La triste démonstration grecque
La Grèce de l’Antiquité a été le berceau miraculeux d’une philosophie dépouillée d’une spiritualité, d’un recours au divin qui étaient pourtant partie intégrante de la culture grecque, - dans Homère chaque héros est protégé par un dieu ou une déesse qu’il intègre dans sa personnalité comme une expression de cette grand idée qu’il y a une part de divin dans chaque être humain-, et qui dominait également la pensée courante de l’époque.
La Grèce a ainsi légué à l’Europe, une philosophie, une pensée, une culture profondément méditerranéenne qui a été prolongée par la civilisation arabe à son apogée après Rome, qui lui ont permis de développer les sciences, la littérature, les arts… indépendamment d’une église par ailleurs très pesante. En cela nous devons beaucoup à la Grèce.
Aristote a aussi analysé la société de son époque et notamment le rôle de la monnaie et des marchands. Il a ainsi mis en évidence une leçon malheureusement oubliée qui concerne le pouvoir d’exploitation des gens par la monnaie. Il y a également dans le christianisme l’idée de la nocivité des marchands pour la société humaine. On était pourtant loin, à l’époque, de la véritable déification des marchés qui marque notre monde d’aujourd’hui.
Changer la société, ce qui est un impératif parce que le système ultralibéral a mis l’humanité à l’arrêt au niveau économique et l’a dégradée sur plan de la morale, alors que pour survivre elle doit s’adapter et progresser, nécessite une profonde réflexion notamment sur les mécanismes d’exploitation des peuples et de l’être humain. Ainsi que sur la vraie gouvernance qui est cachée aux peuples dans le cadre d’une véritable domination que le système exerce sur eux.
Sans vouloir mettre en avant un nouveau dogme qui se substituerait à la lutte des classes, on peut néanmoins dire que nous sommes dans une lutte des peuples contre un système.
L’épisode que nous venons de vivre avec la Grèce et qui est loin d’être terminé, - il est rythmé par les échéances des prêts que la Grèce a souscrit auprès des marchés et la prochaine est en juin-, est exemplaire de la difficulté, pour un peuple, de remettre en cause la domination totale que le système exerce sur lui.
Les échecs des mouvements sociaux
La France est agitée continuellement par des mouvements sociaux et il y a eu deux grands mouvements nationaux récemment. Celui sur les retraites qui a mobilisé près de 3 millions des personnes et celui nommé « la Manif (famille) pour tous » dont l’interprétation par le pouvoir et les médias a été caricaturale.
Contrairement aux simplifications manipulatrices que l’on veut imposer, en gros une manif de gauche et une manif de droite, ces deux grandes manifestations étaient dirigées contre le système. C’est naturellement compris en ce qui concerne les retraites, cela l’est moins pour la Manif pour tous parce que celle-ci a fait l’objet d’une intense contre propagande de la part du pouvoir et des journalistes au service du système. Elle a notamment été présentée essentiellement comme une manif anti gay [alors que les sondages montraient bien qu’une grande majorité de français acceptaient le mariage pour tous] et estampillée de droite (venant d’un pouvoir qui œuvre en serviteur zélé de l’extrême libéralisme c’est osé, mais cela marque le degré de soumission idéologique des gens).
La manif sur les retraites reprenait comme une routine, c’était là sa première faiblesse, les actions classiques sous la bannière syndicale. Cela a été malheureusement un échec retentissant et démoralisant. Le fait que cela n’ait pas été reconnu comme tel par les états majors syndicaux et politiques de gauche (c’est une formulation tellement galvaudée que l’on dit maintenant ; la gauche de la gauche, la vraie gauche, la gauche radicale comme pour Syriza.. ) est très handicapant au niveau de l’analyse politique pour les organisations de cette mouvance qui prétendent combattre le système.
La Manif pour tous était plus dangereuse parce qu’elle était politisée. Et d’ailleurs elle n’a subi qu’un échec relatif. Une Loi a certes été votée, mais les mesures les plus destructrices pour la morale et la cellule familiale classique ont été repoussées. Ainsi l’atroce business de la GPA, Gestation Par Autrui, que des leaders d’une gauche, à la dérive sur le plan des idées, soutenaient.
C’est déjà une première indication. La véritable lutte se situe au niveau politique. Ainsi défendre la sidérurgie sur le thème de la conservation d’emplois ne marche pas. Faute d’avoir mis en avant la question de la place incontournable de la sidérurgie pour une industrie lourde de haut niveau technologique. Donc l’aspect politique majeur.
Heureusement toutes les luttes pour l’emploi et contre les délocalisations ne sont pas vouées à l’échec. Mais quand elles aboutissent c’est dans un contexte de fort impact politique des fermetures programmées.
Quelles sont les raisons de ces échecs ?
L’échec de méthodes traditionnelles devrait inciter les états major syndicaux, ainsi que les partis politiques engagés dans des projets de changement de système, à réfléchir et à proposer des analyses ouvrant la voie à des méthodes de luttes plus efficaces. Il n’en est rien et nous verrons que Syriza s’est présenté à cette phase d’affrontement avec les représentants du système, complètement démuni à cause d’une absence totale de réflexion de fond qui l’a empêché d’utiliser des atouts majeurs. Avec, en plus, la croyance naïve qu’il lui était possible de diviser les pays des traités européens et notamment de s’appuyer sur la France, afin de contrer l’Allemagne le gardien rigide d’un système ultralibéral maintenant inscrit dans les institutions européennes. Alors, qu’en est-il ?
Une des grandes forces que possédait le capitalisme était celle de s’adapter, d’évoluer en fonction de ses contradictions afin de lutter contre des tendances destructrices. L’une de celles-ci, mise en évidence par Marx, est la baisse tendancielle du taux de profit. L’adaptation l’a conduit à utiliser les ressources d’un réseau informatique mondial diffusant l’information en temps réel. Afin de multiplier les opérations financières à caractère de plus en plus spéculatif, sur les places financières du monde. Ainsi que de multiplier la spéculation sur les échanges commerciaux et les flux de matières premières.
Au tournant des années 70/80 le capitalisme a effectué une révolution interne, notamment avec la mise en place progressive d’un système économique sur le mode néo libéral de l’école de Chicago et en délocalisant massivement la production. La grande capitulation des responsables politiques devant le système a notamment permis aux Banques privées de mettre la main sur la monnaie. Un laxisme complet a permis à l’ingénierie financière de créer beaucoup de produits dérivés, d’utiliser des paradis fiscaux et des filières de transferts de capitaux discrètes.
Cette mutation profonde du système capitaliste a logiquement engendré un nouveau rapport de force particulièrement pour les questions sociales.
Au temps du capitalisme industriel d’état, il était possible de faire reculer le système et d'obtenir de lui des avantages en termes de salaires et sur le plan social.
Il y avait des possibilités de relance économique par la consommation.... la production était encore le centre des mécanismes d'exploitation..
Aujourd'hui nous sommes sous le joug d'un capitalisme financier qui se trouve au-delà des pays, y compris l’Angleterre et les USA qui abritent les deux plus grandes places financières, et qui n’est pas rattaché à une culture... Une sorte de pouvoir supérieur occulte. Dont une arme majeure est constituée par son emprise sur la monnaie.
Les prêts des marchés financiers aux états, collectivités locales, particuliers, mais aussi pour les entreprises, les artisans… sont au cœur de l'exploitation du capitalisme d'aujourd'hui. Qui d'ailleurs prend la forme d'une véritable domination des individus dans un monde orwellien. A cause des médias achetés et des hommes, - journalistes, experts, philosophes, scientifiques…-, vendus à un système qui développe naturellement une certaine forme d’élitisme.
La pression idéologique du système dominant est telle que ne pas analyser toutes les facettes de sa domination sur les peuples, les nations et leurs gouvernements, est une faiblesse rédhibitoire au moment de l’affrontement.
La Grèce
La Grèce est devenue le pays des accords européens le plus sinistré. A partir d’un premier défaut de paiement en 2012, dont la charge a été renvoyée sur le secteur public, les exigences de l’eurogroupe et l’action de la Troïka, BCE, commission européenne et FMI, ont conduit à la ruine de ce pays avec une chute vertigineuse de son PIB, un appauvrissement dramatique de sa population et un littéral dépeçage de ses richesses au profit d’intérêts privés.
Syriza a été élu sur un programme d’urgence sociale et de récupération de richesses permettant une vraie relance de l’économie.
Le ton a immédiatement été donné par la commission de Bruxelles, l’Eurogroupe, et les serviteurs zélés du système, avec nos gouvernants en première ligne : peu importe le vote grec, la Grèce doit tenir ses engagements au niveau de la dette et des réformes. Le fait que ce soient précisément celles-ci qui empêche la Grèce de rembourser une partie de ses dettes ne joue pas.
Il est à noter que ce que la Troïka exige de la Grèce : privatisation de l’énergie, du commerce, des transports, flexibilité des contrats de travail, diminution des retraites, démolition de l’enseignement, …. sont des mesures que la France applique où se prépare à mettre en œuvre. La Loi Macron a été imposée à la France par la commission européenne à la suite de son incapacité à respecter la règle du déficit budgétaire.
Le problème de la Grèce étant à épisodes avec une fréquence qui s’accélère, l’Allemagne a décidé indépendamment du résultat de discussions, d’exclure la Grèce de l’Eurozone.
Parce que la Grèce est incapable de payer même les simples intérêts de sa dette et d’avoir une mince marge de manœuvre budgétaire. Donc, soit on restructure sa dette. Une manière de qualifier un effacement partiel de la dette. Soit on lui prête de l’argent pour faire face à ses échéances, mais cela revient à intégrer une nouvelle dette grecque, qui ne vaut rien, dans des actifs bancaires. Dans tous les cas il y a un problème bancaire.
Il s’agit aussi d’imposer à la Grèce de ne pas revenir sur les privatisations qui permettent aux intérêts privés d’exploiter les richesses grecques.
Mais cette mesure de débarquement qui a donné lieu à un néologisme péjoratif : le Grexit, fait peur à plusieurs pays de l’eurozone, dont la France.
Finalement cela a semble-t-il fait aussi peur au nouveau gouvernement grec, qui n’était pas préparé à une bataille aussi radicale, malgré son qualificatif de gauche radicale, et qui a cédé pratiquement sur tout devant l’eurogroupe. Notamment sur le point crucial de ne pas revenir sur les privatisations, ce qui le prive de moyens pour relancer l’économie grecque.
Et il ne lui reste qu’une très faible marge de manœuvre pour les mesures d’urgence.
L’emblématique membre de Syriza, Manolis Glezos, ne s’y est pas trompé qui a dénoncé un habillage de mots pour cacher une capitulation devant l’eurogroupe.
Ce qui a pesé lourd, c’est le fait que le gouvernement grec s’est retrouvé devant l’obligation d’organiser une sortie de l’Euro au pied levé.
Concrètement cela signifie :
* imprimer des Drachmes
* prendre des mesures pour éviter la fuite des capitaux
* convaincre la population de ne pas retirer en masse des euros
* commencer à établir des relations commerciales extérieures permettant d’amortir le choc d’une monnaie dévaluée.
* redéfinir des relations politiques
* financer un programme de relance économique en évitant l’inflation
* …
Pour la partie économique du programme mieux vaut s’appuyer sur des économistes qui prônent la sortie de l’Euro.
Je doute qu’il le fasse , mais le gouvernement grec devrait utiliser le temps, court malheureusement, qu’il reste avant la prochaine échéance des prêts pour préparer la sortie de l’Euro qui est inéluctable pour la Grèce, puis pour d’autre pays dont la France.
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