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Commentaire de Christian Labrune

sur Des leurres de profs...


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Christian Labrune Christian Labrune 14 décembre 2016 00:28

MANIFESTE POUR L’INSTRUCTION PUBLIQUE Appel à la résistance

Le système d’instruction publique français est en train de sombrer. Cette évidence ne peut échapper à quiconque fréquente les établissements scolaires. Il reste qu’à l’extérieur, elle est mal connue : la presse n’informe plus et le mutisme complice des organisations syndicales majoritaires paraît s’accorder avec l’étrange silence de l’immense majorité des enseignants. Pour notre plus grande honte.

Nous avons à dénoncer ici une forfaiture  : de très nombreux enseignants, dont la vocation était d’instruire, n’ont aujourd’hui d’autre choix que de participer, bon gré mal gré, à une entreprise d’abrutissement dont leurs élèves sont les premières victimes. Savoir lire et écrire correctement est redevenu, pour ainsi dire, le privilège d’une élite. Ces enseignants, qui cèdent souvent sans lui opposer la moindre résistance à la tyrannie imbécile des prétendues « sciences de l’éducation  » et de leurs zélateurs (inspecteurs, formateurs et autres tuteurs), abdiquent leur véritable mission. Par désinvolture ou par sottise, ils se font les agents aveugles et irresponsables d’une immense machine à détruire l’intelligence. Ils acceptent sans broncher que l’école soit mise au service d’intérêts radicalement opposés à une certaine idée de l’homme, que les siècles passés nous avaient laissée en héritage.

Des réformes successives ont peu à peu affaibli l’institution, réduit sa capacité à instruire. Longtemps, il a été possible de croire que l’évolution négative de l’état des choses résultait d’erreurs, de compromis hasardeux. Mais aujourd’hui, plus de dix ans après la promulgation de la Loi d’orientation du 10 juillet 1989, qui entérine la transformation de l’institution scolaire en « service public », aucun doute n’est plus permis : l’école a perdu sa mission d’instruire et devient peu à peu l’instrument privilégié du contrôle social et de la propagande.

L’objectif des gouvernements, quels qu’ils soient, soumis aux pressions des instances économiques internationales, est clairement de détruire de fond en comble le système d’instruction publique, en France comme ailleurs. Disqualification des professeurs, abandon du principe de laïcité sur lequel se fonde pourtant l’école de la République ; savoirs fondamentaux que l’on a rabaissés au rang de simples prétextes éducatifs et relégués à la périphérie d’un « système » dont l’élève, par pure démagogie, est devenu le centre ; déconcentration et autorité accrue des chefs d’établissement ; T.P.E., N.T.I.C., E.C.J.S., et aujourd’hui I.D.D. Voilà énumérés les principaux moyens d’une politique désastreuse arrivée à son terme.

On voit maintenant des professeurs s’épuiser dans les collèges à enseigner ce que les instituteurs ont été empêchés de transmettre ; un peu partout, des individus isolés tentent l’impossible – souvent en vain – pour sauver ce qui pourrait encore l’être. La possession du baccalauréat n’empêche plus désormais, dans bien des cas, qu’on puisse être, stricto sensu, parfaitement illettré. Dans quelques rares établissements – très privilégiés – si on enseigne encore quelque chose, c’est qu’il faut bien permettre la reconstitution des élites. Partout ailleurs, le chaos et la violence s’installent.

C’est que, dans de trop nombreux collèges et lycées, le simple droit d’étudier se trouve refusé à ceux qui veulent être instruits, par l’obligation qu’on leur a faite de côtoyer et subir ceux qu’on a rendus incapables d’apprendre et que la perversion des règles de discipline encourage à la violence aveugle de la délinquance. Ces derniers finissent toujours par imposer leur loi particulière, en toute impunité. On a voulu définir – atroce ironie ! – les établissements scolaires comme des « lieux de vie » ! Mais dans certains cas, ce n’est pas seulement l’intelligence de la jeunesse qu’on laisse mourir, c’est la jeunesse elle-même qu’on tue.

Nous accusons les gouvernements qui se sont succédé de s’être faits, sous couvert d’une phraséologie démagogique et fallacieuse dont seuls des imbéciles pourraient désormais être dupes, les exécutants de la politique la plus cynique et la plus basse qu’on ait vue en France depuis des décennies. Politique d’abrutissement et d’asservissement des masses, politique fondée sur le mépris de l’homme et de toutes les valeurs qui font une civilisation.

Nous accusons les syndicats majoritaires d’avoir prêté main-forte à ces gouvernements. Ils ont fait marcher les professeurs, au sens propre comme au sens figuré, dans d’innombrables manifestations contre une politique qu’ils entendaient délibérément soutenir et favoriser tout en prétendant hypocritement le contraire. Ils ont pris le contrôle des inévitables mouvements de contestation qu’elle suscitait. Ils ont sciemment égaré des milliers d’adhérents, leurs dupes, dans des voies qui ne devaient les mener nulle part sinon à l’acceptation de ce qu’on avait prétendu d’abord les inciter à contester.

Le pitoyable S.G.E.N.-C.F.D.T., le S.E.-U.N.S.A., les syndicats de la F.S.U. (S.N.E.S., S.N.E.S.U.P., S.N.U.i.p.p., etc.) ne sont pas des syndicats ; ce ne sont que les rouages d’un mécanisme bien huilé dont la véritable fonction est aujourd’hui, plus que jamais, d’enrégimenter ceux dont ils prétendent défendre les intérêts moraux et matériels. Ils ont inspiré certaines des dispositions les plus pernicieuses des prétendues réformes. Ils font actuellement tout ce qui est nécessaire pour que les enseignants ne voient rien d’autre à faire que d’appliquer ce qu’ils ont naguère voulu refuser.

Nous appelons tous nos collègues à sortir de leur torpeur et à opposer une résistance déterminée à cette volonté totalitaire d’anéantir toute culture, de compromettre l’avenir des jeunes générations et donc celui du pays.

Il n’est plus possible d’être au S.G.E.N., à la F.E.N. ou à la F.S.U. sans se rendre complice d’une forfaiture !

Nous exhortons les adhérents de ces organisations à renvoyer leur carte et à s’organiser autrement. Nous appelons à la création d’un vaste mouvement de résistance qui puisse mettre fin au processus criminel dont nous sommes quotidiennement les témoins. Un mouvement qui rassemblera tous ceux qui ne peuvent plus assister en silence à la destruction insidieuse de notre système d’instruction.

Il y va de l’avenir de ce pays et des jeunes générations, comme de l’honneur de celles et ceux qui ont pour mission de les instruire. 2 février 2002


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