Prélèvement à la source contre avoir fiscal… comment simplifier le système fiscal et développer le revenu de base inconditionnel
A l´heure du « ras le bol fiscal » et de la généralisation de la précarité, une remise à plat du système fiscal français permettrait une justice sociale plus efficace et un véritable « choc de simplification ».
En matière d´imposition sur les revenus, la plupart de nos voisins européens utilisent la retenue à la source. Ce prélèvement à la base sur les revenus salariés correspond généralement à un acompte car le véritable impôt est régularisé en fin d´année après la déclaration récapitulative permettant de comptabiliser les autres revenus et de tenir compte des charges et des situations particulières (voir définition Wikipédia ci-dessous).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Imp%C3%B4t_retenu_%C3%A0_la_source
En France, le barème complexe de l’impôt sur le revenu, la notion de parts fiscales et les nombreuses exonérations et déductions rendent difficiles la mise en place d’un tel prélèvement à la source sans nuire à la progressivité. C’est pourtant la proposition développée dans un ouvrage collectif (Pour une révolution fiscale) par les économistes Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez, qui préconisent la fusion de l´Impôt sur le revenu et de la CSG en un nouvel impôt progressif prélevé à la source, de l´ordre de 10 % pour un revenu mensuel de 2 200 euros et de 60 % pour un revenu mensuel supérieur à 100 000 euros.
Cela implique que les employeurs ou les banquiers, qui effectueraient ces retenues à la source spécifiques, aient une parfaite connaissance de la situation financière et familiale des personnes qu´ils gèrent, ce qui pose non seulement un véritable problème de confidentialité, mais aussi d’organisation.
Une autre solution pour maintenir la progressivité de l´impôt sur le revenu sans modifier l´actuelle redistribution, serait d´instaurer un prélèvement libératoire à la source à taux unique de 30% généralisé à l´ensemble des revenus nets qui annulerait la progressivité sur les 3 premières tranches d´imposition, en contrepartie de la distribution individuelle d’un crédit d’impôt inconditionnel de 500 euros par mois.
Ainsi l´actuel barème de l’impôt sur le revenu serait annulé pour les revenus modestes correspondant aux premières tranches et réduit par le prélèvement libératoire pour les revenus supérieurs, la progressivité continuant de s´appliquer au-delà de la tranche de 30%, c´est-à- dire pour des revenus par tête supérieurs à 70 830 euros par an :
- 0% pour les revenus inferieurs à 5 963 euros par an,
- 0% au lieu de 5,50% pour les revenus de 5 964 à 11 896 euros par an,
- 0% au lieu de 14% pour les revenus de 11 897 à 26 420 euros par an,
- 0% au lieu de 30% pour les revenus de 26 421 à 70 830 euros par an,
- 11% au lieu de 41% pour les revenus de 70 831 à 150 000 euros par an,
- 15% au lieu de 45% au-delà de 150 000 euros par an.
L´assiette taxable étant d´environ 1 400 milliards de revenus nets reçus chaque année par les foyers français, un prélèvement à la source de 30% rapporterait 420 milliards par an, soit 350 milliards pour financer le crédit d’impôt de 500 euros par mois et 70 milliards pour compenser l´impôt sur le revenu qui continuerait de financer les services publics.
Ce prélèvement à la source rapporterait donc 6 fois plus que l’actuel impôt sur le revenu dont le taux moyen d’imposition avoisine les 5%. Sans parler d´évasion fiscale, cela montre que cet impôt, qui n’est acquitté que par une courte majorité des contribuables (53,5% en 2010), est peu efficace et donc au final faiblement redistributif.
Le versement mensuel d’un crédit d’impôt individuel constituerait un véritable revenu de base inconditionnel de 500 euros par mois. Il permettrait de passer de l´ancien système fiscal où l´on paye ses impôts l´année suivante au nouveau système sans période de transition, la « double » imposition de l´année en cours étant gommée pour les revenus modestes par le versement simultané du crédit d´impôt qui aiderait à solder l´année précédente.
Ce crédit d’impôt compenserait également la perte des avantages fiscaux tels que les niches fiscales, le quotient conjugal et les différentes charges déductibles ainsi que la fin de la progressivité sur les 3 premières tranches (voir calculs ci-dessous) pour les personnes gagnant bien leur vie… et remplacerait avantageusement les minima sociaux tels que le RSA ou l’ASS pour celles ayant peu ou pas de revenus. Par ailleurs, un demi-revenu de base par enfant remplacerait avantageusement les prestations familiales et les avantages liés au quotient familial. Il faut noter que le montant de 500 euros par mois étant insuffisant pour se loger, les aides au logement seraient maintenues.
La distribution mensuelle de 500 euros par adulte et 250 euros par enfant couterait 345 milliards d´euros par an (500 * 12 * 50 millions d´adultes + 250 * 12 * 15 millions d´enfants). Les revenus nets cumulés des français étant estimés entre 1 200 et 1 400 milliards par année (base de l´actuelle CSG), un prélèvement à la source additionnel de 25 à 30% sur les revenus nets suffirait donc à financer ce crédit d´impôt de 500 euros par mois.
La perte de l´avantage fiscal lié à la progressivité pour les foyers qui gagnent en une année plus de 26 420 euros par part fiscale se calcule en faisant la différence de taux entre les 3 premières tranches du barème actuel et celui du prélèvement à la source :
- 30% d´impôt en plus sur la première tranche de 5 963 euros, soit 1 789 euros,
- 24,50% (30% - 5,50%) en plus sur la tranche suivante (11 896 – 5 963 = 5 933) soit 1 453 euros,
- 16% (30% -14%) en plus sur la troisième tranche (26 420 – 11 896 = 14 524) soit 2 324 euros,
Cela donne un surcout total de 5 566 euros par an, soit 464 euros de plus chaque mois pour un célibataire gagnant plus de 2 200 euros par mois. Pour être exact, il faudrait probablement prendre en compte la déduction de 10% pour frais professionnels sur les revenus salariés pour le calcul de la perte des avantages fiscaux… mais les contribuables modestes resteraient largement gagnants et les autres à peine pénalisés comme le montre la simulation en fin d´article. Au final la pression fiscale ne serait pas augmentée, et chacun obtiendrait l´assurance d´avoir un revenu garanti pour lui et ses proches quoi qu´il arrive.
On passerait d´un système de prélèvement inefficace... pénalisé par une législation complexe d´évitement de l´impôt, à un système de prélèvement simple et davantage progressif compte tenu du crédit d´impôt. Le prélèvement à la source aurait le mérite d´être prévisible et surtout incontournable… excluant les niches fiscales et autres exonérations.
Pour finir, cela ne changerait pas les équilibres budgétaires… ni du pays, ni des ménages, tout en garantissant la sécurité financières des plus modestes qui s´assureraient chaque mois un revenu fixe cumulable avec leurs autres revenus, qu´ils soient sociaux, financiers ou d´activité. En rendant inconditionnels une partie des aides sociales non contributives et en supprimant les avantages fiscaux, un véritable revenu de base pour tous, supérieur aux actuels minima sociaux, s´autofinancerait finalement sans effort ni augmentation de la fiscalité.
Afin d’illustrer cette proposition et ses impacts fiscaux sur différents niveaux de revenus nets, une comparaison a été faite avec la situation actuelle en utilisant le simulateur du service des impôts disponible à l´adresse ci-dessous :
http://www3.finances.gouv.fr/calcul_impot/2013/simplifie/index.htm
Les revenus inférieurs à 1 000 euros n´ont pas été simulés, car il aurait fallu prendre en compte le RSA Activité qui s´applique en théorie jusqu´à 1250 euros nets par mois. Les deux premières lignes du tableau sont déjà potentiellement concernées, car avec un revenu mensuel de 1 000 euros un salarié pourrait percevoir un complément 484 - (1 000*38%) soit 104 euros en demandant le RSA Activité. Avec 1 200 euros il pourrait percevoir encore 484 - (1 200*38%) = 28 euros. La perte de cet avantage se compense largement par les gains respectifs de 200 et 159 euros par rapport à la situation actuelle.
Les résultats pour une famille seraient similaires car la perte de la progressivité sur chaque part correspond plus ou moins au gain du Revenu de Base proposé.
Pour en savoir plus :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Revenu_de_base
http://revenudebase.info/2013/03/lancement-initiative-citoyenne-europeenne-revenu-base/
Pour signer l´initiative citoyenne européenne pour le revenu de base inconditionnel :
http://basicincome2013.eu/ubi/fr/
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