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Commentaire de Henri Masson

sur Femmes sans frontières


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Henri Masson 13 avril 2008 07:54

Quelques compléments d’information :

À propos de Pierre Corret : le 26 novembre 1908, à la Faculté de Médecine de Paris, il défendit une thèse de doctorat sur le thème : "Utilité et possibilité de l’adoption d’une langue internationale auxiliaire en médecine". Les conclusions (pages 135 à 137) peuvent être lues sur http://www.esperanto-sat.info/article1061.html

A propos du professeur Jean-Alban Bergonié,

"Jean-Alban Bergonié est, à Bordeaux, délégué principal du TCF, et, à Paris, secrétaire général de l’AFAS au sein de laquelle il crée et anime une section d’électricité médicale. Persuadé de l’intérêt d’une langue véhiculaire internationale, il créera à Bordeaux en octobre 1902 une section espérantiste, Grupo de Bordeaux. Le professeur Bergonié (1857-1925) a donné son nom au Centre régional de Lutte contre le Cancer de Bordeaux. Pionnier de la radiologie, victime des rayons X, il avait subi en 1893 l’amputation de l’index droit et, neuf ans plus tard, de l’auriculaire. A la fin de sa vie, il avait mis toute son énergie dans son œuvre finale : l’organisation de la lutte contre le cancer en France. Son nom reste également attaché à la loi de Bergonié et Tribondeau (1924) sur la radiosensibilité cellulaire. Il est moins connu pour son activité espérantiste, qui a pourtant reflété en son temps les espoirs du milieu intellectuel et scientifique international. (Informations extraites du Bulletin du Cancer — n° 76-1989.)"
(Extrait de "L’homme qui a défié Babel", éd. L’Harmattan)

Ceci pour dire que, pour les espérantistes et les partisans de l’espéranto, cette langue n’est pas une fin en soi. Apprendre l’espéranto et en faire usage, ce n’est pas un refus de l’effort, c’est faire le choix de l’effort intelligent. Le professeur Bergonié avait par ailleurs formulé cet avis à propos de la nécessité d’une langue auxiliaire internationale :

"L’utilité de l’adoption d’une langue auxiliaire internationale en médecine ne peut, je crois, être discutée. Elle est éclatante et devient une nécessité tous les jours plus pressante. Pour un point particulier de cette vaste question, on peut le démontrer : Avec la spécialisation de plus en plus étroite qui se fait chaque jour, tous les périodiques d’une spécialité doivent être lus par chaque spécialiste de cette spécialité. Or, comment pouvoir lire avec fruit ces périodiques (au moins 10 pour les spécialités les moins répandues), si chacun est écrit dans une langue différente ? Voilà pour l’insuffisance du polyglottisme.
Les spécialistes ont d’autant plus d’intérêt à se tenir au courant des découvertes et des progrès ayant trait à leur spécialité que celle-ci est plus étroite. Il faut connaître vite et exactement pour appliquer ou pour chercher mieux. Alors ceux qui ne savent pas les langues sont handicapés vis-à-vis des autres, et ceux qui les savent (?) sont astreints à un entraînement continu dont le temps serait mieux employé à chercher. Comme tout irait mieux si chaque auteur pouvait faire un résumé de son mémoire en une langue auxiliaire que publierait le périodique en même temps que le mémoire original. Les autoreferat lus et compris par tous : quel rêve ! Il est cependant réalisable grâce à la langue auxiliaire.
"

Certes, aujourd’hui, les médecins et les scientifiques apprennent surtout l’anglais, mais cette langue exige un temps excessif d’études pour atteindre un niveau suffisant, un temps qui pourrait être utilisé plus utilement pour la recherche et pour la société. Certains prétendent qu’il est facile alors que Charles Dickens reconnaissait lui-même qu’il était difficile et alors qu’il existe une association pour la simplification de l’anglais ! Fondée en 1908 pour la simplification de l’orthographe anglaise, la Simplified Spelling Society (SSS) a lancé une campagne pour ses 99 ans : “L’anglais a beau être la langue la plus universelle, des linguistes jugent qu’elle n’a pas évolué ces 500 dernières années, ce qui explique pourquoi la moitié des anglophones peine à l’écrire.

L’acquisition d’un niveau d’anglais, même seulement pour la simple “débrouille”, exige un temps excessif pour la majeure partie des élèves. Là où l’anglais est enseigné en surdose, il n’y a pas assez de moyens humains et matériels, de temps (donc d’argent) pour enseigner d’autres matières. Vorace en moyens, cet enseignement se fait à leur détriment de toutes les matières, dont les langues, au détriment aussi d’actions utiles pour la société. Apprendre l’anglais dans des cours pour adultes accapare un temps considérable qui pourrait être utilisé pour le bénévolat, l’entraide, etc. Ceux qui se moquent de l’espéranto en se croyant forts en anglais ont un comportement d’ânes bâtés contents d’avoir une surcharge à porter, une surcharge qui a empêché l’étude d’autres matières. L’anglais représente une surcharge considérable pour les pays non-anglophones, alors que l’espéranto permet non seulement un net allégement de la charge, mais une répartition équitable de celle-ci entre anglophones et non-anglophones.

Les Anglais savent pourtant, parfois, être bons joueurs. Peut-être serait-il bon de rappeler qu’en 1907, lors d’une cérémonie d’accueil du Dr Zamenhof au Guildhall, le lord-maire, Sir T. Vezey Strong, avait dit : "Lorsqu’on m’a parlé de l’espéranto comme langue internationale, j’ai souri, car je suis un Anglais, et j’étais convaincu que, si une seule langue mondiale était possible, cette langue ne pouvait être que l’anglais. Cependant, par la suite, j’ai médité là-dessus et je me suis convaincu qu’aucun peuple n’accepterait l’hégémonie que s’assurerait ainsi le royaume britannique, tout comme moi, je ne tolérerais jamais pareille hégémonie de la part d’un autre peuple. Il devint alors clair pour moi que la langue neutre Espéranto pouvait être prise en considération."

Et c’est pourtant un noble britannique, Lord Edgar Robert Cecil (1864-1958), donc un anglophone aussi, futur prix Nobel de la Paix (1937), qui, en 1922, avait exhorté la Commission de Coopération intellectuelle de la Société des Nations à soutenir l’espéranto et à “se souvenir qu’une langue mondiale n’était pas nécessaire seulement pour les intellectuels mais avant tout pour les peuples eux-mêmes“. Et ceci à une période où le gouvernement français s’opposait frouchement à ce que l’espéranto soit pris en considération à la SDN et faisait occuper la Ruhr : deux erreurs aux conséquences funestes.

Or, l’auteur du "Vademecum polyglotte de pharmacie internationale" publié en 1911, donc environ une dizaine d’années plus tôt, et compilé grâce à la collaboration de pharmaciens espérantistes de huit pays : Angleterre, Allemagne, France, Espagne, Hollande, Italie, Russie et Suède, Célestin Rousseau, avait écrit : "Le problème de la langue auxiliaire sera résolu le jour où un où deux États introduiront son enseignement dans les programmes des écoliers à titre obligatoire. Cette réforme est désirable et nécessaire pour créer une mentalité nouvelle, susceptible de développer le sentiment de solidarité que commande la conservation de la communauté européenne. La France se doit à elle-même et doit à ses traditions séculaires d’apôtre des grands progrès de ne laisser à aucune autre nation cette initiative dont les conséquences à peine prévisibles pourront être comparées à celles qui suivirent l’invention de l’imprimerie."

Le gouvernement français avait ainsi fait rater à la France l’occasion de promouvoir non seulement en Europe, mais dans le monde entier, une idée qui fut chère au "Galilée de l’Éducation", le grand humaniste Jan Amos Komensky (Comenius).


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