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Accueil du site > Tribune Libre > Les odeurs de mon enfance

Les odeurs de mon enfance

Au fil du temps, notre vie est marquée par des images et rythmée par des musiques qui s’imprègnent dans notre mémoire. De longues années plus tard, ces images et ces musiques sont toujours là, plus ou moins facilement accessibles au gré de nos réflexions et de nos rêveries. Tapies dans un coin de notre mémoire se nichent également odeurs, fragrances et parfums du passé...

Des odeurs, des parfums dont on sait qu’ils sont là, enfouis dans les replis de notre système limbique. Mais si l’on a la sensation de leur présence, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de leur redonner corps. Et c’est par hasard, au détour d’un chemin de garrigue, dans la pénombre d’un grenier poussiéreux ou la ruelle caladée d’un village assoupi dans les langueurs estivales que nos narines s’emplissent soudainement de ces témoins du passé, de ces marqueurs indélébiles d’une enfance déjà bien lointaine pour certains d’entre nous.

Odeurs des villes, odeurs des campagnes. Dans le grand album olfactif de mes souvenirs, ce sont naturellement ces dernières qui se taillent la part du lion. Non que la ville ne produise pas de senteurs spécifiques – hors celle, désagréable et nocive, des gaz d’échappement –, mais force est de reconnaître qu’en dehors des quartiers à forte présence africaine ou asiatique caractérisés par de puissants parfums d’épices propres à faire voyager l’imagination et à charmer les sens, elles sont infiniment moins variées et entêtantes que les fragrances, les fumets, les effluves, les mille et une odeurs qui émanent du monde rural.

Exhalaison puissante des genêts en fleurs dont les cosses éclateront en petits claquements secs au cœur de l’été. Parfum entêtant des chèvrefeuilles sauvages enchevêtrés dans des haies d’aubépines ou d’églantiers. Bouquet caractéristique des pinèdes, fait d’un agréable mélange de senteurs d’écorces et de sève, mêlées ici et là à celles, tantôt discrètes, tantôt dominatrices, de ces champignons des sous-bois aux noms étranges tels l’entolome livide, l’inocybe de Patouillard ou le célèbre phallus impudique.

Sans oublier la senteur du thym, omniprésent dans certaines rocailles ensoleillées ; ou celle, reconnaissable entre mille, de la menthe, si fréquente aux abords ombragés des ruisseaux. Et que dire de l’ail qui envahit au printemps les talus d’un parfum si caractéristique et envahissant ? Ou de l’angélique dont le feuillage, fait de délicats plumets, dégage dans la chaleur de l’été une si agréable fragrance lorsqu’on le frotte entre les doigts ? 

Odeur forte de la viande de mouton emprisonnée au cœur d’un buisson de genévrier jeté dans la rivière pour attirer et piéger les écrevisses. Odeur du mucus des truites fario capturées à la main dans les anfractuosités des berges patiemment repérées au fil du temps comme autant de pièges naturels. Parfum captivant et complexe des herbages fraîchement fauchés qui, déjà, se transforment en foin sur les parcelles voisines en exhalant un bouquet rassurant car déjà empli de la puissance apaisante qu’il distillera dans la ferme l’hiver venu, lorsque dehors soufflera l’écir chargé d’aiguilles glacées et pénétrantes.  

Moins fortes mais plus écœurantes, l’odeur du sang et celle de la tripe, mêlées lors d’une cérémonie rituelle au cours de laquelle, en fin d’été, on égorgeait le Moussu (le Monsieur), ce porc bien gras que l’on mettait à mort après l’avoir respectueusement salué et remercié de nourrir la famille jusqu’au printemps suivant. Un sang dont on emplissait une bassine pour confectionner, à l’aide d’un banal entonnoir, les boudins dans des boyaux préalablement lavés et ligaturés encore fumants à l’une des extrémités. Tout aussi écœurante, l’odeur de la couenne brûlée, avant le débitage du Moussu, à l’aide de buissons de genêts enflammés pour les plus traditionnalistes, d’un chalumeau pour les plus modernes. Un rituel sanctionné –parfois au son d’un accordéon – par le fumet des premières grillades, dégustées quelques heures seulement après la mise à mort du cochon dont la tête gisait le plus souvent à quelques pas de là, posée sur une desserte en bois en vue d’être cuisinée ultérieurement. Pauvre Moussu !

Cochon ou pas, hors de question de se passer de pain. Mais pas n’importe quel pain : celui que l’on avait pétri, au prix de douloureuses courbatures dans les bras, sur la grande maie de chêne aux rainures imprégnées de farine, avant d’aller enfourner la pâte dans la gueule béante du vénérable four banal préalablement chauffé. On ne dira jamais assez l’indicible plaisir que, mêlés en une communion profane montée de la nuit des temps, adultes et gamins prenaient alors à humer à plein nez les énormes tourtes de seigle à la sortie du four, à se délecter de leur arôme puissant comme sans doute le faisaient déjà nos ancêtres paysans mille ans plus tôt.

Le pain omniprésent, le vin l’était aussi dans les foyers ruraux. Celui de ma jeunesse était tiré à la barrique dans l’atmosphère humide et fraîche d’un réduit aveugle proche de la souillarde. Une barrique tout droit venue de chez les cousins, mi-paysans mi-vignerons, qui entretenaient des terres arides où rien ne venait, excepté une vigne chétive aux rendements modestes dont on ne savait plus le cépage. Mais au soir d’une journée harassante, nul vin ne paraissait alors plus délectable aux adultes que celui-là, avec son faible taux d’alcool – jamais plus de 9° – et ses arômes rustiques et familiers qu’aucun d’entre nous n’aurait su nommer.

Autre bouquet caractéristique de cette palette olfactive rurale que je garde en mémoire, celui de la vieille maison de granit aux linteaux de basalte. Un bouquet fait, sitôt le seuil franchi, d’un incroyable mélange de senteurs où se mêlait l’odeur âcre du cantou, noirci par des générations de flambées, le fumet des jambons et des saucisses pendus aux poutres, celui de la soupe qui mijotait longuement dans la marmite en fonte, et surtout l’odeur, paradoxalement composite et pourtant si homogène, qui émanait de l’étable voisine, reliée à la maison d’habitation par une porte à loquet de fer donnant directement dans la salle commune.

L’étable : le véritable épicentre de cette palette olfactive, qui laisse à l’esprit et au cœur les plus puissantes nostalgies. Odeur des vaches enchaînées à leur crèche et ruminant tranquillement sur la litière de paille. Odeur des poules qui, le soir venu, montaient par des échelles à volailles, se réfugier dans leurs dortoirs de planches suspendues aux poutres sous l’œil réprobateur des araignées qui avaient profité de l’absence des volatiles pour effectuer leurs travaux de tissage. Odeur des chiens paisiblement couchés près du lit clos où dormait naguère le bouvier. Le tout exacerbé par le séchage des cuirs, des poils et des plumes lorsque les bêtes pénétraient dans l’étable après une averse. 

Non loin de l’étable, la porcherie recélait également de fortes odeurs animales mélangées, lors des repas, à celle de la farine dont les porcs étaient si friands, et surtout de la soupe longuement cuite et remuée à la mode africaine, au cœur de la forge voisine, dans un énorme chaudron culotté de noir depuis des temps immémoriaux.

Il faudrait également avoir le temps d’évoquer l’école – les écoles, devrais-je dire – et les souvenirs olfactifs qu’elle m’a laissés, de ces encres à l’ancienne aux cahiers neufs et aux vieux livres, en passant par les colles que l’on prenait plaisir à respirer ou les gommes que l’on prenait plaisir à mâchouiller pour en extirper d’étranges arômes et des saveurs inédites. Et que dire des odeurs de ce pensionnat catholique aux allures de pénitencier* où je suis entré vaguement croyant et dont je suis sorti définitivement athée ; avec gravé dans ma mémoire, entre autres souvenirs, le parfum d’encens de la chapelle et celui des parquets cirés des dortoirs. Mais tout cela risquerait de nous entraîner trop loin. Une autre fois, peut-être...

* Je l’évoque dans l’un de mes précédents articles : « Au bon vieux temps des châtiments corporels dans l’enseignement catholique  »


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45 réactions à cet article    


  • Georges Yang 13 janvier 2011 10:21

    Odeurs rurales, odeurs d’enfance, odeur d’une France qui n’existe presque plus.
    Madeleine de Proust moins bourgeoise, votre texte évite cependant les odeurs scabreuses des « pets en gueule » à la sortie de l’école, des odeurs de menstruation qui chassaient les paysannes de la fête du cochon de peur qu’elles fassent tourner le boudin, des odeurs de fosse à purin et celle du tas de fumier devant la ferme dont la hauteur était un signe de richesse du paysan
    Autant d’odeurs « répugnantes » qui faisaient le charme de nos campagnes

    Rien n’est plus subtil que les remugles pour qui sait les apprécier

    J’aimerais décrire avec votre talent les odeurs urbaines de pisse dans les cellules de dégrisement, de produits industriels dans les ateliers, de sueurs dans les salles de sport, de moisi et de rance des clodos et des vieilles délaissées par leurs familles, des miasmes méphitiques de l’industrie chimique ou des tanneries
    Mais Suskind a atteint un sommet dans sa narration de l’histoire de Jean-Baptiste Grenouille
    Nous reste les parfums de femmes


    • Fergus Fergus 13 janvier 2011 10:47

      Bonjour, Georges.

      L’odeur des pets, je l’avais déjà traitée dans un précédent article intitulé « De l’influence des pets sur l’enseignement des mathématiques » qui faisait lui aussi référence à l’institution religieuse mentionnée à la fin du texte d’aujourd’hui.

      Si l’odeur du purin, très acide, est dérangeante, celle du fumier - de la bouse mélangée à la paille des litières - ne m’a personnellement jamais incommodé. J’aimais bien même curer les étables en chargeant à la fourche ce fumier dans un vieux tombereau.

      Cette France existe encore, même si elle s’est rétrécie comme peau de chagrin, et mes cousins d’Auvergne exploitants agricoles pourrainet en témoigner. Seule différence, de nombreuses tâches se sont modernisées et le bétail est plus souvent en stabulation libre qu’enchaîné à une crèche.

      Vous avez raison concernant les odeurs urbaines, elles sont également très variées, mais d’un abord moins quotidien, excepté, pour des millions de gens, l’odeur si particulière et si composite du métro.
       
      Le livre de Susskind est une pure merveille, et je conseille vivement à ceux qui ne l’ont pas lu de se plonger dedans sans plus tarder. Quant au film de Dino Risi « Parfum de femmes » (Profumo di donna), c’est également un chef d’oeuvre du cinéma italien, et Vittorio Gassman y est fantastique.
       


    • ZEN ZEN 13 janvier 2011 11:00

      Mon cher Proust !
      Pardon, Fergus
      Merci pour ce voyage sensoriel poético-rural ,ce réveil mémoriel de haute intensité, ce retour nostalgique à une enfance encore mystérieusement présente dans le « temple de la mémoire » , comme disait St Augustin

      La suite !la suite !...
      Cordialement


      • Fergus Fergus 13 janvier 2011 11:17

        Salut, Zen, et merci pour ton commentaire.

        Peut-être y aura-t-il une suite, effectivement. Tout dépendra de mon humeur et de mon inspiration.

        Cela dit, il est indiscutable que nous avons tous en mémoire un album olfactif étonnament riche et qui nous procure, de temps à autre, une réelle sensation de plaisir, voire de jouissance, lorsque nous retrouvons par hasard - et parfois de manière spontanée sans même bouger de notre fauteuil ! - un parfum enfoui porteur d’une foule d’images oubliées...

        Bonne journée.


      • LE CHAT LE CHAT 13 janvier 2011 12:52

        une bonne odeur de Maroilles , de boulette d’avesnes ou de vieux Lille , ça c’est du fromage pour les hommes , les vrais !  smiley
        et pour faire plaisir à votre voisine etendant son linge , les kippers sur le barbecue , quel fumet !

        T’as raison , Fergus , rien ne vaut une bonne odeur , à bas les aliments fades et sans saveurs ! certains aliments n’ont même plus le même goût qu’avant , additionnés qu’ils sont à l’huile de palme et autres graisses végétales de substitution et saupoudrés d’arômes chimiques et autres adjuvants !  smiley


        • Fergus Fergus 13 janvier 2011 13:17

          Salut, Le Chat.

          Ah, le maroilles ! Bien affiné, c’est une petite merveille. Quant à la méconnue boulette d’Avesnes, ce n’est pas mal non plus. On en trouve même à Londres !

          Merci pour le lien. « Kippers » ou « herrings », deux facettes d’un même plaisir. Et effectivement quel fumet dans les deux cas ! A propos de poisson fumé, l’un de mes meilleurs souvenirs date d’une escapade dans le nord, et notamment d’une étape à Hesdin où j’ai dégusté, chez un restaurateur polonais, l’une des meilleures assiettes nordiques de ma vie, arrosée comme il se doit d’une vodka aux herbes artisanale. Un régal !

          Bien d’accord avec toi sur les aliments sans saveur. Moi qui mange essentiellement des fromages et des charcuteries - c’est culturel ! - j’en arrive parfois à écoeurer certains clients avec les fromages hyper affinés que j’achète parfois chez mon fromager.

          Bonne journée.


        • plancherDesVaches 13 janvier 2011 14:13

          C’est bien connu : la vodka est purement d’origine chti.
          Ca m’amuserait de connaître le contenu de l’assiette « nordique »...

          Rien ne vaut une bonne galette de chez nous. Au chouchenn.


        • Georges Yang 13 janvier 2011 14:25

          Fergus
          Je suis un consommateur de vodka,
          mais un verre de genièvre avec des harengs, c’est plus nordique dans le sens français


        • plancherDesVaches 13 janvier 2011 14:39

          Il est vrai que s’il nous avait avoir dégusté un bon gros cassoulet aux frites, là, j’aurais dit oui : c’est bien du Nord.
          Et avec 4 à 5 Gueuzes, ça doit passer encore mieux.



        • plancherDesVaches 13 janvier 2011 15:33

          Arrêtes, Le Chat.
          Le meilleur Geneviève, c’est celui de Loos. smiley

          Par contre, je peux t’indiquer des restos d’exception à Rennes et en Normandie, si tu veux.


        • Fergus Fergus 13 janvier 2011 15:53

          @ Plancher des Vaches et Georges Yang.

          Normalement, une assiette nordique digne de ce nom se boit avec de l’Aquavit. Mais à Hesdin le patron était polonais, d ’une famille d’immigrés de la sidérurgie locale, d’où la vodka !

          Cela dit, en matière de poissons fumés, l’Ecosse et l’Irlande ne sont pas mal non plus.

          Bonne journée. 


        • Fergus Fergus 13 janvier 2011 16:00

          @ Plancher des Vaches.

          OK pour les galettes, mais pour ce qui est du chouchen, je n’ai jamais réussi à m’y faire. Raison pour laquelle j’arrose mes galettes avec un Muscadet.

          A propos de chouchen, et ce n’est pas une connerie, il y avait naguère à Paris un restaurant asiatique appelé ainsi, juste à côté des thermes de Cluny : « Chou-Chen » ! Sans aucun doute le Chinois préféré des... Bretons de la capitale !


        • plancherDesVaches 13 janvier 2011 16:12

          En parlant de thermes, Fergus..

          Je te recommande un resto asiatique à ... Forges-Les-Eaux. Etonnant, non.. ??
          Resto qui ne paie pas de mine et dans le linge de table n’est pas forcément irréprochable.
          Mais au niveau cuisine...
          Je pense qu’il dépasse le Japonais Fuji (toujours plein) et l’Indien Bulgogi.
          Ca doit te dire quelque chose, sur Rennes.

          Sinon, je peux te conseiller des tables d’exception en cuisine française sur à peu près toute la France.
          A condition qu’elles n’aient pas changé de proprio.


        • LE CHAT LE CHAT 13 janvier 2011 16:23

          bon , les polonais mangent aussi du hareng de la baltique , mais ils sont en voie de disparition , la Baltique devient une mer morte peu à peu par eutrophisation !
          il leur restera seulement la Zubroska.....


        • Fergus Fergus 13 janvier 2011 16:46

          @ Plancher des Vaches.

          Je n’ai jamais essayé le Bulgogi (mais cela pourra se faire). Pour les Indiens, mon épouse et moi allons en général au Yamouna, rue de Robien, ou au Gange, place des Lices (il a récemment changé de proprio). Pour ce qui est du Japonais, nous n’y allons jamais à Rennes car il offrent tous les mêmes plats, à savoir sushis, sashimis et yakitori, et jamais de ramen. Or le ramen, c’est ce que nous préférons. A ce sujet, excellent resto de ramen à Paris, avenue de Port-Royal (près des Gobelins). L’accueil et les prix y sont plus sympathiques que dans les Japonais du quartier de l’Opéra. Son nom : Yo Yo Ramen.

          En ce qui concerne la cuisine traditionnelle à Rennes, nous avons un faible pour l’Auberge Saint-Sauveur.


        • Defrance Defrance 13 janvier 2011 19:49

           Il me reste aussi l’odeur des crevettes du Touquet oubliées par mon épouse dans la boite a gants !

           A faire fuir tous les auto -stoppeurs !


        • Georges Yang 13 janvier 2011 16:18

          l’aquavit dissous les sucres lents !


          • antonio 13 janvier 2011 17:22

            Oui, extraordinaire richesse de la palette olfactive support de tant de souvenirs...

             LE PARFUM

            Lecteur, as-tu quelquefois respiré
            Avec ivresse et lente gourmandise
            Ce grain d’encens qui remplit une église,
            Ou d’un sachet le musc invétéré ?

            Charme profond, magique, dont nous grise
            Dans le présent le passé restauré !
            Ainsi l’amant sur un corps adoré
            Du souvenir cueille la fleur exquise.

            De ses cheveux élastiques et lourds,
            Vivant sachet, encensoir de l’alcôve,
            Une senteur montait, sauvage et fauve,

            Et des habits, mousseline ou velours,
            Tout imprégnés de sa jeunesse pure,
            Se dégageait un parfum de fourrure.

            BAUDELAIRE Les Fleurs du Mal


            • Fergus Fergus 13 janvier 2011 17:34

              Merci, Antonio, pour ce poème extrait des Fleurs du Mal.

              Dans un recueil où les sens exacerbés sont mis envers par le poète, il eût été inconcevable que Baudelaire ne s’intéressât pas au parfum.

              Bonne journée.


            • Marc Bruxman 13 janvier 2011 19:31

              "Non que la ville ne produise pas de senteurs spécifiques – hors celle, désagréable et nocive, des gaz d’échappement –, mais force est de reconnaître qu’en dehors des quartiers à forte présence africaine ou asiatique caractérisés par de puissants parfums d’épices propres à faire voyager l’imagination et à charmer les sens, elles sont infiniment moins variées et entêtantes que les fragrances, les fumets, les effluves, les mille et une odeurs qui émanent du monde rural."

              Un peu réducteur ! Vous oubliez le fumet du métrro. Chaque ligne a son odeur à Paris, les lignes à pneu étant les plus odorantes. Ca n’est pas forcément puant, à force on finit par bien aimer l’odeur de mécanique si caractéristique de notre bon vieux métro. Il y a diverses odeurs désagréables liées aux infiltrations d’eau mais vous pouvez reconnaitre certaines stations les yeux fermés grâce à cela.

               Je passerai l’odeur particuliére des parkings souterrains, l’odeur du calcaire mouillé dans les caves et les anciennes carrières souterraines. L’odeur de certaines boulangeries (je les soupsonne d’utiliser un parfum chimique pour amplifier l’odeur de croissant mais diantre ca sent bon !)

              Pour ce qui est des quartiers affricains et asiatiques effectivement, on pourra citer :

              • L’odeur de la méloukia (maghreb). Bon généralement, les gens n’aiment pas l’odeur et vous diront que ca pue. Et c’est pas tout à fait faux. Mais une fois qu’ lon a osé gouter c’est très bon ! ! ! La méloukia est un épice qui sert à préparer divers plats. Le seul que j’ai gouté une sorte de ragout de viande était une fois la surprise de l’odeur passée un vrai délice.
              • L’odeur du Durian (asie du sud est) : Si en vous baladant dans le XIIIème vous êtes tombé sur une odeur infecte vous vous etes demandés ce que c’est et êtes tombés sur un fruit ressemblant au virus du sida (avec des grosses piques) vous êtes tombés sur un Durian. J’ai essayé je n’ai pas réussi à le manger (enfin si une bouchée). Mais les asiatiques vous diront que c’est comme un camembert, ca pue mais c’est très bon. La texture est crémeuse (étonnante pour un fruit). A essayer une fois dans sa vie, en général soit vous allez adorer soit vous allez détester.
              • L’odeur de l’huile de sésame (Chine) : Utilisé dans beaucoup de plats chinois, l’huile de sésame a une odeur caractéristique. Je suis fan, peut être parce qu’à force d’habiter dans le quartier asiatique, sentir cette odeur signifie que je suis de retour à la maison. Je passerai les diverses rotisseries qui embaument le quartier. 
              Et puisque l’on est dans les éléments culinaires étrange, je peux vous conseiller vivement cela (sans odeur) :
              http://fr.wikipedia.org/wiki/%C5%92uf_de_cent_ans
              L’oeuf de cent ans ! Ca peut impressionner à premiére vue mais le goût est inimitable ! A déguster avec une sauce soja salée ou éventuellement mélangée à un potage de riz. Vous pouvez aussi mélanger avec du tofu (http://fr.wikipedia.org/wiki/Tofu) et rajouter un peu de coriandre pour donner du goût !

              Et pour ceux qui veulent découvrir la vraie cuisine chinoise (souvent nos restos dis chinois servent de la nourriture vietnamienne très bonne au demeurant), vous pouvez essayer : Autour du Yangtze proche de la place d’italie. Testez la poitrine de porc aux feuilles de moutarde, un régal ! ! ! (Et plein d’autres plats). Allez y en groupe (pas trop le restaurant est très petit), et faites comme les chinois mettez les plats au centre et partagez !


              • Defrance Defrance 13 janvier 2011 19:40

                Le Durian est interdit dans les avions ! Et il est vrai qu’il faut être né a coté pour supporter sans sourcilier !


              • Fergus Fergus 13 janvier 2011 19:59

                Bonjour, Marc.

                Vous avez raison, j’aurais pu parler de l’odeur du métro (je l’ai évoquée dans un commentaire à Georges yang) mais je voulais concentrer mon propos sur les odeurs rurales. Cela dit, il est possible que je revienne un jour sur le métro parisien pour lequel j’éprouve une réelle affection.

                Pour ce qui est du durian, il n’est pas seulement interdit dans les avions, mais également dans le métro de Singapour. Quiconque a reniflé ce fruit comprend pourquoi !


              • Defrance Defrance 13 janvier 2011 19:38

                 Bravo Fergus , d’immortaliser des sensations que les générations futures risquent de ne jamais apprécier !

                 Personnellement je ne suis pas au niveau du Maroilles, moi ça serait plutôt le Rollot et les champignons que l’on sent avant de les voire !
                 Je rajouterai, pour avoir vécu dans une petite ferme, l’odeur du fumier entassé depuis des semaine que l’on chargeait au tombereau pour aller répandre dans les champs, c’était la plus dure, une odeur d’ammoniaque qui me faisait systématiquement pleurer mais qui avait la faculté de soigner la sinusite !
                 Et l’odeur des céréales coupées du jour qui porte a des kilomètres !
                 Mon père étant charcutier il me reste aussi l’odeur du bâtiment ou se trouvait les grandes marmites a cuire l’andouille , le saucisson ou le boudin, avec le fumoir, a la sciure du menuisier du village . Soixante ans plus tard, le bâtiment qui n’a plus vu une andouille depuis plus de trente ans garde encore l’odeur !
                 J’ai la chance maintenant d’avoir le restaurant asiatique a la maison et il n’y a rien de mieux que l’odeur du riz gluant de l’année et des épices aux noms bizarre parfois qui montent a la tête  !
                 Je suis allé pendant vingt ans aux USA et je doit dire qu’a part la cuisine Mexicaine, le reste est insipide ! J’ai un souvenir de fruits de mer trempés dans un « espèce de gel » aseptisant qui détruisait aussi bien l’odeur que le gout !


                • Fergus Fergus 13 janvier 2011 20:08

                  Bonjour, Defrance, et merci pour l’évocation de ces souvenirs. Je contaste qu’ils sont largement aussi riches et variés que les miens.

                  Comme vous le soulignez, certaines odeurs ont si profondément imprégné certains locaux que, des décennies plus tard, elles peuvent encore être présentes et source, pour celui qui les retrouve après une longue absence, de l’une de ces émotions rares que l’on prend un grand plaisir à ressentir.


                • Defrance Defrance 13 janvier 2011 20:36

                   vous avez raison ,

                   mon père est maintenant décédé depuis 30 ans et je n’ai pas pu retenir mes larmes en entrant dans ce lieu ou il m’avait apprit a faire l’andouille  ! ( c’est vrai)


                • Clojea Clojea 13 janvier 2011 19:58

                  Bonsoir Fergus. Merci pour cet article olfactif. Sympa. Pour les bons vins, j’adore d’abord humer, et découvrir les odeurs de fruits ou de bois. Un véritable plaisir.
                  Sinon pour les amateurs, un morceau de comté, un verre de vin jaune du Jura, et des cerneaux de noix. Mélange intéressant d’odeurs et de saveurs.


                  • Fergus Fergus 13 janvier 2011 20:14

                    Salut, Clojea.

                    Les produits changent d’une région à l’autre mais le plaisir reste le même. J’aime beaucoup les vins blancs du Jura, qu’ils soient issus du seul savagnin comme le vin jaune ou d’un mélange de chardonnay et de savagnin comme les blancs d’Arbois. Très corsés, ils sont porteurs d’un arôme si particulier que beaucoup de néophytes ont quelques difficultés avec eux lors des premières dégustations ; après, ils en deviennent inconditionnels. Avec un bon comté de 30 ou 36 mois, un régal !


                  • L'enfoiré L’enfoiré 13 janvier 2011 20:02

                    Bonsoir Fergus,
                     Absolument. Les odeurs nous restent dans le nez.
                     Je me souviens, il y a très longtemps, j’ai travaillé quelques mois chez Côte d’Or, vous savez le chocolat.
                     Pendant plusieurs mois ensuite, je n’en ai plus mangé.
                     Heureusement, avec le temps, on oublie.
                     Le chocolat est revenu comme la gâterie principale.
                     smiley


                    • Fergus Fergus 13 janvier 2011 20:30

                      Bonjour, L’enfoiré.

                      Ah ! le chocolat ! Lui aussi est porteur de saveurs et d’arômes si nombreux que chacun d’entre nous en a sa palette personnelle. Curieusement, ce qui me reste en mémoire de la manière la plus marquante est la barre de chocolat que l’on nous distribuait pour le goûter dans mon internat catho. Il était pourtant très rustique mais je ne crois pas en avoir dégusté de meilleur, ce souvenir, sans doute magnifié avec le temps, étant lié à la rareté des plaisirs gustatifs auxquels nous avions alors droit. Encore étais-je privilégié : dispensé de café au lait au petit déjeuner pour cause d’allergie au lait, j’avais droit (seul du pensionnat) à du café noir qu’ingurgitais avec du pain et un peu de cette saucisse que je ramenais de permission lorsque je n’étais pas collé.

                      Pour en revenir au chocolat, c’est une véritable institution en Belgique, et j’imagine qu’il parle tant aux Flamands qu’aux Wallons plus encore qu’à nous autres, Français.


                    • jack mandon jack mandon 13 janvier 2011 21:43

                      Bonsoir trouvère


                      • jack mandon jack mandon 13 janvier 2011 21:47

                        échec...



                        Au diable le schéma en coupe, le médical ennuyeux au rêve interdit.
                        Fergus sonne comme Bacchus et tout chante et tout danse sur les rives du souvenir.
                        Et voici l’ivresse de l’enfance et de l’imaginaire en goguette.
                        L’ancêtre Dionysos pour l’occasion drapé en diable sous les feux de la rampe.
                        C’était une promenade impromptu du meilleur cru pour la nouvelle année.
                        Merci Fergus pour ce joyeux printemps automnal aux saveurs estivales.
                        Avec Fergus c’est toujours la meilleur saison, celle impérissable dans les méandres du délice.

                        ...et tout est réparé.

                        Bonne nuit

                        • Fergus Fergus 13 janvier 2011 22:47

                          Merci pour ce commentaire, Jack.

                          Le lyrisme vous sied bien, mais met à mal ma modestie. Je n’ai évoqué là que quelques souvenirs, du genre de ceux que chacun possède et prend plaisir à retrouver au hasard des épisodes de la vie.

                          Bonne nuit également.


                        • brieli67 13 janvier 2011 22:12

                          Le Parfum / das Parfüm version française

                          l’auteur :

                          Le germaniste Bernard Lortholary en fait une oeuvre collective à la Sorbonne,que ce professeur a dirigé et faut voir comment.. Il a tondu la laine sur le dos des participants, a signé sous son seul nom
                          toute la renommée, tout le fric rien que pour lui !

                          c’est plus du rewriting à la sauce française. Si vous êtes fan de Grenouille, attrapez la VO, c’est du Deutsch pas facile, du klassisch avec cette myriade de synonymes descriptifs pour dominer la matière.

                          Le pire en odeurs rencontrées :

                          crottes de chat nourri aux poissons ( le lendemain de la préparation de harengs marinés)
                          élevage de visons le jour de leurs sacrifices : (bouffe, crottes, sang et viscères, musc..)


                          • Fergus Fergus 13 janvier 2011 23:01

                            Bonsoir, Brieli, et merci pour cette intéressante interview de Lortholary.

                            Curieux état en effet que celui de traducteur. Je n’ai toutefois pas saisi ton allusion au travail collectif à la Sorbonne dont il aurait seul tiré le bénéfice, encore que ce genre de pratique soit chose courante, notamment dans les milieux scientifiques.

                            Je te crois sur parole pour l’odeur épouvantable que doivent dégager ces crottes de chat nourri aux poissons. Personnellement, l’une des odeurs les pires que j’ai connues est celle d’une usine d’équarrissage à Bayet, du côté de Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier). Il aura fallu des années de bagarre aux gens du coin et deux procès perdus par l’usine pour que les choses s’améliorent. Seul avantage : il était possible de dépasser les limitations de vitesse dans le secteur : les gendarmes ne s’y postaient jamais !


                          • pastori 13 janvier 2011 22:38

                            Ah Fergus, le beurre de ma grand mère : trois chèvres :


                            lait au chaud dans la cheminée au lever, l’hiver dans la maison glaciale, seule la cheminée... 
                            trois cuillères de crème par jour, un peu de sel car pas de frigo, et au bout d’un temps certain, une sorte de petit pain blanc immaculé exhalant une odeur...

                            le pain chaud de ma mère sortant du four à bois, une tartinée de beurre et par dessus une couche épaisse de confiture de figues blanches......

                            mais c’est surtout le goût que j’ai en mémoire. c’était il y a 60 ans. smiley

                            le beurre est fait de crème de lait qui est blanche. le beurre du commerce est jaune ! curieux ! c’est parait-il pour plaire aux consommateurs !



                            • Fergus Fergus 13 janvier 2011 23:12

                              Salut, Pastori.

                              Les meilleurs moments sont souvent les plus simples. D’autant plus lorsque les conditions sont rigoureuses ; une banale tartine peut alors apporter un réconfort tel que l’on oublie les désagréments du froid.

                              Des beurres, j’en ai connus pour en avoir confectionné à la baratte. Beurre de lait de vache uniquement, même lorsque mes grands-parents ont eu des brebis et des chèvres, mais leur lait ne servait qu’à fabriquer du fromage. Pour la couleur, c’est vrai qu’elle peut être très claire, bien loin de ce jaune normalisé des produits pasteurisés commerciaux. En fait tout dépend des herbages, mais cela les citadins l’ignorent et risqueraient de fuir un produit à l’aspect changeant.

                              Bonne nuit.


                            • Fergus Fergus 13 janvier 2011 23:15

                              Bonsoir, Jean.

                              En fait, le lait blanc est produit par une alimentation hivernale au foin. Encore cette alimentation peut-elle être enrichie, et par conséquent modifier la couleur du beurre, avec l’apport de certains tourteaux végétaux.


                            • LE CHAT LE CHAT 17 janvier 2011 10:08

                              Mon enfance règne baignée aussi par la délicieuse odeur des petits beurre de l’usine l’Alsacienne biscuitsà Calais , fermée uniquement pour offrir plus de profits au capitalisme rapace ( le drame des petits lu )


                              • Fergus Fergus 17 janvier 2011 10:26

                                Salut, Le Chat.

                                Un souvenir partagé par les Nantais, habitués aux odeurs de l’usine LU, implantée à deux pas du château des Ducs de Bretagne. Un monument désormais classé et devenu un lieu branché de la vie nantaise.

                                Merci pour le lien.

                                Bonne journée.


                              • Gilbert Spagnolo dit P@py Gilbert Spagnolo dit P@py 20 janvier 2011 10:28

                                Salut Fergus,


                                Ben l’P@py tétézou le 13 janvier 2011 ?


                                En te lisant ,j’ai exactement les mêmes sensations , c’est à dire que de temps en temps suivant ou je me trouve une odeur, des effluves me font remonter le temps.



                                @+ P@py


                                • Gilbert Spagnolo dit P@py Gilbert Spagnolo dit P@py 20 janvier 2011 11:09

                                  Salut Fergus,


                                  T’in une anecdote sur les odeurs.


                                  Quand j’étais flicard à Saint-Tropez, je connaissait un éboueur, il demeurait à Cogolin

                                  ... et il avait un bouc !

                                  De temps en temps il trouvait que certains bistrotiers étaient radins quand il faisait chaud, alors quand son bouc était en rut, il frottait ses deux mains sur sa barbe de son bouc,... et il allait boire un coup chez ceux qui a son goût n’avaient pas été assez généreux ... effets garantis sur la clientelle !!!



                                  @+ P@py


                                  • Fergus Fergus 20 janvier 2011 16:32

                                    Bonjour, P@py.

                                    Eh oui, nous restons quelquefois stupéfaits de retrouver, par hasard, une odeur oubliée qui fait remonter des souvenirs enfouis, revivre des moments parfois très anciens. Des moments trop rares, hélas !

                                    Excellente, l’histoire du bouc ! Sûr que cela devait faire son effet. Cela me rappelle un copain (rien à voir avec les odeurs) qui, pour se faire de la place dans le métro parisien, se mouchait très fort dans un mouchoir où il avait préalablement placé une... huître. Ouvrant ensuite complaisamment ledit mouchoir, il voyait les voyageurs s’écarter de lui d’un air dégoûté.

                                    Cordiales salutations.


                                  • Axel de Saint Mauxe Axel de Saint Mauxe 22 avril 2011 12:39

                                    Je découvre votre texte, superbe !

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