Sarközy et Guéant sur la sellette
La campagne présidentielle qui a opposé Sarközi à Royal revient au devant de la scène, grâce à Ziad Takieddine, qui, interrogé par le juge Renaud Van Ruymbeke, implique non seulement l’ancien président, mais aussi Claude Guéant et son fils.
L’histoire avait été évoquée par le passé à plusieurs reprises, mais le témoignage récent de Ziad Takieddine, spécialiste libanais en matière de contrats d’armement, risque de faire pas mal de bruit, d’autant qu’il s’ajoute à des accusations plus anciennes. lien
Au début 2012, la justice avait fait savoir qu’elle réclamerait les comptes de campagne de Sarközi concernant la campagne présidentielle de 2007, et il semble que c’est chose faite. lien
On se souvient qu’en avril 2012, Médiapart avait publié une lettre de Moussa Koussa, l’ancien chef des services libyens, dans laquelle on pouvait lire que la Libye avait décidé d’appuyer la campagne électorale de Sarközi pour un montant de 50 millions d’euros. lien
Extrait de cette lettre datée au 10 décembre 2006 : « en référence aux instructions émises par le bureau de liaison du comité populaire général concernant l’approbation d’appuyer la campagne électorale du candidat aux élections présidentielles de Monsieur Nicolas Sarközi pour un montant d’une valeur de 50 millions d’euros (…) après avoir pris connaissance du procès-verbal de la réunion tenue le 6/10/2006, à laquelle ont participé de notre côté le directeur des services de renseignements libyens, et le président du Fonds libyen des investissements africains, et du côté français, Monsieur Brice Hortefeux, et Monsieur Ziad Takieddine, et au cours de laquelle un accord a été conclu pour déterminer le montant et le mode de paiement ».
Ziad Takieddine était l’invité de Laurent Ruquier dans son émission « on n’est pas couchés » du 5 janvier 2013 et il s’est longuement expliqué sur les détails de la transaction, ajoutant qu’au-delà des 50 millions destinés à la campagne, ce ne sont pas moins de 400 millions que Kadhafi aurait donné à la France.
Il suppose aussi que le gouvernement Sarközi a peut-être provoqué la chute du dictateur afin que celui-ci ne révèle pas toute la vérité. vidéo
Rami El Obeidi, ex coordinateur du renseignement extérieur libyen du CNT ne dit pas autre chose : « des agents français ont directement exécuté Kadhafi ». lien
Takieddine affirme que les preuves des 50 millions versés sont dans les mains de Mahmoudi Bagdadi, l’ancien premier ministre libyen, lequel a été récemment livré aux autorités libyennes. lien
Ce dernier avait d’ailleurs évoqué ces 50 millions, alors qu’il était emprisonné à Tunis, ce qui a été confirmé par son avocat maitre Béchir Essid assurant que « des documents attestant la transaction existent ». lien
Ajoutons que dans une interview accordée à Euronews, l’un des fils de Kadhafi, Saïf Al-Islam, avait déclaré, évoquant l’argent donné pour la campagne présidentielle de 2007 : « ce clown de Sarközi doit nous rendre l’argent ». vidéo
Et puis il y a ce fameux document publié par Médiapart, recueilli par Charles Brisard, directeur d’une société de renseignements privés suisse, évoquant « 50ME » avec la mention « modalité fin campagne NS réglées lors de la visite NS+BH du 6 octobre 2005. lien
NS serait-il les initiales de Nicolas Sarközi et BH celles de Brice Hortefeux ?
En tout cas, il est certain qu’à cette date, tous les 2 ont confirmé s’être rendus en Libye. lien
Mais qu’y avait-il dans la balance en contrepartie de ce don généreux ?
Une hypothèse pourrait être soulevée si l’on se souvient que Kadhafi avait à plusieurs reprises fait savoir être très intéressé par l’industrie nucléaire, affirmant que ce n’était que pour produire de l’énergie, et surtout pas pour avoir l’arme nucléaire.
Mais qui aurait pu le croire si l’on veut bien se rappeler qu’énergétiquement, son pays, l’un des plus important producteur de pétrole, avec 2 millions de barils par jour est à l’abri du besoin sur le terrain énergétique.
Chacun sait qu’Areva a cherché à vendre à Tripoli une centrale nucléaire (lien) et on peut s’interroger sur les motivations du dictateur de vouloir une telle installation. lien
D’ailleurs, dès 1992, l’ex guide de la révolution libyenne s’était flatté auprès du président Kazakh Noursoultan Nazarbaïev, de pouvoir créer « la première bombe nucléaire islamique ». lien
Ajoutons pour la bonne bouche que Claude Géant s’était rendu 4 fois en Libye pour renouer les relations au plus haut niveau, et il n’était pas le seul à avoir voulu tisser des liens entre notre pays et celui du dictateur. On y trouvait aussi : Hervé de Charrette (président de la chambre de commerce franco-arabe), Pierre Berger (à la tête du comité France-Libye au Medef international), Michel Roussin conseiller du président d’EDF qu’était alors Henri Proglio, Philippe Bon (président Afrique). lien
Christian Estrosi, quant à lui, lorsqu’il était ministre, s’était félicité d’avoir signé le 21 octobre 2010 avec le despote libyen un document prévoyant l’instauration d’un partenariat stratégique.
Il s’agissait de « conduire une coopération stratégique dans les domaines (…) de l’énergie nucléaire civile ». lien
D’ailleurs déjà en 2008, Alain Joyandet se félicitait de la signature d’un accord de coopération dans lequel l’énergie nucléaire était en bonne place. lien
Et pourtant, l’ex président de la république française affirmait mordicus « il n’a jamais été question de vendre une centrale nucléaire à monsieur Kadhafi ». lien
Il ne faudrait pas oublier non plus le site de recherche nucléaire Libyen de Tajura, ou se trouve un réacteur de recherche avec lequel Kadhafi voudrait bien enrichir de l’uranium, ni le programme d’armes chimiques développé jusqu’en 1990 qui a permis l’utilisation de celles-ci contre le Tchad en 1987. lien
Rappelons-nous aussi du trafic d’uranium entre la France, la Belgique, et la Libye à la fin juillet 1981, au cours duquel 6 personnes ont été inculpées. lien
Et puis les français ont la mémoire courte : ont-ils oublié la place primordiale qu’a tenu Patrick Ollier, le ministre compagnon de MAM dans la défense du dictateur Libyen ?
Il était le président du « groupe d’amitié » au Sénat et faisait tout son possible pour améliorer les relations entre Kadhafi et la France, après l’affaire de l’attentat contre le DC-10, et celle des infirmières bulgares.
Revenons au généreux cadeau de l’ancien dictateur libyen.
Il faut rappeler qui est Moussa Koussa.
Il fut d’abord ambassadeur, puis chef des renseignements extérieurs, ministre des affaires étrangères de l’Etat Libyen, et enfin conseiller direct de Kadhafi.
C’est aussi lui qui fut chargé d’éliminer les opposants au régime et il s’était attribué le meurtre de l’avocat Mahmoud Nafa, du journaliste Mohamed Ramdane entre autres.
Les services secrets britanniques affirment que c’est lui qui, avec Al Megrahi, (lien) disparu récemment, a fourni les explosifs utilisés lors de l’attentat de Lockerbie, lequel avait fait 259 victimes le 21 décembre 1988. lien
C’est aussi lui qui, avec Moatassim Kadhafi, réprima la rébellion Libyenne, donnant l’ordre d’enterrer vivant des opposants au régime. lien
Il est aujourd’hui sous la bienveillante protection de l’émir du Qatar, Hamad Ben Kalifa Al Thani, dont on sait, entre autres faits d’arme, qu’il a acheté le PSG, et hérité de la coupe du monde de foot en 2022. lien
Quant à Mouatassim Kadhafi, il a été exécuté par les combattants du CNT. lien
Le 19 décembre 2012, le juge Van Ruymbeke a donc entendu Takieddine lequel mouille non seulement Sarközi, mais aussi Guéant, l’ancien ministre de l’intérieur, et le fils de ce dernier, directeur d’une société qui serait impliquée dans l’affaire. lien
Guéant se défend martelant « tout ça est pure affabulation (…) jamais quelque Libyen que ce soit (…) n’est passé par mon intermédiaire pour alimenter des enrichissements personnels ou bien la campagne de 2007 » ajoutant : « s’il a des preuves, qu’il les apporte ». vidéo
Mais Takieddine persiste et signe : « j’ai les contrats, les transferts d’argent, les destinataires, les montants ». lien
Il assure : « Guéant donnait à Saleh (le secrétaire particulier de Kadhafi) les indications bancaires nécessaires aux virements ».
Une nouvelle page pourrait s’ouvrir concernant l’ex président français, puisqu’on apprend aussi qu’il aurait pu commanditer l’assassinat d’Hugo Chavez, si on en croit Iris Varela, la ministre des services pénitentiaires au Venezuela.
Un certain Bouquet, agent des services secrets militaires français a été arrêté le 18 juin 2009, en possession d’un nombre considérable d’armes et de munitions, avouant avoir préparé un attentat pour assassiner Hugo Chavez, aujourd’hui en toute petite forme. lien
Espérons que la justice pourra enfin aboutir, autant pour l’affaire du financement de la campagne présidentielle 2007, que pour l’affaire Bettencourt, et comme dit mon vieil ami africain : « quand tu lances la flèche de la vérité, trempe la pointe dans le miel ».
L’image illustrant l’article provient de « quoi.info »
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
Articles anciens
Affaire Kadhafi, la note risque d’être Saleh
Vers un dénouement du Karachigate
Les dessous sales du Karachigate
Le maillon faible du Karachi-gate
A lire aussi : le travail de l’ombre de Claude Guéant en Libye
Le dossier complet sur les 10 mois d’enquête menés par Médiapart est sur ce lien.
Un blog intéressant à visiter : désintox.blog.libération
Un bon résumé chronologique sur ce lien
67 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON