• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Tribune Libre > Quand le plus beau temple de l’univers était en Gaule

Quand le plus beau temple de l’univers était en Gaule

« Empereur... c'est ainsi que la fortune intervient dans les affaires des hommes. Elle vient de t'apporter un heureux dénouement. Mais cet heureux dénouement ne doit pas te faire oublier, bien au contraire, ce que tu as promis aux dieux immortels dans le temple le plus beau de l'univers où tu aurais pu ne pas te rendre en détournant tes pas, mais où tu es pourtant venu pour t'adresser au Dieu présent. Et, en effet, Constantin, n'as-tu pas vu ton Apollon, accompagné de la victoire, t'offrir les couronnes de lauriers ? » (Discours d'Eumène, panégyrique de Constantin Auguste, vers 312 après J.C., traduction E. Mourey). 

Encore aujourd'hui, la célèbre vision de Constantin est toujours une énigme pour les historiens, notamment quant à l'endroit où le phénomène a eu lieu. Or, il semble bien que l'origine de l'affaire soit à rechercher dans l'actuelle cathédrale de Chalon-sur-Saône.

Camille Jullian avait pensé au temple d'Apollon de Grand, sur la route militaire qui va de Langres à Trèves. Revenant d'Italie après avoir vaincu Maxence au pont Milvius, Constantin rejoignait le limes rhénan pour arrêter les barbares qui menaçaient de le franchir. D'autres estiment, à juste raison, que c'est avant d'affronter Maxence. D'autres pensent que cette vision, suivie de victoire, aurait amené l'empereur à se convertir au christianisme entraînant tout l'empire avec lui... un peu comme Clovis plus tard. (Parler de victoire est un peu exagéré. En réalité, son rival s'est noyé en tombant d'un pont).

Dans tout l'imbroglio qui a suivi, le seul témoin fiable est Eumène. En effet, si l'on étudie attentivement le déroulement des opérations que relate le rhéteur, on note que Constantin s'est arrêté à Chalon-sur-Saône pour mettre au point l'embarquement de ses troupes. Il avait prévu de leur faire descendre la Saône et le Rhône par bateaux pour aller plus vite à la rencontre de Maxence. Or, pour disposer d'autant de bateaux et, éventuellement d'accompagnateurs, il a bien fallu qu'il demande à la corporation des nautes de les lui fournir. Il a bien fallu promettre de payer le service et le matériel. Dans la transaction qui s'est faite en présence des dieux, Constantin a, bien évidemment, fait des promesses et c'est très fermement que l'orateur les lui rappelle dans son discours de Trèves tout en adoucissant sa requête par un flot de louanges et une invitation à visiter les bains. Eusèbe de Césarée confirme, sans le vouloir, qu'une transaction a eu lieu dans un temple, mais il lui donne une orientation religieuse, je cite : Constantin implora la protection de ce Dieu, le pria de se faire connaître à lui, et de l'assister dans l'état où se trouvaient ses affaires (vie de Constantin, chap XXVIII). Par la suite, il se mit à lire les Ecritures (chap XXXII).

Ce Dieu qui se fait voir, n'est-ce pas celui de l'actuelle cathédrale de Chalon ?

Christ, Messie, Adonaï, Apollyo ou Apollon, le Sauveur se fait voir dans la végétation du ciel à la population pieuse de la ville. Il est, à l'origine, le dieu de Canaan auquel Caïn et Abel ont offert la gerbe de blé et l'agneau. Il est celui qu'Ezéchiel a vu au centre des nuées entouré des quatre constellations en forme de vivants. C'est lui qui donne la couronne de gloire et qui annonce qu'un sauveur viendra. Certes, il fallait oser le faire mais Eumène a franchi le pas. Après avoir rappelé que Constantin était de sang divin du fait de sa filiation avec Claude, après avoir comparé sa prestance à celle d'Apollon, il ose et insinue : tu t'es reconnu sous les traits de celui à qui les poètes, dans leurs chants divins, ont annoncé l'empire du monde entier.

Deux siècles plus tard, l'historien grec Zozime n'est pas dupe. Selon lui, tout ce que fit Constantin ne le fut pas par conviction religieuse, mais par calcul politique. Son habileté fut de laisser le flou concernant l’interprétation de sa vision de telle façon que les différents courants qui s’opposaient entre eux aient eu la possibilité de l’intégrer chacun dans sa croyance. Mais il n’a rien inventé. Cette idée de faire apparaître dans le ciel, une nouvelle étoile, une conjonction d’astres ou un signe, annonçant une nouvelle ère, un empereur réformateur, un Quelqu’un ou un Sauveur, était, à cette époque, tout ce qu’il y avait de plus classique et, je dirai même, d’obligé.

Constantin a donné à Eusèbe de Césarée une interprétation différente de celle d'Eumène.

Il aurait vu un signe apparaître dans le ciel, et accompagnant ce signe, l'inscription suivante : In Hoc Signo Vinces : par ce signe, tu vaincras. Si c'est dans le ciel de l'église de Gourdon, autre temple d'Apollon dont je date la fresque du Ier siècle avant J.C., ce n'est pas faux. Ce sont en effet les initiales qui figurent au-dessus de la tête du messie Cléopas représenté sur une fresque latérale mais sans le V. Le problème est que ces intitiales signifient bien "par ce signe" mais c'est tout. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/cleopas-le-christ-oublie-des-31893 (l'appellation "temples d'Apollon" est d'Eumène).

Lactance donne une description assez précise du signe. Il le décrit comme étant en forme de lettre X traversée par la lettre L recourbée à sa partie supérieure. Ce n'est pas faux mais c'est dans le ciel de l'église de Mont-Saint-Vincent que Constantin a vu ce signe. Il y a concordance sauf que, dans cet autre temple d'Apollon, le L est en réalité le P de Pax. C'est ce signe greco-latin, très probablement d'avant J.C., qui figurera dorénavant sur le labarum des armées sous le nom de chrisme.

La vision de Chalon est évoquée dans un rare aureus de Constantin et le lieu est bien la cathédrale de Chalon. 

Le temple de Chalon est représenté sur la carte de Peutinger Il s'agit là d'un extrait de la copie de Konrad Miller détenue par la Bibliotheca Augustana de Vienne en Autriche. Contrairement à ce qui est dit, je pense que l'original est vraiment le document d'origine. Je le considère comme la grande oeuvre de l'empereur Julien et le date donc d'avant sa mort, c'est-à-dire avant l'an 363, soit 51 ans après la vision de Constantin. J'ai replacé entre Lyon et Chalon le cours de la Saône qui avait été effacé sur l'original, contre tout bon sens. En le prolongeant par le cours de la Thalie, je replace, comme il se doit, le temple de Chalon sur la rive droite du fleuve. On peut remarquer deux ouvertures sur le côté du bâtiment (?), l'absence de tours ou de clocher, et un toit de tuiles rouges.

Ce temple a été construit par l'empereur gaulois Posthumus. Il est possible qu'il n'ait été terminé que sous le règne de l'empereur Julien.

L'empereur gaulois Posthumus régna sur la Gaule de l'an 253 à l'an 258. Ayant cessé de payer l'impôt à Rome du fait de la sécession, il est normal que cet empereur ait voulu marquer son règne par l'édification d'un monument prestigieux. On se rappelle que Posthumus avait ramené la paix sur le territoire en mettant à la raison les barbares infiltrés qui semaient l'insécurité un peu partout. Non loin de là, la colonne de Cussy témoigne de ses victoires. On devine que l'empereur a regroupé ses prisonniers à Chalon et qu'il les a utilisés comme main-d'œuvre bon marché pour construire “sa basilique”. Victorinus étant à Mont-Saint-Vincent avec sa mère Victoria, il n'y a qu'un empereur qui ait pu faire de Chalon une capitale et y bâtir un monument aussi prestigieux : Posthumus, le sauveur des Gaules. Est-ce lui qui se trouve représenté avec tout l'apparat vestimentaire de sa fonction dans un chapiteau de son église ? Il n'y aurait là rien de surprenant bien que sous le balcon de la cure, il semble que ce soit l'empereur Julien qui figure dans une couronne de lauriers. (En haut à gauche, aureus de Posthumus http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Postumus_Treves_aureus_268_gold_7400g.jpg , à droite dans un chapiteau, c'est probablement lui. En bas à gauche, l'empereur Julien (?) dans une couronne de lauriers, en réemploi sous le balcon de la cure, à droite dans un chapiteau de Vézelay, c'est certainement lui. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/vezelay-la-basilique-de-l-empereur-87450

Dès sa construction, le temple de Chalon a été menacé de destruction par les adversaires de Posthumus.

Voyez les médaillons dont j'ai parlé dans un article précédent http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/l-empereur-gaulois-qui-faisait-89568. Voyez l'extrait ci-dessous et comparez-le au monument existant. Comme je l'ai expliqué, je date ce médaillon du IIIème siècle. C'est une violente critique contre Chalon dont le temple récemment construit est menacé d'être détruit par les flammes de l'apocalypse. L'empereur gaulois Posthumus y est représenté avec des pieds de bouc en train de vérifier la virginité d'une femme-population suivant la coutume juive. Les pierres de taille de la voûte de gauche, les colonnes carrées avec leur piédestal, les entablements caractéristiques des dessus de chapiteaux y sont parfaitement reproduits, jusqu'au balai de la sorcière qui vient balayer la bacchanale.

Cette construction a fait l'objet d'un projet qui a été inscrit pour l'histoire dans une plaque de cheminée.  J'en ai donné l'explication détaillée dans mon article http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/un-jugement-de-salomon-au-temps-89757. Comme il se doit, la vue a été prise - si l'on peut dire - depuis la tour de Taisey que l'on aperçoit à droite. Ce qui prouve qu'il s'agit d'un projet est le fait que si l'oculus central a bien été construit, les deux petits ne l'ont pas été. De même, deux hautes ouvertures ont été prévues, probablement pour rappeler celle du temple d'Hérode, mais le constructeur a préféré l'évoquer par un bandeau. Mais ce qui surprend au plus haut point sont les bâtiments qui se trouvent à l'arrière-plan. Bien évidemment, ils ne se retrouvent dans aucun bâtiment chalonnais de cette époque, ni lyonnais d'ailleurs. La réponse est qu'il s'agit très probablement des murailles imaginées de l'ancienne ou de la future Jérusalem dont on n'aperçoit que deux tours très élaborées. 

Exemple étonnant d'intégration, comment les prisonniers barbares qui ont travaillé sur le chantier auraient-ils pu ne pas aimer ce magnifique temple qu'ils avaient édifié de leurs propres mains ?

Mais encore beaucoup plus étonnant est la période burgonde qui suit, où l'on voit s'étriller les Burgondes et les Francs dans la campagne tandis que les habitants de Chalon continuent à psalmodier en masse dans leur somptueuse église dite d'Etienne (avant qu'elle prenne le nom de Saint-Vincent qui est le nom actuel). Relégué dans le petit village voisin de Sevrey, le roi franco-burgonde Gontran, soldat un peu rustre, se contente d'une très modeste petite église et d'une demeure spartiate aux murs froids. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-basilique-du-roi-gontran-en-88356

Il faut réécrire les origines de l'histoire de France.

 


Moyenne des avis sur cet article :  4.2/5   (10 votes)




Réagissez à l'article

3 réactions à cet article    


  • Antenor Antenor 2 avril 2013 18:07

    Aucune campagne de fouilles n’a jamais été menée pour tenter de retrouver ce temple ?


    • Emile Mourey Emile Mourey 2 avril 2013 18:56

      @ Antenor

      Je cite Wikipédia : L’origine de cette cathédrale reste très vague. On parle des IVe et Ve siècles...fut détruite par les Sarrasins !!!! et reconstruite par Charlemagne !!!!! En réalité, la cathédrale fut bâtie entre 1090 et 1522 !!!! On en doit la chronologie à l’abbé Salis !!!!découverte d’une statue votive de Mercure dans le sanctuaire de la cathédrale... d’un autel dédié au dieu Mars derrière le chevet.... 

      Non, rien d’autre, ni tuile brisée, ni pierre démolie, ni trace d’incendie... mais principalement les suppositions de l’abbé... Plus une thèse récente en histoire de l’art ; la méthode est parait-il éprouvée. Premièrement, on compare des éléments d’architecture d’un bâtiment A avec des élément d’architecture d’un bâtiment B, ce qui permet de les dater très approximativement de la même époque. Deuxièmement, on compare des éléments d’architecture d’un bâtiment B avec des élément d’architecture d’un bâtiment A, ce qui confirme très approximativement le premier résultat. Autrement dit : on tourne en rond et le serpent se mord la queue.

      On n’est pas sorti de l’auberge.

    • Antenor Antenor 3 avril 2013 13:53

      Ces quelques éléments découverts démontrent déjà que le site était occupé par un édifice religieux avant le christianisme. Je serais incapable de dire si tel pan de mur ou telle colonne date du IIIe ou du VIIIème siècle mais en tous cas, le site de la cathédrale est bien le plus crédible pour chercher ce fameux temple. Surtout que sur la carte de Peutinger, seuls deux temples gaulois sont représentés : celui du Reims et celui de Chalon. Signe qu’il devait s’agir de monuments particulièrement remarquables.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON






Les thématiques de l'article


Palmarès