Rachat de SFR : partial, le Gouvernement devrait laisser faire
La vente de la télécom de Vivendi, SFR, prend une ampleur chaque jour plus surprenante. Alors que Numericable et Bouygues étaient en compétition la semaine dernière pour s’attirer les faveurs du groupe de Vincent Bolloré, ce dernier a fait son choix vendredi 14 mars : les négociations se feront avec Altice, fonds d’investissement propriétaire de Numericable, et son patron, Patrick Drahi. Si certains pensaient que l’affaire allait naturellement se tasser, c’était sans compter sur la mauvaise foi du Gouvernement et de son ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, qui ne semble pas avoir la défaite facile.
Le Gouvernement, mauvais perdant ?
« J’ai cru comprendre que les dirigeants de Vivendi ont décidé coûte que coûte de vendre SFR à Numericable » déclarait dépité le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg quelques heures avant l’annonce de Vivendi mettant Numericable au premier plan des négociations pour un rachat de SFR. Loin de cacher sa préférence pour Bouygues, le ministre s’est démarqué ces derniers jours par ces nombreuses attaques à l’encontre des dirigeants de Numericable. Une position qui aurait pu être défendable si ses arguments n’étaient pas clairement discutables, notamment au sujet de la concurrence. Le ministre affirme en effet préférer une fusion Bouygues/SFR, car celle-ci serait meilleure pour la concurrence et donc pour les prix. L’exemple de l’Autriche, qui a vu les prix de ses opérateurs s’envoler de plus de 18 % après un passage du marché de 4 à 3 opérateurs semble ne pas être venu jusqu’aux oreilles du ministre, qui persiste et signe.
Aujourd’hui, gardant sa défaite en travers de la gorge, Arnaud Montebourg menace Numericable d’un contrôle fiscal. Sans parler du fait que le ministre n’a aucun pouvoir dans ce domaine et que rien dans la loi n’oblige Patrick Drahi à déménager en France, les Français découvrent, éberlués, le vrai visage du ministre. Celui d’un homme aveuglé par la colère d’avoir perdu un jeu auquel il n’était même pas censé participer. Rappelons en effet qu’après Vivendi, c’est normalement à l’Autorité de la concurrence et à l’Arcep de se prononcer. Le Gouvernement n’est là que pour s’assurer que les consommateurs ne seront pas lésés par ce rachat et ne doit se prononcer qu’après les deux autorités compétentes en termes de concurrence. Un règlement que semble oublier le Gouvernement, dont la participation dans ces négociations dépasse désormais l’entendement.
La Caisse des Dépôts, bras armé financier du Gouvernement, a récemment décidé de pointer le bout de son nez et rehausse l’offre de Bouygues à hauteur de 300 millions d’euros. Une question d’importance se pose naturellement : qu’est-ce que la Caisse des Dépôts vient faire dans la nouvelle offre de Bouygues sur SFR ? Le fait qu’une institution financière publique investisse une telle somme dans ce qui est en fait simplement la fusion de deux entreprises privées ne semble malheureusement choquer personne. Il serait pourtant facile d’y voir une injonction du Gouvernement in fine dangereuse pour les consommateurs. Les aides d’état dans les affaires privées sont en effet sanctionnées par la Commission européenne. Si celle-ci décrète qu’il s’agit bel et bien d’une aide d’état illégale, la France devra s’acquitter d’une amende et ce sera au consommateur de payer la note.
Manipulation de l’information et capitalisme d’entente
Pour ajouter à ce qui ressemble aujourd’hui de plus en plus à un vaudeville de mauvais goût, les hasards du calendrier se multiplient. Le redressement fiscal de Numericable qui traine depuis quelques mois et qui, comme par enchantement, apparaît dans la presse aujourd’hui dévoile un autre pan de la stratégie de Martin Bouygues et du Gouvernement : la manipulation de l’information. Par ce redressement, ils donnent l’impression que Numericable est effectivement dans de beaux draps concernant sa domiciliation et le paiement de ses impôts alors que la réalité est tout autre. « C’est une vieille histoire ! Et tout le monde est au courant. Ce redressement est même notifié dans le prospectus d’introduction en bourse de Numericable », rappelle le directeur général délégué du câblo-opérateur, Jérome Yomtov. Il s’agit en réalité d’un contentieux concernant le taux de la TVA entre 2006 et 2010 sans aucun rapport avec la polémique d’aujourd’hui et que Numericable, de plus, contredit.
Les soutiens à Martin Bouygues semblent aujourd’hui prêts à tout pour aider l’homme d’affaires, également propriétaire de TF1 et qui dispose de ce fait d’arguments effectivement convaincants pour ceux dont la réputation aurait bien besoin d’être redorée à l’instar de M. Montebourg. Le soutien d’autres acteurs du secteur comme Xavier Niel pose tout autant de questions sur son intégrité dans cette affaire. Les Français sont aujourd’hui spectateurs de la création d’un capitalisme d’entente entre hommes politiques du Gouvernement et hommes d’affaires, apparemment peu scrupuleux.
Que des négociations exclusives soient déjà entamées avec Numericable importe peu le Gouvernement. Qu’un rachat de SFR par Bouygues puisse mettre à mal un système concurrentiel vital au pouvoir d’achat des Français l’importe encore moins. L’État a apparemment décidé de se donner les pleins pouvoirs dans cette affaire. Après tout, quand il s’agit d’aider un ami, il est important de faire tout ce que l’on peut, même si cela signifie bafouer les principes fondateurs d’une République saine et équilibrée. Le Gouvernement se venge aujourd’hui et ce sont une nouvelle fois les consommateurs qui risquent de trinquer.
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