Après
la sonde Rosetta et son module exploratoire Philae lancé sur la comète
67P/Churyumov–Gerasimenko située à plus de 500 millions de kilomètres de
la Terre, l’Agence spatiale européenne (ESA) a revendiqué la semaine
dernière une autre première mondiale : relier les satellites par rayon laser
pour transporter des informations d’un point à un autre du globe. Un
exploit moins impressionnant que le projet Rosetta, mais qui pourrait
avoir des implications durables sur la construction du réseau de
communication européen (EDRS pour European Data Relay System) afin
d’assurer l’indépendance géospatiale de l’Europe.
Les
équipes de l’ESA ont relié, vendredi 28 novembre, les satellites
Sentinel-1A et Alphasat séparés de 36 000 km par un rayon laser. Ce qui a
permis de transmettre instantanément les images capturées par le
premier à la Terre par l’intermédiaire du second. Il faut en effet
savoir que Sentinel-1A, satellite en orbite à 700 km autour des pôles,
ne peut transmettre ses données que lorsqu’il repasse au-dessus de ses
centres techniques terrestres déployés en Europe. A l’inverse, satellite
géostationnaire, Alphasat est en permanence connecté à son centre de
contrôle. Une connexion permanente utilisée comme passerelle pour
accélérer la mise à disposition des données du premier via un terminal
de communication laser (LCT pour Laser Communication Terminal) mis au point par Tesat-Spacecom (une filiale de Airbus Defence and Space) et le centre aérospatial allemand DLR. Un système qui s’inscrit dans le programme Copernicus d’observation du globe terrestre conjoint à l’ESA et à la Commission européenne, et qui évalue à 6 téraoctets le volume de données quotidienne à envoyer de l’espace vers la Terre. Ce système est qualifié d’autoroute de l’information de l’espace (SpaceDataHighway).
Une fibre optique dans le ciel
« Aujourd’hui, les systèmes spatiaux sont devenus partie intégrante du défi du Big Data mondial, commente Magali Vaissiere, directrice des télécommunications et applications intégrées à l’ESA. Vous
pouvez visualiser le lien d’aujourd’hui comme une fibre optique dans le
ciel qui peut relier les [satellites] Sentinels à l’Europe, où qu’ils
se trouvent sur leur orbite autour de la Terre. » Pour la démonstration, le lien a été configuré à la vitesse de 0,6 Gbit/s,
mais peut fonctionner à 1,8 Gbit/s sur les 45 000 km qui séparent les
deux terminaux LCT, indique le communiqué d’Airbus DS. Il évoluera vers
les 7,2 Gbit/s à l’avenir. Une technologie qui pourra donc assurer le
transfert de données en quasi temps réel d’un point du globe terrestre à
un autre.
Le
système de communication laser de EDRS sera opéré par Airbus DS pour 15
ans. Mais au-delà du programme européen d’observation Copernicus, « le
SpaceDataHighway profitera à nombre d’applications militaires et
commerciales qui nécessitent des services de communication inégalés et
quasi temps-réel de très haut débit », précise Evert Dudok,
responsable en charge de la division Communications, Intelligence and
Security chez Airbus DS. Parmi les applications possibles évoquées, la surveillance en temps réel de la surface de la Terre pour prévenir les catastrophes climatiques et soutenir les secours sur le terrain, le contrôle des frontières maritimes pour lutter contre les trafics ou encore la reconfiguration dans l’espace des satellites en orbite.
Premiers services en 2015
Deux
plateformes de satellites Sentinels seront lancées pour déployer ces
services. La première intégrera des liens optique et radio sera associée
au satellite Eutelsat 9B dont le lancement est prévu en 2015. Le
lancement de la seconde est programmé pour 2016, dans le cadre du projet
public-privé de satellite géostationnaire SmallGEO entre OHB (Orbitale
Hochtechnologie Bremen) et l’ESA. Un programme en cours de
développement.