L’improbable révolte des « sans »
Qu’ils soient « sans papiers », sans emploi, sans logement, sans un sou, sans illusions, ou sans espoir, les millions de Français qui se trouvent dans l’une de ces situations pourraient devenir dans notre pays la première force du pays s’ils se regroupaient en un seul groupe : « les Sans ».
Les « sans papiers » tentent de s’organiser en informant du mieux qu’ils peuvent ceux qui sont menacés d’expulsion, en récoltant des fonds afin de publier brochures et autres documents faisant le point sur les dernières lois et autre décrets qui régissent leur situation. lien
Ils sont souvent considérés comme les boucs émissaires responsables de tous les malheurs de notre pays, et de la crise économique, alors que la plupart d’entre eux fuient des régimes politiques peu démocratiques, et tentent de survivre au péril de leur vie.
Si 30 000 régularisations ont lieu tous les ans, on estime leur nombre à 350 000, et si la circulaire de 2012 a assoupli leur condition, permettant à ceux qui sont présents depuis au moins 5 ans, ayant un enfant scolarisé depuis au moins 3 ans, leur permettant d’obtenir un titre de séjour, leur situation reste très difficile aujourd’hui. lien
Les sans-emploi, on le sait, n’ont jamais été si nombreux, puisque au mois de mars 2013 leur nombre se montaient à 3 224 600, (lien) et si Hollande reste convaincu d’inverser d’ici janvier 2014 la courbe du chômage, il est probable que rien ne sera vraiment réglé dans les années à venir, d’autant que le nombre réel de chômeurs est en réalité à la hauteur de 5 millions.
Au-delà de ce chiffre effarant, il faut aussi constater, comme l’a fait Jean François Kiefer de la CGT-Chômeurs, que 8 millions de français vivent sous le seuil de la pauvreté, et que le pays compte 13 millions de précaires. lien
Alors bien sur, les chômeurs manifestent régulièrement, mais apparemment ces actions ne débouchent pas sur grand-chose de positif, et la dernière manif en date, celle du 1 décembre 2012 n’a guère portée de fruits : la prime de noël de 150 € que demandaient les manifestants reste limitée à certaines catégories, (lien) tout comme la réévaluation du RSA, et la réduction du temps de travail que réclamaient les organisateurs de la manif, l’union syndicale solidaire, sont restés lettre morte. lien
A part Michel Rocard, l’ancien premier ministre, ils se font rares ceux qui militent pour une nouvelle réduction du temps de travail.
Il avait déclaré il y a peu : « la première urgence est de faire baisser le chômage. Comme nous n’avons pas de croissance économique, la seule façon d’y parvenir est de réduire le temps de travail »…mais il semble bien qu’il n’ait pas été entendu en haut lieu. lien
Bien sur, des associations de soutien aux demandeurs d’emplois se créent, et cherchent régulièrement des bénévoles, pour rejoindre les 1400 accompagnateurs déjà actifs dans le pays, mais, n’y a-t-il pas d’autres solutions plus radicales ? lien
Si l’on ajoute à ces millions de français ceux qui se trouvent sans logement et dont le nombre a augmenté de 50% depuis 2001, atteignant le chiffre de 141 500 personnes, on imagine sans peine l’impact qu’auraient tous ces « sans », s’ils décidaient d’agir ensemble. lien
Il faut avouer que ce serait impressionnant de voir dans les rues de nos villes se mobiliser 15 millions de « sans »…
Mais se mobiliser pourquoi ?
Les pistes sont nombreuses.
Alors que certains se scandalisent d’un projet, pour l’instant dans les tiroirs du Sénat, qui consistait, tout en allongeant l’âge de la retraite, à raccourcir l’espérance de vie, pourquoi ne pas demander le contraire ? lien
En effet, travailler mal, et trop, nuit gravement à la santé (lien) mais aussi à l’entreprise. lien
Pourquoi ne pas imaginer la retraite à 50 ans, sachant que ces jeunes retraités en quittant la vie dite « active », permettront à des jeunes de retrouver un emploi ? lien
D’ailleurs, c’est déjà le cas en Europe, puisque les fonctionnaires de l’U.E. ont déjà acquis ce droit, avec 9000 euros par mois, et si c’est possible pour les uns, ça devrait l’être pour les autres, même si le montant de ces retraites dorées semble pour le moins excessif. lien
Des esprits chagrins argumenteront que les caisses sont vides, alors qu’il suffirait de récupérer les 60 milliards annuels qui s’exilent fiscalement pour financer ce choix.
Pierre Rabhi exploite d’autres pistes et affirme que « toute démarche qui construit de l’autonomie est insurrectionnelle », et il sait de quoi il parle.
Lorsqu’il était ouvrier, il considérait que son lieu de travail s’identifiait à un milieu carcéral, et considérant que sa vie était plus importante qu’un salaire, qu’il n’était pas né pour le « produit national brut », mais pour vivre, il a lancé « la sobriété heureuse », une utopie incarnée, décidant de promouvoir l’insurrection des consciences. lien
Certains en ont déjà pris le chemin, comme ce jeune couple qui habite depuis 2009 l’île de Quéménès et qui vit en autarcie énergétique grâce à leur petite éolienne, et à 2,5 m² de capteur solaire thermique.
Des toilettes sèches, complétées par un système de phyto-épuration évitent de polluer la mer, et un système de filtration utilisant papier et charbon actif vient compléter l’eau issue de la nappe phréatique pour leur assurer une production d’eau, rendue potable par une exposition aux ultra violets. lien
Il y a aussi la solution évoquée par ceux, de plus en plus nombreux, qui défendent le « Revenu de base », et qui sera évoqué le 17 septembre prochain par Charles Eisenstein à Genève.
Il propose une nouvelle voie, encourageant des « monnaies complémentaires », prônant « l’intérêt négatif », et le revenu de base, expliquant que « ce sont les différentes facettes du même chemin vers une économie du don ». lien
Il démontre les liens de cause à effet entre la monnaie et la crise de notre société, laquelle entraine la dévastation de notre planète.
L’une de ses conférences est sur ce lien.
Il est aussi auteur de 2 ouvrages consultables en ligne : « the ascent of humanity » et « sacred économy », et son prochain livre version papier paraîtra en novembre prochain sous le titre : « the more beautiful world our hearts know is possible ».
Une phrase extraite du livre annonce la couleur : « tous ceux qui restent sur le carreau constituent un appauvrissement pour l’ensemble ».
Constatant que nos institutions en état d’addiction sont en train de s’écrouler, il fait aussi la promotion du Revenu Universel. lien
C’est d’ailleurs du 16 au 22 septembre prochains que sera lancée à Bordeaux la semaine du revenu de base : le programme est sur ce lien.
Certains voient déjà beaucoup d’avantages à ce « revenu de base », convaincus qu’il pourrait d’une part sauver les retraites, et réduire les inégalités. lien
D’ailleurs l’économiste Joseph Stiglitz est formel (et il n’est pas un cas isolé) : « l’austérité ne marchera pas » martèle-t-il, et il est convaincu que si nous ne prenons pas rapidement une autre orientation, nous continuerons à nous effondrer socialement et économiquement. lien
L’économiste James K.Galbraith avait déjà fait le constat que la crise financière avait révélé l’incapacité de la science économique à pouvoir la prévoir, voire l’empêcher et prêchait pour un changement de paradigme. lien
Un autre, André Orléan, délégitimait la financiarisation, démontrant les failles du système actuel. lien
En résumé, en décidant le revenu de base, en raccourcissant le départ de l’âge à la retraite, en traquant l’obsolescence programmée, en visant l’autarcie économique et énergétique, nous pourrions changer radicalement de paradigme, refusant un système toujours plus avilissant pour les travailleurs, tout en ouvrant une nouvelle ère.
Notre planète n’est pas extensible et dans ce monde limité, il serait temps de consommer autrement, de travailler moins pour vivre mieux, si nous voulons donner un peu d’espoir aux générations qui arrivent, et donner un autre sens à nos vies, comme l’argumente avec brio dans son blog Geneviève Brichet (lien) ou Serge Hefez, qui dénonçant l’hyperconsommation, fait l’éloge de la décroissance. lien
Mais y aura-t-il un jour un gouvernement qui prendra les bonnes décisions ?
L’avenir nous le dira, mais pour l’instant l’ambiance serait plutôt à la crispation.
C’est le grand artiste Topor qui disait ; « quand la société serre les fesses, les espaces de liberté individuelle rétrécissent »…et en écho mon vieil ami africain de lui répondre : « nous sommes tous différents et c’est brillant ensemble comme autant d’étoiles, que nous illuminerons le Monde ». lien
L’image illustrant l’article vient de « bembelly.wordpress.com ».
Merci aux internautes de leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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