Des tigres et des dragons pour fêter le Singe
Le Nouvel an chinois (nónglì xīnnián) tombe cette année le 8 février en Chine (le dimanche 7 en Europe). Depuis hier, l’on est donc officiellement entré dans l’année du Singe (hóu). Un évènement qui, comme chaque année, sera abondamment fêté dans les jours à venir par les communautés asiatiques de Paris, entre défilés hauts en couleurs, animations et rendez-vous culturels...
En Chine, il convient d’être précis : c’est le 8 février à 22 heures 38 minutes et 54 secondes – heure de Beijing (Pékin) – qu’a débuté l’année du Singe de Feu (le Lion dans notre zodiaque). Elle succède à l’année de la Chèvre de Bois (la Vierge), après quoi, le 27 janvier 2017, elle cèdera la place à l’année du Coq de Feu (la Balance).
Dans toute la Chine, mais également dans tous les pays de diaspora, la « Fête du Printemps » associée à cet évènement calendaire déroulera ses fastes durant plusieurs jours*. Forte de sa population asiatique, Paris ne fera pas exception. Bien au contraire, ce Nouvel an chinois – mais aussi vietnamien : Fête du Têt –, est désormais une tradition bien ancrée. Elle sera l’occasion de nombreuses manifestations en divers lieux de la capitale où se sont, au fil des décennies, concentrées plusieurs communautés asiatiques. Ce sera notamment la cas dans le « Chinatown » du 13e arrondissement, mais aussi dans le Marais, à Belleville et dans le quartier de La Chapelle.
Avant d’en venir au programme des festivités parisiennes, un petit coup d’œil sur le zodiaque chinois (shengxiao) nous enseigne qu’il est, comme le zodiaque occidental, composé de 12 signes symboliques. En l’occurrence des animaux, exception faite du Dragon, seule créature mythique. Mais contrairement aux symboles occidentaux reliés à des constellations, les animaux chinois symbolisent chacun 1/12e de l’espace céleste, ainsi divisé naguère par les astrologues en fonction du mouvement des planètes relativement aux alignements d’étoiles de la Grande Ourse.
En Chine, c’est un calendrier luni-solaire qui sert de référence temporelle. Chaque année débute lors de la nouvelle lune comprise entre le 21 janvier et le 20 février, en l’occurrence la deuxième nouvelle lune après le solstice d’hiver. À l’animal zodiacal est associé l’un des « éléments » suivants : la terre (rigueur, autonomie), le métal (détermination, ambition), l’eau (intuition, communication), le bois (empathie, créativité) ou le feu (énergie, fécondité). C’est la combinaison des deux (soit un cycle de 60 ans) qui, alliée à l’alternance binaire de son « rameau » yin ou yang, donne son caractère particulier à l’année et à ses natifs.
À la différence du cycle zodiacal occidental qui fonctionne sur 12 mois, le cycle zodiacal chinois s’étend sur une période de 12 ans. À chaque année correspond l’un des 12 animaux du zodiaque. Dans l’ordre : le Rat, le Bœuf (ou le Buffle), le Tigre, le Lièvre (ou le Lapin), le Dragon, le Serpent, le Cheval, la Chèvre (ou le Bouc), le Singe, le Coq, le Chien, le Cochon (ou le Sanglier). 12 animaux que l’on retrouve également dans le cycle des mois, toujours dans le même ordre. 12 animaux encore présents dans le cycle des heures, à raison de 2 par signe. C’est ainsi qu’en ce lundi 8 février 2016 à 10 heures du matin, nous étions dans l’année du Singe, le mois du Tigre et la tranche horaire du Serpent.
Tout cela est fort intéressant, mais comment a été établi l’ordre de succession des animaux symboliques dans le calendrier chinois ? « Au moyen d’une course », affirment généralement les Chinois et les habitants des pays voisins. Certains par croyance, d’autres par superstition, la plupart par goût de la tradition. Seul diffère le nom de l’organisateur de cette fameuse course : on évoque Bouddha lui-même, Huáng Dì (L’Empereur Jaune), voire Yuhuang Dadi (L’Empereur de Jade). En réalité, peu importe le promoteur de l’idée car c’est une bien jolie légende qui, d’un bout à l’autre de la Chine, et dans de nombreuses régions du Sud-Est asiatique, décline en de multiples versions les péripéties de cette « Grande course » des animaux.
La déconvenue du Chat
On y apprend notamment comment le Rat s’est montré le plus rusé des 14 animaux au départ de l’épreuve, et de quelle manière ont été éliminés de la course l’Éléphant et le Chat, tous deux victimes du malin rongeur, et de ce fait définitivement écartés de la mesure du Temps. Une élimination acceptée avec fatalisme par les débonnaires éléphants, mais jamais digérée par les chats. À tel point qu’aujourd’hui encore, ces derniers, toujours en quête de vengeance, vouent aux rats une haine inextinguible. Pauvres chats : de cette épreuve vient également leur aversion de l’eau, le Rat de la Grande course ayant précipité le Chat dans une rivière pour s’en débarrasser. Pas très fair-play, mais efficace !
Depuis cette déconvenue, le Chat a pris sa revanche dans le monde asiatique, d’une manière inattendue, et grâce aux... Japonais qui, depuis la fin du 19e siècle, ont fait de lui le symbole de la Prospérité. Le maneki-neko est en effet visible partout, et bien entendu omniprésent chez les commerçants et les restaurateurs du Chinatown parisien, sa patte gauche levée en signe de bienvenue. Nul doute qu’il saluera les festivités et les animations programmées pour marquer l’entrée dans l’année du Singe de Feu.
À Paris, dès ce week-end se sont succédé sous les armatures métalliques et les verrières du Carreau du Temple (3e arrondissement) de nombreuses conférences et animations. Elles se poursuivront jusqu’au samedi 13 février, avec au programme : une découverte des costumes traditionnels, des démonstrations de calligraphie, des danses, des concerts, un ciné-débat, des lectures de contes, et même du maquillage traditionnel. Une excellente occasion, pour petits et grands, de découvrir les cultures asiatiques, notamment chinoise et vietnamienne.
Mais le clou du Nouvel an chinois interviendra le week-end prochain en deux temps : le samedi 13 février à partir de 14 h 30 sur la place de la République, puis le dimanche 14 février à partir de 13 heures dans le 13e arrondissement, sous la forme de deux grands défilés hauts en couleurs : au son des trompettes et timbales traditionnelles défileront en effet des centaines de participants costumés, vêtus de chatoyants costumes représentatifs de nombreuses régions de Chine et d’Asie du Sud-Est. Ces garçons et ces filles ne seront toutefois pas seuls à battre le pavé parisien : tigres, lions et dragons leur tiendront compagnie, ainsi que le héros de l’année qui s’ouvre : le Singe. Pour en savoir plus, et – pourquoi pas ? – faire partie des 200 000 spectateurs attendus, n'hésitez pas à cliquer sur Sortir à Paris : Nouvel an chinois.
Avant de nous quitter, un petit conseil aux amis des natifs du Singe : Tai Sui est une divinité peu aimable, et même irascible, qui prend comme un outrage personnel le retour de l’animal symbole dans la lumière du zodiaque annuel. Dès lors, ce dieu volontiers maléfique va tout faire pour pourrir la vie des personnes nées sous le signe de cet animal. Par chance, il existe un moyen de les protéger des agissements de Tai Sui : il suffit pour cela de leur offrir un objet rouge à porter sur eux ; cela peut être une parure plus ou moins discrète ou une pièce de vêtement, même intime. Par conséquent, si vous souhaitez protéger des natifs du Singe des agissements de Tai Sui, pensez à leur faire un petit cadeau, pourvu qu’il soit d’un beau rouge vif !
En cette nouvelle année, il ne nous reste plus qu’à avaler cul-sec un mini bol de baijiu ou, plus modestement, à boire une canette de Tsingtao pour arroser l’évènement. Gān bēi ! (À la vôtre !) et Xīnnián hǎo ! (Bonne année !)
* La « Fête du Têt » est l’équivalent vietnamien de la « Fête du Printemps » chinoise.
Documents joints à cet article
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON