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Commentaire de easy

sur Doit-on sacrifier nos élèves scientifiques sur l'autel de l'égalité ?


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easy easy 1er janvier 2013 14:39

@ Alain

Vous m’avez écrit

*** Vous êtes sans aucun doute quelqu’un qui présente à ceux qu’il invite’à sa table, les épluchures de pommes de terre et les fonds de casseroles qui ont servi à préparer le délicieux gratin dauphinois... ****

Nous voilà en psychanalyse.
Et vous voyez juste.
Très juste.

Je bous d’une vieille rage à fondamentaux automatiquement psychanalytiques qui tiendrait en mon regret du déni que nous faisons trop facilement du passé par ici, en France.

Quoi ? Les Français dénient leur passé alors qu’ils bassinent le Monde de leur Vercingétorix et de leurs Lumières ? 

Oui, à mon sens oui, ils dénient leur passé individuel au profit de leur passé collectif.

La nuance est de taille car dans le premier cas, on doit s’accommoder d’un grand-père assassin dans l’autre on se gargarise de panthéonisés. Dans le premier cas on se retrouve seul à se nourrir d’un passé pas forcément merveilleux, dans l’autre on se contente de coaguler à quelque Lavisserie.

Des Français capables de se démerder d’un grand-père Dominici, je n’en ai jamais vu. Ils préfèrent largement forfanter de Voltaire, Lavoisier ou Napoléon.


Lorsque 100% des élèves d’une classe de France sont indigènes de l’Hexagone, chacun peut dénier son Dominici de père et refonder son image sur quelque Moulin. Le bidonnage est jouable. 
Lorsque 20% des élèves d’une classe de France sont exotiques de l’Hexagone, ce bidonnage est impossible sauf à sauter aux yeux qu’il est apostatique et honteux.

Il découle tant du bidonnage franco français que de l’hyper bidonnage exotico-français, un empilement de dénis sur la vérité ontologique.
On se retrouve tous à croire qu’un nugget surgit soit d’un nuggetteur glorieux soit de son propre pouvoir philosophal issu de son pouvoir d’achat mais ni d’un poulet ni d’un éleveur de poulet.

Ça fait que chacun ne se voit plus de responsabilité que choisie.


Au Vietnam, va savoir pourquoi, je n’avais jamais vu de près la culture du riz. J’en mangeais sans savoir qui le produisait ni comment. Un jour, mon père viet m’a non pas raconté la chose, ce qui est dommage, mais m’a dit en tous cas et en synthèse que chaque grain résultait d’une peine, d’un effort, d’un sacrifice. Et qu’il était alors indécent d’en perdre un seul.
A la fin d’un repas, le bol doit être vide et même rincé du bouillon de légumes qui accompagne tout repas.
Depuis, je plie mon corps pour ramasser le moindre grain tombé, le moindre bout de ficelle, la moindre peine...

C’est en France que j’ai découvert qu’il y a des gens considérant urbain de ne surtout pas vider son assiette. 

Dans le premier cas, celui de mon père, ethos est fondé entièrement sur le gueux qui peine à fabriquer la nourriture.
Dans le second, ethos est fondé sur soi. On ne doit surtout pas démontrer qu’on est un ventre. 

Vous avez très bien perçu mon fonds éthique.
Je vais effectivement à poser autour des frites, les épluchures ; autour du surimi, les arêtes ; autour du nugget, les plumes ; autour des confiseries, les chaînes ; autour du thé, la colonisation.

Il y a, dans le repas qu’on sert, non seulement un sacrifice d’efforts mais aussi un sacrifice de vie, un drame.
Il y a le fait que la bonne a tué le poulet pour nous livrer le rôti. Elle l’a fait en arrière-cuisine. Elle nous a épargné de la charge morale que ce meurtre représente. Elle a tout pris sur elle, elle a sacrifié son âme pour que les convives puissent dénier leur dureté et prétendre alors à quelque sainteté.
Ce sacrifice de la bonne, de l’abatteur, de l’égorgeur de poulet, je trouve plus logique de le partager entre convives afin de leur éviter le sentiment de supériorité morale en « Je suis innocent ».
De nos jours que nous ne chassons ni ne pêchons, que nous ne participons plus au tuage du cochon, nous allons trop à jouer les saints et à faire alors procès aux autres en prenant une posture d’oie blanche. 
 

Je me sens capable de tout assumer, crimes compris, égoïsmes compris, gavage d’oies compris.
Pas fier, pas honteux, capable.
Ça me permet de ne pas me prendre pour un saint.
Et ça m’interdit de reprocher aux autres de ne l’être pas.






***** Combien de bachelier savent quel triangle se construit sur le diamètre d’un cercle et un point quelconque de la circonférernce ???? *****

Je pense qu’ils l’auraient mieux réalisé si leur prof avait procédé en éllipse-cercle en utilisant une ficelle, deux clous et un marteau.

Vous vous souvenez forcément des expositions de surfaces gauches au Palais de la découverte. Sur cadres de bois et de fer, tendues des ficelles, ficelles.
Vous vous souvenez aussi des tendances à offrir aux enfants des jeux et matrices à rosaces, des tableaux faits de ficelles tendues entre des clous sur une planche peinte en noir. Ficelles, ficelles.
Des boules de ficelle collée formant luminaire plafonnier, ficelle, ficelle 
Des jouets à roulettes qui étaient très souvent munis d’une ficelle pour les tirer. Caisses à savon aussi. Cordes à sauter, diabolo, bilboquet, toupie, noeuds de marins, ficelles, ficelles.
Arc, lasso, bolas, ficelles, ficelles
Guitare, harpe, violon, dan bau, viole, cithare, piano, ficelles, ficelles 
Ponts suspendus, ficelles, ficelles
Les élastiques aussi étaient de la partie, bien entendu.
Une sonnette, c’était une clochette mais une ficelle aussi.
La marine, c’était de la ficelle, de la ficelle. Les plus longs bâtiments de France étaient pour faire de la corde.
Une usine c’était un moulin ou une machine puis des poulies, ficelles, ficelles.
Fil à plomb, cordeau, ficelle, ficelle 
Lacet, ceinture, cravate, lavallière, corset, couture, tricot, ficelles, ficelles 


Il y avait donc le cheval et la ficelle qui donnaient aux gens un certain sens des choses. Ce sens s’est perdu avec la motorisation, l’électricité et l’électronique.

Si l’on blâme les étudiants d’aujourd’hui sans avoir en tête ces mises en perspectives ontologiques, on ne peut pas les comprendre.




D’autant qu’on manque, à mon sens, de souligner ce qu’elle fait de très surprenant notre jeunesse.
 
Sur le plan physique, à corps nu, elle fait des choses inédites et époustouflantes que nul n’aurait cru faisables il y a un siècle. Je parle des acrobaties bien physiques de type parkour ou street danse.

C’est comme si les trucages du cinéma dans le genre Spiderman poussaient les jeunes à en faire une réalité. C’est comme si la jeunesse cherchait à rendre vaine la robotisation. Un droïde parvient-il à descendre lentement un escalier sur ses deux jambes que les jeunes parviennent à grimper aux murs et à descendre des cîmes en vélo. 

N’est-il pas paradoxal qu’au moment où tout semble pousser l’Homme à ne plus vivre qu’en polype polyprothésé et où il y a effectivement de plus en plus d’obèses, qu’il y ait aussi une partie de la jeunesse particulièrement gibbon-grenouille-poisson-araignée ?

Ce retour au physis polyanimaliste, superanimaliste et hyperagiliste me semble intéressant à observer et à comprendre d’autant que nul ne l’avait prévu.
Cette tendance me semble être survivaliste par le physis direct alors que le survivalisme de la Guerre Froide était ultra matérialiste : plus de missiles, plus de bunkers, plus de provisions


Je trouve absurde qu’un prof méprise totalement un cancre alors que ce dernier est capable d’effectuer un mouvement que son prof ne peut même pas concevoir. Il y a un procédé séparant de façon absurde les acrobaties intellectuelles des acrobaties physiques, ainsi que ce qui est normé de ce qui est individuel. 
 
Nous pouvons et devons reconsidérer l’Ecole mais il faut tenir compte de tout ce qui est observable depuis tous les points d’observation, ceux des chaires et ceux des chairs, ceux de l’urbain et ceux du sauvage, ceux du collectif et ceux de l’individuel.


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