Les voitures chinoises bousculent déjà les marchés des pays du Sud
Lors du salon de Francfort, devant les stands des voitures chinoises, les occidentaux se rassuraient à bon compte en proclamant que les Chinois seraient mal avisés de se lancer dans l’aventure périlleuse de l’exportation, alors qu’ils doivent d’abord répondre à une immense demande interne. Aussitôt, l’argument a été balayé par Li Shufu, président de Geely Motors. Ce dernier, qui s’est fixé l’audacieux plan de produire 650 000 voitures (Chery) en 2007, entend en exporter les deux tiers. Selon lui, le gouvernement encourage cette démarche. Les autres constructeurs chinois pourraient lui emboîter le pas. D’ores et déjà, les voitures chinoises s’exportent, notamment, au Moyen Orient et en Afrique : 50 000 en 2004, 80 000 en 2005, 120 000 en 2006. Selon des études réalisées en Syrie, le potentiel de demande va bien au-delà de ces chiffres. Avec une voiture clef en mains, 4000 dollars à l’achat, la demande s’adresse à la classe moyenne dont une large partie ne dispose pas de voiture individuelle. Après Damas, les premières Chery se vendent au Caire. En 2003, avec l’ouverture d’une chaîne de construction en Iran, Chery devient le premier constructeur automobile chinois à faire fabriquer ses véhicules à l’étranger. D’ores et déjà, Chery prépare son entrée sur les marchés d’Europe de l’Est.
Pour l’Institut chinois d’études des relations internationales contemporaines, les Européens mesurent mal les dégâts collatéraux suscités par une politique migratoire toujours plus restrictive. Selon eux, le renforcement des conditions d’entrée sur le territoire européen favorise « objectivement » l’émancipation des réseaux de distribution, notamment, dans les pays du Maghreb et d’Afrique noire. De fait, beaucoup de professionnels de l’automobile de ces pays ont été déboutés dans leur demande de visa. Ils souhaitaient se rendre en France pour un salon professionnel, dans l’intention de maintenir leurs connaissances à niveau. Déçus, ils disent leur intention de collaborer avec d’autres pays. Ainsi, le témoignage d’un concessionnaire marocain : « Avant j’avais quelque hésitation. Maintenant, je suis prêt à accueillir à bras ouverts les Chinois. » L’opération s’avère in fine juteuse, des voitures moins chères, avec des décotes de 20 à 30 % par rapport aux modèles occidentaux. En Afrique noire, les voitures chinoises sont attendues avec impatience. Une voiture à faible prix répond à la demande d’une clientèle peu argentée. De surcroît, les récentes restrictions apportées à l’importation de la voiture d’occasion en provenance de l’Union européenne imposent des solutions alternatives. La fiabilité supposée aléatoire des moteurs des voitures chinoises n’indisposent pas les professionnels africains. « Nous avons l’habitude de remettre à plat les moteurs, déclare un réparateur à Dakar, nous le faisions avec les voitures usagées achetées en Europe. Nous le ferons pareillement avec les voitures chinoises. » Une Chery à 300 000 francs CFA (3000 euros) ? Rien d’impossible ! Dans beaucoup de pays, la priorité n’est pas le moteur mais le prix. Mais la démarche de contournement pourrait aller beaucoup plus loin en raison, notamment, des négociations engagées par des constructeurs chinois en vue de la création d’unités d’assemblage non seulement en Roumanie mais également à Oran (Algérie), Oujda (Maroc), tous projets destinés à des commercialisations sur le marché européen.
Le choix de minimiser la menace que représente l’industrie chinoise pourrait être un plaisir de courte durée. A cet égard, la sérénité des Européens n’est pas partagée par les Américains qui ont en mémoire la montée en puissance des voitures japonaises en quatre étapes successives : d’abord le dénigrement, le goutte à goutte, l’installation sur le marché, et désormais une position dominante. Déjà, outre-Atlantique, l’entrepreneur américain, Malcolm Bricklin, sonne le glas en prévoyant l’introduction de 250 000 Chery dès 2007 proposées à un prix inférieur de 30 % à des modèles américains comparables. Déjà l’alerte sonne ; en 2005, les exportations automobiles de la Chine ont dépassé les importations, rapporte l’agence Chine nouvelle. Les véhicules exportés, des camions, mais aussi des petites voitures à faible coût, ont pris la direction de pays en voie de développement comme l’Algérie, la Syrie ou le Vietnam. Demain, l’Europe.
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