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A l’école du stress

Un accord vient d’être conclu entre les partenaires sociaux pour la lutte contre le stress au travail. Il va plus loin que l’Accord cadre européen de 2004 qu’il décline. En effet, les signataires reconnaissent le management et l’organisation du travail comme facteurs déterminants du stress. Les syndicats ont obtenu le retrait de l’idée "d’un stress positif" bannissant ainsi le management par le stress, encore perçu comme stimulant par certaines entreprises.

Le patronat, pour sa part, a accepté de prendre la responsabilité en matière de prévention du stress et de ses effets sur la santé : "Dès qu’un problème de stress au travail est identifié, une action doit être entreprise pour le prévenir, l’éliminer ou à défaut le réduire", indique l’accord.

Voici donc une bonne nouvelle et il serait très heureux que certaines "écoles préparatoires" et autres "grandes écoles", qui préparent l’élite du management révisent en conséquence leurs conceptions pédagogiques "d’éducation par le stress". Un triste événement intervenu en cette fin d’année universitaire dans un Institut d’enseignement supérieur, à Rennes nous le rappelle et fait écho aux drames vécus en entreprises, à Guyancourt, par exemple.

A la fin de l’année universitaire, fin mai, à Rennes, un étudiant d’une vingtaine d’années s’est donné la mort. C’était à l’issue « du Grand Oral », épreuve mythique clôturant le cycle des études dans un de ces instituts, fleurons de l’université française, qui préparent l’élite des cadres de la nation et des grandes entreprises. Cela intervenait au cours d’une longue et épuisante série d’examens, à l’issue d’une année au contenu très dense, resserrée sur six mois effectifs de cours. Rien que de très habituel vous diront tous ceux qui sont attachés à ne pas brader le prestigieux diplôme, sésame de belles carrières.

Il y eut, au cours de cette année, une autre tentative de suicide d’une étudiante de l’institut, sans parler des interruptions d’études pour dépression… Trop fragiles, pas prêts à affronter le stress inhérent aux responsabilités auxquelles on les prépare, problèmes personnels… Explications convenues données par ceux pour qui suicide et dépression ne peuvent être que le symptôme de faiblesses et d’inadaptations individuelles. Ces jeunes en ont pourtant vu d’autres, non ! Pour une bonne part d’entre eux, ils ont connu d’abord une à deux années de « prépa », ces établissements « formidables » où, à l’issue du lycée « trop laxiste », se forgent des tempéraments bien trempés, capables de résister aux cadences de bachotages infernaux, 7 jours sur 7, 15 heures par jour… Cherchez l’erreur !

Encore sous le choc de ce triste événement rapporté par de jeunes amis, très affectés du décès de leur collègue, je lis un article paru dans le magazine Les Echos. Il fait le point sur la situation des salariés du centre de recherche de RENAULT à Guyancourt. On se souvient des suicides en série de cadres et d’ingénieurs qui ont, à plusieurs reprises, défrayé la chronique. Pour garder à Renault sa place de leader mondial de l’automobile, le centre de recherche est soumis à des objectifs drastiques de réalisation de projets, dans des délais de plus en plus resserrés. Les techniciens et ingénieurs vivent sous stress, dans une organisation floue et complexe où ils doivent rendre compte à une multitude de responsables eux-mêmes sous pression. L’article des Echos décrit bien le processus de désagrégation des collectifs de travail qui laisse l’individu seul, de plus en plus fragilisé par des doses croissantes de stress... Malgré leur intégration de la forte culture maison et leur attachement aux résultats de l’entreprise, les organisations syndicales ont réagi et tenu tête à une direction qui, après avoir essayé de minimiser et de personnaliser ces événements, a dû admettre de réinterroger les modes de management, sans remettre cependant en cause les objectifs…

Mais revenons à l’institut. Dès le lendemain de l’incinération du jeune homme auquel tous les camarades de promo ont assisté dans un silence pesant, le calendrier des examens reprenait son cours inexorable. Il y eut quelques réactions individuelles courageuses d’étudiants ou de parents à l’égard d’une direction qui semble surtout soucieuse de maintenir la réputation de l’école ; mais aucune interrogation collective relayée par des organisations politiques ou syndicales, ni au niveau des étudiants, encore moins des enseignants !

C’est là, disais-je, que l’on forme les futurs responsables politiques et les cadres des institutions et grandes entreprises publiques et privées, les futurs responsables d’organisations internationales ou d’ONG. Alors attention ! ne dit-on pas - enfin quelques psychologues compassionnels - qu’un individu reproduit immanquablement les actes de maltraitance dont il a été victime ! Les salariés de Guyancourt apprécieront !


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8 réactions à cet article    


  • ARMINIUS ARMINIUS 30 juillet 2008 09:36

    Pauvre garçon victime de cette compétition stupide, de cette course effréinée à l’élitisme qui va si bien à cette société pourrie que nous propose le Sarkozysme. Quant aux responsabilités des dirigeants de certaines de ces soi-disantes "grandes écoles" : elles sont complétements diluées : dans nombre d’entre elles les profs sont exposés, en fin d’année, aux critiques anonymes des étudiants quant à la valeur et à la qualité de leur enseignement, à la suite de quoi ils sont aussi tenus à s’auto-évaluer. Tout cela ne laisse guère de place à la franchise dont devraient être empreints les rapports entre étudiants et professeurs.
    On retrouve ce genre d’évaluations dans beaucoup d’entreprises françaises, la mode étant venue des E-U il y a quelques années, on voit ou cela les a menés... le cercle des poètes disparus a définitivement fermé !


    • JJ il muratore JJ il muratore 13 septembre 2008 10:54

      Croyez vous sérieusement que l’élitisme, la compétition, le stress, soient historiquement assez récents pour mériter le titre de sarkozysme ? Que ce mal vienne exclusivement de ces maudits US ? Que le stakanovisme n’ait jamais existé ? N’êtes-vous jamais allé en Asie, en Afrique, au Moyen Orient ou à Haïti ? Apparemment non, autrement vous ne laisseriez pas entendre que que le Mal n’existe exclusivement qu’à cause de de Sarko/Yankee. Quant à l’Histoire ancienne, bien avant que n’existent les US et Sarko, pas de stress ? la terre était celle du ’Cercle des poêtes disparus’  ? L’Eden ? Vous êtes d’une naïveté désespérante que seule une ignorance crasse peut expliquer sauf à évoquer un éventuel dogmatisme aveugle. 


    • Seku 30 juillet 2008 12:02

      Votre description des classes préparatoires me semble pour le moins farfelue...




      • Alain MALAULT Alain MALAULT 30 juillet 2008 12:15

        Farfelu aussi l’article de Dominique Monchablon, psychiatre et responsable du Relais étudiants, sur "Les classes préparatoires, une vie entre parenthèses", paru le 10 Juin dans les colonnes du Monde ? Consultable à cette adresse  ICI ???



      • wnxbcv 16 octobre 2010 22:54

        Tout le monde se vouvoie ici. C’est le blog du FN ou quoi ?
        C’est facile de tirer sur les articles des experts psychiatres quand on ne donne pas d’argument.
        Moi je suis aussi passé par les CPGE et je peux dire que c’est vraiment de la merde.


      • Rems 31 juillet 2008 01:04

        J’ai eu l’occasion de faire deux années de classes prépa et je me permets de réagir, et aussi de préciser certaines choses.
        Avant toute chose, ces deux années ne sont pas les plus réjouissantes du point de vue psychologique, ni pour les loisirs. Le rythme de travail est soutenu, même si, pour reprendre les termes d’un ancien professeur de mathématiques, ce n’est tout de même pas le bagne.

        Il faut tout de même savoir qu’il y a plusieurs types de classes prépa.
        Plusieurs types de prépa coexistent : scientifique (maths-physique : MP, physique-chimie : PC, physique-sciences de l’ingénieur : PSI), technique (PT), véto (enfin agro-véto si je ne m’abuse), économique (HEC), littéraire (khâgnes) ou encore des prépas "parallèles" comme ATS. Ces différentes classes cohabitent généralement dans les mêmes lycées mais chaque filière a un esprit propre : dans mon lycée, les Veto étaient très orientés "esprit de corps" (avec des chansons par exemple) et les HEC étaient ...... puants (désolé).

        Ensuite, il existe différents types de lycée : les grands lycées (souvent parisiens) mettent généralement une pression importante sur les élèves, avec parfois quelques humiliations (j’ai entendu parler de notes s’échelonnant entre -20 et 20). De plus, il arrive que les professeurs ne s’occupent pas des élèves en difficultés, ne voulant traiter qu’avec "la crême" (un camarade qui est passé par le prestigieux Lycée du Parc m’a expliqué qu’en dehors de Polytechnique et de l’ENS aucun concours n’avait de la valeur aux yeux de ses professeurs).....
        Puis vous avez les lycées de provinces ou les lycées moins prestigieux que les premiers où l’esprit de compétition est moins éxacerbé et où l’on "ose" se contenter d’écoles seulement "bonnes".
        Vous avez enfin quelques lycées de taille modeste, parfois privés, spécialisés (que des prépas HEC ou que des prépas PT, par exemple) qui font souvent preuve d’un bon esprit avec, en moyenne, des résultats en dessous des autres..... malheureusement.

        Enfin, la classe est très importante. J’ai eu la chance d’être au cours de ma seconde année dans une bonne classe avec un corps enseignant compétent et compréhensif... honnêtement, je me considère comme priviliégié.


        Vous le voyez, il existe plusieurs prépas, avec des niveaux de stress plus ou moins élevés. Par contre, il est certain que le stress et que l’esprit de compétition font partie intégrante de ce monde. C’est malheureux, et c’est surtout assez idiot. En effet, il existe un classement officieux des écoles entre les élèves (les super écoles, les bonnes écoles, les écoles moyennes, les écoles honteuses) qui se base souvent sur celui du magazine "Le Point" -ne me demandez pas pourquoi- et qui implique que celui qui rentre dans l’école numéro 10 aura une vie infiniment meilleure et un travail beaucoup plus valorisant que celui qui entre dans l’école numéro 14...... Hors cela est totalement faux et vous vous rendez compte par la suite que toutes les écoles se valent à quelques exceptions près....

        Bref, beaucoup de compétition et de stress pour finalement pas grand chose, mais c’est malheureusement ce stress qui pousse les élèves à travailler... Je trouve cela particulièrement dommage.
        Mais ce monde est aussi le monde des """""élites""""", des lycées qui traitent avec des couches sociales très élevées (en moyenne), de la comparaison avec les frères qui sont aussi passés par là, du prestige qui fait que vous obtenez de facto un "titre". Bref, un monde qui paraît parfois un peu en retard, socialement parlant., avec une conception de la parformance qui n’a que très peu évolué depuis 40 ans.....



        Pour réagir à ce que dit Seku, il y a en fait quelques points un peu génants (disons imprécis) dans cet article, juste quelques petits détails. @ l’auteur : ne le prenez pas mal.

        A la fin de l’année universitaire

        En classe prépa, on ne parle pas d’année universitaire.... (d’ailleurs, une "taupe" n’a quasiment aucune relation avec l’université).

        fleurons de l’université française
        Même remarque. Attention, hein, ça ne rigole pas !

        au cours d’une longue et épuisante série d’examens

        Aucun examen en classes préparatoires. Des contrôles continus (qui ne servent à rien en seconde année) et des concours à la fin.

        brader le prestigieux diplôme
        Pas de diplôme en prépa... "juste" un équivalent License II. Par contre, une réputation pour l’école....


        • Alain MALAULT Alain MALAULT 31 juillet 2008 10:49

          Merci Rems de votre témoignage balancé et précis sur les écoles préparatoires.

          En ce qui concerne les imprécisions ou inexactitudes relevées dans mon article il y a sans doute quelque chose que je n’ai pas réussi à communiquer clairement : les faits que je relève et dénonce se sont déroulés en 4° année d’études, dans un institut d’enseignement supérieur auquel on accède pour la plupart des étudiant après une ou deux années de classe préparatoire (l’accès direct est trés exceptionnel et seulement pour des bacheliers avec mention trés bien). Les jeunes dont je parle ont donc subi - avec plus ou moins de douleur - entre 5 et 6 années de ce que je nomme la ’pédagogie du stress".

          Pour être plus exact c’est plutôt 4 ou 5 ans, compte tenu du fait qu’en troisième année - celle de la licence - ils partent pour une année d’étude ou de stage professionnel à l’étranger (avec un choix paradoxalement trés libre). Le retour est d’autant plus déstabilisant et douloureux, que ces jeunes ont souvent vécu cette année avec moins de pression et découvert des univers plus ouverts, forgé aussi leur personnaité... Bien entendu rien, dans le processus pédagogique de l’institut (vous avez dit pédagogique quel vilain môt !) n’est prévu pour intégrer réellement cette expérience - l’idée dominante serait plutôt celle de la reprise en main, de la remise au boulot !!!

          Quand, dans les critères qualité de ces établissements, mettra-t-on en avant l’innovation pédagogique, le bonheur d’apprendre, la formation aux relations humaines, au travail d’équipe, l’incitation à l’innovation . . ?

          La rencontre la semaine dernière avec le recteur d’une grande école de commerce m’a, sur ce point redonné espoir...







        • Céphale Céphale 31 juillet 2008 19:36

          @ Alain MALAULT

          Le stress existe depuis toujours dans les classes préparatoires, il fait partie du système des concours. Il existe aussi sur les campus américains, mais à un degré moindre parce que la sélection par l’argent est plus grande. Le système français n’est peut-être pas le pire.

          Le stress dans les entreprises, c’est nouveau depuis une vingtaine d’années. Ce n’est pas une condition d’efficacité, bien au contraire, c’est destructeur, mais il faudrait en convaincre les patrons. Deming, dont vous connaissez certainement le nom, l’a brillamment démontré, notamment avec son "expérience des billes rouges". On trouve ses bouquins (Hors de la crise, Du nouveau en économie) sur tous les sites de vente en ligne. L’association France-Deming diffuse ses idées avec un certain succès semble-t-il.

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