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Commentaire de Surya

sur Le collège unique, plaie ouverte de notre système éducatif


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Surya Surya 9 juin 2009 13:02

Bonjour Alex,


Ton article propose à mon sens deux interprétations possibles de l’idée de « collège unique ». La première repose sur son opposition à l’idée de classes de niveau, et est plus idéologique, et la seconde se réfère à la diversité des matières enseignées, l’absence de choix suffisants dans le cursus, donc un seul et unique cursus pour tout le monde.

Je partage ton avis concernant la diversification des matières, mais pas vraiment en ce qui concerne la nécessité d’instaurer des classes de niveau. Voici donc mon point de vue :

1) Pour ce qui est du manque de diversité dans les matières proposées, donc là où je partage ton avis, personnellement j’aime bien aussi le système tel qu’il a été instauré en GB (« A levels »), avec un choix important de matières, et l’équivalent d’un bac pour chaque matière, et non un seul bac global pour toutes les matières. Il faut au minimum trois « bacs » pour entrer à la fac, à l’élève de choisir les matières qui lui seront nécessaires, (et d’en ajouter d’autres s’il le souhaite). Je ne sais pas si ce système est toujours en vigueur là bas de nos jours, mais selon moi c’est parmi les meilleurs. Visiblement ça ressemble fort au système américain que tu décris.

Déjà, ça permet de ne repasser l’année suivante que les matières que l’on a ratées, et pas la totalité de l’examen ! Deuxièmement, ça permet, comme tu le fais remarquer, à ceux qui souhaitent se spécialiser très tôt, de le faire en fonction de leurs vocations (mais rien n’empêche d’étudier plus de trois matières), et finalement cela donne le droit à l’erreur si on pense que l’on s’est mal orienté, et cela offre plus tard aux adultes qui le souhaitent de réelles opportunités de reconversions professionnelles, de changer radicalement de voie.


2) Pour ce qui est des niveaux, il faut sans doute faire plus encore la distinction entre :

- classes de niveau à l’intérieur d’un seul collège (exemple la « 6ème1 » regroupera les bons élèves et la « 6ème2 » les élèves en difficulté, donc système officiellement rejeté, à juste titre à mon avis)

- les regroupements de niveaux, si je peux dire, qui existent malheureusement à cause du lieu géographique où se situe le collège,

- et les disparités au sein d’une même classe.

— Un collège ZEP situé dans certains quartiers où, par exemple, le taux de chômage est élevé, où les familles qui y vivent n’ont pas forcément eu la chance de recevoir une instruction longue, ou qui ne maîtrisent pas bien le français, a plus de chances de regrouper des enfants qui auront plus de difficultés que des élèves scolarisés dans des quartiers regroupant des familles d’un niveau socio culturel très élevé. C’est une triste réalité et il faut se battre contre ça. Tu parles des élèves qui cherchent à échapper à la carte scolaire et vont dans le privé, mais il faut garder à l’esprit qu’il y a des établissements publics bien meilleurs que certains établissements privés. Privé ne veut pas toujours dire qualité.

— Maintenant, tu poses très justement le problème des disparités au sein d’une même classe, soit disant de même niveau puisqu’officiellement c’est le cas. La mixité est facteur d’enrichissement, mais si l’on regarde les choses par rapport à l’efficacité de l’enseignement, alors c’est vrai que les classes étant surchargées, une trop grande disparité rend le travail de l’enseignant très difficile, et handicape certains élèves, qu’ils soient en grande difficulté ou au contraire en grande facilité d’apprentissage.

Tu peux en effet avoir des différences de niveau considérables dans une classe et du coup, les enseignants sont obligés de laisser sur le bas côté de la route les élèves en réelle difficulté (car ils n’ont tout simplement pas le temps de s’occuper d’eux individuellement, ce dont ils ont besoin) mais aussi les élèves ayant une grande rapidité de compréhension et d’apprentissage, car comme tu le dis la répétition est alors insupportable, et à la fin certains finissent par décrocher ou prennent l’habitude de rêvasser en attendant que ça se passe. Or, les enseignants n’ont pas le temps d’approfondir, d’offrir plus de contenu, et ils n’ont pas non plus le temps de préparer des exercices supplémentaires et ensuite de les corriger.

— Dans les deux cas, élève en grande difficulté ou élève en grande facilité, il y a comme tu le dis un problème, un risque que cela aboutisse à un échec scolaire, mais pas pour les mêmes raisons.

— Cependant, mon opinion est que les problèmes viennent en fait des effectifs et non des différences de niveaux. C’est là, à mon avis, le réel nœud, que l’on refuse de dénouer. Entasser 35 élèves dans une classe et demander ensuite à l’enseignant de leur assurer un même bagage de connaissances, c’est tout simplement impossible, c’est prendre les enseignants soit pour des imbéciles, soit pour des surhommes et surfemmes, et c’est du mépris envers les élèves. Les classes surchargées seraient impossibles à gérer même dans une classe dite « de niveau ». Avec quinze élèves par classe, l’enseignant aurait le temps de s’occuper de tout le monde, et pourrait prendre en compte toutes les différences, toutes les individualités, enfants en difficulté, enfants précoces, etc.

Pour gérer efficacement une classe dont les niveaux sont très divers, il faudrait donc que l’enseignant puisse dégager du temps pour prendre à part des tous petits groupes d’élèves en grande difficulté, et donc que les élèves en grande facilité aient droit à plus d’autonomie. Je pense que l’enseignant devrait avoir la possibilité d’autoriser l’élève ayant fini son travail à lire, se documenter, sortir de la classe pour aller en bibliothèque, aider les autres… au lieu d’attendre. Impossible dans une classe surchargée.

— Finalement, pour déterminer le niveau d’un élève, on le juge par rapport à ses performances générales, et non matière par matière. Avec cette méthode, on organiserait des classes de niveau très figées, qui ne reflèteraient pas les réelles compétences dans chaque matière, et ne permettraient aucune mobilité.

La solution résiderait alors dans un réel système « à la carte », un collège totalement « ouvert », où l’élève passerait d’un groupe à l’autre pour suivre le cours correspondant à son niveau réel dans chaque matière. Tel prof de maths, par exemple, au lieu d’enseigner à tous les élèves de telle classe de 3ème, serait chargé d’enseigner à ceux (quelque soit leur âge) ayant acquis telles et telles compétences. Système idéal, mais pas réaliste : j’imagine déjà les problèmes de gestion que cela engendrerait, autant pour les profs que pour les élèves eux-mêmes, pour déterminer avec justesse chaque niveau, et avec les changements de groupe en plein milieu d’année, en raison des progrès effectués…

Pour conclure ce (trop) long commentaire, je pense que tu as bien compris le problème en cela qu’il faudrait officialiser et accepter une situation qui existe bel et bien (niveaux différents, mais je ne parle pas des injustices liées aux problèmes sociaux, bien sûr), mais dont on nie la réalité, mais je crois d’une part que ce serait stigmatiser l’élève en difficulté (sauf dans un système ouvert où il sait qu’il a la possibilité de changer de niveau en cours d’année) que de créer des classes de niveau, et d’autre part je pense qu’il est plus important (et urgent) d’instaurer des classes à petits effectifs. C’est sans doute la solution la plus réaliste si toutefois on décide enfin de la mettre en place. Mais petits effectifs veut dire plus de classes, donc plus d’établissements scolaires à taille humaine, donc plus de profs à payer…



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