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Henri Masson 25 juillet 2008 18:10

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Dr André Broca

Vous voulez faire votre thèse sur l’utilité de l’Esperanto en médecine, et vous avez absolument raison d’aborder ce sujet. Vous êtes jeune, mais c’est à la jeunesse d’aborder les questions nouvelles et de les imposer.

Mon opinion sur l’Esperanto est bien simple. Son adoption universelle augmenterait la puissance d’assimilation de chaque homme dans des proportions considérables. Quelques semaines de travail lui permettraient de se mettre au courant de la science danoise, russe et japonaise aussi bien que de l’allemande ou de l’anglaise, au lieu que la simple connaissance d’une seule de ces deux dernières langues, exige de longs mois de travail.

L’adoption d’une langue universelle permettra en effet la création de publications où seront analysés avec un développement suffisant tous les mémoires originaux, et ces publications, une pour chaque science, pourront vivre, car elles s’adresseront au monde entier.

Et je laisse en ce moment de côté la question sociale si importante que soulève la langue internationale. Ce sera un progrès immense quand une langue assez facile pour être introduite à l’école primaire permettra à tous les hommes de communiquer entre eux. Quand on se comprend bien, on est bien près de ne pas se battre.

De plus, l’usage d’une langue rationnelle, sans exceptions et à nuances précises indiquées par la forme des mots, sera des plus utiles pour introduire dans les jeunes esprits, la vigueur scientifique, si


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indispensable en notre siècle, au lieu que nos langues actuelles, avec leurs exceptions, leurs incohérences, leurs orthographes fantaisistes, sont faites pour inculquer dès le jeune âge, le mépris de la vigueur et le culte de la mémoire inintelligente. L’effort intellectuel sera moindre pour apprendre l’Esperanto et faire les études d’une carrière libérale, que pour apprendre à fond une seule des langues vivantes actuelles, et il sera fécond, car il nous affranchira de ce culte de la mémoire pure que nous ont transmis les brumes du moyen age, et qui arrête, à mon avis, de fâcheuse manière l’évolution actuelle, sous l’égide de nos grammaires actuelles.

Certes nos langues actuelles répondent à notre sens littéraire artistique actuel, mais s’en servir pour l’usage scientifique et surtout pour former de jeunes esprits, me semble aussi absurde que de vouloir faire une épure d’exécution avec le pinceau d’un peintre.

Professeur Fournier :

Je ne puis qu’applaudir à l’idée d’une langue internationale, en vue de faciliter les échanges scientifiques.


Professeur Ch. Richet :

1° La possibilité d’une langue internationale n’est pas une utopie ; car l’expérience prouve d’une manière péremptoire qu’on peut avoir deux langues maternelles (le provençal et le français, - le suédois et le finnois, - le breton et le français, -le flamand et le français, etc., etc.).


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2° Dans la recherche et l’étude médicales, beaucoup de temps est employé en pure perte à apprendre des langues étrangères indispensables.

C’est une non-valeur que de passer deux ans à étudier l’allemand, un an à étudier l’anglais, pour les comprendre mal. En six mois on saurait parler, écrire en Esperanto.

3° L’enseignement de l’Esperanto, s’il était rendu classique, permettrait en peu d’années de rendre cette langue abordable à tous, et cela aurait simplifié et généralisé toutes les études médicales, rendues si lentes et laborieuses par la nécessité de parler au moins trois langues extrêmement difficiles (anglais, français, allemand).


Professeur Gariel :

Vous me demandez mon opinion sur des questions que je crois pouvoir résumer ainsi

1° Y a-t-il intérêt pour les médecins à connaître une langue auxiliaire internationale ?

2° L’Esperanto peut-il être cette langue auxiliaire internationale ?

Je m’empresse de vous faire connaître mes idées sur ce sujet.

Je ne m’arrêterai pas longtemps sur l’utilité d’une langue qui serait comprise et parlée par tous les hommes : je crois que c’est là un point qui n’est contesté par personne. Je vais cependant vous présenter quelques considérations reposant sur un point de vue particulier.

Considérons une réunion de personnes appartenant à trois nationalités différentes A, B et C,


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et telles que chacune ne connaisse que sa langue maternelle. Pour que chacune d’elles comprenne ce que dit chacune des deux autres, il ne faut pas moins de trois interprètes : A-B, B-C et C-A ; et de six traductions :

A en B, B en C, C en A,
B en A, C en B, A en C.

Si chacune de ces personnes connaissaient toutes une même langue en plus de sa langue maternelle, elles s’entendraient sans interprète et sans traduction : l’avantage n’est pas douteux.

L’avantage est bien plus grand si ces personnes appartiennent à quatre nationalités on reconnaît que, dans ce cas, il ne faudrait pas moins de six interprètes et de douze traductions.

Ce cas n’est pas rare : dans nombre de Congrès internationaux les langues admises sont le français, l’anglais, l’allemand et l’italien. Après une communication ou une discussion, on fait quelquefois un résumé dans une langue, mais je n’ai jamais vu qu’on ait fait des résumés en trois langues ; il en résulte qu’il y a des assistants qui ne peuvent savoir ce qui a été dit. En outre, ces résumés ne donnent qu’une idée incomplète du travail présenté et des observations qu’il a suggérées.

Quel avantage n’y aurait-il pas si toutes les communications étaient faites, si toutes les observations étaient présentées dans une langue unique, comprise par tous !

Des observations tout analogues peuvent être faites pour la publication des livres, revues, jour-



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naux dont la diffusion est limitée presque absolument à leur pays d’origine, s’il n’en est pas fait de traduction ; en tout cas, le nombre des pays où ils se répandront sera égal au nombre même des traductions faites. Ils seraient connus partout, s’ils avaient été traduits une seule fois dans une langue auxiliaire internationale comprise par tout le monde, ou, plus simplement encore, s’ils avaient été écrits originairement dans cette langue.

Ces avantages incontestables se présentent toutes les fois que ce n’est pas la forme qui doit être appréciée, mais le fond même des questions, et c’est le cas précisément des travaux qui intéressent le monde médical.

En ce qui touche le deuxième point, je ne m’arrêterai pas à reproduire les arguments maintes fois donnés, montrant que cette langue commune ne saurait être ni une langue nationale, ni une langue morte telle que le latin : ce doit donc être une langue artificielle.

Il n’y a pas davantage à se demander si cette langue peut être créée, puisqu’elle existe : c’est 1’Esperanto.

Après une étude sérieuse, j’ai la conviction que l’Esperanto possède toutes les qualités que l’on peut, que l’on doit rechercher pour une languc auxiliaire internationale. Il s’apprend facilement,car sa grammaire est très simple : la formation des mots repose sur un nombre limité de racines et présente une grande souplesse qui permet d’exprimer toutes les idées et qui, en particulier, s’adapte facilement et clairement à l’énonciation des idées scientifiques ; l’expérience en est largement


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faite par les nombreux articles qui ont déjà paru sur les sujets les plus variés.

L’Esperanto rendrait de grands services, même si c’était une langue qui ne fût destinée qu’à être écrite ; mais il n’en est pas ainsi, car c’est une langue qui se prête également très bien à la conversation : l’expérience en a été faite maintes et maintes fois, et notamment lors des grands Congrès Espérantistes.

Aussi, il me parait souhaitable que l’usage de cette langue se généralise.

Nous pourrions désirer que, comme cela était autrefois, le rôle de langue internationale füt accordé au francais. Mais il ne faut pas se faire d’illusion : les rivalités actuelles entre les peuples ne nous permettent pas d’espérer qu’il puisse en être ainsi. Acceptons la situation, et, puisque cette solution ne peut être espérée, rallions-nous à celle que nous fournit l’Esperanto.







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