Ce qui cloche dans la « science économique » actuelle
Suite au texte « Ce qui cloche avec la microéconomie » du méritant économiste passionné Paul Jael (Agoravox, 1-10-2019), j’estime que si la macroéconomie post marxiste donne l’impression de faire du surplace depuis 40 ans entre néolibéraux et néokeynésiens, c’est aussi parce qu’elle s’est un peu embourbée dans… l’économétrie. Le sentiment de limite voire d’impasse intellectuelle semble être atteint en lisant les conclusions de l’économiste Thomas Piketty qui préconise encore plus d’impôts comme solution miracle pour résoudre les problèmes d’inégalités. Une erreur d’analyse totalement dépassée, hélas appliquée par nos gouvernements successifs. Avec inévitable fuite de capitaux, de cerveaux, puis crise et jacquerie en résultante.
Ce strabisme intellectuel « Piketien » est malheureusement fréquent chez nos ENArques de gauche et de droite comme chez la majorité des députés cornaqués par Richard Ferrand (l’exemplaire mutualiste socialisto-macronien maintenant Président de l’Assemblée Nationale) ayant lancé un incroyable concours Lépine fiscal au Parlement. Un strabisme politique ensuite concrètement appliqué par le Juppéïsto macronien et Premier Ministre Edouard Philippe.
Conséquence, la France est devenue en 2018 et demeure en 2019 la championne du Monde de l’ensemble cumulé des taxes, charges et impôts sous la Présidence d’Emmanuel Macron (qui, paradoxe, s’était fait élire en 2017 sur la promesse solennelle d’une BAISSE de ces prélèvements obligatoires !).
Résultat, la révolte des citoyens, notamment « Gilets Jaunes » soutenus par 80% de la population (avant infiltrations, récupérations et violences).
Le concours du « TAXONS+ » se poursuit pourtant aujourd’hui, certes plus discrètement sous une habile forme de « jeu de Bonneteau », plus d’impôts pour les uns, moins pour les autres, notamment aux dépens des mal nommées « niches fiscales » (ce qui n’est rien d’autre que de la hausse répétitive et camouflée des prélèvements).
Or l’indispensable rationalité analytique comme l’économétrie, entre les statistiques plus ou moins disponibles, les algorithmes sophistiqués, les courbes mathématiques fixes ou variables et les variantes de choix (décisionnels ou non) qui en découlent, limite parfois la prise en compte de ce qui est difficilement quantifiable et monétisable.
Pour faire simple, la base de la pensée économique « sociétale » (dite « moderne » ou « holistique » et parfois cataloguée de « totalitaire » ou « d’infernale » par les détracteurs) prétend vouloir tenir compte de la totalité des facteurs culturels, psychiques, sanitaires, environnementaux, lourds ou subtils, etc., ayant une influence sur les choix des acteurs économiques et leurs conséquences directes et indirectes sur la société.
Dès la fin des années 80, sur cette base multicritères systémique déterminée, « l’école économique sociétale » s’est ensuite ingéniée à démontrer qu’une excellente décision microéconomique renforcée par une parfaite gestion économétrique soigneusement appliquée doublée d’un marketing au summum de son efficacité, pouvait déboucher sur une conséquence macroéconomique contreproductive, tant au niveau national qu’international, avec des conséquences catastrophiques pour l’être humain et la planète.
Vous avez un bon exemple avec l’énorme flux des trafics de drogue, bénéfiques pour telles ou telles familles mafieuses, parfois bénéfiques pour tels ou tels pays exportateurs (de la Colombie à l’Afghanistan, du Maroc au Pakistan), mais aux conséquences effroyables pour les peuples consommateurs, tant sur le plan strictement économique (hausse des accidents et des frais médicaux, baisse de la productivité et de la créativité) que sur le plan civilisationnel. Une activité microéconomique hyper rentable générant une dégénérescence humaine puis un déclin macroéconomique inévitable si un des importants acteurs économique, l’Etat, est trop déficient. Une situation qui perdure et s’aggrave en raison d’un évident conflit d’intérêts économiques qui n’est absolument pas nouveau (exemple historique des immorales « guerres de l’Opium » en Chine ; 1839-1842 puis 1856-1860).
Autre exemple des conséquences macroéconomiques (médicalement, budgétairement et financièrement) catastrophiques de la simple production de tabac, soi-disant « micro ET macro économiquement rentable ». (L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que le tabac est la cause directe de près de 6 millions de morts par an et de 100 millions de morts pendant le XXe siècle.)
Ou bien l’exemple du remplacement obtenu par les Grünen (Verts outre Rhin) des centrales nucléaires allemandes par des centrales à charbon polluant l’air de toute l’Europe. Résultat, les trottinettes, les bicyclettes et voitures électriques allemandes tant à la mode, déjà polluantes par leurs batteries chinoises fabriquées dans des conditions écologiques effrayantes, polluent une seconde fois par l’énergie électro-carbonée qu’elles utilisent.
Vous avez aussi l’exemple « universitairement sublime » avec les centaines de milliers de traders centrés sur la spéculation strictement financière à base de produits dits « dérivés ». Un jeu d’argent inventé par la haute finance de New York il y a quelques années, quasi drogue financière, maintenant largement mondialisé, qu’aucun Parlement et gouvernement de la planète n’a été capable d’encadrer (ni même tenté de légiférer !). Déficience encore une fois d’un des importants acteurs économiques : l’Etat). Résultat : une gigantesque bulle spéculative hors économie réelle, X fois supérieures aux PIB nationaux. Une titanesque activité trépidante complètement hors sol au niveau de la raison et du bon sens, qu’un simple joueur moyen de poker peut intuitivement comprendre. Quels que soient les savants algorithmes et autres complexes courbes de marges complémentaires, les profits issus de l’achat et de la revente de ces produits spéculatifs type Ponzi ne peuvent grimper jusqu’à la lune ! Les initiateurs de ce machiavélique jeu spéculatif débridé, de facto aux premières loges de l’info financière spécialisée sur les produits dérivés, revendront leurs stocks d’actifs pourris juste avant l’effondrement général, comme à l’époque des subprimes. Encore une fois en toute impunité, avec la complicité active ou passive de tous les gouvernements refusant la régulation éthique des banques.
Certes, aujourd’hui, 40 ans plus tard, de plus en plus de macroéconomistes reconnaissent l’approche « sociétale » comme un catalogue d’évidences. Ils en taquinent même à l’occasion les économistes catalogués de « dinosaures » (trop obnubilés par la lutte des classes et les inégalités d’un côté ou bien par les superpositions de formules économétriques et le seul profit boursier de l’autre côté). Des démonstrations élémentaires dignes « d’ouverture de portes déjà ouvertes » que certains Dinosaures (jeunes ou vieux, à la Thomas Piketty ou à la Patrick Artus) n’arrivent parfois pas à comprendre. Un peu comme les médecins du temps de Molière ou comme les élites religieuses face à Copernic puis Galilée (jusqu’en 1820 !). Pourquoi ? Tout simplement parce que leurs cerveaux ont été biberonnés, éduqués, formés, formatés par des livres, des facultés, des écoles économiques refusant systématiquement d’ouvrir les analyses et calculs aux facteurs trop difficilement quantifiables et monétisables pour eux.
D’où les aberrations constantes
> dans le calcul du taux d’inflation,
> dans le calcul du PIB,
> dans le pourcentage acceptable ou non du taux de spéculation dans les activités bancaires,
> dans la faible prise en compte de la vitesse de rotation de la monnaie dans l’économie réelle,
> etc..
Comment gérer de manière optimum une région, un pays, une Europe sans indicateurs fondamentaux bien calés, gage de bonnes décisions et de la bonne santé d’une économie. La crise financière et économique qui arrive en 2020 (2021 au plus tard) va nous le démontrer une nouvelle fois.
La complexité des situations peut être source d’échecs économiques. Exemple spectaculaires des politiques du logement en France, à cause d’une approche uniquement financière et fiscale. En bref, le premier exportateur mondial de BTP (Bâtiments et Travaux Publics) est aussi capable de construire des porte avions et des fusées, mais n’arrive pas à construire les immeubles qui nous manquent !. Les analystes doivent avoir, comme pour les ordinateurs de dernière génération, une approche pragmatique, rationnelle, c’est-à-dire la plus complète possible voire… « quantique », et les politiques faire un peu plus preuve de bon sens, de courage et de détermination face aux inextricables nœuds gordiens administratifs qui freinent également la construction de logement.
Avec du bon sens, l’erreur de la sur-taxation des yachts aurait pu être évitée (ce n’est pas faute de les avoir avertis plusieurs fois, y compris sur Agoravox) ; comme aurait pu être évitée la baisse des recettes fiscales consécutive à cette grossière erreur de surtaxe. Trop d’impôts tue l’impôt. Ainsi les yachts n’auraient pas fui la France, avec toutes les pertes fiscales directes et indirectes et les pertes de charges sociales que cela représente (le personnel des yachts partant également de facto, nos communes portuaires perdant en sus toutes les taxes de séjour, comme les réparateurs, les restaurants et commerçants perdant les chiffres d’affaires liés à cette activité nautique de haut niveau, et l’Etat perdant en contre coup les TVA et impôts liés. En sus de l’aveugle genèse des « Gilets Jaunes », cette perte fiscale en cascade, en dominos successifs, démontre que nous avons le gouvernement le plus crétin de la Veme République. Un gouvernement qui, en plus, poursuit dans sa démence ! : Puisque la recette fiscale n’a pas augmenté comme initialement prévue par nos tête d’œufs de Bercy, mais a au contraire été divisée par quatre à cause de cette surtaxe idiote, nos Shadocks gouvernementaux ont décidé… de maintenir cette taxe imbécile et de l’étendre aux bateaux de plaisance plus petits ! Ils fragiliseront ainsi encore plus l’une des rares activités industrielles source d’emplois de qualité, où la France a réussi à tenir un remarquable rang technologique international.
Après toutes ces gestions étatiques erronées successives, notre France en sort épuisée. Elle a été vampirisée par des fonctionnaires arrogants, prétentieux, incompétents, fortement rémunérés par nos impôts, n’ayant jamais créé eux-mêmes une seule entreprise, ayant parfois « pantouflé » sans talent dans de grandes firmes (si ce n’est de manière corruptive) en licenciant souvent à tour de bras. Résultat, notre riche et beau pays a perdu 70% de ses emplois industriels en 30 ans.
Le paysan, même illettré, reconnait la qualité d’un arbre à ses fruits. Les économistes « sociétaux » aussi. Qu’on l’appelle économie « sociétale » (au service de la société), économie « holistique » ou par un autre nom, une nouvelle école, un nouveau souffle de réforme éducative doit pénétrer les universités et les esprits. Y compris les esprits de nos élites dirigeantes aux responsabilités énormes.
(Sous peine de répéter trop souvent les mêmes erreurs, voire d’en générer des nouvelles encore pires. Sous peine en conséquence de « dégagements électoraux » complémentaires, voire de dégâts politiques collatéraux très dommageables pour la cohésion future d’un pays de plus en plus traumatisé et « archipélisé »)
Paul Jael et nombre de jeunes économistes ont les qualités nécessaires, tout en bénéficiant, en sus, de la très longue et abondante expérience des erreurs successives de leurs ainés.
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON