90 ans de mécanique quantique et toujours pas de dévoilement !
La mécanique quantique a 90 ans si l’on se réfère aux premiers articles des pères fondateurs. En 1924 Louis de Broglie publiait sa thèse sur le caractère ondulatoire de la matière, mais c’est en 1925 que les premières formalisations abouties ont été publiées, Heisenberg utilisant la « mécanique des matrices » et Schrödinger la « mécanique des ondes ». C’est ce dernier qui démontra avec des raisonnements mathématiques l’équivalence des deux mécaniques. Au risque de paraître iconoclaste, je crois savoir que cette démonstration possède une faille mais c’est sans importance pour la suite. La mécanique quantique a donc 90 ans. Et la physique quantique ? Eh bien elle a disons 115 ans ou 110 ans, selon que l’on se réfère à la quantification du rayonnement par Planck ou au processus photoélectrique découvert par Einstein et qui lui a valu le Nobel.
Que s’est-il passé pendant ces 90 ans de développement des recherches quantiques ? Eh bien d’innombrables expérimentations, des kilomètres de formules mathématiques, des centaines de millions d’ouvrages plus ou moins spécialisés vendus au public peu ou prou instruit, sans oublier toutes les applications technologiques, du laser au disque dur basé sur l’électronique de spin. Oui, ce fameux spin qui est l’énigme la plus universelle du monde matériel. La physique quantique sans le spin, c’est comme le couscous sans sa semoule ou la paella sans son riz. Une chose est acquise : les physiciens savent bricoler la matière et se servir de la mécanique quantique pour faire des expériences, des calculs, ainsi que développer des applications pratiques. Néanmoins, personne n’a encore pu livrer une interprétation complète de cette physique et dire ce qu’est réellement la « matière quantique ».
L’aventure de la physique est sans doute l’activité la plus fascinante offerte à l’humain depuis quelques millénaires, depuis la métaphysique védique, les spéculations des présocratiques, les gnoses du Tao… et puis le grand Newton, pour finir avec la cosmologie d’Einstein qui elle aussi surplombe nos pauvres âmes perplexes et nous laisse interdit face à la grande énigme de l’univers. Autant que je sache, la cosmologie relativiste ne se prête pas à un foisonnement d’interprétations. Les masses influent sur la géométrie dynamique de l’espace-temps et leur trajectoire correspond aux géodésiques calculées à partir de l’équation R = T. Point barre. La situation de la mécanique quantique est toute autre. Ce qui n’empêche pas la plupart des manuels de physique de s’en tenir à l’interprétation orthodoxe de Copenhague sortie du congrès Solvay de 1927. Cette interprétation convient parfaitement à l’usage de la mécanique quantique mais elle n’est pas satisfaisante car elle est partielle, sépare deux blocs du réel et ne livre pas une explication de ce qu’est la « matière ».
La physique quantique est parsemée de descriptions dont le point commun est de ne pas adhérer à une vision commune des choses, ce qui la rend étrangère à la physique classique, celle de Newton, Maxwell et Einstein. Il « se passe » dans le « monde quantique » des choses que l’on constate mais dont on ne connaît pas les causes. Les plus connues sont la dualité onde et particule, la réduction du vecteur d’état lors de la décohérence, l’intrication quantique et sa conséquence, la non séparabilité. Toutes ces choses on suscité des interprétations alternatives visant à compléter ou expliquer la mécanique quantique. Parmi ces interprétations, les plus connues sont la théorie de l’onde pilote développée par Bohm suite à de Broglie, la théorie de la décohérence développée comme darwinisme quantique par Zurek, la théorie des mondes multiples issue des travaux de Everett. L’interprétation GRW est moins connue, elle tente de répondre au problème de la mesure quantique en « bricolant » le déterminisme de l’onde de Schrödinger. Enfin, une mention pour l’interprétation transactionnelle initiée depuis 1986 par John Cramer et introduisant les notions d’onde avancée et d’onde retardée.
La plupart des interprétations cherchent à résoudre la grande énigme de la physique quantique concernant la mesure et l’effondrement du vecteur d’état. Cette énigme est d’ailleurs centrale dans l’interprétation de Copenhague dont on mesure toute la subtilité si l’on comprend qu’elle sert à contourner l’énigme. Cette interprétation joue un rôle symétrique au dogme de la trinité. C’est ainsi disent les dogmes. Après, on peut creuser et se demander : c’est quoi et pourquoi « l’ainsi » ? La trinité contient un mystère. La mécanique quantique je ne sais pas alors je m’en tiendrai à l’idée d’une énigme. Le mystère fonctionne avec la révélation. L’énigme fonctionne avec le dévoilement. Je ne crois pas que le réel soit voilé comme le suggérait d’Espagnat. C’est l’esprit humain qui est loge dans un voile. La seconde grande énigme de la physique quantique reste pour l’instant la non séparabilité. Face à cette énigme, la plupart des interprétations quantiques sont inopérantes.
Dans un article publié en 2015 dans les arXiv, Cramer nous explique la situation des interprétations alternatives qui ne peuvent être rejetées que si elles sont en contradiction avec le formalisme basique et les expériences. Contrairement à ce qu’on peut penser, les expériences de laboratoire ne peuvent pas faire un tri entre ces différentes interprétations actuelles qui alors peuvent être choisies selon les préférences individuelles ou alors guidées par des choix philosophiques voire esthétiques.
Dans ce même article, Cramer tente d’utiliser son interprétation transactionnelle pour éclairer l’énigme de la non séparabilité qui a été quelque peu boudée par les exégètes du monde physique. Pour ma part, je n’adhère à aucune des interprétations disponibles, pas plus Copenhague que Bohm, Everett ou Zurek. La piste la plus prometteuse me semble être celle de Cramer. Je n’ai pas encore suffisamment creusé l’étude de l’interprétation transactionnelle ainsi que mon interprétation monadologique qui semble à première vue apparentée avec celle de Cramer. J’introduis en effet des ondulations conjuguées, expressives et réceptives, et un processus de résonance dont l’image permet de retrouver aisément la règle de Born.
Putain ! 90 ans et toujours ces énigmes irrésolues de la physique quantique malgré le travail de milliers d’exégètes dans les laboratoires ou face à leur feuille de papier. Les cerveaux les plus brillants issus des universités les plus prestigieuses n’ont pas réussi à lever le voile et à percer le mystère. Une question : sont-ce les mystères de la Nature qui sont impénétrables à l’instar de ceux attribués à Dieu, ou alors est-ce le cerveau de l’humain qui est limité ? Dans cette seconde hypothèse, est-ce le scientifique qui s’impose des limites ou bien le voile de l’esprit peut-il est déchiré pour lever le voile de la physique quantique ?
Il est envisageable que les cerveaux qui soient limités par des exigences de sens commun ne permettant pas d’entrer dans le monde surprenant de la Nature quantique car pour ce faire, il faut sortir complètement des cadres de pensée classique. Pour le dire ouvertement, il faut oser faire de la métaphysique, au risque de basculer dans la folie ou le désespoir. Vais-je conclure par une incise inspirée du romantisme à la Schelling et trempée dans le mystère chrétien ?
Pour dévoiler l’énigme quantique, il faut prendre le risque de la folie et espérer dans la révélation. Il se peut bien que l’énigme de la nature et la révélation dans l’esprit soient intriquées de telle manière qu’elles adviennent en une même résonance universelle. Si un coup de dé n’abolit pas le hasard, une note de musique permet de déchirer le voile. Dieu n’est pas seulement un fumeur de Havane, il est aussi un compositeur de rock progressif !
Il est possible que le sens de la physique quantique puisse être prochainement dévoilé car l’épuisement des impasses se fait sentir et que les générations de physiciens sont capables de prendre les distances avec les pères fondateurs et leurs disciples. La physique quantique recèle bien des clés pour comprendre le lien entre le sujet et le monde, l’origine ou du moins la possibilité de la vie, puis la conscience, moyennant des hypothèses supplémentaires. On comprendra que la mécanique classique avec des objets et des composants indépendants dotés de propriétés figées ne peut pas expliquer la vie, même si ces atomes s’assemblent. Ce n’est pas l’assemblage des composants et l’émergence qui explique la vie mais l’inverse, la vie qui explique l’assemblage sous réserve que l’on puisse dévoiler ce qu’est la matière du point de vue quantique. C’est ce que je me propose de réaliser …
Lien : Cramer. The Transactional Interpretation of Quantum Mechanics and Quantum Nonlocality
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