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Petit manifeste contre le livre de Jean-François Kahn sur les Gaulois

"L'invention des Français. Du temps de nos folies gauloises". Un livre de 590 pages. Un effort d'écriture et de documentation indéniable ainsi qu'un certain talent. Il y a tout de même un sacré problème et il est de taille. M. Kahn part de l'idée que notre histoire commence à Marseille (page 287). Mais alors, Gergovie (1), Bibracte (2), nos anciennes capitales gauloises, c'est du lard ou du cochon ? Je n'ignore pas, et pour cause, que des contestations existent quant à leur emplacement, mais tout de même. Bibracte, proche de l'actuelle ville d'Autun (page 185) ; Gergovie qui disparut au profit d'une bourgade nommé Nemetum qui devint Clermont (page 222). C'est vite dit et c'est tout. Monsieur Kahn, vous êtes manipulé. Nous sommes manipulés. Le 29 août 1943, grande manifestation sur le point omphalos/ombilicos mystique du plateau de Gergovie en présence du Maréchal ; dépôt solennel d'un échantillon de terre de toutes les communes de France. Nouveau point omphalos/ombilicos mystique, le mont Beuvray est érigé, le 17 septembre 1985, en site national, par le président Mitterrand ; appel à l'union ; construction du musée archéologique européen. Dans moins de deux mois, sur le point omphalos/ombilicos mystique récemment mis au jour à Marseille, appel à l'union de tous les anciens peuples de la Méditerranée par le président Hollande ; inauguration d'un nouveau musée avec son jardin des migrations. Bibracte et Gergovie condamnées aux oubliettes.

Si j'ai bien compris la thèse de l'auteur, la Gaule d'avant la conquête aurait été un pays de barbares et de sauvages (et donc, sans grand intérêt) je cite : une mosaïque tribale parsemée de bourgades aux constructions en bois (page 8).

Moi qui écris des articles pour dire le contraire, me voilà bien obligé de réagir. Des tribus !!! Je ne vois pas dans quel texte latin ou grec, M. Kahn a trouvé ce méchant mot pour dénigrer notre passé gaulois. Ces textes sont pourtant précis. Strabon qualifie Cabillo, l'actuelle Chalon-sur-Saône, de cité (3), César y voit un oppidum (4), c'est à dire une fortification, mais il est vrai, pas encore de ville (qui ne sera construite au bord du fleuve qu'au III ème siècle). Lors de la guerre des Gaules, Litavic y a pourtant mobilisé 10 000 fantassins (5), ce qui laisse supposer une population conséquente mais dispersée en fermes isolées et en hameaux ; une cité organisée et apparemment prospère que César juge suffisamment "riche en blé" pour y installer une légion en quartiers d'hiver (6). M. Kahn imagine une Gaule en bois que les Romains auraient transformée en une Gaule en dur ? (page 147). Une transition aussi brutale surprend. Comme la plupart des pays évolués, la Gaule d'avant César ne pouvait ignorer ni l'usage du mortier de chaux ni les constructions en pierre (7).

Quant à l'état sauvage des Gaulois avant la venue des Romains - comme si les autres ne l'étaient pas - n'y aurait-il pas là un grave malentendu ? Je vois deux explications possibles. Premièrement, la possibilité que Strabon, en recopiant Posidonios, nous ait décrit en réalité une Gaule légendaire et des habitants d'avant l'époque de César (presque tous les Gaulois, aujourd'hui encore, couchent sur la dure et prennent leurs repas assis sur de la paille). Deuxièmement - et c'est le plus probable - il est possible que Strabon et d'autres ne se contentent que de quelques coups de projecteurs sur la campagne et sur le peuple ordinaire, disons, un peu de la même façon que les Parisiens jugent encore aujourd'hui les provinciaux.

Pour en revenir à la Cabillo du temps de César, la cité avait son conseil, ses magistrats (8), sa cavalerie du maintien de l'ordre, ses corporations où les citoyens se regroupaient et dont les chefs étaient élus (9). La carte de Peutinger leur donne le nom de Cabillonences. Ils sont toutefois rattachés aux Eduens dont l'oppidum/capitale/citadelle est Bibracte, là où se réunit le sénat (10). Tout cela indique une société évoluée bien avant que les Romains conquièrent la Gaule. Aussi suis-je très étonné que M. Kahn soit encore dans la vision très exagérée et très négative de Gaulois habitant dans des huttes (page 226). Que les vingt villes du pays biturige que César a incendiées aient été en bois, soit ! (11). En revanche, les murailles de l'oppidum de Bourges étaient bien en pierres maçonnées ainsi que les trois tours dont les archéologues ont retrouvé la base. C'est leur hauteur qui explique que César ait dressé contre elles une rampe de près de 23 mètres de haut (12).

Ce qui a choqué César, ce n'est pas l'absence supposée par l'auteur de grands bâtiments et monuments en pierre, lesquels ne pouvaient être que rares, ce sont les corporations dont il dit qu'elles occupaient la première place en Gaule (13), les nobles n'en occupant donc que la seconde. Exit la thèse de M. Kahn d'une Gaule élitiste pro-romaine à tendance monarchiste opposée à une Gaule populaire, pro-druidique, indépendandiste et identitaire (page 197). Exit une soi disant république sénatoriale que Vercingétorix aurait voulu renverser pour se faire nommer empereur des Gaules (page 485 et 486). La société gauloise s'était dotée d'un système de gouvernement où les magistrats étaient, semble-t-il, élus ou choisis ; un sytème aussi valable qu'un autre, sauf qu'il conduit inexorablement, comme l'écrit César, à l'existence de deux partis rivaux (14), à une éternisation des palabres (15) et éventuellement au foutoir (page 186). C'est ainsi que la présence à Chalon de commerçants romains (16) suppose des corporations éduennes de nautes favorables à une amitié commerciale du type coopération alors qu'en Gaule belge, l'importation de boissons alcolisées était interdite (17). Il a fallu le massacre de Bourges par les Romains (18) et la victoire de Gergovie (19) pour que la majorité des cités gauloises s'opposent à la colonisation romaine en confiant à Vercingétorix le commandement en chef des armées (20).

 Non, ce n'est certainement pas dans le panégyrique de Marc Antoine à la gloire de César qu'il faut prendre ses références : Voyez cette Gaule qui naguère nous envoya des sauvages aujourd'hui entretenue et cultivée comme l'Italie (pages 201-202). Penser que la Gaule doive son agriculture à César est absurde. Relisez mon paragraphe sur Cabillo, riche en blé ! Après la chute d'Alésia, Strabon confirme que le territoire gaulois était presque partout cultivé et florissant et que les Gaulois étaient retournés aux champs (évidemment, lorsque la paix est revenue après la guerre des Gaules)(21). Contrairement à ce qu'affirme l'auteur (page 216) l'empereur Auguste n'a pas changé grand chose à la Gaule. Il a conservé l'ancienne organisation gauloise des cités.  Contrairement à ce qu'il dit (page 222), les oppidum historiques, éduen et arverne, bien qu'ayant changé de nom, se dressent toujours sur leurs hauteurs, l'un à Mont-Saint-Vincent (22), l'autre au Crest (23). Quant à la ville monumentale d'Autun, elle devra attendre le IVème siècle pour être fondée (24). Tout cela est l'absolu contraire de ce que s'efforce de démontrer M. Kahn. Sous Auguste, il n'y a eu aucun signe d'agitation, reconnaît-il (page 222) ; en effet, mais pour la simple raison qu'il n'y a eu aucun bouleversement. Je ne vois pas sur quel texte, il s'appuie pour affirmer que l'époque d'Auguste a été une période de profonde mutation pour la Gaule (page 224 et suivantes). A noter que la Gaule parlait latin dans ses élites avant que César ne vienne. 

Parler d'avènement d'un nouveau monde (page 226), relève du fantasme hollywoodien ! Imaginer un urbanisme révolutionnaire dû à Auguste qui aurait surgi du sol au milieu de pauvres cabanes en bois (pages 225 et 227), non, vraiment, ça ne tient pas la route.

De même, peut-on dire qu'Agrippa ait été l'inventeur et le fondateur du réseau routier de la Gaule (page 226 et 228) alors que les voies gauloises existaient déjà au temps de César puisqu'il les a parcourues ? Que des grandes villes romaines auraient poussé comme des champignons après un jour de pluie (page 226) ? Non, vraiment, il n'y a rien de crédible dans tout cela.

M. Kahn écrit que les Romains ont fait d'une Gaule en bois une Gaule en dur. Mon avis est qu'en remettant Gergovie et Bibracte sur leurs bons sites, on se rendra vite compte que nos deux capitales étaient déjà en dur bien avant la venue de César, et cela, alors que la ville de Rome n'était peut-être encore qu'en bois (26).

Avant les Romains, des hordes sauvages (page 352), des peuplades en errance (page 355), des bandes en cavale (page 358) ?

Pourquoi ces qualificatifs dévalorisants qui suggèrent, là encore, une Europe en pleine anarchie à laquelle les Romains sont sensés avoir mis fin ? Enée de Stymbale écrit au IV ème siècle av.J.C. en ce qui concerne la Grèce : Il fut un temps où la milice suffisait à la défense du pays, mais aujourd'hui, les cités riches font souvent appel à des étrangers habitant une cité alliée que l'on  paie. Il en fut de même en Gaule, mais à la différence que ce sont des contingents entiers - véritables populations militaires - auxquels les cités gauloises ont fait appel. Qu'on ne s'imagine toutefois pas un déferlement de tribus en mal d'émigration. Les textes en ont conservé le souvenir, certes traumatisant, mais limité et explicatifLes Cimbres et les Teutons ont été accueillis par les Helvètes comme des frères (page 350). Les Séquanes et les Arvernes ont fait appel aux Germains pour s'opposer aux Eduens (27). Les Eduens ont fait appel aux Helvètes d'Orgétorix pour reprendre le mont Beuvray aux Germains qui y avaient établi une tête de pont (28). Il en sera de même, par la suite, avec les Burgondes et les Francs. M. Kahn y voit des flux d'émigrants qui se succéderont sans discontinuer pendant quelque cinq cents ans (page 354) ; ce n'est qu'une hypothèse. Quant à César, il est venu en Gaule comme un chien dans un jeu de quilles (29), et cela, M. Kahn se garde bien de le dire.

Avant les Romains, des hordes de Gaulois qui ont la réputation de vouloir foutre le binz dans le monde entier (page 315) ?

Des escogriffes (page 315), braves mais cons (page 316), parés de chaînes, de colliers et de bracelets d'or (page 317), des mercenaires, garnements insupportables (page 318), un Bituit ridicule qui caracole sur un char d'argent et dont certains disent qu'il est à la tête d'un empire arverne, ce qui est très exagéré (page 338 et 339), l'inévitable barde grotesque (page 340) et enfin, le plus horrible : un Gaulois qui tire la langue (page 353). Et pourtant, ce sont eux qui ont fait le monde celte avant qu'on leur donne le nom de Gaulois. 

Contrairement à ce qu'écrit l'auteur, Vercingétorix a été l'incarnation durable d'une volonté logique d'union nationale. Je ne vois pas en quoi il serait un chef à l'imagination délirante (page 490). Ses motivations morales et patriotiques apparaissent d'autant plus justifiées quand on constate les turpitudes de la colonisation romaine qui a suivi, turpitudes que M. Kahn a au moins le mérite de ne pas cacher.

Il ne faut pas prendre à la lettre ce qu'écrit César évoquant, pour justifier son intervention, des conflits locaux que la Gaule aurait connus avant son arrivée (30). Bien au contraire, la Gaule indépendante ne se signale que par des cas relativement rares de vestiges archéologiques qui pourraient être la trace de conflits sanglants entre cités. Rien de semblable aux tells de destruction que l'on trouve au Proche-Orient avec leurs couches archéologiques superposées. Et puis, il y a les textes qui montrent une permanence dans le temps des deux cités de Bibracte et de Gergovie, ce qui témoigne en faveur d'une certaine stabilité politique. Quoiqu'en dise l'auteur toujours prisonnier de la bien-pensance romaine civilisatrice, c'est la pression romaine au sud et la pression germaine, à l'est, qui a déstabilisé le pays. C'est pour faire face à ces menaces d'invasion romaine et germaine que les peuples de la Gaule, dans leur majorité, ont pris conscience de la nécessité d'un commandement unique et donc d'un commandant en chef. Hélas, avec leurs modestes troupes armées à la grecque, les cités gauloises ne s'attendaient pas à la terrible machine de guerre des Romains qu'elles allaient avoir à affronter. Aujourd'hui, la mode est de se féliciter de la défaite d'Alésia qui nous aurait permis de nous romaniser (31). Mais après cette soi disant peu glorieuse catastrophe (page 177) n'est-ce pas faire preuve d'un étonnant aveuglement que d'énumérer les hécatombes par dizaine de milliers qui ont marqué la période de l'anarchie romaine qui a suivi (page 96 et suivantes) et de continuer à défendre sans trop d'états d'âme les bienfaits de cette romanisation ? N'est-ce pas un peu trop simple de s'imaginer que c'est en s'assimilant que la Gaule est devenue la France ? (page 275 et suivantes) alors qu'il s'agit, en réalité, d'un processus normal d'évolution.

Vercingétorix, un planicateur socialiste, cruel, aspirant à la tyrannie, illusionniste, bluffeur, rêveur, qui aurait voulu être roi ? (pages 484 et suivantes) cela fait beaucoup de défauts pour un seul homme ! Certes, on pourrait le penser si l'on s'en tient à l'inscription très prétentieuse portée sur le socle de sa statue d'Alise-Sainte-Reine : La Gaule unie, formant une seule nation, animée d’un même esprit, peut défier l’Univers. Le problème, c'est que cette traduction est fautive. En réalité et en vérité, Vercingétorix a dit ceci : Je ferai de toute la Gaule un seul conseil dont personne au monde ne pourra contester les décisions dès lors qu’elles auront été prises dans une volonté commune (32). Il s'agit là d'un programme politique plein de bon sens. Vercingétorix ne serait-il pas le premier homme politique à avoir proclamé le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Ajoutons, par ailleurs, que Vercingétorix est loin d'avoir eu le pouvoir absolu. Il n'était qu'un "rix", c'est à dire un chef chargé de conduire une guerre. Son action et ses décisions étaient contrôlées par un conseil qui, soit les approuvait, soit ne les approuvait pas. L'affaire de Bourges est caractéristique. Vercingétorix voulait qu'on évacue la ville et qu'on y brûle les stocks de blé afin que César ne puisse s'y ravitailler(33). Le conseil ne l'a pas suivi ; on connaît la suite. M. Kahn écrit que Vercingétorix n'a rien fait pour briser l'encerclement (pages 488 et 489 ). C'est faux ! il a sans cesse harcelé les Romains depuis les marais où il se cachait (DBG VII, 18-20).

A Gergovie, que la perte de 700 légionnaires (34) soit quantité négligeable, loin du prix ordinaire d'une défaite (page 492), il faut oser le dire quand on sait qu'il s'agissait, en grande partie, de "purs" Romains. La vérité, c'est qu'un tel désastre condamnait politiquement César. C'était une destitution assurée. Prétendre ensuite que l'embuscade gauloise de cavalerie était stupide (page 492), c'est parler pour ne rien dire alors qu'on ne cherche même pas à en retrouver le champ de bataille (35) et qu'il est très possible que César y ait perdu une partie de son train des équipages, ce que, évidemment, il ne dit pas. Ajouter que Vercingétorix n'avait aucun sens de la guérilla (page 491) alors que César fuyait, victime de sa stratégie de la terre brulée (36), ayant perdu tout ce qu'il avait mis à l'abri dans sa base arrière de Noviodunum (37), c'est tout de même un peu fort de café. Et puis, écrire que Vercingétorix s'est laissé bêtement enfermé dans Alésia, c'est un peu facile de le dire après coup (page 147). Pour ma part, je ne me permets pas de tels jugements catégoriques.

César et Vercingétorix étaient entourés tous deux d'officiers compétents et expérimentés. Il y a d'un côté comme de l'autre une intelligence tactique indéniable et il me semble, comme le reconnaissent d'ailleurs les deux protagonistes, que c'est plutôt la "Fortune" qui a fait pencher la balance tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. Et puis, ironiser superbement sur Alésia comme le font nombre d'historiens d'aujourd'hui alors que César lui-même reconnaît que l'issue de la bataille s'est jouée dans un moment ultime (38), cela ressemble tout de même à du parti pris. C'est pourtant le moment capital et fatidique où la Gaule a perdu sa liberté. La dernière déclaration de Vercingétorix devant le conseil est très claire : il a fait cette guerre pour la liberté commune (39). Enfin, il est profondément injuste et faux de jeter, comme à l'habitude, la suspicion et l'opprobe sur les Eduens (pages 183 et 186) alors que ce sont eux qui se sont le plus impliqués (40).

N'en déplaise à l'auteur, Sacrovir et Vindex s'inscrivent dans le prolongement de la pensée, de l'action, de la morale et du patriotisme de Vercingétorix. Ils parlent de la même façon que lui de la liberté.

Sacrovir était le premier des Gaules (41). Avec ses cohortes gauloises de l'intérieur, il se trouvait à Augustodunum/Mont-Saint-Vincent (42) et non à Augustodunum/Autun comme l'auteur le pense (page 245). Son nom signifie "l'homme qui est dans le sacré". Il appelle au combat au nom de l'ancienne gloire des Gaulois, tout en rappelant les batailles (43) qu'ils ont livrées aux Romains (sous-entendu : notamment à Alésia sous le commandement de Vercingétorix).

En + 68, c'est Vindex qui dresse un violent réquisitoire contre Néron, devant des représentants gaulois, notamment arvernes, éduens et séquanes (44). Il proclame : Soyez vous-mêmes vos propres libérateurs. Et il ajoute : Apportez au peuple romain le secours de votre assistance ; en agissant ainsi, c'est au monde entier que vous allez rendre la liberté. Où Vindex a-t-il déclamé son discours ? Certainement pas à Lyon comme M. Kahn en est persuadé (page 19). Dans cette hypothèse, les deux cohortes romaines qui y tenaient garnison (45) l'auraient aussitôt mis à mort. Le tribunal où Vindex s'est exprimé ne peut être qu'Augustodunum/Mt-St-Vincent, l'antique Bibracte. En tant que gouverneur de la Lyonnaise, c'était son siège légal. Lyon étant celui du gouverneur romain des trois Gaules. Est-ce un appel civil (laïc) au nom de la défense des libertés républicaines en vue du salut du genre humain (page 29), autrement dit un appel mondialiste prophétique pour sauver notre pauvre terre et notre humanité menacée de disparaître ? J'en doute fortement. Même si les textes manquent de précision, nous sommes toujours, depuis Sacrovir, dans la survivance d'un druidisme qui a évolué sous l'influence d'un judaïsme pré-chrétien qui veut s'étendre au monde entier tout en s'opposant à une romanité hellénistique à tendance laïque. La noble intention de ce courant, très présent en Gaule, étant de sauver le monde humain par la religiosité. Sauver le monde de quoi ? Mais, bien évidemment, du péché (46).

Peut-on qualifier de républicain, le soulèvement de Vindex ? (page 29). Difficile, quand on sait que son premier geste fut d'offrir l'empire à Galba dont on connaît leur aversion commune pour la populace. D'après M. Kahn, ce soulèvement n'aurait eu aucun lien avec celui de Jérusalem (page 46) ? Je suis persuadé du contraire. Il est tout de même étonnant que Vindex prononce son discours contre Néron au moment où l'Apocalypse, lui aussi anti-néronien, est proclamé et où Jean de Gishala investit Jérusalem (47). C'est tout un monde, en partie judaïsé ou croyant sincèrement en un Dieu/Jupiter suprême, qui s'est dressé contre un empereur et son entourage qui bafouaient les valeurs humaines que le judaïsme prônait. Et si Vindex ne dit pas tout, s'il ne cite ni Vercingétorix ni César, ce n'est pas parce que Vercingétorix avait laissé fort peu de traces dans les mémoires (page 49) ou que son exemple était déjà oublié (page 128 et 493), c'est probablement parce qu'il ne voulait pas raviver les anciennes dissensions entre les familles gauloises qui avaient suivi le premier et celles qui s'étaient ralliées au second. Il lui fallait ratisser large.

Cette histoire se comprend beaucoup mieux si on raisonne à partir des anciennes capitales de la Gaule indépendante : Bibracte des Eduens, Gergovie des Arvernes, Besançon des Séquanes et Trèves des Trévires. Il y a là une logique historique qui resurgit du passé et que l'auteur occulte plus ou moins.

La mode actuelle est de minimiser, voire de discréditer l'héroïque bataille d'Alésia en accusant l'armée de secours de s'être enfuie sans combattre. C'est un pur mensonge qui trouve sa source dans une mauvaise traduction (48). Et puis, on ironise sur les effectifs engagés qui apparaissent en effet grossis. Les effectifs que César donne pour l'armée de secours gauloise sont bien évidemment des effectifs théoriques prévus mais non réalisés. Pourquoi César se serait-il donné la peine de faire une estimation à vue d'oeil alors qu'il n'avait qu'à recopier la liste de recensement établie par les Eduens (49) dont les chiffres rendaient sa victoire d'autant plus glorieuse ? Il est manifeste que des cités n'ont pas répondu à l'appel ou sont arrivées trop tard. Je pense même que les Séquanes n'ont pas participé au combat et que les monnaies retrouvées qu'on leur attribue doivent plutôt l'être aux Eduens (50). Tout cela s'explique et ne mérite pas qu'on en fasse des choux gras pour dénigrer la Gaule d'avant César. Quant à dire que l'insurrection de Vercingétorix ne fut qu'un feu de paille qui laissa peu de traces (page 8), ce n'est pas mon avis. Hostiles à l'entrée des Gaulois dans le Sénat, les opposants de Claude lui ont rappelé qu'ils avaient assiégé le divin César (51), et Sidoïne Apollinaire, au Vème siècle, se fait un titre de gloire que ses ancêtres aient repoussé à Gergovie les légions romaines (52).

La révolte de + 21 s'est faite sous l'impulsion de deux capitales gauloises historiques, celle des Eduens et celle des Trévires, Gaule celte et Gaule belge du nord-est pour une fois agissant de concert (53). Capitales romanisées ? J'en doute. Quant au soulèvement de Vindex de + 68, c'est la Celtique primitive qui réapparaît dans ses trois principaux composants historiques : Eduens, Arvernes et Séquanes. Romanisés ? J'en doute, là encore. Disons romanisées pour la forme, puisque cet empire était devenu le leur.

Expliquer que le soulèvement de Civilis de + 69 va "se fracasser sur le roc d'une autre réalité spécifiquement gauloise : la profondeur des rivalités clanique et tribales" (page 140), c'est en fait reconnaître l'ancienne division de la Gaule entre Gaule celtique et Gaule belge. Cette Gaule celtique du centre avait conscience du risque que comportait pour elle une alliance des Belges et des Germains et elle avait encore davantage conscience de ce risque lors de l'entreprise de Civilis. Le projet de Civilis d'une grande Gaule européenne englobant la Germanie peut apparaître séduisante à M. Kahn (page 130 et suivantes) ; elle ne l'était certainement pas, à cette époque, pour les Gaulois de la Celtique. C'est ce que résume très bien le général romain Cérialis : « Est-ce que vous croyez vraiment que Civilis, ses Bataves et les nations d'outre-Rhin vous chérissent davantage que leurs pères, vos aïeux ? Ce sont toujours les mêmes raisons qui poussent les Germains... Et si aujourd'hui nous défendons le Rhin, ce n'est pas pour protéger l'Italie, mais pour empêcher qu'un autre Arioviste ne s'empare de l'empire des Gaules. » (54)

Quelques autres passages litigieux que je ne signale que pour mémoire.
 
L'extraordinaire épisode de Maricus (page 59). Au lieu de "paysan des bords de l'Allier, d'origine boïenne", je conseille de lire " Boïen originaire du mont Beuvray (Gorgobina). Cet homme du peuple qui se présente comme un nouveau libérateur des Gaules est arrêté, non pas par les milices de Vienne (page 89) mais par celles d'Augustodunum/Mt-St-Vincent. Il est livré aux bêtes (pour la forme) dans le petit cirque dont on voyait encore les ruines au pied du horst. Or, il faut comprendre que si les lions ne se sont pas attaqués à lui, c'est parce que les Eduens leur avaient donné abondamment à manger, c'est facile à comprendre. Les lions n'avaient pas faim. Ce qui a permis aux Eduens de crier au miracle en espérant sauver "le prophète". Mais Vitellius ne s'en est pas laissé conter. Il est venu de Lyon avec ses cohortes et il l'a exécuté. (55)
 
La reddition de Vercingétorix, nulle ou grandiose ? (page 177 et suivantes). Je suis étonné qu'un journaliste aussi expert en choses politiques que M. Kahn n'ait pas compris que la reddition de Vercingétorix est une mise en scène voulue par César. Il faut comprendre qu'il y a deux temps dans le texte des Commentaires. Primo : Des députés sont envoyés à César pour parler de ce (qui a été décidé par le conseil gaulois). Celui-ci ordonne que les Premiers (lui) soient présentés, que les armes soient livrées. Secundo : Lui-même établit son siège au retranchement, en avant des camps : les chefs (lui) sont présentés ; Vercingétorix est livré, les armes sont rendues (56). Il faut comprendre, et c'est logique, que c'est lors de l'entretien avec les députés que César a imposé les modalités de la reddition. Ceci fait, les députés sont remontés sur le mont Auxois et c'est  probablement le lendemain qu'a eu lieu le deuxième temps. Vercingétorix arrivant à cheval, jetant ses armes à terre, sa position de suppliant, tout cela c'est du grand cinéma voulu par le général romain, une image que quelques 40 000 légionnaires immortaliseront pour la postérité. Le marché proposé à Vercingétorix s'il acceptait de s'humilier ainsi, on le devine : la vie sauve et, éventuellement, le retour à la liberté sous la protection de César pour les Eduens et les Arvernes, la vie sauve pour les autres (57). On aura beau trituré le texte pour lui faire dire ce qu'il ne dit pas, la vérité est là, dans ces quelques mots particulièrement bien choisis, aussi concis que le "veni, vidi, vici" : génie de l'écrivain qui laisse à d'autres le soin de proclamer sa gloire.
 
Mais le plus grand reproche que je ferai à l'auteur, et cela sera ma conclusion - bien que je suis loin d'avoir tout dit - c'est d'avoir voulu plus ou moins cherché à tracer un portrait des Gaulois à partir de ce qu'il pense des Français d'aujourd'hui. Un Dumnorix écervelé et tête brûlée (page 481), une soi disant détestation des Eduens Viridomar et Eporédorix à l'égard de Vercingétorix (page 178), des députés gaulois en assemblée qui vomissent leur indignation, qui se fendent la pipe et se tapent sur les cuisses (pages 21 et 22), tout cela sonne faux et fait beaucoup trop people. A force de vouloir voir le Français d'aujourd'hui dans le Gaulois d'hier, il arrive que parfois on s'égare.
 
Mon conseil : relisez César et vous y redécouvrirez le vrai visage d'un chef gaulois éduqué à la grecque et ce qui guidait sa conduite : LA DIGNITÉ.
 
Madame la Ministre de la Culture, vous n'avez toujours pas répondu à la question que M. le député Siruge vous a posée le 19 mars concernant les fouilles archéologiques du mont Beuvray et la conclusion des experts.
 
 
Renvois :
1. sur l'éperon du Crest
2. à Mont-Saint-Vincent 
3. Strabon, géographie IV, 3, 2 
5. DBG VII,37
6. DBG VII. 90
8. publicum concilium, DBG VII, 43
9. factio, DBG VI, 11
10. senatus, DBG VII, 55
11. Bituriges, DBG VII, 15
12. Avaricum, DBG VII,17 et 23
13. in summa, DBG VI,11
14. in partes divisae sunt duas, DBG VI, 11
15. Strabon, Géographie IV, 4, 3
16. qui negotiandi causa, DBG VII,42
17. nihil pati vini , DBG II,15
18. non mulieribus, non infantibus pepercerunt, DBG VII,28
19. Gergovie, DBG VII, 44 et suivants
20. Vercingétorix à Bibracte DBG VII, 63
21. Strabon, Géographie, IV, 1, 2
25. Suétone, vie des hommes illustres,
26. Et elle l'était encore au temps de Néron, ce qui explique le grand incendie qui la ravagea.
27. ab Arvernis Sequanisque Germani, DBG I, 31
30. omnes in bello versantur, DBG VI,15
31. Christian Goudineau, le dossier Vercingétorix
32. unum consilium totius Galliae, DBG VII, 29
33. vicos atque aedificia incendi, DBG VII, 14
34. septingenti desiderati, DBG VII,51
36. ab re frumentaria Romanos, DBG VII, 55 et VII,14 et 15
37. omnes obsides Galliae, frumentum, pecuniam publicam, suorum atque exercitus impedimentorum magnam partem, DBG VII, 55
38. in eo die atque hora, DBG VII, 86
39. communis libertatis causa, DBG VII,89
40. in Aeduorum finibus recensebantur DBG VII, 59,63, 75, 76
45. Tacite, Hist, I, 64 et Flavius Josèphe, guerre des Juifs, II, XVI, 4
46. L'apocalypse de Jean appelle de même au soulèvement contre la Rome de Néron.
47. Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, IV, 121"
48." Fit ex castrais Gallorum fugua" doit se traduire par "elle se fit la fuite des Gaulois hors des camps romains" et non "hors de de leurs camps gaulois", ce qui signifie que les camps romains de la plaine avaient été investis (DBG VII, 88)
49. in Aeduorum finibus recensebantur DBG VII, 76
50. Il s'agit des monnaiesau nom de Togirix qu'il faut attribuer aux Eduens. Celles de Caledetu pourraient être aux Lingons ou aux Eduens.
51. Tacite, Annales, XI,23
52. Sidoïne Apollinaire, poème VII
53. Tacite, Annales III, 40 et suivantes
54 Tacite, Annales, IV, 73-74
55. Tacite, Annales, I, 51
56 Reddition de Vercingétorix, DBG VII, 89
57 Eduens et Arvernes, DBG VII, 89
 

 


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57 réactions à cet article    


  • francesca2 francesca2 22 avril 2013 13:26

    Merci. C’est un excellent site. 



  • Emile Mourey Emile Mourey 22 avril 2013 14:11

    Oui, c’est un excellent site


  • Emile Mourey Emile Mourey 22 avril 2013 19:56

    Oui, j’ai pu lire la réponse et ai posté un commentaire. Je dirai à mon fils de m’inscrire car je n’y suis pas arrivé.


  • Emile Mourey Emile Mourey 22 avril 2013 12:37

    @Musima

    Tout à fait d’accord. Sans verser dans l’auto satisfaction ni dans une hypothétique nostalgie d’un passé glorieux, il est tout à fait normal qu’une civilisation se construise sur ce qu’elle retient de positif, d’intéressant et même de romantique dans son histoire. C’est ce qu’en général, tout le monde admet pour l’histoire antique de la Grèce, de l’Egypte, etc... 

    Il n’est pas non plus question de juger une société par rapport à une autre, mais d’essayer de mieux comprendre les motivations des uns et des autres et les événements.

    Il ne s’agit pas d’occulter certaines actions telles que celle de Vercingétorix ordonnant de « depopulare » une cité récalcitrante mais de les replacer dans le contexte, et de ne pas condamner tout le reste.

    Je ne sais pas si un débat y changera quelque chose. Je pense plutôt que ce sont les responsables qui se trouvent face à leurs contradictions.

    Je ne doute pas des bonnes intentions des responsables de la Culture et du patrimoine, notamment pour valoriser nos sites antiques, comme celui d’Alésia mais force est de constater qu’en ne se remettant pas en question comme je leur propose, ils agissent contre ce qu’ils souhaitent. Exemple de contradiction : dénigrer la bataille d’Alésia et rêver d’un afflux de touristes au Muséoparc. Autre exemple : persister à croire que l’on va attirer en masse le tourisme étranger pour voir quelques mauvaises reconstitutions de murs gaulois sur un mont Beuvray sauvage présenté comme un haut lieu de notre histoire etc... et cela alors que nous avons des merveilles à montrer et à mieux expliquer. C’est triste et profondément décourageant. 


  • nenyazor 22 avril 2013 22:14

    "Sans verser dans l’auto satisfaction ni dans une hypothétique nostalgie d’un passé glorieux, il est très claire que les interprétations actuelles concernant les gaulois semblent toutes vouloir dénigrer toujours davantage ce que fut en réalité la société gauloise.« 

    Dans le milieu de l’archéologie, c’est à peu près le contraire.
    On s’est rendu compte qu’une grande partie des voies romaines, un des symboles de la »grandeur« de la civilisation gallo-romaine, sont en fait à la base des voies gauloises aménagées. Un commerce important faisait déjà office.

    La vision de la maison en matériaux périssable inférieure à celle en dur est aussi quelque chose sur lequel on revient beaucoup.

    Les sociétés gauloises ne sont pas inférieures, mais différentes par rapport à la société romaine de l’époque, pas adaptées aux mêmes climats, aux mêmes matières premières,...

     »Difficile de ne pas être tenté d’y voir un travail de sape envers l’un des piliers historiques qui a contribué à construire le français du 20ème siècle. Il ne vous aura pas échappé que la fabrique de l’Homme Nouveau est en phase d’aboutir ? cet Homme Nouveau, voulu par l’idéologie laïque, lancé majoritairement par la franc-maçonnerie (dès 1789) et les « nouvelles gauches » européennes (dont notre PS actuel !) et qui ne peut exister que s’il n’a plus d’Histoire véritable derrière lui.« 

    Il est frappant en effet de voir comment l’histoire, dans le système médiatique, c’est à 90% celle du 20e siècle, 5% le 19e et la révolution, et 5% pour le reste, avec une bonne part pour l’antiquité. Cependant, la vision péjorative du gaulois peut s’expliquer beaucoup plus simplement par la formation de l’auteur qui n’est qu’un journaliste, qui n’a pas le temps de faire une vraie étude poussée de la période. Il a du se contenter de lire des »classiques", souvent un peu datés, et donc reproduire un discours un peu désuet.


  • lionel 23 avril 2013 06:51

    Bien vu Musima,


    De plus, ce monsieur n’est pas historien. Imaginez un instant si un journaliste Français ou Espagnol s’amusait à écrire un livre sur l’antiquité réelle d« Israël » ou tout autre sujet dérangeant ! On pousserait des cris d’offrais, on le voudrait le décrédiliser. Mais lui et ses comparses peuvent faire tout se qu’ils veulent... Il aurait mieux fait d’écrire un livre au sujet des trois derniers ouvrages de Shlomo Sand, qui lui est historien.

    Que ces personnages sont désagréable ! 

  • non667 22 avril 2013 12:25

    jfk = ce n’est qu’un troussage de soubrette ! = un judéo mondialiste conscient ! à vomir !


    • Gollum Gollum 22 avril 2013 13:18

      Bah la mise en avant de Rome par rapport à la réalité gauloise ne date pas d’hier...


      Elle a arrangé deux univers opposés en fait. 

      Les matérialistes qui percevaient de façon sourde que la mentalité gauloise était opposée à la leur, alors que Rome au contraire était un exemple à suivre, qu’il fallait perfectionner tout cela dans une idéologie du Progrès encensé et magnifié...

      Et l’Église de Rome elle-même dont le latin était devenue sa langue et qui sous un vernis chrétien était en fait devenue en fait un césaro-papisme ...

      En fait la civilisation gauloise fut brillante et sa chute marque le début des temps modernes, analogue à la chute de la civilisation égyptienne qui eut lieu au même moment...

      Bref, une catastrophe spirituelle qui nous fut présentée, par l’inversion propre aux temps modernes, comme un progrès de la civilisation...

      • alberto alberto 22 avril 2013 16:38

        Mourey : Je crois que tu n’as pas pris la mesure de celui à qui tu t’adresses !

        J.F.Kahn est avant tout un journaliste : C’est à dire qu’il est capable de broder 300 pages sur un sujet qu’il ne maîtrise pas...

        Du fait de sa notoriété, les gains de son dernier opus lui permettra sans doute de changer la moquette de son salon !

        Et si d’ici 6 ou 10 mois, le besoin s’en fait sentir, il sortira un nouveau bouquin sur la cuisine asiatique, ou tout autre sujet dont il il ignore autant la substance qu’ici sur les gaulois...

        Je crains hélas que tes remarques pertinentes sur sa méconnaissance des gaulois lui passent à trois mille pieds au-dessus de sa tête ?


        • Emile Mourey Emile Mourey 22 avril 2013 19:07

          @ Alberto

          Je pense qu’il le maitrise assez bien mais que nous ne relatons pas l’Histoire de la même manière. Par exemple, une fois mis de côté ce que la morale réprouve, je peux, en ce qui me concerne, aussi bien m’intéresser à Vercingétorix qu’à César et même, à avoir une certaine admiration pour l’un comme pour l’autre. Jean-François Kahn est un ancien journaliste, il a fait le choix de dénigrer le « mauvais » Vercingétorix, ce qui, automatiquement, l’amène à valoriser la « bonne » civilisation romaine. C’est clair, c’est fort et son livre aura du succès.

          La seule suggestion que je lui ferais, puisqu’il a choisi cette méthode, serait que dans son prochain livre, il consacre son premier chapitre à dire le contraire de ce qu’il a écrit dans ce premier tome. Comme cela, le lecteur pourra lui-même se faire une plus juste opinion de cette période de l’histoire.

        • Aldous Aldous 22 avril 2013 18:29

          Que se passe-t-il Emile ?


          Un article serieux et argumenté !

          Felicitations !

          Serait-ce qu’aujourd’hui ce n’est pas votre non-anniversaire ?

          Alors c’est avec plaisir que je vous souhaite un joyeux anniversaire !

          • Emile Mourey Emile Mourey 22 avril 2013 18:42

            @ Aldous

            Il faut bien varier. Merci du compliment. 

          • Antenor Antenor 22 avril 2013 18:47

            « nous sommes toujours, depuis Sacrovir, dans la survivance d’un druidisme qui a évolué sous l’influence d’un judaïsme pré-chrétien qui veut s’étendre au monde entier tout en s’opposant à une romanité hellénistique à tendance laïque. »

            Le stoïcisme, idéologie dominante de l’époque, était tout sauf laïque. Attention à ne pas faire de christiano-centrisme et à considérer que les religions non abrahamiques n’étaient pas vraiment des religions.

            « Quant à la ville monumentale d’Autun, elle devra attendre le IVème siècle pour être fondée »

            Que la citadelle de Bibracte se soit trouvée au Mont-Saint-Vincent n’empêche pas qu’Autun a pu être (re)fondée sous Auguste afin d’en faire une capitale politique urbaine sur le modèle italien. Contrairement à Bourges et à beaucoup de villes gauloises, Autun a la particularité de ne pas comporter de rangées de briques dans ses remparts. C’est peut-être un indice sur le fait que les remparts de la première date d’avant la conquête et ceux de la seconde d’après.

            « Et puis, on ironise sur les effectifs engagés qui apparaissent en effet grossis. »

            Difficile d’avoir des certitudes mais les effectifs mentionnés par César paraissent en effet énormes. Qu’il y ait eu en tout 300 000 soldats en Gaule, c’est possible. Les mobiliser, c’est une autre paire de manche. Il ne faut pas perdre de vue que les cités se méfiaient toutes les unes des autres et qu’en outre vider les cités de leurs troupes régulières, c’était les livrer aux mains des brigands qui ne manquaient certainement en cette époque troublée.


            • Emile Mourey Emile Mourey 22 avril 2013 19:43

              @ Antenor

              Oui, mais nous sommes à l’époque de Néron où les dieux de l’olympe ont pris un sacré coup de vieux. Ce sont les nouvelles religions, ou plutôt pratiques qui viennent d’Orient qui sont en faveur. Néron,comme M.Kahn l’écrit, c’est déjà la révolution sexuelle sans contrainte. Le judaïsme et le christianisme sont à Rome et attendent leur heure.

              En ce qui concerne Autun, je pèse mes mots. J’ai parlé de l’Autun monumental qui n’a été construit qu’au IVème siècle par Constance-Chlore et Constantin. Autun existait avant mais en tant que simple station sur la voie de Saulieu. Eumène la qualifie de colonie (de Mont-Saint-Vincent). Votre remarque concernant les murs de Bourges est intéressante : murus gallicus à Bourges avec ses rangées de briques. Murs sans bandeaux de briques à Autun.

              Concernant les effectifs, vous avez raison. Mais constatez que personne, de son temps, n’a contesté les chiffres que César donne. L’explication, à mon avis, tient au fait que César appuie ses dires sur des documents qu’il pouvait fournir : les listes de recensement des effectifs prévus (que les cités devaient fournir) pour l’armée de secours ; les tablettes de recensement des Helvètes (qui n’ont certainement pas tous émigrés). A noter qu’à Uxellodunum, les effectifs gaulois sont beaucoup plus raisonnables, mais c’est Hirtius Pansa qui a écrit le dernier livre des Commentaires.

            • Antenor Antenor 23 avril 2013 18:51

              @ Emile

              Pour être certain de la date à laquelle Autun est devenue la capitale politique éduenne, il serait très instructif de retrouver l’équivalent de Corent dans le Chalonais. Il y a de bonnes chances pour que la date d’abandon d’un tel site corresponde à celle où Autun est devenue la capitale de la cité. De plus, si jamais ce site se trouve à proximité de Mont-Saint-Vincent (par exemple au Pertuis), c’est un argument supplémentaire pour y placer la citadelle de Bibracte. On aurait un binôme citadelle / capitale politique semblable à le Crest / Corent et Larochemillay / Mont-Beuvray.

              Résumer la religion romaine à Néron est un brin caricatural. Toute la philosophie de l’époque est imprégnée de religiosité. On retrouve l’influence stoïcienne jusque dans les épîtres chrétiennes qui enjoignent les fidèles à endurer sans broncher.


            • Emile Mourey Emile Mourey 23 avril 2013 19:13

              @ Antenor

              Bien d’accord pour votre deuxième paragraphe. Quant au premier, il y a les textes et l’interprétation que je propose. Au temps de Julien, Mont-Saint-Vincent existait encore sous le nom d’Augustodunum mais n’avait plus aucune autorité qui était passée à Vienne. Le site a repris de l’importance avec les Burgondes, les Francs toujours sous le nom d’Augustodunum et avec le comte de Chalon mais sous son nom actuel.

            • dixneuf 22 avril 2013 20:23

              Des maisons en bois, mais on y revient !!! C’est très écolo...


              • bakerstreet bakerstreet 22 avril 2013 21:12

                Exactement, toutes ces notions sont culturelles. En quoi peut on déterminer qu’une est plus aboutie qu’une autre ? Les guerres ne sont elles pas les conséquences d’une névrose culturelle ? Les peuples heureux n’ont pas d’histoire nous dit-on !

                Bien sûr, chaque peuple à la sienne, évidemment, mais pas forcément dessinée en guerres de conquêtes. Les peuples de Tahiti, qui accueillirent les jésuites avides, avec une belle innocence, ne se doutèrent pas que le diable était arrivé au paradis. Lisez donc « Les immémoriaux » de Victor Sagalen , médecin de la marine et anthropologue à ses heures, un livre passionnant qui est toujours aussi prophétique, et critique, bien qu’il est été écrit au dix-neuvième siècle.

                Sans doute que les gaulois avaient tout pour être heureux, avant l’arrivée des romains, et que leur culture n’avait rien à leur envier. Reste que celle ci est toujours écrite depuis la nuit des temps par les vainqueurs, et que bien de gens savent maintenant que leurs techniques agricoles étaient très abouties. La moissonneuse, par exemple a été inventée par les gaulois, un bac bordé de fers coupants poussé par deux bœufs.

                 L’histoire a fait de ce peuple une image d’épinal, ressemblant étrangement à des tribus d’indiens, dans la version Hollywoodienne j’entends.....Même nattes, même ardeur un peu folle au combat, quoique suicidaire, mêmes tiraillements et règlements de comptes entre chefs.
                Bon...il est vrai qu’on sait aperçu que les tribus d’Amérique avaient des groupes HLA communs aux peuples de Mongolie, normal puisque ceux ci passèrent par le détroit de Behring, mais aussi, plus surprenant , une identification commune aux populations de la gaule. ( il semble qu’ au sept ou huitième siècle avant JC, une époque de glaciation est permise à nos populations gauloises de s’aventurer très loin sur la banquise, pour pêcher, avant que celle ci ne se décroche, et ne les emporte par le gulf stream de l’autre coté de l’atlantique, où elle s’est reproduite et a fait souche, bien avant Erik le rouge, et bien sur les conquistadors......
                Ce que les historiens sont incapables de saisir, en tant que déplacements des populations, les scientifiques les mettent en évidence. De même le groupe des bigoudens, commun à la population de Canton. Pendant des années, on n’a épilogué sur l’origine des yeux bridés de cette population bretonne, certains la mettant sur le compte de la coiffe des femmes, qui leur tirait les yeux sur le coté. ...On sait maintenant que des jonques chinoises avaient gouts pour les longs voyages, et que leurs tonnages leur permettait une autonomie bien plus grandes que celles des caravelles.

                Les bretons, ou le breton, dernière langue celtique parlée en france, sans doute très proche du gaulois, ce qui en fait une langue bien plus ancienne que le français, ce métissage sans déclinaisons, contrairement au romain, et dont on retrouve les plus vieux vestiges, non en France, mais à Rome, dans les catacombes : La langue des esclaves...Qui a pris tout de même ses lettres de noblesse, avant de se retrouver maintenant elle aussi en péril.

                Bravo pour votre article, et votre enthousiasme !


              • nenyazor 22 avril 2013 22:01

                "Les bretons, ou le breton, dernière langue celtique parlée en france, sans doute très proche du gaulois, ce qui en fait une langue bien plus ancienne que le français."

                La notion d’ancienneté d’une langue vivante est nulle et non avenue puisqu’elle évolue tout les jours.
                Aussi, le breton actuel est sans doutes très éloigné du gaulois d’avant conquête, autant que le français du latin classique.
                Enfin, parler de l’ancienneté d’une langue vivante, c’est comme parler de l’ancienneté de sa famille, ca n’a aucun sens puisque tout le monde descend des familles néolithiques et même d’avant, de même, les langues puisent toutes leurs origines dans un passé très ancien.

                Cependant, je vous suit sur le reste de votre intervention. J’avais juste envie de pinailler ^^


              • bakerstreet bakerstreet 23 avril 2013 09:08

                nenzayor

                Vous avez raison, mais ces billets n’ont pas la rapidité et l’intelligence d’une conversation libre. Néanmoins, il n’est pas inutile de rappeler que le breton est lié étroitement, en tant que langue celtique, à la culture gauloise ( revitalisé d’ailleurs ensuite au sixième siècle par les migrants gallois, chassés de grande bretagne par les saxons)
                Curieusement, d’ailleurs, on se plait à penser que la Bretagne baptisée maintenant de terre celtique, a été à une époque la moins celtique des régions françaises : L’invasion celte aurait naturellement était moindre en Bretagne, du fait de sa particularité péninsulique : Les envahisseurs n’ont pas habitude de se dériger dans des culs de sac, et se seraient mélangés de façon beaucoup moins actives qu’ailleurs avec les peuples anciens, ceux des pierres dressées, eux qui ne sont absolument pas d’origine celtiques.
                Pour la même raison, l’invasion romaine a été moins active qu’ailleurs, et donc par contre, les traces celtes seraient restées plus présentes.


              • njama njama 22 avril 2013 23:59

                Si j’ai bien compris la thèse de l’auteur, la Gaule d’avant la conquête aurait été un pays de barbares et de sauvages (et donc, sans grand intérêt) je cite : une mosaïque tribale parsemée de bourgades aux constructions en bois (page 8).

                Jean François Khan devait être un élève assidu, un fort en thème ... pour nous retransmettre aussi fidèlement cette vision très caricaturale de l’Histoire.
                Un peu comme Sarkozy pour qui l’Histoire de l’Afrique n’a encore jamais commencé, alors que l’Empire du Mali au XV° siècle n’avait rien à envier à bien des civilisations. Tombouctou était un centre culturel rayonnant, où résidaient des architectes, des juristes, des lettrés. L’université de Sankoré accueillait 25.000 étudiants d’Afrique. Comme en témoignent les milliers de manuscrits retrouvés, on y étudiait le droit coranique, le théologie, ainis que les mathématiques, la géographie, l’astronomie, la médecine ... Tombouctou était à l’époque une riche cité de cent mille âmes ...


                • bakerstreet bakerstreet 23 avril 2013 09:14

                  njama

                  bravo pour cette intervention. Elle éclaire en effet de façon contemporaine l’orientation philosophique et politique que l’on fait de l’histoire, science humaine que l’on sait totalement à la merci de tous les manipulateurs.


                • njama njama 23 avril 2013 00:10

                  Dans le fil de votre critique sur l’ouvrage de JF Kahn, je remets un de mes précédents posts, car on aurait aimé que cet auteur nous explique comment « les Gaulois » auraient pu être si étrangers, et culturellement si imperméables aux influences voisines « très civilisées » qui les côtoyaient depuis plusieurs siècles :

                  Combien de temps encore devrons-nous vivre avec ces imageries niaises des Gaulois barbares, de leurs huttes ... ?

                  Les Gaulois : Illustrations tirées du livre Histoire de France pour les cours élémentaires en 1969 / Histoire de France - cours élémentaire - Auteur : E. Pradel et M. Vincent

                  Toute la côte méditerranéenne est colonisée quelques 6 siècles avant JC.
                  Les colonies phocéennes
                  Les Phocéens fondent successivement Massalia (actuelle Marseille, d’où son appellation de « cité phocéenne ») en 600 av. J.-C., près de l’embouchure du Rhône, puis Avenio (actuelle Avignon), Agathe Tychè (Agde), Antipolis (Antibes) ou encore Nikaïa (Nice). Puis Alalia (actuelle Aléria), un comptoir sur la côte orientale de la Corse, face à l’Étrurie vers 545 av. J.-C., et Élée, ainsi que de puissantes colonies en Espagne, comme Emporion (Ampurias). 

                  http://fr.wikipedia.org/wiki/Phoc%C3%A9e#Les_colonies_phoc.C3.A9ennes

                  La Grèce du V° av. JC, c’est celle de Périclès, celle du IV° c’est celle de Platon et d’Aristote ...

                  Les vestiges archéologiques en nombre suffisant attestent de l’importance de Lugdunum dès le IV° siècle avant J-C , la vallée du Rhône est une voie de communication si naturelle ... et si l’on y transportait des marchandises, les influences culturelles étaient inévitables ... la Bourgogne n’est pas loin.


                  • bakerstreet bakerstreet 23 avril 2013 13:29

                    Ceci dit, même et surtout si les fleuves sont et resteront pendant longtemps les voies de transit possibles et obligatoires, le reste du pays même s’il est ouvert aux influences, est très peu peuplé et couvert de forêts.
                    Voir Fernand Braudel et son identité de la france
                    Je ne vois pas en quoi d’ailleurs la notion d’habitat en bois est péjorative
                    Les peuples du nord, vikings, n’ont pas laissé de grands amphithéâtres, mais ont accès leurs systèmes sur d’autres valeurs communautaires et sociales.

                    L’habitat en bois et en tourbe pour la gaule est lié à la proximité naturelle des matières premières.
                    Pourquoi faut il faire une hiérarchie entre culture romaine et gauloise ?
                    La première a les moyens militaires et politiques de ses conquêtes.
                    Ce n’est pas tout de même pour rien qu’elle réussira à imposer la pax romana pendant plusieurs siècles, et à réunir une amorce d’Europe, en partant de sa culture et de sa langue, qu’elle a réussi à imposer, plus par l’attrait de sa culture que par sa force, qui a les limites liées à l’espace, considérable à cette époque, et qui s’est bien rétréci.


                  • njama njama 23 avril 2013 21:31

                    L’habitat en bois et en tourbe pour la gaule est lié à la proximité naturelle des matières premières.
                    Pourquoi faut il faire une hiérarchie entre culture romaine et gauloise ?

                    C’est une très bonne question Bakerstreet ... il se trouve que mon garçon a fait des études d’ingénieur dans les technologies et l’industrie du bois , l’ENSTIB à Épinal ...

                    La pierre serait-elle synonyme et repère de ce qui est civilisé et de ce qui ne l’est pas ? un peu comme « l’âge de pierre » et « l’âge de fer » pour caricaturer ?


                    • Emile Mourey Emile Mourey 24 avril 2013 12:50

                      Ce qui est critiquable chez Jean François Kahn et l’archéologie officielle n’est pas dans le fait de dire que les maisons gauloises étaient en bois mais dans le fait de dire que les Gaulois ne savaient construire qu’en bois. C’est ainsi qu’en pleine campagne, le moindre petit pont de pierre est dit construit par les Romains comme si les Romains avaient été présents partout.


                      Si je prends l’exemple de la Bresse qui ne possède pas de carrière de pierres, les maisons étaient toutes construites à pans de bois, terre projetée sur clayonnage et toit de chaume, encore au Moyen-âge, jusqu’à l’installation de fabriques de tuiles et de briques. En revanche, pour construire une église ou un ouvrage défensif, on organisait des charrois pour aller chercher la pierre aux confins du Jura.

                      • Antenor Antenor 27 avril 2013 22:44

                        Dans l’Echappée Belle de France 5 consacrée à la Bourgogne, il y a un brève reportage sur Alésia. L’armée romaine professionnelle y est caricaturalement opposée à une armée gauloise soit-disant composée d’amateurs.

                        Les armées gauloises n’étaient socialement guère différentes de celles de Rome. On peut distinguer grosso-modo quatre catégories :

                        - Des aristocrates aux postes importants

                        - Des « vieux de la vieille » issus de la Plèbe aux postes de commandement subalternes

                        - Des engagés plus récents qui ne feront pas forcément carrière et retourneront à la vie civile au bout de quelques années.

                        - Et en dernier recours des conscrits le plus souvent tirés au sort parmi les célibataires comme cela se faisait encore jusqu’au XIXème siècle avec notamment les fameux « Marie-Louise ». C’est la mécanisation de l’agriculture combinée aux développement des transports qui a rendu possible la mobilisation de masse.

                        http://rosalielebel75.franceserv.com/service-militaire.html

                        La majorité des légionnaires romains étaient tout autant issus de la classe paysane que les soldats gaulois (arrêtons d’utiliser le terme enfantin de « guerriers gaulois »). La principale force de l’armée romaine par rapport à celles des Gaulois tient plus à sa cohérence globale (armée républicaine organisée sur un modèle unique contre armée d’osts hétéroclites) qu’aux qualités individuelles des combattants.

                         


                        • Emile Mourey Emile Mourey 27 avril 2013 23:34

                          @Antenor

                          Je n’ai pas vu l’émission mais je pense comme vous que la différence entre l’armée gauloise et romaine repose sur d’autres critères. Avant Alésia, Rome a déjà connu des conflits, toute une histoire et une expérience militaire avec notamment la réforme de Marius et la mise sur pied d’une armée de type nouveau avec sa conscription, une technique de combat particulièrement bien étudiée, un entrainement au combat collectif, bref l’armée idéale pour une guerre de conquête de grande envergure. Alors qu’en Gaule, la seule armée de métier était constituée des nobles cavaliers. Les 10 000 fantassins de Litavic ont de toute évidence été levés dans une situation d’urgence dans la population paysanne. Là est toute la différence. Une armée, cela se prépare et ne se met pas sur pied au dernier moment.

                        • Antenor Antenor 28 avril 2013 01:28

                          @ Emile

                          Que ce soit pour Rome ou la Gaule, on peut s’interroger sur l’expérience des nouvelles recrues. Quand Litavic lève son armée éduenne ou quand César crée de nouvelles légions, on ne sait pas s’il s’agit de soldats nouvellement engagés ou de troupes pré-existantes dans les Cités mais réorganisées au dernier moment.

                          « Alors qu’en Gaule, la seule armée de métier était constituée des nobles cavaliers. »

                          Tout dépend de ce qu’on appelle « armée de métier ». Les nobles cavaliers y consacraient leur vie entière mais à côté d’eux, on peut supposer qu’il existait un noyau dur de fantassins issus de la plèbe qui passait plusieurs années sous les armes. Quand ce noyau était insuffisant, on faisait appel à la conscription. La question serait de savoir quelle part avaient ces conscrits dans l’armée gauloise de Vercingétorix. Lors du siège d’Alésia, le chef gaulois préfère une armée de secours arrivant rapidement à une armée nombreuse (DBG 7-75). Ce qui laisse supposer que cette armée de secours réduite et rapide était essentiellement constituée de troupes déjà existantes et donc relativement aguerries.

                          La grande victoire de César à Alésia, c’est peut-être justement d’avoir démoli ce noyau dur de fantassins gaulois expérimentés.

                          César a peut-être trouvé ses 240 000 fantassins gaulois dans un texte projetant la mise sur pieds d’une armée gonflée par la conscription et où les fantassins expérimentés auraient servis de cadres. Ces derniers ayant disparu dans la bataille d’Alésia, le projet tombait à l’eau.


                        • Emile Mourey Emile Mourey 28 avril 2013 13:42

                          @ Antenor

                          Ce n’est qu’à partir des textes qu’on peut essayer de s’imaginer ce qu’étaient l’armée romaine et les armées gauloises. Pour la première, nous connaissons son articulation en légions, cohortes, centuries, et son combat en trois lignes de batailles, chaque ligne de bataille se déployant sur trois rangs. J’ai expliqué dans mes ouvrages comment ces trois rangs se soutenaient, le premier au premier rang armé du glaive court, le second le protégeant de sa lance et le troisième du javelot lourd. Contre la cavalerie, c’est le porteur de lance qui passait au premier rang.

                          Que cela soit des vétérans ou des jeunes recrues, c’est le même dispositif. Tout cela exige une stricte discipline pour rester en ligne et conserver les distances. Les reconstitutions cinématographiques ne montrent que des scènes de combat singulier dans le désordre, ce qui ne correspond pas à ce que fut la réalité telle qu’on peut l’imaginer à partir des textes. A la bataille de Sanvignes, les Helvètes ont attaqué en faisant une ligne très compacte et en se protégeant avec leurs boucliers (formation de la tortue). On comprend qu’avec leurs longues épées, gênés par ailleurs par leurs voisins, ils aient été bousculés lorsque le premier rang romain les a chargés en entrant brutalement au corps à corps.

                          Pour moi, c’est la principale explication.

                          Les Gaulois comptaient surtout sur leur cavalerie où ils s’estimaient supérieurs, à juste raison, jusqu’à ce que César fasse appel aux Germains ; également sur la stratégie de la terre brûlée mise en oeuvre par Vercingétorix, ainsi que sur la mobilisation du plus grand nombre de citoyens pour le temps d’une bataille.

                          C’est grâce aux revenus des péages que l’éduen Dumnorix s’est constitué une cavalerie conséquente, et aussi probablement, une clientèle d’hommes combattants à pied. Ce n’est qu’en cas d’urgence et de nécessité que les cités se trouvent contraintes de mettre sur pied des contingents importants de fantassins (les 10 000 Chalonnais de Litavic, les contingents demandés aux différentes cités pour constituer l’armée de secours).

                          Il y a aussi l’armée de Bituit sur laquelle on peut s’interroger à partir du texte de Platon.

                        • captain beefheart 28 avril 2013 13:35

                          Julius Caesar m’a fait beaucoup peur quand j’avais 11 ans et on le traduisait en classe ,avec tous les génocides et massacres dont il se vante ,femmes et enfants compris.Avez-vous fait l’addition totale de ses meurtres ?On arrive à plusieurs millions , je crois. Et un tel psychopathe est censé de nous servir comme exemple ?

                          Probablement la grande faute des Gaulois ,c’était de ne pas être juifs.


                          • Emile Mourey Emile Mourey 28 avril 2013 14:50

                            @ captain beefheart

                            Votre commentaire est très intéressant car il met bien en évidence comment l’Ecole a tendance à enseigner l’histoire en fonction de son époque. Au lendemain de la Libération, j’ai eu droit, quant à moi, à une démonstration très poussée sur le tronquage de la dépêche d’Ems et la realpolitik de Bismark qui m’avait également scandalisé alors que j’avais à peu près votre âge. Depuis, je relativise et m’habitue.

                            L’école de mon temps insistait plutôt sur les vertus civiques dont l’antiquité grecque et romaine nous ont donné l’exemple. L’école d’aujourd’hui est tellement marquée par le traumatisme des camps d’extermination nazis qu’elle en fait le critère de jugement exhaustif dans son enseignement de l’Histoire.

                            Il faut revenir à un peu plus de bon sens. Nous ne sommes plus à la même époque.
                            Lorsque Vercingétorix et César ravagent le territoire d’une cité qui ne se rallie pas à leur cause, c’est un fait. Cela ne doit pas nous empêcher de comprendre leurs motivations, leurs sentiments, leur action sur le cours de l’Histoire.

                            Et puis, c’est souvent plus compliqué qu’on le croit. Ce n’est pas César qui a commis le massacre de Bourges ; ce sont ses légionnaires. César avait tout intérêt à l’éviter car cela a dressé toute la Gaule contre lui. Ce n’est pas Brennus qui a massacré les vieux citoyens romains assis sur leurs sièges, c’est un Gaulois qui a commencé parce qu’il s’était jugé offensé etc... 


                          • Antenor Antenor 28 avril 2013 16:38

                            Je reviens sur Alésia où un détail me chiffonne de plus en plus. J’avais déjà évoqué le site de Grignon, situé à deux pas d’Alise et dont le chateau semble avoir été particulièrement important vu les familles qui l’ont possédé.

                            http://www.chateau-fort-manoir-chateau.eu/chateaux-cote-or-chateau-a-grignon-chateau-de-grignon.html

                            Or, il a même existé un Comté de Grignon au Moyen-âge ! Dans notre logique de permanence d’occupation des points forts du terrain, Grignon fait donc figure de candidat sérieux au titre de citadelle d’Alésia. 

                            Avec la citadelle militaire des Mandubiens à Grignon et leur capitale politique sur le Mont-Auxois, on se retrouverait dans une configuration identique à celle de Le Crest / Corent pour Gergovie en Auvergne ou de Larochemillay / Mont-Beuvray dans le Morvan.

                            Les fouilles récentes ne concernent qu’une infime partie du champs de bataille et ne nous permettent pas d’être définitifs quant à l’emprise exacte des retranchements romains. Qui sait si Grignon n’était pas inclus dedans ?


                            • Emile Mourey Emile Mourey 28 avril 2013 19:15

                              @ Antenor

                              S’il est un site gaulois pour lequel il ne devrait y avoir aucun doute tant le récit de César est précis et tant les traces archéologiques abondent, c’est bien Alise-Sainte-Reine. S’il est un déroulement des combats aussi facile à reconstituer, c’est bien sur ce site. Inutile de compliquer l’affaire ! C’est pourtant ce que font les archéologues qui cherchent encore la ville gauloise en bois alors qu’il s’agit des ruines en pierre qui ont été mises au jour. C’est ce que fait Mme Porte, dans son « imposture d’Alésia » sous prétexte qu’elle comprendrait le latin mieux que d’autres. C’est ce que fait M. Goudineau, ancien professeur du Collège de France, titulaire de la chaire etc., qui corrige les anciennes traductions pour déboulonner la statue de Vercingétorix et dont M. Kahn semble s’être docilement inspiré.

                              Quand je compte tous les historiens de métier, reconnus et encore aujourd’hui encensés par les médias, qui se sont penchés et écharpés sur cette affaire, ça me fait doucement rigoler ! 


                            • Antenor Antenor 2 mai 2013 22:14

                              @ Emile

                              Une possibilité est qu’au Moyen-Age Alise-Sainte-Reine ait dépendu de l’Abbaye de Flavigny et qu’elle lui ait servie de citadelle régionale. Cela expliquerait l’absence de grandes lignées aristocratiques possèdant Alise-Sainte-Reine.

                              On se trouve peut-être dans un cas similaire à celui du Crest où le nombre important de chanoines laisse penser que le site dépendait directement de l’Evêque de Clermont à l’image de Mauzun.


                            • Emile Mourey Emile Mourey 2 mai 2013 22:25

                              @ Antenor

                              Je ne le pense pas. Il y a toujours une logique d’évolution, mais il faudrait que les archéologues commencent par reconnaître que le village en pierre dont ils montrent les fondations est bien le village gaulois des Mandubiens.

                            • Antenor Antenor 3 mai 2013 00:20

                              La ville centrale du Mont-Auxois est à mon avis l’équivalent mandubien de Corent : la capitale politique du pagus et/ou de la cité. L’emplacement de cette ville est lié à celui de la citadelle. C’est cette dernière qui doit nous intéresser le plus, tout le reste tourne autour.

                              Si Alise était la citadelle des Mandubiens alors dans notre logique de permanence d’occupation des points forts du terrain, elle a forcément dû continuer à être une place forte importante au Moyen-âge et donc à dépendre d’une puissante autorité locale. Dans le secteur d’Alise, l’abbaye de Flavigny me semble être la piste à priviligier pour jouer ce rôle. C’est à Flavigny qu’ont été déplacées les reliques de Sainte Reine. 


                            • Dwaabala Dwaabala 29 avril 2013 00:30

                              Un article et des commentaires passionnants.
                              Merci, un peu tardif.


                              • Emile Mourey Emile Mourey 29 avril 2013 10:21

                                Je fais ce que je peux, bonne journée.


                              • stellio 14 juin 2013 03:00

                                Je me permets de faire une remarque d’ordre général :

                                Le fait d’estimer une architecture de bois, des huttes, comme étant inférieurs à une architecture de pierre est comme le sous-entendent certains (je crois l’avoir compris ainsi) le plus beau signe du triomphe d’une pensée (réductrice) gréco-romaine omnipotente et omniprésente. Je pense qu’imaginer que cela ait fait chaud ou froid aux celtes de construire en « dur » ou en « mou » est un fantasme. J’adorerais avoir le point de vue d’un chinois sur une supposée supériorité de l’architecture maçonnée... si certains lisent ce genre d’intervention, ils doivent en hurler de rire... du haut de leurs 7000 ans d’histoire de l’architecture de bois. Mais peut-être les villes chinoises actuelles sont-elles également un effet d’une certaine déculturation sur des supposés modèles occidentaux supérieurs... 
                                Laissons les chinois de côté. Pourquoi construit-on en bois, pourquoi construit-on en pierre ? On construit avec ce qu’on a sous la main, et qui coûte le moins cher. C’est parfois (souvent) un suicide environnemental, et toujours lié au moindre effort, au moindre coût. (pourquoi mettez-vous de la laine de verre dans vos murs alors qu’on sait que c’est nocif, que c’est un produit issu du pushing des conglomérats verriers ? parce que c’est le moins cher ! ) Pourquoi les égyptiens se mettent-ils à construire en pierre au IVème millénaire avant JC ? Probablement parce que les arbres sont devenus si rares qu’ils n’ont plus le choix. Pourquoi les grecs transcrivent ils en pierre leur architecture de bois ? Probablement parce qu’ils ont anéanti leurs forêts et que le matériau manque. Pourquoi le Capitole reste-t-il presque jusqu’au milieu de l’empire un gigantesque temple de bois ? Peut-être parce que le plus sacré de tous les temples, auquel on sacrifie les plus titanesques des arbres, est le dernier témoin d’une époque durant laquelle les environs de Rome proposaient des arbres au fut approchant les 2m de diamètre sur douze mètres de haut. Pourquoi les romains ne bâtissent-ils pas tous leurs temples importants sur ce modèle ? Parce qu’ils sont déculturés par les grecs, d’une part, et surtout parce qu’ils ont eux aussi épuisé leurs forêts. 

                                Considérer qu’il faille trouver des édifices gaulois en pierre pour justifier de leur haute civilisation relève donc du même état d’esprit. 

                                (Petit intermède de l’ancien architecte que je suis : des tests grandeur nature ont été faits dans les années 80 afin d’évaluer la résistance respective au feu, à la mine, et aux projectiles d’une muraille. Les tests ont été faits sur une palissade renforcée, sur un mur mixte bois-pierre, sur un mur de petit appareil et sur un mur de grand appareil. Au risque d’en décevoir beaucoup, la meilleure résistance aux trois attaques cumulées était celle des murs mixtes bois-pierre. Contre les chocs, la pierre apporte seulement la masse, le bois apporte l’élasticité.le bois seul éclate, la pierre de taille éclate sauf stéréotomie savante non disponible même à Rome, la maçonnerie de blocage est la moins mauvaise. / contre le feu, le bois de section supérieure à 25cm se consume très, très lentement, puis le feu s’étouffe lorsque une gangue de pierre l’enveloppe ; le parement est abîmé mais durci et la structure ne bouge pas. la palissade seule flambe, la pierre de taille éclate à la flamme, la maçonnerie de blocage résiste mieux / contre la palissade la mine est sans intérêt, contre un mur de blocage, la mine étant associée à la flamme, les dégâts sont considérables, et contre un ouvrage de pierre de taille, la mine provoque l’effondrement complet. contre un mur mixte bois pierre, il faut une mine d’une surface supérieure aux trois quarts de la portée des renforts de bois pour arriver à la chute des premiers rangs, mais comme dans un mikado, le haut du mur peut ne pas bouger, laissant la courtine intacte.... cqfd et sans mortier !)

                                Pourquoi y-a-t-il un tel hiatus dans la « grande » architecture entre la chute de l’empire (ou plutôt les années 350-380) et l’an mil ? Probablement parce qu’effectivement, 90% de l’architecture gauloise, gallo-romaine et franque est en bois. Et qu’effectivement le premier barbare à cornes venu mettant le feu au bout d’un village, d’une villa ou d’une ville était sûr de la voir flamber de bout en bout. Est-ce un signe de faiblesse culturelle de bâtir en bois ? Demandez-donc ça aux chinois, aux japonais, même aux américains, dont plus de 50% du volume construit est en bois. Posez également la question à M. Mansard, dont le palais de Versailles n’a que des façades de pierre, tout le reste étant en bois et torchis, derrière les marbres et dorures. Posez la question à M. Hausmann, dont l’avenue de l’Opéra, derrière ses façades tarabiscotées et rigides à la fois, est... en bois et fonte.

                                Bref, dire qu’un oppidum, un temple, ou quelque édifice que ce soit se doit d’être en pierre est une simple erreur économique, loin de toute polémique sur la compétence ou incompétence des historiens. Le fait de s’écharper sur Alésia n’est pas vide de sens non plus, mais rend au contraire compte du doute qui est en train de se faire jour dans l’esprit des archéologues et historiens, qui effectivement se rendent compte que les 6, 8 ou 10 millions de gaulois devaient bien vivre quelque part, et que le nombre de sites repérés jusqu’ici ne correspond au mieux qu’à une population totale pour la Gaule de 200 000 habitants ! Remettre l’ouvrage sur le métier est sain et reflète à mon sens l’idée que 99,9% des sites gaulois nous sont inconnus, que 95% des sites romains le sont aussi.

                                Les textes qui sont relus ad nauseam le sont aussi parce qu’ils sont flous, qu’on leur fait dire ce dont on a envie, qu’ils sont très souvent faux, à dessein ou de bonne fois du fait d’une mauvaise recopie ou compréhension du clerc. Vous le savez, la « Guerre des Gaules » par exemple est une vaste entreprise de désinformation, mais la lire intelligemment permet d’en tirer le meilleur. 
                                Sachant que nos chers amis francs ont ravagé les archives, les ont réécrites pour leur propre usage et bénéfice. Sachant que l’aristocratie comme le clergé ont poursuivi cette tradition de faux en écriture durant 1500 ans, et que nous en faisons tout autant de nos jours, relire un texte n’est pas superflu. 

                                Le livre de Kahn n’a d’intérêt qu’en tant que sous produit d’une civilisation dans laquelle effectivement, au milieu d’un chaos d’informations folles, celui qui gueule le plus fort a raison, mais ce n’est pas nouveau. Ce bouquin, s’il survit d’ici là, fera ricaner quelques commentateurs dans cinq siècles, qui écriront non sur le fond sans intérêt, mais sur la forme.

                                Enfin, je trouve ahurissante la charge anti-gauche de certains commentateurs sur ce sujet, comme si le patrimoine était de droite ou de gauche. Travaillant actuellement sur un recensement patrimonial, je puis vous dire (statistiques à la clé !) que je constate avec effarement le massacre de notre patrimoine, chaque jour, et que la bêtise crasse est très démocratiquement, sociologiquement et politiquement partagée. Dans ma région, tous les chantiers peuvent être suspectés de recouvrir un trésor archéologique, et quand il s’agit de raconter n’importe quoi pour justifier la non intervention des archéologues, des élus de gauche et de droite sont présents et font front (bovin) commun. Lorsqu’on demande 3 mois de délai pour une fouille, des chefs d’entreprise hurlent au sacrilège anti libéral, et s’allient aux syndicats qui hurlent aux menaces contre l’emploi. 

                                J’apprécie vos textes et commentaires sur la permanence (d’usage) des sites. Mais attention, la détention d’un fief, même au XIème siècle ne vaut pas preuve de détention permanente, loin de là. D’abord, les possessions abbatiales et de tout le clergé d’ailleurs, sont composées de donations étalées depuis le IVème siècle jusqu’à... aujourd’hui ! Toutes les donations des IIIème au Xème siècle sont par nature sujettes à caution (du moins en Francie/Neustrie, ailleurs, je ne sais pas) Une part conséquente est usurpée, donc les titres sont à manier avec méfiance. Savoir qui fait la donation est important, et sur Alise, je n’ai hélas aucun élément à ajouter. Procéder à des hypothèses comme vous le faites me passionne, mais n’oubliez pas qu’une hypothèse se renforce lorsque le faisceau se renforce. Concernant le château de Grignon, ses possesseurs ne sont importants que par leurs titres. Je traite actuellement personnellement de châteaux tenus par les plus grandes familles de France. Sauf que... elles n’y ont pour la plupart jamais mis les pieds ! Et lorsqu’elles y sont venu, ce sont des cadets de la famille qui y viennent. Grignon me semble de ce type, très tôt échu à des branches collatérales moindres. L’emplacement, la fonction, les dépendances, la quantité d’arrière-fiefs sont les éléments les plus importants pour juger de la permanence éventuelle de fonction, mais ne donne aucun indice sur le statut, et ne permet pas d’envisager une permanence dudit statut. La majorité des citadelles antérieures à l’an mil ont perdu leur importance parce que les données géo-stratégiques avaient changé. La dimension non plus ne fait rien à l’affaire. J’ai à moins de 20km de chez moi trois citadelles de plus de 100ha dont vous n’avez jamais entendu parler, et une vingtaine mesurant entre 10 et 50ha... et personne n’a la queue d’un indice pour les dater, sans parler de leur donner un nom. C’est parce qu’il y a permanence d’occupation, que la Gaule était extrêmement peuplée par rapport au reste de l’empire, qu’il est difficile d’attribuer un site à un nom ou inversement. Quand à en dater l’occupation, la dendrochronologie a fait faire quelques découvertes épatantes dans l’ouest de la France, faisant remonter des charpentes entières au XIIème siècle alors qu’elles étaient datées du XVème. (dans une région ravagée par la guerre de cent ans, ce n’est pas rien !) Si nos élus votent des budgets, ces datations se multiplieront et nous aurons de belles ou drôles de surprises. 

                                • Emile Mourey Emile Mourey 14 juin 2013 09:20

                                  @ Stellio

                                  Excellent commentaire, je dirais même étude. Faire de la construction en pierre un marqueur de civilisation avancée est la plus grande absurdité que l’archéologie française ait inventée.

                                • Antenor Antenor 14 juin 2013 18:01

                                  @ Stellio

                                  Merci pour les infos sur Grignon. Le fait est que le « Comté de Grignon » semble avoir eu une vie très éphémère. Il s’agit peut-être d’une création des Ducs de Bourgogne destinée à contrer l’influence de l’abbaye de Flavigny sur l’Auxois. Cela renforce l’hypothèse de la localisation de la citadelle d’Alésia à Alise-Sainte-Reine.

                                  Concernant l’architecture au mortier de chaux, elle présente tout de même les avantages de pouvoir construire de bâtiments de grande hauteur et d’une grande longévité. Ce sont précisément les deux points faible des murs en terre et bois garnis de pierres sèches tels qu’on en trouve au Mont-Beuvray.


                                • COVADONGA722 COVADONGA722 14 juin 2013 06:53
                                  yep quel taquin ce gordon ! moi aussi j’ai tiqué !!mais bon puisqu’il fait l’âne il aura du son ! 


                                  yep le copiste à côtoyé les bâtisseurs de cathédrales ça a trait au trait du dessin d’architecte et surtout à la taille des pierre pour proposer des angles arrondis voûtes coupoles semblerais que 
                                  le docte historien pense qu’une muraille incurvée soit plus difficile à emporter qu’une rectiligne !
                                  Du strict point de vue fantassin « pas architecte ni historien moi » s’en fou de la forme c’est la hargne des défenseurs sur la courtine et les pièges à cons disposés devant qui font l’importance !
                                  Sur les murs l’auteur est dans le vrai probablement vu que dans de bello gallico César entre deux auto louanges décrit les murailles « Bibracte ?? » comme un appareil de pierre et terre
                                  entre deux palissades le tout entrecroisé de lambourde en bois à distance régulière.

                                  Asinus : ne varietur 

                                  • COVADONGA722 COVADONGA722 14 juin 2013 06:55

                                    pardon , pas vu ou j’étais !

                                     le bonjour MR Mourey ! 

                                    Vale !

                                     Asinus 

                                    • stellio 15 juin 2013 01:02

                                      @ Morvandiau :

                                      Stéréotomie : art de tailler les pierres afin qu’elles s’emboîtent selon des angles favorisant la meilleure tenue possible à l’effort demandé. L’idée générale est d’augmenter la surface de frottement, de contact, afin d’améliorer la cohérence du mur. Le mortier est le pis-aller trouvé pour compenser une taille imparfaite, ou pas de taille du tout ; il s’infiltre entre chaque grain dans chaque anfractuosité et (très grossièrement) recrée un lien structurel entre les deux moellons. Théoriquement, une stéréotomie parfaite rend le mortier inutile, chaque surface s’adaptant parfaitement à l’autre. Les plus éblouissantes stéréotomies de la planète : Ollantaytambo, Peru :

                                      @ Antenor :
                                      la nécessité de monter est généralement due à la surpopulation ou/et à la spéculation immobilière. A Rome, les insulae ont atteint neuf étages, avant même le règne d’Auguste (tiens, d’ailleurs, elles étaient en bois et torchis !... lol... bon, ok, elles s’effondraient assez souvent, mais ce n’étaient que des habitations locatives... ) Pour ce qui est de la longévité, c’est très relatif, à nouveau. D’un point de vue fonctionnel, un bâtiment à l’espérance de vie supérieure au siècle est rarement rationnel. La plupart des fonctions se périment dans un délai moindre. Et l’hypertrophie de l’égo humain rend la réutilisation perpétuelle d’un même local assez rare ; On choisit un matériau « éternel » pour un usage « éternel », savoir dieu(x) et la mort. Ensuite, pour les nécessités de défense, qui sont pérennes à nouveau du fait de la nature humaine, on peut céder à l’égo et bâtir en pierre maçonnée, ou préférer le bois beaucoup plus facile à reconstruire, et beaucoup moins cher. Ce n’est pas à toutes les époques, et pas partout, mais à nouveau, cela dépend de la disponibilité des matériaux. Lorsque j’étais étudiant, un ponte de mon atelier nous avait montré ses réalisations de l’époque héroïque de la fin des colonies africaines. Sur plusieurs de ses chantiers, il avait dû employer ce qui était disponible au moindre prix, savoir : la terre argileuse, les bidons d’essence et les containers... ça donne une architecture... exotique.

                                      Pour en revenir aux gaulois, il est donc logique que seules soient restées les fortifications et quelques rares temples, la mort et l’éternité n’ayant apparemment pas été leur préoccupation majeure.
                                      Pour les temples, n’ont souvent survécu que les fondations, permettant d’isoler le bâti périssable de l’humidité du sol. De même que de toutes les maisons de bois actuelles ne resteront que les massifs de fondation. 

                                      Une chose que je trouve intéressante dans la démarche que vous avez, M Mourey est de rechercher des traces du patrimoine culturel antérieur aux francs ou aux romains. Même s’il s’avérait que certains bâtiments dont vous parlez soient effectivement du XIème siècle, il me semble sympa d’imaginer qu’ils recouvrent les formes et programmes décoratifs de bâtiments antérieurs. Ce n’est pas aberrant d’imaginer que les artisans aient (au moins) repris les décorations antérieures. 
                                      Dans ce registre, je me demande si quelqu’un a un jour essayé de recenser toutes les inventions interdites par l’empire ?

                                      • Antenor Antenor 16 juin 2013 17:51

                                        @ Stellio

                                        La forêt gauloise subit un net recul au IIIème siècle avant J.C., il ne serait donc pas aberrant de situer le début de l’utilisation des pierre assemblées au mortier de chaux à cette époque.


                                      • Emile Mourey Emile Mourey 15 juin 2013 08:34

                                        @ Morvandiau @Stellio, @Dwaabala, @Cavadonga 722, @Antenor

                                        Le plus important, c’est de commencer par bien traduire les textes de façon à bien localiser les sites de Gergovie et de Bibracte. Athènes ne se trouvait pas sur le mont Olympe mais sur l’Acropolole. Les archéologues grecs ne sont pas idiots et ils ont bien recherché l’Athènes antique en partant principalement de l’Acropole et non en allant faire des fouilles sur le mont Olympe ou au hasard d’autres sites révélant des vestiges d’occupation.

                                        Les archéologues français ont localisé Bibracte au mont Beuvray à tort alors qu’il ne s’agit que du site sacré et stratégique de Gorgobina. Leurs fouilles ne peuvent que nous révéler ce qu’était un site sacré et stratégique et non ce qu’était une capitale de cité gauloise.

                                        Le premier scandale est qu’ils ont fait cette erreur, le deuxième scandale, qu’ils n’ont pas voulu le reconnaître, le troisième scandale est de déclarer aujourd’hui que seule importe le fruit de leurs fouilles et que peu importe que Bibracte soit là ou ailleurs.


                                         

                                        • stellio 17 juin 2013 03:40

                                          @ Antenor, pas faux, simplement le repli n’est pas général, et il est cyclique. Dans ma région, ce qui est valable pour la forêt de douvres ne l’est pas pour celle de Bercé et n’est pas concomitant avec ce qui se passe dans celle de Longaunay, ni dans celle de Charnie, ni pour la Gastine. 

                                          Je n’ai pas vu (mais je n’ai pas bien cherché non plus) d’étude menée sur tous les massifs pour en dater les cycles éventuels, vous auriez ça dans vos références ?

                                          @ Mourey : tout à fait d’accord ! La relativement mauvaise réputation des historiens français à l’étranger n’est pas un hasard non plus... La meilleure en date : j’ai assisté à une conférence sur les villae du Maine, il y a quelques mois, à Allonnes (72), durant laquelle un archéologue nous a expliqué ses résultats de fouille entre autres sur une villa située dans un village que je connais bien. Il nous a présenté des objets, le plan supposé des lieux, expliquant qu’il n’avait eu accès qu’aux deux extrémités du site, le milieu ayant été tranché par une vieille voie-ferrée désaffectée... etc.. Emerveillé de découvrir un tel lieu dans un endroit que je connais, je fonce trois jours après sur place et cherche les lieux. Aucune trace de fouille, je me dis tout a été recouvert depuis deux ans, c’est normal... Je vais voir le propriétaire voisin, qui me rit au nez et m’affirme qu’il n’y a jamais eu la moindre fouille, et que les objets en question ont été remontés en surface par les porcs de la basse-cour.... sans commentaire

                                          • Emile Mourey Emile Mourey 17 juin 2013 10:14

                                            @Stellio

                                            Le problème de l’archéologie française, c’est qu’elle fouille, bien souvent, là où il n’y a rien à trouver et qu’elle ne fouille pas où elle pourrait trouver quelque chose. La grande mode aujourd’hui, c’est d’envoyer des chercheurs de l’INRAP faire des fouilles préventives sur les lieux où veulent d’implanter des grandes surfaces. C’est le cas, pas loin de chez moi, dans un petit village. En revanche, aucun archéologue officiel ne s’intéresse à mon site anciennement fortifié... sauf les chercheurs de trésor.


                                          • COLRE COLRE 17 juin 2013 10:45

                                            « Le problème de l’archéologie française, c’est qu’elle fouille, bien souvent, là où il n’y a rien à trouver et qu’elle ne fouille pas où elle pourrait trouver quelque chose.  »

                                            Emile Mourey, comment pouvez-vous dire une bêtise pareille ? Les fouilles préventives ont comme objectif de sauvegarder le patrimoine enfoui avant qu’il ne soit détruit par des grands travaux. Que je sache, notre société est dépositaire d’un patrimoine multimillénaire dont il ne restera rien après le passage des pelleteuses. C’est son absolu devoir de mettre tout en oeuvre pour éviter ce désastre irrémédiable. 

                                            Déjà que les travaux d’urgence disposent de trop peu de moyens, et vous voulez encore les en priver ? 

                                            Je ne sais pas ce qu’est « votre » site, mais s’il n’est pas menacé, il attendra. Et puis, je ne suis pas sûre qu’il vous appartienne, « votre » site, les fouilles sont réglementées par l’Etat.


                                          • Emile Mourey Emile Mourey 17 juin 2013 11:09

                                            @ Colre

                                            Vous avez mal interprété mon commentaire. Je ne dis pas qu’il ne faut pas faire des fouilles. Le cas du mont Beuvray est typique. J’ai lu qu’en une année, il avait englouti tous les crédits qu’on accorde à une DRAC. Si le mont Beuvray est ainsi favorisé, c’est bien évidemment aux dépens d’autres chantiers de fouilles. Comprenez qu’il y ait des archéologues qui ne soient pas d’accord. Comprenez aussi que je m’étonne quand je vois s’élever des constructions dans des endroits intéressants sans que l’Inrap s’en inquiète, laissant les architectes des bâtiments de France et les communes faire comme bon leur semble. Je suis moi-même intervenu jusqu’au ministre qui m’a répondu par une belle lettre mais le préfet m’a envoyé sur les roses. Un ministre, cela ne sert qu’à couper des rubans. Quant à la préservation du patrimoine, laissez-moi rire. Notre modernité a plus détruit en une génération que pendant tous les siècles précédents et ça continue.

                                          • Emile Mourey Emile Mourey 17 juin 2013 11:37

                                            @ Colre

                                            Et j’ajoute. Quand j’envoie mes ouvrages aux autorités en charge du patrimoine, j’aurais pu espérer qu’on tienne compte de certains lieux intéressants qui auraient mérité au moins un sondage. Que voulez-vous que je pense quand je vois se construire sur l’ancien oppidum de Mont-Saint-Vincent une maison de retraite ? Oui, j’ai vu dans les tranchées ouvertes les éboulis de pierres de l’antique enceinte, mais je n’y ai pas vu d’archéologues. Oui, j’ai vu s’élever à l’entrée de l’ancienne ville murée, une mairie affreuse de modernité, et je n’ai pas vu d’archéologues. Oui, j’ai vu s’élever au Crest, sur l’emplacement probable de l’ancien forum de Gergovie, une maison du peuple en parpaings de ciment et je n’ai pas vu d’archéologues. Oui, j’ai vu l’ancien palais de Vercingétorix s’écrouler et tomber en ruines et je n’ai pas vu d’archéologues. Oui, j’ai vu sur les collines de Sanvignes, ce qui m’a semblé être des tumulus mortuaires écroulés sous une croûte de mortier de chaux sur lesquels les buis avaient poussés, tout cela rasé pour faire place à un lotissement. Oui, j’ai vu une extraordinaire fresque dans l’église de Gourdon, en état puis avec sa partie la plus importante, détruite... bon j’arrête.

                                          • Antenor Antenor 17 juin 2013 19:14

                                            @ Stellio

                                            Je n’ai pas de données ultra-précises forêt par forêt mais toutes les synthèses indiquent qu’une véritable révolution agricole s’est produite en Gaule à cette époque. L’outillage en fer a permis de mettre en culture des sols jusqu’alors inexploitables.

                                            Ces données me paraissent incontestables dans la mesure où elles concernent de très nombreux sites. Les travaux d’organismes comme l’INRAP auront au moins eu ce mérite de donner une image globale qu’on peut juger relativement fiable de l’occupation agricole de la Gaule.

                                            Là où ça coince, c’est sur les points durs : villes, forteresses, grands sanctuaires... Je persiste à trouver invraisemblable l’identification du Mont-Beuvray à une métropole économique. A cette époque déjà, la concurrence était rude entre les territoires et la rentabilité d’un établissement économique dépendait largement de sa localisation. Quelques kilomètres de détours à l’époque gauloise étaient l’équivalent de plusieurs dizaines de kilomètres à l’heure actuelle. Au niveau micro-local, il fallait bien sûr s’implanter sur un site relativement facile à défendre mais à condition que ce site ce trouve sur un grand carrefour commercial. L’Ile de la Cité à Paris ou la colline de Fourvière à Lyon (sans oublier celles de Rome ou l’acropole d’Athènes !) en sont des exemples très parlants.

                                            Les sites du type de Corent ou du Mont-Beuvray ne peuvent à mon avis n’avoir été financés que par des fonds publics. Ils n’étaient pas destinés à avoir une rentabilité immédiate mais à assurer des fonctions politiques et religieuses de soutien à l’activité générale du pagus.


                                          • stellio 17 juin 2013 20:30

                                            @antenor : 

                                            ok pour les données de l’inrap, j’irai revoir ça
                                            Pour ce qui est de Lutèce, c’est un très mauvais exemple, à mon avis, et la thèse actuelle de capitale des parisii à Nanterre me semble beaucoup plus crédible que celle d’une ville établie au milieu d’un marigot, avec deux ponts à franchir,.. (l’actuelle Paris) où d’ailleurs on n’a trouvé qu’un petit sanctuaire sans rapport avec une capitale de « tribu ». 

                                            @Colre :
                                            je suis assez d’accord avec Mourey, les fouilles préventives sont un progrès, personne ne peut dire le contraire, mais le résultat est effectivement qu’on procède à des fouilles sur des sites pas forcément majeurs, et que donc les crédits y sont absorbés, alors que d’autres sites dont on sait avec certitude l’importance dépérissent en silence. 
                                            Les exemples sont hélas accablants, et la liste hallucinante. Peut-être que les archéologues ne sont pas responsables, directement, mais (dans la région Pays-de-Loire par exemple) même la direction régionale de l’archéologie reconnait depuis les années 90 que les directions prises par les archéologues, les priorités qu’ils affichent, ne correspondent pas à la réalité de l’urgence. Et comme le dit très exactement M. Mourey, la direction qu’ils prennent leur est dictée par leur unique expérience personnelle et leur plan de carrière et non par l’intérêt général. 
                                            Bien sûr que le manque de crédit est flagrant, et qu’il faut faire des choix. Mais il est du devoir des citoyens de secouer le cocotier lorsque les lignes de crédit s’évaporent dans des directions aberrantes. Et les archéologues, disons ceux qui sont de bonne foi, devraient abonder en ce sens, et non pas aller se cacher en espérant que leur ligne de crédit sera à l’abri. 


                                            • Antenor Antenor 18 juin 2013 17:45

                                              @ Stellio

                                               

                                              « Pour ce qui est de Lutèce, c’est un très mauvais exemple, à mon avis, et la thèse actuelle de capitale des parisii à Nanterre me semble beaucoup plus crédible que celle d’une ville établie au milieu d’un marigot, avec deux ponts à franchir,.. (l’actuelle Paris) où d’ailleurs on n’a trouvé qu’un petit sanctuaire sans rapport avec une capitale de « tribu ».  »
                                               
                                              Et pourtant, de ce petit marigot est née une des plus grosses agglomérations d’Europe. Le bassin parisien a un relief moins marqué que d’autres régions mais je suppose que si Paris est née sur l’Ile de la Cité, il doit bien y avoir une raison d’ordre géographique même si elle ne saute pas aux yeux.
                                               
                                              Pour ce qui est de l’oppidum de Nanterre, je pense qu’il faut le placer sur le même plan que ceux de Corent et du Mont-Beuvray : une capitale administrative et religieuse de pagus et/ou de cité à mettre en relation avec une puissante citadelle voisine ; dans notre exemple : Saint-Germain-en-Laye. Les sites de ce type ont été abandonnés soit au 1er siècle av JC soit à l’époque de Dioclétien, lorsque la Gaule a subi ses principales réorganisations administratives. Les métropoles économiques sont alors devenues des capitales politiques.

                                            • stellio 19 juin 2013 18:55

                                              antenor, 

                                              Paris n’est pas né sur l’île de la cité !
                                              la capitale des parisii a été brulée par leurs propres soins, au début de la guerre des gaules. Ils auraient abandonné la ville et l’auraient brûlée volontairement afin que les romains ne puissent l’utiliser comme point de repli. Or il n’y aucune trace de ça sur l’île ou aux abords de Lutèce. C’est bien pour ça que la candidate la plus crédible actuellement est Nanterre.
                                              Ensuite au 1er siècle, Lutèce est fondée par les romains, rive gauche principalement, puis lentement, sur l’île de la cité, autour du IIIème siècle, parce que les insurrections locales, les bagaudes et le début des invasions rendent la ville ouverte intenable (le lieu du palais du gouverneur ne présente aucune trace d’occupation auparavant, seulement un éventuel fanum de petite taille, moins de 10m de côté, voir fouilles récentes entre le quai des orfèvres et le palais de justice). Elle est au départ apparemment conçue (comme Trêves/Augusta et tant d’autres villes) comme un camp d’hivernage des légions. Cette île était minuscule, la moitié à peine de ce qu’elle est aujourd’hui, et presque totalement inondable.
                                              Nanterre est très éloignée de St Germain (surtout à pied ou à cheval !). Oui c’était peut-être la capitale, et un sanctuaire important et ancien, puisque jusqu’au XVIIIème siècle subsista le cromlech de Nantura. Mais St Germain, non, vraiment pas... Le Mont-Valérien est bien plus proche et défendable, depuis son sommet tu as une visibilité parfaite sur deux boucles de la Seine (enfin avant, maintenant on voit surtout le smog), alors que depuis St Germain, tu n’en vois qu’un bout. Au début du XIXème des érudits suresnois avaient trouvé quelques vestiges jusqu’aux abords du sommet selon leur description : outils taillés, sarcophages et monnaies...sic). La construction du fort les a probablement anéantis, mais si un jour l’armée s’en va, il sera possible de fouiller...
                                              Une citadelle principale devant permettre de défendre une supposée ville ouverte ne peut se trouver qu’à 1 ou 2 kilomètres au grand maximum sinon elle est totalement inefficace. Et tous les sites supposés urbains gaulois sont (pour ceux que je connais) clos. Même l’habitat diffus est clôturé. tous les sites ne peuvent pas non plus être simultanés, même s’il y a perpétuation d’utilisation, elle n’est pas systématique... 

                                              • Antenor Antenor 19 juin 2013 20:40

                                                @ Stellio

                                                Je n’ai jamais eu à diriger la défense d’un territoire et encore moins il y a deux mille ans donc je me garderais bien de dire que tel site est à priori meilleur qu’un autre. Ce que je vois, c’est qu’aussi loin que remontent les textes, Saint-Germain-en-Laye a toujours été le fief de prédilection des rois de France à travers les âges. Quand Louis XIV quitte Paris en catastrophe chassé par la Fronde, c’est à Saint-Germain qu’il se réfugie. Je vois donc en Saint-Germain la capitale militaire du pagus parisien et en Nanterre sa capitale politique.

                                                Saint-Germain-en-Laye est à une petite dizaine de kilomètres de Nanterre. Distance comparable à celle séparant le Crest de Corent ou le Mont-Beuvray de Larochemillay.

                                                Les 20 km séparant Saint-Germain-en-Laye de Paris peuvent être vus non comme un handicap mais au contraire comme une distance de sécurité permettant au défenseur de se donner le temps de se réorganiser après la perte de la ville principale.

                                                Château-Gaillard et Windsor sont même situés à 40 km de Rouen et Londres, ce qui appuie l’hypothèse de l’identification de Bibracte à un Mont-Sain-Vincent séparé de Chalon par la même distance.

                                                Pour la défense rapprochée de Paris (échelon du Vicus), c’est Vincennes (l’équivalent de Taisey à Chalon) qui en était chargé au Moyen-âge. Je pense que le château de Vincennes a succédé à une citadelle plus ancienne située à Nogent-sur-Marne.

                                                http://fr.wikipedia.org/wiki/Nogent-sur-Marne#Histoire

                                                http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Beaut%C3%A9-sur-Marne

                                                Pour ce qui est la ville de Paris elle-même, attendons de voir les résultats des nouvelles fouilles.

                                                Vous pensez que César dans son récit parle de Nanterre ?

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