Magic-Mica micmac, ou la France bernée ?
La France ne fourgue pas que des Rafales… et les chiffres sont là pour le prouver. Si l’Amérique, cette année, caracole en tête des ventes d’armes, très très loin devant, avec 37,8 milliards de dollars, la France n’est pas en reste avec sa très belle quatrième place du marché de la mort, derrière la Russie descendue à la troisième place avec un petit 3,5 milliards de dollars, et l’étonnante Italie, sacré deuxième avec 3,7 milliards. De quoi offrir de joyeux week-ends avec des blondes aux bras du « meilleur premier ministre italien de tous les temps » (sic).

Vendre des armes, c’est tout un art et toute une organisation, en effet, car il faut savoir graisser la patte, avant tout. La France, il est vrai en a vendu des armes et graissé des pattes… en Angola, pour ne citer que ce pays au temps des Pasqua (père et fils, ne leur manquait que le saint-esprit), Marchiani et Falcone. Un Falcone, associé au marchand d’armes franco-russe-israélien Arcadi Gaydamak, qui "a arrosé tout le monde pendant des années" disait de lui le PDG de la Sofremi, M. Hurand, l’homme à la tête de la société d’état vendeuse d’armes (Sofremi signifie Société Française d’Exportation du Ministère de l’Intérieur). Une société crée rappelons-le par Pierre Joxe, comme quoi les armes vendues n’ont pas d’idéologie particulière. Falcone était un intermédiaire, comme cet autre, ce belge vivant en France arrêté la semaine dernière aux Etats-Unis et appelé Monsieur. Gaydamak en a, des idées politiques, lui, qui sont pires que celles de "Benito" Lieberman : en novembre 2008, à Jerusalem où il s’est enfuit sous le coup d’un mandat d’arrêt international, il avait obtenu 3,8% des voix pour son parti d’ultra droite, au nom mussolinien de "Justice Sociale". Offrant ici et là des réunions fastueuses comme ces couverts de 1400 personnes pour le jour de l’an, à 400 000 dollars. "Au menu : caviar à la louche, sushis et sashimis, grands crus classés, cascades de champagne, pièces montées en veux-tu, en voilà, geyser de chocolat." Les ventes d’armes, ça rapporte, il semble.
Car en cas de ventes d’armes, en effet difficile d’imaginer qu’elle puisse se faire sans arroser grassement les militaires ou les politiques destinés à être les destinataires finaux. Là, avouons-le, la France a trouvé son maître avec les anglais, qui n’ont pas arrosé mais submergé ou noyé sous 1,5 milliard d’euros un émir déjà bien riche, pourtant, le Prince Bandar, pour réussir à fourguer leurs Typhoons, malgré les déboires soigneusement cachés de ces derniers. L’homme, il est vrai, à un passé fort sulfureux . A croire en regard que les vendeurs français de chez Dassault sont des clowns ou des vendeurs de cerfs-volants. A voir comment le Maroc les a bernés, remarquez, il y a de quoi. A leur crédit, quand même, un euro fort et un dollar faible… et des cadeaux américains judicieusement placés en haut lieu . Au Maroc, ce sera une habile et conséquente donation à la fondation du roi de quelques 719 millions de dollars, via l’organisation "Millennium Challenge Corporation". Ah, l’humanitaire, ça sert à tout ! Dassault, lui préférant alors au même moment distribuer ses grosses coupures à ses électeurs potentiels. Il fera chou blanc sur les deux projets, ce bon vieux Serge, et à la place d’un siège d’avion, se retrouvera sur un siège éjectable de maire.
Car dans ces contrats juteux, tous les coups son permis, y compris les plus mauvais. Lors de l’affaire des Frégates de Taïwan, qui n’a toujours pas fini de secouer la République, c’est fou ce qu’on a eu par exemple comme défenestrations. A un moment, les agents secrets tombaient comme à Gravelotte des étages de buildings, se noyaient ou mourraient irradiés (il n’y a pas que les russes qui ont le brevet de l’assassinat par matière fissile !). Pour un autre contrat, un bus entier de techniciens français sautait car des généraux pakistanais grincheux avaient été privés par décision présidentielle française du versement de leur pot de vin promis. Avant même d’être achetées, les armes, souvent, tuent. Comme elles ont tué Altantuya Shaaribuu, autre oubliée déjà des sales histoires. Enjeu cette fois là : trois sous-marins Scorpène pour un montant d’un milliard d’euros. La pauvre a fini avec deux balles dans la tête, et son corps a été réduit en miettes à l’explosif C4... un vice-ministre de la défense malaisien, Zainal Abdidin Zin avait bien reconnu plus tard avoir touché 114 millions d’euros de la société franco-espagnole Amaris... mais qui, ici, sait ce que fait exactement cette société ? Et qui se soucie ici d’un mannequin mongol pulvérisé ? Seul Arnaud Dubus, peut-être.
Mourir, ou bien vendre son âme au diable, en acceptant non pas de vendre des armes, mais de vendre leur technologie, à savoir les méthodes pour les construire, les cloner ou les modifier, ces armes. Ces derniers temps, au Brésil, tous semblaient y songer, même les américains pour placer leur F-18 "Super" Hornet dont leur propre Navy n’est pas vraiment satisfaite…. Pour mieux vendre le Rafale au Brésil, on peut suggérer aux représentants de chez Dassault d’abonner les militaires brésiliens aux journaux internes de la Navy...
Et puis il y a d’autres méthodes, encore plus tordues, à moins qu’une fois encore les français ne se soient fait berner. Comme d’habitude, ça commence par un entrefilet dans la presse (le journalisme c’est aussi la pêche à l’entrefilet !). Celle annonçant qu’un avion Hercules C-130 en provenance d’Abou Dhabi, venu bêtement se poser sur l’aéroport de Calcutta, à Netaji Subhas Chandra Bose International, en…Inde, pour se ravitailler en essence (la route est longue jusque... la Chine) s’est fait tout aussi bêtement inspecter par les douanes indiennes. A son bord, surprise, des boîtes vertes. Trois grandes boîtes non déclarées : "une simple erreur" selon Abou Dhabi. L’appareil avait comme destination la Chine, vers Hanyang. Une destination bien connue, qui a mis tout de suite la puce à l’oreille des douaniers indiens.
Les neuf hommes d’équipage de l’avion sont emmenés à Calcutta City pour y être interrogés et l’appareil retenu et fouillé de fond en comble. Le trajet qu’il a emprunté, d’abord, étonne quelque peu : d’habitude, pour se rendre en Chine, la ligne de vol passe par le Pakistan, plutôt. Le contenu ensuite : visiblement, ce sont bien des missiles que contiennent les boîtes. Oui mais lesquels ? Des missiles chinois, testés puis renvoyés à leur constructeur ? Personne ne pense à cette possibilité : les chinois ont fort peu de missiles performants à vendre, malgré des avions modernes, dont le J-10, ce "Lavi-bis". Des missiles Maverick américains, peut-être alors, achetés à 14 exemplaires l’année dernière, envoyés en sous main en Chine pour y être copiés…peu probable : les Emirats se mettraient à dos les USA, et le jeu n’en vaudrait pas la chandelle pour eux. Ou d’autres encore ? Oui, mais lesquels ?
Et là, on retombe sur les coups tordus. Les Emirats Arabes Unis volent sur… Mirage Dassault depuis 1983. 36 appareils au départ, dont 6 biplaces d’entraînement et 8 équipés de caméras en pods. Or, pour moderniser leurs Mirages, les Emirats, en 2000, ont acheté 30 Mirages 2000-9 neufs et remis à jour 31 autres anciens pour arriver à un total de 61 machines au nouveau standard. La modernisation consistant en un nouveau radar Thomson-CSF "multitude fire control" (modèle RDY), et l’emport des missiles MICA et Magic. Des engins que les indiens connaissent bien : les français leur avait proposé le 7 novembre 2008, d’en équiper leur 51 Mirages. Dans l’offre de Dassault seuls deux exemplaires de Mirage auraient été modifiés en France, les autres l’auraient été par "transfert de technologie". Une offre pour l’instant restée sans réponse.
Or ces deux types de missiles évolués sont capables de détruire des cibles diverses, dont des missiles de croisière. Taïwan l’avait bien compris, en en ayant acheté pour lutter contre ceux, justement, de la Chine populaire . Taïwan en avait commandé 960, pas moins… Le Mica, un des rares missiles à tête interchangeable, peut aussi devenir un missile surface-air, à mettre par exemple dans un silo vertical monté sur un bateau, ou sur un camion, il se dit alors être un VL MICA Shorad. Exactement ce qui manque aujourd’hui à … la Chine, qui tente depuis des années de mener à bien son étude appelée "Project 129" qui, visiblement, stagne. La copie de Python 3 israélien, vraisemblablement vendue en 1980, n’a pas eu de descendance efficace malgré les efforts du China Leihua Electronic Technology Research Institute. La Chine dispose bien, en effet, depuis la fourniture de ses Sukkhoi Su-30 de missiles performants R-77 Vympel (nommés AA-12 Adder à l’Ouest), mais souhaiterait à l’évidence acheter des MICA français pour ses avions et surtout pour sa flotte, démunie de ce genre d’engin, qui ne dispose que du LY-60 voisin de l’italien Aspide AAM de la Finmeccanica Alenia Difesa (une copie de l’américain Sparrow en réalité, vieux de plus de 50 ans, il date des avions Cutlass !) : or la France s’est interdit de vendre des armes à la Chine après le massacre de Tiananmen de 1989, même si certains avaient déjà clairement exprimé en 2005 la levée de cet embargo….
Résultat : les Chinois ont vraisemblablement mis la main sur trois MICA français via les Emirats, pour les examiner de plus près... ou les copier. Paris est-il au courant ?? Pas sûr, car il est vrai qu’avec le ministre actuel, qui vient de traiter de "brouette volante" (au micro de Jean-Michel Apathie sur RTL) le futur achat de transport brésilien obtenu dans le deal sarkozien des Rafales (pas encore fini, au Maroc aussi on devait gagner !), on n’est pas sorti de l’auberge. Est-il au moins au courant de ce coup tordu ? De ce joli "transfert de technologie" pas vraiment souhaité ? Entre le "transfert" et le "transport simple", il y a moins qu’un travail "d’Hercules" (C-130) semble-t-il. « Je vends des canons / des courts et des longs / des grands et des petits / j’en ai à tous les prix » chantait un certain Boris Vian. En France, on a toujours su en vendre. Mais parfois moins bien. A moins que...
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