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Commentaire de Thomas Roussot

sur Sarkozy, ou le triomphe des passions tristes


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Thomas Roussot Thomas Roussot 11 mai 2007 16:46

Les passions tristes sont aussi largement gagnantes à gauche. Royal a utlisé le viol des femmes policiers, la souffrance des handicapés en permanence et de manière tout aussi cynique. Quant à la haine et la peur, la gauche a su les utliser régulièrement, faute de ligne cohérente (on ne peut vouloir flirter dans un même élan avec la lcr et le centre droit sans perdre son intégrité).

Voici un petit entretien donné par Finkielkraut qui le dissèque bien.

"Quelle est votre analyse après le résultat de l’élection présidentielle française ?

La gauche, dans cette élection, a connu une véritable débâcle. Elle réunit, proportionnellement, moins de voix que Lionel Jospin en 1995. Or, celui-ci se présentait après 14 ans de mitterrandisme et face à une France avide de changement. Aujourd’hui, deux mandats de Jacques Chirac marqués par l’immobilisme et les promesses non tenues n’ont pas permis à la gauche d’accéder au pouvoir. Elle n’a même pas été capable d’incarner l’alternance. Pourquoi ? Parce qu’elle n’avait pas de projet ; elle l’avait remplacé par « l’ennemi ».

J’ai entendu une jeune fille en larmes à la radio, qui disait qu’elle vivait un cauchemar et que Sarkozy allait être un président liberticide et raciste... Ce discours est atterrant mais il révèle la persistance, en France, du robespierrisme. Qu’est-ce que le robespierrisme ? C’est la politique non pas comme amour du monde mais comme amour de la haine. Il ne s’agit pas, dans cette perspective, de faire du monde un séjour humain, il s’agit d’éradiquer le mal en démasquant les méchants. Fort heureusement, l’amour de la haine a perdu, mais fort tristement, il a quand même réuni 46 % des voix.

Voulez-vous dire que la campagne de Ségolène Royal fut « robespierriste » ?

Oui, bien sûr. À la fin, faisant flèche de tout bois, elle a dit que Nicolas Sarkozy constituait un danger pour la France et que, voter pour lui, c’était prendre le risque de voir des émeutes éclater un peu partout. Mais elle n’a pas été la seule. Michel Rocard lui-même, le raisonnable, le modéré, le partisan d’une modernisation de la gauche, a écrit : « Si Nicolas Sarkozy l’emporte, le président George Bush se réjouira de compter un allié de plus en Europe et la banlieue attendra la prochaine frappe disproportionnée. » L’extrême droite a contesté à Sarkozy le droit de se présenter, faute d’un nombre suffisant de grands-parents français ; le Parti socialiste l’a défini, au début de la campagne, comme « un néo-conservateur américain à passeport français » ; Azouz Begag, l’ancien ministre de l’Égalité des chances, rallié à François Bayrou, a déclaré : « Quand je cherche dans les archives militaires françaises, je trouve des milliers de noms arabes, y compris beaucoup de ceux de ma famille. Quand je cherche les noms de Sarkozy, il n’y a rien. » Sarko-l’Américain était aussi Sarko-l’Israélien ; Sarko-le-facho était aussi Sarko-l’étranger : un Hitler au nez crochu, en somme. Quelles que soient les réserves que m’inspire le nouveau président de la République, je suis soulagé que cette haine effrayante ait été vaincue. Soulagé et en même temps inquiet, car l’amour de la haine ne se laissera pas démonter, et nombre de gens - des jeunes notamment - sont prêts à continuer à se faire peur et à se mobiliser contre celui qu’ils ont érigé sans vergogne en monstre grimaçant."

Ce qui ne change guère (depuis l’époque de Sartre et Aron), c’est la virulence des polémiques ?

Depuis quelques années, en France, la vie intellectuelle est en effet redevenue très dure. Il suffit de lire, sur le site du Nouvel Observateur, les blogs d’imprécations et d’injures de Michel Onfray... L’heure n’est plus au dialogue mais à la suspicion et même à l’épuration : on dresse des listes de réactionnaires, c’est-à-dire de penseurs infréquentables. Ce maccarthysme de gauche a largement contribué à la stérilisation du Parti socialiste car les nouveaux épurateurs n’ont rien eu d’autre à lui proposer, en guise de réforme, que des procédures telles que les jurys citoyens ou les débats participatifs. Là où la décision aurait dû prévaloir, c’est la discussion qu’on a mise en avant. Pire encore : la gauche a voulu aller plus loin dans la réforme désastreuse de l’école. Pendant la campagne, Le Nouvel Observateur a publié un dossier ahurissant intitulé : « Qu’est-ce qu’un bon prof ? » C’est-à-dire qu’au moment même où Nicolas Sarkozy invoquait une lettre de Jules Ferry adressée à « Monsieur l’instituteur », en disant : « Cette formule, c’est la civilisation même », la gauche parlait, elle, de « profs » et affirmait que si les choses n’allaient pas très bien, c’est parce qu’il n’y avait pas assez de pédagogie et qu’il fallait renforcer l’enseignement de cette non-matière dans les instituts universitaires de formation des maîtres, qui sont des lieux - tout le monde devrait le reconnaître - d’abêtissement général et de désintellectualisation du métier d’enseignant. Voilà où en est la gauche... Et c’est un constat que je fais avec une très grande tristesse !"


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