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Commentaire de olivier cabanel

sur Quel régime pour la Grèce ?


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olivier cabanel olivier cabanel 27 mai 2012 10:27

@ tous

j’ai reçu une contribution sur la Grèce que je veux vous faire partager :

Par exemple, il a été dit que « les Islandais » ont refusé de payer des créanciers. (...) En réalité, il faut dire et comprendre : « le contribuable islandais a refusé de payer la faillite des actionnaires bancaires privés ». C’est très différent, et cette confusion de langage, qui n’est pas neutre, est omniprésente dans le débat !

Dire, comme entendu à votre émission, que « la banque centrale européenne a choisi d’être indépendante », doit me semble-t-il se comprendre comme ceci : « les gouvernements de la zone euro et la commission ont depuis trente ans organisé une indépendance totale de la BCE par rapport aux gouvernements nationaux et donc par rapport au suffrage universel, et coulé dans le bronze institutionnel sa mission dans un objectif prioritairela lutte contre l’inflation » !

Pourquoi cette priorité ?

Il ne faut pas une longue enquête pour découvrir le groupe d’intérêt dont l’inflation est le cauchemar : …le financier. (Vous vous souviendrez peut-être ne pas avoir été informée de cette évolution, ni a fortiori consultée, pas plus que moi dois-je le dire, ni quelques autres.)

Mais voilà, à tous les micros et dans la plupart des journaux, on appelle le financier un « investisseur », ce qui est un abus de langage féroce !
Les problèmes que nous cause la financiarisation de l’économie résident précisément dans ce fait que les excédents (qu’il ne faut pas appeler « épargne », ce qui est un autre et permanent abus de langage) justement ne sont pas investis, c’est-à-dire consacrés à des activités productives de biens ou de services, mais placés ou joués dans la finance. La finance représente précisément l’inintérêt et l’impossibilité de l’investissement – produits par l’absence de débouchés qu’organise la contraction de la part salariale.

Faire valoir que « les Grecs » souffriraient d’une éventuelle rupture d’avec l’euro, c’est oublier à quel point « ils », entendons les Grecs modestes, souffrent depuis cinq ans de récession allant jusqu’à la réduction des salaires pour ceux qui en ont encore, que le suicide en relation avec ce traitement de la crise y est quotidien, comme déjà plus ou moins en Italie, et que si les élections de juin provoquent un jour le retrait grec de l’euro, ce sera justement en raison d’une souffrance passée et actuelle insupportable. Peut-être connaissez-vous le blog Greek Crisis,http://greekcrisisnow.blogspot.fr/, tenu en français par l’historien et ethnologue Panagiotis Grigoriou.
Certains de vos interlocuteurs me font penser à ce politologue et historien belge qui vient de comprendre, « en raison » d’une incarcération de cinq jours, la nature du régime syrien, que l’exercice de sa profession d’intellectuel ne lui avait pas permis de percevoir en plusieurs années.

Etc.

En réalité la science économique n’existe pas.

J’ai étudié cette discipline pendant quatre ans à l’université, et je la tiens pour un discours de légitimation de l’injustice. Bien sûr, je n’ai pas trouvé ça tout seul. Quelques solides auteurs sont à mes côtés. Ainsi Frédéric Lordon, qui vient de le réaffirmer avec force dans son blog, sous le titre « Euro, terminus ? ». Il n’y a pas de science économique, dit-il, il y a une économie politique, il y a la politique, et cette dernière se caractérise en ce moment, en Grèce particulièrement, après l’Islande à sa façon, par l’irruption sur la scène de l’acteur que les pouvoirs veulent à tout prix tenir à l’écart : le peuple, le corps social, les gens d’en-bas, les pauvres.
À 90 ans, J.K. Galbraith n’a pu qu’intituler son testament d’économiste Les mensonges de l’économie, et à côté de quelques rares économistes hétérodoxes, l’un des commentateurs les plus pertinents de la situation actuelle n’est pas économiste, mais anthropologue, c’est le Belge Paul Jorion, dont je ne peux que vous recommander les ouvrages et le blog, qui est en soi un phénomène de l’Internet : http://www.pauljorion.com/blog/.


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