Tunisie : l’UGTT annule son appel à la grève
Le principal syndicat tunisien a annulé, ce mercredi 12 décembre, son appel à la grève générale de jeudi. Cette décision intervient au lendemain de l’annonce d’un projet de compromis avec le gouvernement. Houcine Abassi, secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) invoque « le climat d’insécurité » pour expliquer l’annulation de la grève. L’organisation syndicale réclamait, entre autres points, une ferme condamnation des actes de violence de la Ligue de protection de la révolution contre l’UGTT.
Parallèlement à l’annulation de la grève, le syndicat a précisé qu’il publiera une motion générale appelant « à l’unité et à la vigilance par rapport à tout ce qui se trame - publiquement et en secret - contre l’UGTT », lit-on dans la page Facebook officielle de la centrale.
De son côté, Houssine Abassi a déclaré que « la décision a été prise d’annuler la grève en raison de la situation difficile que traverse le pays, des tensions existantes, du climat d’insécurité, des menaces à nos frontières et pour préserver la paix sociale ». Il aura fallu six heures de discussions tendues entre les 81 délégués de l’organisation syndicale et un vote « à majorité très serrée » - selon un des délégués syndicaux - pour arriver à cette décision.
Le bras de fer entre l’UGTT et Ennahda
Le dernier bras de fer qui opposait le principal syndicat tunisien au gouvernement dirigé par les islamistes du parti Ennahda date du 5 décembre. Ce jour-là, l’UGTT avait appelé à une grève générale, le jeudi 13 décembre, dans l’ensemble du pays. La centrale indiquait alors qu’elle entendait protester ainsi contre une attaque de son siège, le 4 décembre, à Tunis, perpétrée, selon elle, par des membres de la Ligue de la protection de la révolution, sorte de milice pro-Ennahda aux méthodes brutales. Les syndicalistes l’accusent également d’agressions contre ses membres. L’UGTT réclamait, avant tout, la dissolution de la Ligue et des poursuites judiciaires contre les auteurs des violences.
Sur ce point, l’accord ne prévoit pas la dissolution de la Ligue mais envisage néanmoins la création d’une commission d’enquête conjointe, formée par le gouvernement et l’UGTT.
Fer de lance de la contestation
Dans le climat de tensions que connaît actuellement la Tunisie, l’appel à la grève laissait craindre des heurts. Lorsque l’UGTT avait lancé son appel à la mobilisation, la semaine dernière, le gouvernement l’avait vivement dénoncé, d’autant plus que le dernier grand mouvement social datait à peine de quelques jours. Fin novembre, en effet, une grève régionale lancée à Siliana, dans le sud-ouest du pays, s’était transformée en cinq jours d’affrontements entre policiers et manifestants, faisant 300 blessés.
L’UGTT, qui compte un demi-million de membres, est la plus grosse organisation du pays. C’est elle qui était en première ligne lors de la contestation de Siliana et dans d’autres régions déshéritées de la Tunisie. Fer de lance de la contestation, l’UGTT apparaît, en ce moment, comme le principal contre-pouvoir du pays. Ennahda l’accuse d’ailleurs régulièrement de se mêler de politique et d’attiser les tensions sociales dans le pays. Les déclarations du chef du parti islamiste, Rached Ghannouchi, vont dans ce même sens lorsqu’il déclare que « l’UGTT doit être une organisation syndicale et non pas un parti d’opposition ».
L’histoire de l’UGTT ne compte pourtant que deux appels à la grève nationale. L’une de ces grèves eut lieu en 1978 et l’autre a duré deux heures. C’était le 12 janvier 2011, deux jours avant la chute du régime de Ben Ali. Le 17 décembre prochain, la Tunisie fêtera le deuxième anniversaire du début de sa révolution.
Source :
http://www.rfi.fr/afrique/20121212-tunisie-ugtt-annule-son-appel-greve
Salah HORCHANI