dialogue après chaque assassinat avec les responsables politiques de la mort de Lotfi Naghedh, de Chokri Belaid et de Mohamed Brahmi ! Et de "consensus", en "dialogue national", concepts que découvrent ahuris les démocrates tunisiens ; l'opposition a chaque fois légitimé un parti qui a perdu toutes les légitimités et en premier la légitimité électorale ! Ce qui est une première en "démocratie" : des élus refusent de respecter le peuple ni le mandat qu'il leur accorde ni sa durée ... et l'opposition acquiesce !
Et depuis, les tunisiens ont compris le rôle joué par les américains et les européens qui soutiennent les islamistes : ils voulaient par tous les moyens imposer les Frères musulmans aux Tunisiens ; poussant le cynisme jusqu'à prétendre que leur islamisme est modéré et compatible avec la démocratie ! D'où leur idée de "consensus" et de "dialogue national" pour redonner leur chance à des "frères" que les tunisiens exècrent de plus en plus, transformant ainsi la Tunisie en laboratoire expérimental pour une "démocratie spéciale" pour le "monde arabe", après l'échec de la démocratie version occidentale en Irak, inadaptée aux "arabes" , selon leurs analystes !
Selon les estimations des observateurs, Ennahdha compterait entre 500 000 et 800 000 entre adhérents et sympathisants. Alors que le nombre d'électeurs potentiels tunisiens est estimé à 5 millions !
Au vu du résultat des élections législatives et des premières estimations, on s'étonne de voir que Nida Tounes ne récolterait que 37 % voix alors qu'Ennahdha en récolterait 26 % !
Alors que logiquement les Tunisiens auraient pu à l'occasion de ce scrutin sanctionner sévèrement Ennahdha comme ils ont sanctionné CPR & Ettakatol !
Comment expliquer cela ?
- Le laxisme dont a fait preuve l'opposition envers les frères musulmans nahdhaouis a désespéré et découragé beaucoup de tunisiens qui ont opté pour l'abstention !
Dans le contexte de chaos organisé par Ennahdha, il lui était facile de mobiliser ses sympathisants car elle a les moyens financiers pour le faire grâce à la générosité du sponsor des Frères musulmans : l'émir du Qatar !
- Ennahdha durant le gouvernement de la troïka qu'elle dominait, a infiltré tous les rouages de l’État et ses administrations, comptant bien sur ses hommes de les miner de l'intérieur !
Lors des élections législatives les tunisiens ont pu constater à leurs dépens une fois de plus l'étendue de la main mise d'Ennahdha sur leurs administrations ; puisque bon nombre de tunisiens n'ont pu voter pour raison de mauvaises organisations : amateurisme diraient certains ou sabotage penseraient d'autres ! Et comme par hasard les "oubliés" de l'ISIE sont anti-Ennahdha, ce qui fut le cas de beaucoup de tunisiens vivant à l'étranger !!
- Rappelez-vous les incidents à répétition pour empêcher la vie démocratique des partis, empêchant ou perturbant les meetings de l'opposition, par les "salafistes-enfants" de Ghannouchi si ce n'est par les prétendus "protecteur de la révolution" (LPR), les protégés de Marzougui !
- Faut-il rappeler le rôle du terrorisme qui comme par hasard reprend chaque fois qu'Ennahdha est dans la difficulté ... et dont les derniers actes terroristes ont eu lieu en pleine période électorale, à dessein !
Certains "positivistes", comme pour se donner du courage, estiment que c'est mieux que rien et surtout mieux que d'autres pays arabes encore dans la panade ! Puisque la Tunisie initiatrice du "printemps arabe", est encore la première à avoir tiré son épingle du jeu malgré l'ouragan islamiste qui l'a traversé durant trois ans !
L'avenir nous dira si la démocratie naissante malgré son accouchement douloureux, survivra et grandira pour permettre l'entrée de la Tunisie dans le club des grandes démocraties.
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