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Commentaire de Jeannot

sur Mediator : Family Business !


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Jeannot 2 juin 2011 21:48

Cher Docteur Dupagne,

Je vous remercie de votre réponse.

Je vous suis ... et je ne vous suis pas.

Avant toute chose, laissez-moi vous apprendre que notre communication interne est à l’image de notre communication externe. Tout est dit ! Nous avons un petit site intranet dans lequel la direction poste quelques articles positifs qui contrastent avec le flot monstrueux d’articles négatifs que nous nous prenons dans la tête dans notre vie privée. Ca nous remonte un peu le moral et c’est tout ! Il y a eu les voeux du Dr Servier et une intervention du directeur général. En 6 mois de crise comme celle que nous avons connue, quitte à me faire manipuler, j’aurais préféré davantage d’info de la direction. Lucy Vincent, notre porte-parole n’a même pas organisé de conférence en interne.

Mais bon !

Je suis scientifique de formation. Le rapport que j’ai eu entre les mains pose un certain nombre de questions troublantes. Je ne me souviens pas y avoir lu le fait qu’Irène Frachon n’aurait découvert la toxicité du benfluorex qu’en 2009. Notre directrice de la com l’a dit à la télé, mais de mémoire ça ne figurait pas dans ce rapport dont la teneur est plutôt scientifique. Il n’est pas du tout orienté contre Irène Frachon mais contre les travaux et les conclusions de l’IGAS. Il ne traite uniquement que du Mediator et de l’attitude de Servier pendant toutes ces années.

J’ignore pourquoi il n’a pas été rendu public, à l’extérieur de l’entreprise, les arguments peuvent et devraient pourtant être entendus par tous.

Concernant Irène Frachon, je concède qu’elle a clairement énervé tout le monde chez nous. smiley Mais ça ne reste que très éphémère. Personnellement, je ne peux pas lui en vouloir, au contraire. Le rôle qu’elle a joué fut difficile et je comprends la rancoeur qu’elle peut éprouver à l’encontre de Servier.
Avant d’être salarié de Servier, je suis un être humain (si si !) comme les autres, et je ne peux que me réjouir du fait qu’il existe des lanceurs d’alertes. Leur rôle est malheureusement de prendre des coups, mais surtout d’attirer l’attention sur des problèmes que le système n’est pas toujours à même de détecter.

C’est ce qu’elle a fait.

L’ampleur du problème qu’elle a mis à jour est-elle aussi importante que ce que la presse relate ? Je n’en sais rien. L’avenir nous le dira

Ce qui nous révolte, et là je parle également au nom d’un certain nombre de mes collègues proches, c’est le traitement médiatique qui nous a été réservé. La presse, y compris les grands quotidiens ont souvent délaissé l’information factuelle au profit de la polémique.

L’exemple du lien de parenté entre Me Charles Joseph-Oudin et Catherine Hill est criant. La presse ne s’en est même pas indignée ! Hallucinant non ? L’expert et l’avocat de mêche, à l’encontre des codes déontologiques de l’une et l’autre des 2 professions ! Bravo le Figaro !

Dans votre texte, vous faites allusion aux innombrables conflits d’intérêts qu’entretient Servier avec les experts. Je doute que Servier soit pire que les autres laboratoires. La pseudo-réflexion que s’accorde l’agence sur la pioglitazone illustre mes propos. Ces conflits d’intérêts nous ont été vivement reprochés au regard de l’affaire du Mediator, mais je pense qu’ils sont transposables à n’importe quel laboratoire.

Le conflit d’intérêt entre Gérard Bapt et GSK est également gênant étant donné le rôle de ce député dans l’affaire du Mediator. Les résultats de la commission qu’il préside interviendront dans les différents procès auxquels nous aurons à faire face. La presse l’a à peine mentionné. Auriez-vous imaginé un tel silence si une situation analogue s’était produite par exemple si on avait appris que des députés dénonçant le comportement de José Bové avaient des conflits d’intérêts avec Monsanto ? (Exemple fictif)
Ses prises de position dans la presse contre nous depuis le début de l’affaire sont également agaçantes vu qu’il préside une commission d’enquête. Un minimum de neutralité, même feinte, serait souhaitable.

La chasse aux conflits d’intérêts doit avoir lieu à tous les niveaux, y compris lorsqu’ils desservent « le méchant de l’histoire » que nous représentons.

Dernière remarque sur ce sujet : les réserves du Professeur Acar. Qu’il soit financé ou non par Servier, (à nouveau, je ne suis pas dans le secret des dieux), ce professeur de renom ne pose-t-il pas des questions qui méritent réponse ? C’est à peu de choses près le seul expert qui se soit mouillé contre le tsunami qui nous frappe. Que d’autres experts s’y confrontent ! (Comme ce qu’a fait la chercheuse de l’INSERM via votre site). Passer sous silence ses travaux n’est pas convenable.

Je ne connais pas les blogueurs qui postent des articles en notre faveur. D’autres salariés ? Probable. Pourquoi restent-ils anonymes ? Mettez-vous à notre place. Nous sommes devenus l’ennemi public numéro 1. Je peux comprendre qu’ils ne souhaitent pas s’exposer. Vous ne réalisez pas les insultes qu’on reçoit en permanence et les risques que nous prenons à dire que l’on travaille chez Servier. Les baffes sont-elles méritées ? Je les comprends, je n’estime pas les mériter pour autant. J’ai toujours mis un point d’honneur à travailler avec rigueur et éthique.

Quand vous dites que l’éthique de Servier est nulle, pouvez-vous préciser vos propos ? Mes collègues et moi-même n’avons pas de problème d’éthique. Je ne pense pas être un salaud. Je ne peux m’empêcher de penser qu’un secret comme celui de la toxicité du Mediator n’ait pu être caché pendant 30 ans par des dizaines de milliers de personnes, sachant qu’un certain nombre d’entre elles ont quitté l’entreprise, parfois en mauvais terme.

D’où mes réserves. Personnellement, je n’étais pas au courant de ce secret.

Démissionner ? La question se posera en fonction des résultats des procès. Je comprends et admire votre prise de position vis à vis de l’AFSSAPS dans l’affaire de la pioglitazone.

L’affaire du Mediator est une affaire émotionnelle. Je ne vous apprendrais pas à vous, médecin, que l’émotion doit être mise à l’écart lorsque l’on doit établir un diagnostic.

Laissons donc les différents acteurs s’exprimer, mettons de côté la démagogie, ouvrons le débat, imposons la transparence y compris chez nos opposants, accordons-nous la présomption d’innocence, le droit de nous défendre et d’être jugés sereinement.

Je prendrai ma décision après le verdict.

Enfin, concernant nos visiteurs médicaux, nous avons en France 800 personnes sur le terrain si ma mémoire est bonne. Des gens qui font leur métier, un job qui est difficile et ingrat. Les quelques visiteurs que je connais sont des gens sérieux. Je ne pense pas qu’on puisse généraliser à l’ensemble de ces personnes l’expérience désagréable que vous avez pu avoir avec quelques uns d’entre eux. Les visiteurs de nos concurrents sont-ils plus ouverts au dialogue ?

Jeannot

PS : et je ne suis pas témoin de Jéhovah !!! smiley


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