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Pierre 11 juillet 2008 20:32

Mis à part la description tout à fait juste de l’actuel état de choses qui règne, ou, mieux encore, qui sévit, sur notre triste Terre que nous offre Henri François, et que nous devons à la triade science-technique-économie moderne (soit-elle capitaliste ou communiste) qui traite la Terre comme une somme de stocks à la disposition d’une subjectivité ivre et débridée et d’un affairement sans limites, c’est la vieille critique feuerbachienne, nietzschéenne et freudienne du phénomène religieux qu’il nous donne : la religion est faite par l’homme, c’est une projection de ses peurs et angoisses et de son désarroi , c’est un comportement de fuite, et cetera. Avec son pendant positif qu’il n’y a de vrai que la facticité de notre natalité et de notre mortalité.

Le problème, c’est , d’ailleurs, moins le fait que cette critique de la religion soit datée (il est en effet bien des conceptions et des vues anciennes qui sont justes et vraies), mais c’est plutôt le fait qu’elle a été dépassée et en partie réintégrée par des analyses du phénomène religieux bien plus nuancées et plus vraies : par exemple, celle de Marcel Gauchet dans son livre "Le désenchantement du monde. Une histoire politique de la religion" (1988 ; Folio Gallimard), ou celle d’Ernst Tugendhat, dans son ouvrage "Egozentrizitaet und Mystik. Eine anthropologische Studie" (Munich : C. H. Beck Verlag, 2003).

J’abonde dans le sens de l’auteur : l’homme est non seulement l’ennemi principal de lui-même, mais des autres, et, du moins dans la conjoncture mise en place par la triade moderne et occidentale de la science-technique-économie, il s’est érigé en ennemi de la Terre entière, de toutes les espèces vivantes en particulier. 

Si Marcel Gauchet a raison en nous montrant que la religion première, à savoir la religion dans sa modalité originaire, retenait et contenait l’homme (tant il semble que nous soyons d’une certaine manière insupportables à nous-mêmes, car nous sommes l’être conflictuel même), le maintenait dans des limites, dans sa finitude, en le tenant en état de dépendance originelle à l’égard au divin et en lui assignant sa place par rapport à la nature, et spéficiant son rapport à soi et aux autres, alors il se pourrait bien que nous ayons passablement à apprendre de la religiosité dans son sens originel et plein.

Car il faut bien le dire, une fois le basculement du monde initié (et nous sommes au bord du précipice), la puissance de l’homme se transformera en une impuissance et une souffrance telles qu’il n’en aura pas eu l’expérience depuis le déluge de la Genèse.

Je termine par une citation du livre sus-mentionné de Gauchet (page 17 de l’édition Folio) :

"L’orientation de l’homme, autrement dit, n’est pas univoque. Sans aucun doute y a-t-il en lui cet être tendu obstinément vers la démultiplication de sa puissance et l’objectivation de sa liberté, sous forme tant de maîtrise de son environnment que de disposition collective de lui-même. Mais il y en a aussi un autre que nous avons à réapprendre et qui, sur une incomparable profondeur de temps, a trouvé dans la dépendance assumée et l’impouvoir à l’égard de son propre univers le moyen d’une coïncidence avec lui-même dont nous avons en revanche perdu le secret."

 


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