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dilettante 29 mai 2007 09:59

Si l’article est très bon et dénote une connaissance approfondie de la Chine moderne, il se dit beaucoup de bêtises dans les commentaires qui suivent...

Certaines mériteraient leur place dans un bêtisier. J’en choisis quelques-unes :

« Je pense réellement qu’il existe en Chine une vision à long terme qui est absente ici en Europe.. »

Cette phrase, c’est triste à dire, peu importe comment on la lit et la bonne volonté qu’on peut mettre pour donner un peu de crédit à l’auteur, on n’y arrive pas. La Chine est l’ennemie de la vision à long terme, même la vision à moyen terme est un concept qu’on ne comprend pas réellement ici. Dans n’importe quel secteur, dans n’importe quel domaine, on construit pour détruire le lendemain. Phrase symptomatique trop souvent entendue pour qui sera resté quelques années en Chine : « on en reparlera le moment venu », « on verra plus tard »... (pour ceux que la version originale intéresse : « dao shihou zai shuo », je doute que ce site me permette d’écrire en chinois) Cette phrase veut dire ce qu’elle semble vouloir dire : les solutions définitives, on sait pas, ou on peut pas, quoiqu’il en soit on veut pas se fatiguer à les trouver, donc pour le moment on improvise avec des solutions temporaires. Que ces solutions permettent de retarder le problème avec succès n’est même pas le cœur du problème ; le vrai problème c’est qu’au moment où cette solution n’est plus viable du tout, on se rend compte que l’orientation même de la solution était mauvaise, qu’il faut tout refaire, qu’on y perd un temps fou, car rien n’a été correctement planifié.

Pour donner un exemple concret à ceux qui n’auraient pas suivi, il y a quelques années alors que je vivais dans le sud-ouest du pays (province du Sichuan pour ceux qui connaissent), la pénurie d’électricité à pousser le gouvernement local à couper l’électricité 1 jour sur 2 (plus ou moins entre 8 et 20h) dans des villes de plusieurs millions d’habitants, pendant plus de quatre mois. D’où venait cette pénurie ? Le gouvernement avait tout simplement déclaré en 2000 ne pas avoir besoin de construire de centrales supplémentaires pour le sud-ouest de la chine, qui selon eux, devait produire avec les moyens de l’époque largement assez d’énergie jusqu’en 2020. Si ça c’est de la gestion à long terme...

Cependant, fort de cette expérience malheureuse, le gouvernement s’est dit qu’on ne l’y reprendrait plus. Pour exemple les accords de coopération conclus avec l’Afrique (la Chine est littéralement en train de coloniser économiquement le continent, relativement délaissé par les occidentaux, à une allure folle) et l’Amérique du sud, toutes deux très riches en matières premières que la Chine convoite.

Une autre réaction amusante :

« la Chine, pour l’instant, c’est le libéralisme, sans la main-mise de conglomérats monopolistiques que nous connaissons ici en occident, tout un chacun, avec beaucoup d’acharnement, un peu d’argent et quelques relations peut réussir, pourvu que cela dure » (Tarouilan)

Là, c’est carrément ridicule. Il y a effectivement plus de libéralisme en Chine qu’en France car en France, tout est inamovible et verrouillé, par les plus grandes entreprises et l’Etat qui marchent main dans la main, avec de moins en moins de complexes (je crois qu’on est tous plus ou moins d’accord là-dessus). Mais de dire qu’il n’y a pas de mainmise de conglomérats monopolistiques sur le marché, c’est délirant ! Le libéralisme a vocation à libéraliser le marché (forcément) pour permettre une CPP (concurrence pure et parfaite) et contrecarrer les monopoles ou oligopoles. (ça, c’est enseigné en seconde au lycée pour ceux qui font un bac B/ES, et au premier semestre universitaire en Sciences éco).

Ce qui se passe en Chine, c’est qu’il y a effectivement les aspects pernicieux du capitalisme sauvage : quasi-disparition de l’Etat providence, tant en terme d’assistance médicale, retraite, soutiens aux handicapés, et ne parlons même pas d’allocations chômage (qui tiennent de la science-fiction ici) ; mais aucun des aspects à priori positifs du libéralisme n’est présent. La légende du rêve américain, car c’est ce à quoi Tarouilan semble faire référence, ça a peut-être existé à un moment aux Etats-Unis, mais certainement pas en Chine.

Pourquoi ?

Toutes les boîtes qui font de l’argent sont des boîtes privées ou à capitaux mixtes, qui embauchent et licencient selon leurs besoins, au jour le jour. L’extrême majorité, pour ne pas dire la totalité de ces entreprises sont nées de capitaux publics, très souvent au sein d’universités dans le cas des grosses entreprises technologiques. Elles ont été données en gestion à des universitaires improvisés businessmen, qui ont fait progresser le chiffre d’affaires de l’entreprise tout simplement car les coûts de production en Chine sont ridicules et les économies d’échelle vertigineuses.

Pour prendre des exemples connus de tous : Lenovo (Lianxiang en chinois), qui a racheté la division PC d’IBM, dont le nom « anglais » était « Legend » il y a peu encore, a été créé à partir d’un laboratoire d’informatique de l’Université des sciences et technologies de Chine. Cette entreprise, protégée du Parti, et dont les membres du conseil d’administration sont des « lingdao » dûment encartés (dirigeants, responsables) au PCC, tout comme TCL (celle qui a racheté Thomson, le « fleuron » de la technologie française), sont représentatifs d’un système économique entièrement dépendant et verrouillé par le pouvoir politique, qui n’a aucun des attributs de libre concurrence que certains sinophiles aveugles veulent y voir...

J’ai volontairement utilisé des mots chinois entre guillemets pour faire comme tous les rigolos qui font semblant de parler la langue. Ce procédé pédant ajoute d’emblée une fausse couche de sérieux. (En fait, je la parle vraiment).


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