Théorie de la résonance générale
La grande révolution paradigmatique promise au tournant du millénaire se fait attendre. Le far west cosmologique actuel sur la nature et les propriétés des trous noirs montre suffisamment que la physique n’a pas abouti dans sa quête d’une « théorie de tout ». On ne sait toujours pas à quel saint se vouer et les « grandes synthèses » des uns ou des autres ne nous permettent toujours pas de comprendre l’Univers dans la plus remarquable de ses propriétés : son unité. Un physicien d’Hawaï, Nassim Haramein, a récemment proposé une audacieuse théorie unificatrice dont l’ambition va bien au-delà de la seule physique même si, à ma connaissance, elle ne comporte pas encore de volets proprement biologique et psychologique. Cela m’a décidé à livrer une pure conjecture qui, si elle prenait forme, pourrait contribuer à une vision unifiée de l’Univers qui aurait pour point de départ la psychologie et non la physique. Dans ce qui suit seront ainsi esquissées les prémisses de ce qui se voudrait une « théorie de tout » basée sur la notion transversale d’organisation. Au niveau psychologique, celle-ci se manifeste comme le cycle de l’habitude, c’est-à-dire, une causalité circulaire unissant la perception et l’action. Indépendamment de cette fonctionnalité particulière, la structure cyclique sous-jacente est directement généralisable à la biologie, la chimie et la physique en raison de sa nature d’oscillateur qui, nécessairement l’inscrit dans une dynamique d’accrochage tous azimuts avec ses « semblables. » Il s’ensuit une vision de l’univers comme un vaste tohu bohu de cycles en interaction permanente et donc nécessairement pris dans cette dynamique universelle que constitue l’accrochage des phases et des fréquences. On peut dès lors parler d’une résonance générale.
L’holographie est une invention récente mais bien avant qu’elle n’apparaisse, de nombreuses traditions ancestrales, religieuses et/ou philosophiques ont fleureté avec l’idée d’un jeu de miroir entre la partie et le Tout, en considérant l’Homme comme un microcosme, c’est-à-dire, un cosmos en minuscule, un reflet de l’Univers. N’est-il pas écrit dans la Genèse qu’il serait « à l’image et à la ressemblance » de Dieu ?
De telles conceptions holistiques et (proto)holographiques ne peuvent plus être considérées comme désuètes depuis que les expériences du français Alain Aspect réalisées sur le spin des électrons ont établi en 1982 la non localité, c’est-à-dire, le fait que, par exemple, une expérience réalisée à Paris change instantanément (sic) les résultats d’une même expérience de physique quantique réalisée à Tokyo, ce qui laisse supposer l’existence d’une unité sous-jacente du « réel » au sein de laquelle rien ne serait séparé du reste de sorte que toute chose serait une partie en correspondance intime avec un Tout... qu’elle reflèterait.
Toute chose dans la nature, une feuille, une goutte d'eau, un cristal, une durée, est reliée au tout et participe de la perfection du tout. Chaque particule est un microcosme, et restitue fidèlement le portrait du monde. Ralph W. Emerson (tr. auct.)
De fait, à partir des années 80, les physiciens ont œuvré à ce qu’ils ont appelé des « théories de tout [1] ». Cette appellation était avant tout provocatrice car elle désigne « seulement » une visée d’unification des quatre forces fondamentales (gravité, interaction faible, interaction forte, électromagnétisme). Cependant, la physique ayant toujours été perçue comme la reine des sciences sur laquelle tout est basé, on peut légitimement soupçonner des arrière-pensées hégémoniques ou, disons, une épistémologie impérialiste.
Quoi qu’il en soit, aucune de ces théories ne s’est sérieusement intéressée aux spécificités de la biologie ou de la psychologie. C’est donc seulement par des extrapolations plus ou moins périlleuses que certains chercheurs en quête d’une véritable théorie de tout tentent des transferts conceptuels de la physique quantique vers la réalité macrophysique dans laquelle nous vivons, quitte à verser parfois cette dernière intégralement dans le domaine de l’illusion, c’est-à-dire, de l’apparence. [2]
La motivation de ces chercheurs est venue, au moins pour partie, de ce que la conscience s’est depuis longtemps invitée au cœur de l’expérimentation physique avec la question de l’observateur et de son incidence sur l’état ondulatoire ou corpusculaire des particules élémentaires. C’est donc avec le plus grand sérieux et, parfois beaucoup d’extravagance, que des physiciens se sont penchés sur elle afin de tenter de la comprendre avec les outils conceptuels de la théorie quantique, notamment sous l’angle de l’holographie.
Malheureusement, alors même que depuis quelques décennies déjà on nous assure qu’une révolution paradigmatique majeure est imminente, la réponse à la question de savoir ce qu’est la conscience et comment elle est reliée au champ physique se fait gentiment attendre... Comme sœur Anne nous ne voyons rien venir mais nous guettons toujours une théorie qui permettrait d’appréhender l’univers de manière holistique plutôt que d’avoir à le morceler à la manière de Descartes.
Il se pourrait toutefois que l’insuccès actuel soit sans importance car même inaboutie cette ambition unificatrice pourrait être heuristique simplement en rendant légitime et même nécessaire d’un point de vue scientifique de considérer l’Homme comme un microcosme ou un reflet de l’Univers : en effet, il ne serait pas alors complètement extravagant d’envisager que ce que nous savons de la réalité du premier puisse aider à penser celle du second.
Jusqu’à présent, c’est l’inverse qui a prévalu. Songeons par exemple aux visions mécaniques de l’Homme et de l’animal qui ont accompagné les conceptions horlogères du cosmos. Une similitude peut toutefois se parcourir dans les deux sens. Dès lors, rien n’interdit de partir de l’homme pour aller vers le cosmos. A tout le moins, il pourrait y avoir là un principe susceptible de guider l’intuition des chercheurs vers les hypothèses les plus puissantes puisqu’elles auraient alors à embrasser d’emblée le physique, le biologique et le psychologique dans un même regard.
Quoi qu’il en soit, il est clair que si une « grande synthèse » doit un jour s’imposer comme telle, c’est qu’elle aura satisfait au cahier des charges de la biologie et de la psychologie. Mais pour faire de ce dernier un point de départ, encore faudrait-il savoir en quoi il consiste exactement. Ces deux sciences sont-elles seulement en position de le formuler ?
On pourrait en douter au vu, d’une part, du réductionnisme qu’a imposé une biologie devenue « science et technique » du gène et d’autre part, du morcellement grandissant d’une psychologie qui, ayant dès l’origine perdu son rasoir d’Occam, s’adonne à la « multiplication des êtres sans nécessité » au point de devenir une Babel jargonnante qui parasite les hommes bien davantage qu’elle ne les sert.
Heureusement, il y a toujours eu des chercheurs suffisamment indépendant des modes intellectuelles du moment pour s’interroger sur les invariants fondamentaux et prendre le risque de la réflexion théorique plutôt que de panurgiquement contribuer à l’accumulation démesurée de données empiriques de plus en plus insignifiantes.
Si nous nous tournons vers ces auteurs, nous constatons que bon nombre d’entre eux — au rang desquels James Mark Baldwin, Jakob von Uexküll, Jean Piaget, Francisco Varela — ont convergé vers une conception cyclique de la psychologie ou, plus exactement, de l’organisation du vivant appréhendé dans sa dimension psychologique. Cette organisation leur est apparue comme pouvant être modélisée par l’unité de la perception et de l’action au sein d’une causalité circulaire, c’est-à-dire, d’une structure cyclique qui, comme « toute chose tend à persévérer dans son être » [3] en s’efforçant de « maintenir, répéter, reproduire sa propre stimulation. » [4]
Figure 1 L’unité d’organisation comme cycle perception-action
Dès que l’on porte attention à cet invariant que constitue la nature cyclique de toute organisation, [5] on est amené à considérer chaque organisme comme une population ou un écosystème plus ou moins cohérent de cycles en interaction permanente avec les autres cycles constitutifs de l’organisme mais aussi avec ceux présents dans l’environnement...
- ...physique (comme par exemple le cycle circadien qui amène la succession des jours et des nuits) ou
- ...social (à savoir les autres organismes, congénères ou non, qui sont eux-mêmes des populations de cycles)
Cette incessante dynamique de reproduction inhérente à tout processus cyclique est ce qui permet au biologiste Richard Dawkins d’affirmer que le vivant obéit à la « loi du stable » qui — absolument fondamentale en mathématique et en physique — prend, au niveau biologique, la forme du principe darwinien de survivance du plus apte. [6] En effet, ce dernier renvoie au caractère différentiel de la reproduction (la sélection) présente à tous les niveaux d’organisation du vivant, et notamment au niveau individuel, celui de l’organisme, qui se trouve à tout instant dans la nécessité de maintenir sa structure en dépit du flux permanent (turn over) de ses constituants élémentaires.
Bref, on peut penser un organisme comme s’entretenant via un certain nombre d’activités qui... :
- sont des habitudes visant à assurer sa survie, c’est-à-dire, à entretenir (reproduire dans le temps) son organisation
- sont cycliques car régulièrement répétées ou reproduites avec un tempo qui va de la poignée de secondes (une respiration) à l’année, voire l’ère, en passant par le jour, la semaine, etc.,
- nous orientent de manière répétée vers les mêmes aspects de l’environnement grâce auxquels nous pouvons satisfaire nos besoins.
Nous avons ainsi, tel des animaux de laboratoire, des « circuits », c’est-à-dire, des « entourages » professionnels, familiaux, amicaux, etc. au sein lesquels nous ne cessons de « circuler », donc de revenir, et qui constituent notre Umwelt (monde autour).
Postuler que la réalité fondamentale est celle de cycles sous-jacents à la distinction sujet-objet amène nécessairement à l’idée que la réalité qui oppose le sujet et l’objet à laquelle nous croyons nous adresser est une construction. Loin de s’imposer à nous directement, la réalité serait conçue à partir de notre propre écosystème de schèmes, par la synchronisation de nos cycles perception-action sur l’objet qui nous apparaît réel et non pas fantomatique en raison même de cette synchronisation. Cette vision concerne aussi bien les réalités physiques [7] que la fameuse notion de « construction sociale de la réalité ».
Faute de pouvoir en dire plus ici, retenons simplement que, toutes choses égales par ailleurs, cette vision « cycliste » nous invite au même exercice mental que celui qu’a entraîné la découverte de la dualité onde-particule. Il s’agit de renoncer au monde tangible, objectif et donc réaliste auquel nous sommes attachés tant il nous sécurise pour accepter de concevoir et de s’adresser à la réalité ondulatoire, vibratoire ou cyclique dont chacun est issu, dont chacun est tissé et dont nous sommes donc complètement partie prenante.
C’est à cela que contribue la psychologie synthétique, approche directement inspirée des penseurs précédemment cités et conçue avant tout comme une psychologie de l’habitude, c’est-à-dire, une psychologie qui, d’emblée, donne toute sa place à l’organisation cyclique du fonctionnement mental et comportemental.
L’intérêt d’une telle perspective est, je crois, assez évident : dès que nous concevons un être vivant et en particulier humain comme un écosystème d’habitudes en constante interaction les unes avec les autres, nous nous trouvons projetés au beau milieu d’un continuum qui, du subatomique au cosmologique, présente partout la même dynamique d’accrochage en phase et en fréquence, c’est-à-dire, cette dynamique absolument générale de résonance dont l’omniprésence ou l’universalité est le signe d’une réalité dont il convient de faire sens, ne serait-ce que sous le rapport de l’unité ainsi manifestée.
C’est précisément l’objectif de la théorie de la résonance générale dont je forme ici le projet en postulant qu’à tous les niveaux d’observation et/ou d’organisation la réalité fondamentale serait celle de cycles en interaction les uns avec les autres dont l’entrée en résonance ferait émerger et proprement « exister » la réalité objective à laquelle nous pensons nous adresser.
Comme évoqué plus haut, le premier corollaire à en découler est que tout être vivant peut être considéré comme une population ou, plus exactement, un écosystème de cycles.
C’est à partir de cette ontologie archiminimaliste que je souhaiterais jeter un minuscule clin d’œil à l’exubérante, la munificente physique quantique, via les hypothèses extraordinaires de Nassim Haramein car ces dernières offrent des perspectives très excitantes pour qui postule l’omniprésence des cycles et des résonances. Bien qu’il s’y attarde peu dans ses publications, tout ce dont il traite semble, en effet, pouvoir être appréhendé en termes de cycles, de vibrations, d’ondes, d’oscillateurs et donc de résonance. [8]
Il est clair que ceci est aussi vrai des autres théories candidates à l’explication du tout, notamment la théorie des cordes mais il me semble que Nassim Haramein est allé plus loin dans cette direction. Dès lors, peu importe que certaines de ses audacieuses perspectives puissent être, à l’avenir, réfutées ici ou là : la cohérence et la largeur de vue de son modèle m’ont convaincu que le moment était venu de tenter une jonction entre physique et psychologie... à partir de cette dernière !
Dans ce qui suit, je vais seulement donner un minuscule aperçu de ce que j’ai compris de la théorie de Nassim Haramein (NH) [9] en pointant ce qui va, je crois, dans le sens d’une universalité des phénomènes de résonance.
La première chose qui m’a interpellé, c’est l’insistance de NH sur la généralité du phénomène de rotation, giration ou orbite dans le monde physique qui concerne tout ce qui va des électrons aux galaxies en passant par les planètes. Autant le « tout coule » d’Héraclite nous a dépris des ontologies statiques, immuables, éternelles pour penser les choses en termes de processus incessants, d’équilibres dynamiques entre construction et déconstruction, autant le « tout tourne » de NH devrait nous aider à nous déprendre de la linéarité pour nous installer définitivement dans la pensée cyclique.
Si NH parle de cela, c’est, bien sûr, qu’il dispose d’une autre explication que la seule invocation d’une impulsion initiale due au Big Bang et d’un milieu supposément sans viscosité, ce qui est loin d’être le cas [10]. Je ne vais pas tenter de restituer son raisonnement car faute d’en maîtriser tous les aspects, je ne ferais que du mauvais journalisme scientifique. Disons simplement que NH évoque ici les gradients de densité d’énergie du vide — à partir duquel les particules atomiques tireraient l’essentiel de leur masse [11] ; ce sur quoi nous reviendrons très vite. Comme dans les phénomènes météorologiques (tornades, cyclones) où existent des gradients de pressions, les gradients de densité d’énergie du vide seraient responsables de l’universalité des dynamiques tourbillonnaires en faisant intervenir des couples de torsions et des effets Coriolis.
Ce qui me semble spécialement important ici est que, selon NH, la problématique du gradient de densité d’énergie s’articulerait sur une topologie de l’espace-temps en double tore correspondant aux dynamiques d’expansion / contraction à l’œuvre dans les structures trou blanc / trou noir qu’à la suite de John A Wheeler, il pense présentes à toutes les échelles de l’espace-temps.
Figure 2. La dynamique expansion / contraction du double tore de NH
Cette perspective me paraît assez excitante car un tore peut se comprendre comme le croisement de deux cycles situés sur deux dimensions différentes, de sorte que si on simplifie en projetant le tout sur un plan, la dynamique du double tore se trouve clairement apparentée à celle manifestée par l’interaction entre ces deux oscillateurs bio-psycho-sociologiques que sont les cycles perception-action (cf. ci-dessous la figure 3 illustrant la contagion du cri chez le bébé) et ce, tant sous le rapport de l’accrochage (coordination ou imitation entre cycle intra ou intersubjectifs) que celui de l’expansion / contraction tellement importante pour comprendre la complexité et la créativité du vivant. [12]
Figure 3. Deux "oscillateurs comportementaux" accrochés
Bref, d’entrée de jeu, NH situe sa conception dans un cadre où les cycles sont non seulement omniprésents mais complètement au cœur de la dynamique physique du quantique au cosmologique de sorte que l’hypothèse d’une résonance générale s’en trouve d’emblée confortée dans sa plausibilité.
Le fait de suivre NH dans son cheminement de pensée est déjà en soi assez déroutant mais ce qui m’a vraiment donné le vertige c’est quand j’ai dû faire un petit pas de côté pour jeter un coup d’œil sur le vide et tenter de comprendre la notion de densité énergétique sur laquelle NH s’appuie sans l’expliciter particulièrement vu qu’il s’agit d’une notion assez bien établie même si largement méconnue du grand public.
J’ai ainsi découvert que si le vide constitue bien le degré zéro (ground state) de l’univers manifesté, c’est-à-dire, physique [13], étant donné que, par définition, on est supposé rien y trouver, la mécanique quantique, en raison du principe d’incertitude d’Heisenberg, oblige à le considérer comme ne pouvant alors être vide de toute énergie et comme ressemblant plutôt à une « mer » quantique dense en ondes électromagnétiques de toutes les fréquences possibles et imaginables. La dualité onde-particule étant ce qu’elle est, incontournable, ce vide rempli d’ondes pourrait aussi être vu comme une mer infiniment profonde recelant autant qu’on voudra de particules fondamentales virtuelles que la moindre sollicitation extérieure (un bombardement d’énergie) ou la moindre fluctuation quantique sera susceptible d’amener à se manifester sous la forme d’une paire particule-antiparticule qui, à peine émergée, replongera très vite dans cet étrange milieu, cet « éther dynamique » qu’est, en définitive, le vide [14].
Ce dernier serait ainsi « plein » de l’énergie dite « du point zéro » (zero point energy ou ZPE) car elle persiste alors que toute autre forme d’énergie a été enlevée en amenant le système considéré au zéro absolu. Dans cet état, s’il n’y avait cette énergie du point zéro, une contradiction avec le principe d’Heisenberg apparaîtrait puisque toute particule aurait une position connue et un mouvement nul et il n’y aurait donc plus d’incertitude sur l’une ou l’autre. C’est cette énergie qui fait qu’à la pression atmosphérique l’hélium reste liquide au zéro absolu au lieu de se figer. C’est elle aussi qui explique l’effet Casimir qui apparaît entre deux plaques métalliques qui, placées dans le vide à très faible distance se trouvent attirées l’une vers l’autre pour la bonne raison que l’espace situé entre elles ne peut plus être occupé que par des vibrations dont la longueur d’onde est un multiple ou une fraction entière de la distance qui les séparent. La densité énergétique du vide entre les plaques métalliques devenant ainsi plus faible que dans l’espace extérieur, il s’ensuit que ces dernières se trouvent poussées l’une vers l’autre.
Cette énergie du point zéro est quantifiable et vaut ½ hυ [15] pour chacun des modes ondulatoires présents et comme ils sont innombrables, malgré la taille ridicule de la constante de Planck h [16], on atteint une densité énergétique du vide (ou densité de Planck) absolument pharamineuse puisqu’évaluée à 5.157 1093 g/cm3. [17]
Imaginer le vide comme un océan infini d’oscillations doté d’une telle densité énergétique apparaît à la limite du fantastique et reste encore sujet à controverse même si d’immenses pointures de la physique quantique ont corroboré cette perspective.
Il est clair qu’un mètre cube de vide pesant davantage que 1054 galaxies, ça a de quoi chavirer même les esprits les plus confiants dans la science physique.
Mais comme disait John Wheeler, un des principaux promoteurs de cette vision hallucinante : « si vous n’êtes pas complètement déboussolé par la mécanique quantique, c’est que vous ne la comprenez pas ».
C’est d’ailleurs cet auteur majeur qui, cerise sur le gâteau, a suggéré qu’au niveau infinitésimal de l’échelle de Planck [18] l’espace-temps tel que le concevons perdrait toute signification et serait à concevoir comme tellement mouvant, enchevêtré, turbulent et donc instable dans ses différents paramètres qu’il conviendrait plutôt de l’imaginer comme une mousse quantique au sein de laquelle l’existence de minuscules et fugaces « trous de vers » (raccourcis hyperspatiaux) deviendrait la norme.
C’est dans cette jungle conceptuelle que NH est venu tenter de remettre de l’ordre à partir d’hypothèses originales et de calculs d’une grande simplicité qui offrent des perspectives que je restitue ici seulement pour information car elles se situent bien au-delà du présent cadre de réflexion et, surtout, elles sont proprement sidérantes.
En effet, NH observe que l’énergie du vide contenue dans le volume d’un proton correspondrait grosso modo à la masse de la matière visible de l’Univers (sic) soit une valeur de l’ordre de 1055 g. Il semble donc se dessiner d’emblée une forme d’unité entre la partie et le tout que NH revendique sous le rapport d’une perspective holographique à laquelle nous allons venir.
NH observe ensuite qu’une infime partie de cette masse gigantesque suffirait à faire du proton un trou noir dont la force gravitationnelle serait égale à la fameuse interaction forte. Pour exister en tant que trou noir, le proton nécessiterait « seulement » une masse de l’ordre de 1014 grammes. [19] Toutefois, sa masse officielle est phénoménalement moindre puisqu’elle mesure à peine 1.672622×10-24 g.
Cette dualité de valeurs n’est pas un problème pour NH qui s’appuie sur le principe holographique préalablement proposé par le prix Nobel de Physique Gérard t’Hooft pour défendre — contre l’avis de Hawking qui a, depuis changé d’avis — l’idée d’une non disparition de l’information (entropique) lorsque la matière entre dans un trou noir, alors qu’en principe, plus rien n’en sort.
Selon NH s’inspirant directement de t’Hooft, l’information resterait à la surface du (proton) trou noir, sur l’horizon des évènements, « pixélisée » dans des unités de Planck sphériques (PSU) qui seraient autant d’oscillateurs de taille minimale pour l’énergie du vide. Toute l’information contenue dans les PSU à l’intérieur du (proton) trou noir se trouverait conservée via une projection holographique sur les PSU de la surface et serait ainsi en lien ou en intrication avec tous les autres (protons) trous noirs de l’Univers grâce aux trous de vers présents dans la mousse spatio-temporelle que constitue le vide à l’échelle de Planck.
Il y a au cœur du principe holographique un rapport surface / volume qui, suivant le sens dans lequel il est pris, expliquerait que le proton puisse présenter tout à la fois (a) une masse gravitationnelle holographique énorme rendant compte de l’interaction forte (qui fait tenir les protons ensemble) et (b) une masse standard beaucoup plus faible et incapable de susciter une attraction gravitationnelle significative.
La première masse résulterait de la division de la masse-énergie du vide contenue dans le volume du proton par le nombre de « pixels » ou PSU à sa surface. Pour obtenir la seconde, il suffit de faire l’inverse, c’est-à-dire, de diviser la quantité de masse-énergie des PSU de la surface du proton par le nombre de PSU à l’intérieur du proton (cf. figure 4 ci-dessous).
Le simple fait de retrouver la masse standard du proton à partir de rapports géométriques est en soi prodigieux. Tout comme le fait d’avoir sa prédiction théorique du rayon de charge du proton corroborée par la mesure expérimentale réalisée récemment et qui chamboule complètement le landernau physique. Les publications de NH font état de bien d’autres perspectives tout aussi troublantes mais je ne peux raisonnablement aller plus avant car il est temps de conclure.
Conclusion
Nous vivons dans un univers où les cycles sont denses jusques et y compris dans le chaos [20]. Il y en a partout de l’infinitésimal au cosmologique. Toute chose — tout être, même l’humain — peut être vue comme un cycle (une persévérance dans l’être par la reproduction de soi) émergeant de la coordination, c’est-à-dire, du jeu permanent de résonance entre un nombre indéfini de cycles opérant en-deçà de la distinction sujet-objet et nous assurant de la même « conti-unité » que connaît le tourbillon avec l’eau ou l’air au sein duquel il émerge.
« Tout est dans tout et réciproquement » cesse alors d’être une boutade et nous met au contraire en position de commencer à comprendre l’Univers dans sa totalité et son unité.
Bien sûr, l’hypothèse d’une résonance générale comme dynamique fondamentale de construction de la réalité n’est encore qu’une hypothèse. II s’agit de la faire fonctionner et c’est précisément ce que fait Nassim Haramein lorsqu’il pointe une dynamique en double tore sous-jacente aux processus d’organisation de la matière à toutes les échelles de l’Univers visible.
Ce n’est qu’un début. Nous commençons un voyage où quasiment tout est inconnu. Songeons simplement à la physique en-dessous de l’échelle de Planck, celle d’où émerge la mousse spatio-temporelle du vide à partir de laquelle nous tentons actuellement de penser l’émergence de la matière. De cette physique, les physiciens savent qu’ils n’ont rien à dire. Alors, qu’il soit permis aux psychologues de postuler que là aussi, comme partout, il n’y aurait que les cycles d’une énergie omniprésente dont les organismes vivants sont une actualisation et dont la conscience et l’amour pourraient bien être la manifestation nécessaire et, peut-être, ultime.
Le voyage consistera à aller, en toute modestie, du tohu bohu initial, du chaos des cycles physiques jusqu’aux cycles de la vie et de l’esprit sans exclure aucune dimension et donc, en admettant d’emblée la possibilité d’une « verticale » ou d’une transcendance, étant donné que nous avons toutes raisons de penser, ou plutôt de croire, être à son image et sa ressemblance.
Notre fil d’Ariane sera, bien sûr, le cycle, la clé invariante, le passe qui ouvre toutes les portes. Nous aurons à le comprendre dans toutes ses dimensions et, en particulier, la plus essentielle, celle sans laquelle rien ne serait : l’énergie.
Ceux qui souhaiteraient m’accompagner dans cette recherche sont les bienvenus.
[1] J’ai conservé le sens de l’expression anglaise « theory of everything » perdu par la traduction française « théorie du tout » qui semble prévaloir actuellement, peut-être à bon droit.
[2] A titre d’exemple citons l’universitaire Jacqueline Bousquet qui, dans une de ses vidéos, déclare (à 1’25") : « Je vais vous démontrer mathématiquement, physiquement et par la grande tradition que ce monde dans lequel nous vivons n’a aucune réalité, c’est-à-dire, que nous le rêvons, c’est une production mentale et comme que tel, il n’a aucune réalité. »
[3] Spinoza, Ethique III, 7
[4] Baldwin (1906/1895) Mental Development, p. 333
[5] Dès lors que toute organisation quelle qu’elle soit se doit de boucler causalement sur elle-même pour assurer son maintien (cf. par exemple l’autopoïèse de Maturana & Varela (1980) ou la clôture sous causalité efficiente de Rosen (1981)).
[6] Selon Dawkins (1978) Le gène égoïste.
[7] Voir Piaget (1937) “La construction du réel chez l’enfant” ou ma communication au colloque 2007 de la Jean Piaget Society : Salvador & Ferrier (2007) The construction of physical reality by phase locking processes among perception-action cycles : Towards a psychological theory of brain.
[8] Nassim Haramein a d’ailleurs appelé sa fondation la Resonance Project Foundation.
[9] Le lecteur intéressé est invité à prendre connaissance de l’article du numéro nov-déc. 2013 de Nexus, de ce post ou de celui-ci et surtout de l’article récemment publié par NH.
[10] Par l’attraction qu’elle exerce sur les masses liquides des océans, la Lune influe sur la rotation terrestre, elle engendre des marées, dissipe de l’énergie cinétique et contribue à ralentir le mouvement de rotation de sorte que les jours s’allongent progressivement.
[11] Nous savons tous depuis le lycée qu’un proton est composé de trois quarks mais ce que l’on ne nous dit pas c’est que ces trois quarks ne représentent environ qu’un pour cent de la masse du proton. D’où vient alors cette dernière ? Telle est la question !
[12] Selon Varela et le courant de la Vie Artificielle, le vivant (qui incarne avant tout une visée de reproduction) se situerait constamment « au bord du chaos » (« entre le cristal et la fumée » disait aussi Henri Atlan), c’est-à-dire, à la lisière des dynamiques en étirement / repliement qui caractérisent le chaos.
[13] L’étymologie de physique renvoie au grec phuein qui veut dire, ce qui pousse, se déploie, se manifeste, alors que le vide, lui, comme l’Etre selon Heidegger, se retire (vu que la Nature a horreur du vide... :-) )
[15] Où h est la constante de Planck et υ la fréquence d’oscillation.
[16] La constante de Planck h ≈ 6,62606957×10-34 J⋅s
[18] Dont l’unité est la longueur de Planck ℓP qui vaut 1.616199(97) × 10−33 centimètres
[19] En 2010, dans le chapitre consacré à une loi d’échelle des objets célestes, il indiquait la valeur de 8.898 1014 g comme masse gravitationnelle holographique pour le proton « trou noir » dit « proton de Schwarzschild ». Or cette valeur est basée sur un rayon du proton estimé à 1.321 10-13 cm. Depuis lors, les choses ont changé. Le rayon dit de charge du proton est devenu incertain et la dernière valeur mesurée par l’équipe de Scherrer est actuellement de 0.84087(39) 10-13 cm.
[20] Voir le beau livre de Bergé P., Pomeau Y. & Vidal Ch. (1988) L'ordre dans le chaos. Hermann. Paris.
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