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En réponse à :


(---.---.33.41) 6 février 2007 21:31

« Droite » ou « gauche », les méthodes de fond sont les mêmes. Seule la façade est différente. Il y a eu un article sur la question en septembre :

http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=13393

vendredi 15 septembre 2006

Politique, justice, déontologie... et campagne présidentielle

En pleine pré-campagne présidentielle et alors qu’un mini-projet de réforme de la Justice a été annoncé, on reproche à Jacques Chirac la nomination de l’un de ses anciens conseillers au poste de procureur général de Paris. Mais cette pratique est-elle vraiment nouvelle, quels que soient le domaine de la Justice que l’on considère et les partis politiques qui gouvernent ? Ou a-t-on pris l’habitude de s’en plaindre uniquement lorsque cela « profite à ceux d’en face » ? Malheureusement, la réponse semble bien être que de tels transferts ont toujours existé, mais que le monde politique ne tient pas à changer le système. Dans ce cas, il appartient aux citoyens de prendre des initiatives et de se servir utilement des échéances électorales pour faire en sorte qu’il devienne possible d’obtenir une évolution de nos institutions.

La nomination de l’actuel actuel directeur de cabinet du ministre de la Justice et ancien conseiller juridique du président Jacques Chirac, Laurent Le Mesle, en tant que procureur général près la Cour d’appel de Paris, a immédiatement suscité des réactions.

Avant même que la désignation de Laurent Le Mesle ne devienne officielle, un communiqué du Parti socialiste dénonçait « la nomination prochaine [...] de monsieur Laurent Le Mesle », estimant que « c’est le collaborateur le plus proche de Jacques Chirac dans le domaine judiciaire qui sera saisi demain de la procédure judiciaire qui vise Jacques Chirac et qui est suspendue jusqu’à la fin de son mandat, et que »la reprise en main politique de la Justice que le Parti socialiste dénonce depuis 2002 atteint là son paroxysme et renvoie à des pratiques d’une autre époque...« Déjà le 10 septembre, François Hollande, d’un air indigné, avait accusé Jacques Chirac de vouloir »se protéger des éventuelles poursuites judiciaires« . De son côté, Ségolène Royal a rappelé qu’elle considérait comme une tentative d’intimidation la nomination (le 4 mai dernier) de Martine Ceccaldi, qui était directrice adjointe du cabinet de Pascal Clément, aux fonctions de procureure générale près la Cour d’appel de Poitiers. Mais François Hollande, devenu conseiller de François Mitterrand en 1980, et Ségolène Royal, chargée de mission de l’Elysée en 1982-1988 et qui revendique la »lignée mitterrandienne", ont connu du côté du pouvoir des périodes très turbulentes. On peut donc se demander s’ils n’affectent pas une fausse candeur en période pré-électorale.

La porte-parole de l’UMP, Valérie Pécresse, avait répondu, dès le 11 septembre, aux nombreuses critiques que : « le vrai critère pour une nomination, c’est la compétence et Laurent Le Mesle est unanimement reconnu pour sa très grande compétence ». Pour l’UMP, l’intéressé « n’est pas un militant » mais « un magistrat de très grande qualité ». Pascal Clément a estimé que les critiques relèvent d’un « procès politicien » et que la nomination de Laurent Le Mesle a été faite « à partir des qualités humaines de l’homme, de ses qualités intellectuelles et de ses qualités de juriste ». Mais ce type de réponse ignore la question de l’apparence d’impartialité due aux citoyens pour toute nomination à haut niveau dans la magistrature. C’est sans doute là que réside la question de fond : l’Etat français a-t-il jamais respecté l’obligation d’apparence d’impartialité ?

De son côté, le secrétaire national de l’Union syndicale des magistrats (USM), Laurent Bedouet, a dénoncé un « système archaïque et verrouillé ». Cette déclaration soulève une question plus fondamentale : il s’agit d’un système. Mais dans ce cas, en quoi consiste-t-il ? Est-il récent ou ancien ? La réponse semble être que le système est très ancien, et profondément enraciné dans nos institutions. Aucune raison d’évoquer « une autre époque », comme le fait François Hollande, si ce système a toujours été là. Y compris lorsque l’actuel premier secrétaire du Parti socialiste était conseiller de François Mitterrand et de ses gouvernements. Et qui, au cours des dernières décennies, a proposé de réformer le système ? Quel « programme pour après 2007 » en souffle mot ?

A la suite de l’ouverture partielle des archives de la présidence de la République pour la période 1981-1983, le chercheur Alain Bancaud a consacré un important travail au fonctionnement de la Justice dans la période de François Mitterrand. Une partie de ses constatations est exposée dans son étude publiée en 2000 par Droit et Société et intitulée « Le paradoxe de la gauche française au pouvoir : développement des libertés judiciaires et continuité de la dépendance de la Justice ». L’auteur écrit :

« Les archives montrent [...] que François Mitterrand entend exercer pleinement ses pouvoirs sur et au sein du CSM [Conseil supérieur de la magistrature] et que la Présidence prétend continuer à s’intéresser aux promotions judiciaires les plus stratégiques, qui sont traditionnellement discrétionnaires. À la suite des critiques formulées contre le cabinet de Maurice Faure, une note confidentielle adressée au Secrétariat général de l’Élysée indique qu’« il paraît souhaitable que l’Élysée conserve - comme il l’a toujours fait - un minimum de contrôle sur ce qui ce passe dans la Justice » et qu’« à cet égard », deux secteurs sont stratégiques, « essentiels » : celui de la Justice pénale avec « deux postes clés : le directeur des Affaires criminelles qui contrôle l’exercice des poursuites, intervient dans l’exécution des peines, prépare les réformes, le procureur général de Paris, chef du Parquet et de la [police judiciaire] de toute la région parisienne » ; celui « des nominations judiciaires avec deux postes clés : le directeur des services judiciaires qui propose et prépare toutes les nominations, plus le secrétaire général du CSM qui, pour le Siège, travaille en cheville avec le premier. Ces quatre fonctions, qui, à des degrés divers, sont autant de leviers de pouvoir, doivent recevoir à brève échéance de nouveaux titulaires. Leur choix ne devrait pas laisser l’Élysée indifférent » »

Analyse que rappellera la synthèse d’un cycle de rencontres avec la thématique La justice en perspectives, organisé par l’Ecole nationale de la magistrature. Dans un chapitre intitulé : « Le rapport des magistrats au politique et à la vérité historique », l’auteur de la synthèse souligne : « La période plus récente de la présidence de François Mitterrand confirme le souci du politique de conserver un droit de regard sur la magistrature, par divers biais. La présidence cherche en particulier à contrôler quatre types de postes stratégiques, véritables leviers du pouvoir : directeur des affaires criminelles et des grâces, procureur général de Paris, directeur des services judiciaires et membres du Conseil supérieur de la magistrature... [...] L’évolution tend [...] à faire disparaître le système des recommandations car la familiarité entre les magistrats et les milieux politiques prend une nouvelle forme : celle du passage dans les cabinets ministériels. Sur ce point, un rapprochement s’opère avec les autres grands corps de l’État.... »

Ce dernier commentaire, à propos des cabinets ministériels, est lourd de signification si on pense qu’au Conseil d’Etat ; depuis fort longtemps, des magistrats ayant travaillé dans des cabinets de ministres et de premiers ministres (re)deviennent aussitôt après des membres de la section du Contentieux et se retrouvent ainsi à même de juger des litiges des ministères et gouvernements aux principales activités desquels ils ont directement participé. Une situation qui n’est pas fondamentalement différente de celle que crée dans l’ordre judiciaire la nomination du nouveau procureur général de Paris, sauf que dans le cas du Conseil d’Etat, personne ne s’en plaint, et les justiciables qui tentent de récuser des magistrats pour cette raison sont déboutés. Pourquoi le monde politique, justiciable institutionnel du Conseil d’Etat, n’a-t-il jamais tenté de faire évoluer ce mode de fonctionnement ? On pourrait croire qu’il n’y tient pas, et qu’il en a même pris habitude.

Alain Bancaud expose également la politisation des nominations de membres du CSM faites par François Mitterrand :

(...)

Voulons-nous globalement d’un tel système, une fois qu’on nous l’a ainsi expliqué ? ...

(...)

Une loi pourrait prévoir que les projets de nominations ou d’affectations à des fonctions d’une certaine importance dans la magistrature judiciaire ou administrative soient obligatoirement annoncés au public avec une avance suffisante (six mois ou un an, selon les cas) et avec diffusion d’un curriculum vitae exhaustif. Les citoyens, associations, organisations... pourraient alors exprimer en toute transparence leurs éventuelles réserves sur telle ou telle désignation. La situation actuelle n’est pas acceptable, car le citoyen est l’otage des milieux politiques et des médias conventionnels pour l’accès à ce type d’informations, qui ne sont vraiment divulguées qu’en cas de conflit entre les lobbies dominants. Si la justice est rendue au nom du peuple français, pourquoi ce dernier n’aurait-il pas son mot à dire avant toute nomination au sommet de la magistrature ?

Le principe du contrôle citoyen voudrait également que les salles d’audience soient pleines et puissent accueillir un nombre significatif de personnes extérieures aux affaires plaidées. Il est rare que ces deux exigences soient remplies. Souvent, le justiciable se retrouve presque seul et pratiquement sans témoins de la manière dont son affaire est traitée en audience publique. Une solution pourrait être la généralisation de l’étude du droit et d’autres disciplines, de façon à permettre à tous les citoyens de participer à un contrôle effectif des institutions. Pour la même raison, les procédures sommaires (décisions prises par ordonnance ou sans motivation circonstanciée, ou par des juges uniques...) devraient disparaître. Ce ne sont que des exemples des mesures à envisager.

Quel parti « d’une certaine importance » propose une réforme de cette nature dans son programme pour les élections de 2007 ? A ma connaissance, aucun.


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