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L’Ankou 4 mars 2013 15:55

Excellente remarque.

80% de l’article se borne à dire que payer une prostituée c’est une insulte faite à la Valeur Incommensurable du Sceptre Viril dont la noble vaillance devrait au contraire apporter à son possesseur respect, reconnaissance et dévotion. Les 20% qui restent tendent à indiquer que cette opposition de principe, morale, absolue et définitive, serait finalement tolérable si au moins on en avait pour son argent...

Sauf que bon, outre ce que tu dis, Plus robert que Redford, à propos des solutions alternative (branlette, zoophilie ou rapports imposés...), quand la séduction n’est pas possible ou ses résultats frustrants, le rapport tarifé est une relation contractuelle, et si ces contrats se renouvellent, c’est que le prix du marché correspond aux prestations du marché.

Pour aller plus loin, j’ai quand ême souhaité savoir si le raisonnement était transposable à d’autres domaines...

Parfois, je ne cuisine pas moi-même, et je confie la satisfaction de mes besoins alimentaires voire gastronomiques à un restaurateur. Je n’y perds pas ma fierté. Je ne vois donc pas pourquoi le(la) client(e) d’un(e) prostitué(e) y perdrait la sienne, tant qu’il(elle) en a pour son argent et que cela se passe entre adultes consentants.

Pareil pour le chant... j’ai beau chantonner gratuitement ou entendre mes proches chanter, je ne vois pas en quoi je perdrais ma fierté à acheter un disque ou à payer pour un concert ou un opéra.

Quoique, à la réflexion... Voyons voir si le discours se tient en remplaçant la sexualité par la musique...

Bon, Ok, la variété est une exploitation économique et artistique des humains, et il n’est pas bon que leur écoute soit ainsi utilisée sans être valorisée.

Après tout, n’est-ce pas, au prix que factures les psychanalystes en contrepartie de leur écoute, ce sont les vedettes qui devraient payer pour avoir le droit de jouer devant une salle pleine. Je serais curieux de savoir combien de concerts il resterait...

Il n’est pas bon non plus que l’argent péniblement gagné par les auditeurs parte par milliards pour des prestations de basse qualité et insatisfaisantes.

Certains et certaines ont compris que les aspirations artistiques sont, par nature ou par culture, facilement frustrées. La variété est un business qui croît sur cette frustration, sans jamais l’éteindre - il faut garder les auditeurs. Si les chanteurs donnaient un vrai plaisir, et de la considération à l’auditeur, celui-ci, mieux reconnu dans ses besoins, mieux satisfait, pourrait consommer moins de chansons tarifés. Comme souvent c’est le manque qui entretient la clientèle.

Sans aspirations artistiques insatisfaites, la variété n’existerait donc pas. Cela vaut pour la chanson française comme pour la pop étrangère, les auditeurs restant, dans la très grande majorité des francophones. Le chanteur ou la chanteuse a très bien compris l’insatisfaction profonde des auditeurs en matière de chanson. Les concert et les DVD servent à donner un semblant de contentement. Mais ce contentement, sans réel partage, est artificiel. Un morceau de trois minutes, solo compris, avec un chanteur qui n’attend que le fait que l’auditeur ait applaudi, est à la fois un mépris du client et une piètre prestation professionnelle. Que des auditeurs acceptent cela montre à quel point de souffrance du manque et de mésestime d’eux-mêmes ils peuvent en arriver.

Beaucoup d’auditeurs ont des envies qui ne sont ni remplies ni satisfaites. Certains n’ont pas l’oreilles musicale. D’autres sont trop sourds pour être considérés comme de bons auditeurs. D’autres, immigrés par exemples, peinent à trouver des concerts de musique traditionnelles.

Le client des concerts est habituellement décrit dans la doxa actuelle comme un mélomane très critique. Le mélomane fait piètre figure quand on sait que la grande majorité des clients sont de petites gens, des hommes simples sans formation musicale, qui donnent parfois 10% de leurs revenus à des vedettes du show-biz’ qui elles peuvent gagner des millions par mois.

L’inégalité et la dissymétrie est flagrante. Pour un peu de rêve et de musique, des auditeurs se dépouillent au profit d’une catégorie qui exploite leurs besoins et leur portefeuille avec un cynisme non dissimulé.

Donc :

- les auditeurs n’ont, semble-t-il, pas les mêmes attentes que les chanteurs de variété en matière de mélodie (et de texte, cela allant souvent de pair) ;

- leurs envie d’apprécier, tant le texte que la mélodie n’est sont pas suffisamment reconnue, valorisée, remplie et satisfaite - au contraire il sont souvent dénigrés, salis, criminalisés (surtout s’ils chantent faux chez eux ou pratiquent la batterie en amateur) ;

- à cause de cela ils cherchent dans les concerts tarifées ou dans la radiodiffusion une satisfaction illusoire ;

- elle est illusoire car la musique tarifée n’est pas un échange ni un partage, mais uniquement un objet de consommation, et la frustration alliée au mépris du désir artistique en est la conséquence ;

- les auditeurs n’y gagnent aucune estime d’eux-mêmes, ils sont au contraires taxés d’être exigeants, critiques, aux goûts tyraniques, alors que ce sont eux qui sont exploités et dominés par la proposition artistique ;

- ils participent et alimentent un transfert d’argent considérable vers une catégorie professionnelle dont la prestation est de mauvaise qualité parce qu’uniquement consumériste, et participent ainsi à leur propre appauvrissement et à l’enrichissement de la catégorie qui les exploite ; (rien à changer ici !)

- ils contribuent à montrer que l’aspiration artistique est exploitable à souhait tout en étant méprisable et ne font rien pour changer cela. Quelle fierté d’auditeur peut-on trouver à écouter de la musique en payant ?

Je pense toujours que la musique exercée librement n’a pas à être interdite ni méjugée. Un chanteur de variété est un artiste aussi digne que tout autre. Mais, pour les raisons citées ci-dessus, je considère comme dévalorisant et appauvrissant le fait que l’auditeur paye pour des chansons. J’invite donc les auditeurs à ne plus s’y prêter, à ne plus s’appauvrir en enrichissant une catégorie qui les exploite, à ne plus payer pour une relation de mauvaise qualité alors qu’ils peuvent en avoir de meilleures gratuitement.

Bon, moi, je trouve que le raisonnement se tient parfaitement. Bon, ok, ça va finir par se voir, que je suis plutôt contre hadopi.


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