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cassiusdemontpeul 22 juin 2017 21:18

Je remet ce texte qui a été censuré une 1ère fois sans qu’on m’endonne une raison : y -a-t-il des sujets tabous ?!

 Suite et fin d’extraits du livre « Taches d’encre et de sang « de Simon Casas.

 

Alors une petite porte s’ouvrit .Un autre toro bondit dans l’aréne avec une vivacité explosive. Il alla frapper directement les planches de la barrière, les fit voler en éclat et s’acharna sur elles , comme s’il avait médité depuis longtemps pareille vengeance.

 Un matador vêtu d’un costume couleur tabac , s’avança jusqu’à l’une des deux lignes blanches qui cernaient la piste .D’un cri sec , nettement perceptible, i l attira l’attention du toro qui, délaissant son œuvre de démolition , fonça sur lui le museau fièrement pointé en avant .Sur son échine, de petits rubans colorés flottaient au vent .

Le torero le reçu dans les plis d’une d’une cape d’un rose scintillant et au revers jaune .Il bougeait à peine , déviant les charges de la bête alternativement à gauche puis à droite, faisant légèrement glisser ses ballerines noires sur le sable. Il utilisait sa cape comme une porte de soie .

Sans que l’on eût conscience du temps écoulé , il se trouva au centre de la piste, où d’un geste ample accompagné d’un effet de ceinture, il lâcha la cape d’une main , que l’animal, dans un ultime bond , tenta d’atteindre . Définitivement frustré de ses intentions délétères , il s’arrêta tout net . Comme cloué sur place . Il semblait dépossédé de sa nature sauvage . Le matador lui tourna le dos sans précautions particulières.Serein il éleva le regard vers les gradins, imposant à chaque spectateur l’évidence de sa maîtrise . Il regardait la foule dans les yeux. Je l’ai trouvé sublime . L’homme près de moi reconnut alors son nouveau souverain « Antonio Ordonez est le meilleur « , dit-il sans autre commentaire .

 

A la fin de la corrida , le maestro fut porté en triomphe jusqu’à son hôtel par une foule déjà acquise à sa nouvelle idole. Je suivis , admiratif, cette marche glorieuse jusqu’à l’Impérator , l’hôtel le plus luxueux de Nîmes . « L’hôtel des riches « disait-on dans la ville . Devant son entrée stationnait de somptueuses limousines . Une Rolls lustré et une imposante Hispano Suza étaient garées en double file , prêtes à démarrer .Des curieux épatés , tournaient autour d’elles sans oser les toucher . Je parvins à me faufiler jusqu’au grand salon trompant le service d’ordre qui en filtrait l’entrée . J’eus le sentiment de franchir clandestinement une frontière . Me faisant discret , je gobais du regard tout ce qu’il y avait à voir . Je découvrais un nouveau monde . D’un seul cpoup , l’attention générale se fixa sur trois hommes et une femme qui sortaient du jardin . L’un était grand avec une barbe blanche . Un autre plus petit était chauve . Le troisième portait de longs cheveux et s’agitait en parlant . Les noms de ces personnages furent colportés de bouche en bouche . Hemingway , Picasso , Cocteau et Ava Gardner . Je n’en connaissais aucun , mais il m’apparût évident qu’il s’agissait de personnalités importantes .

Luis Miguel Dominguin , qui sortait de l’ascenseur , vint les rejoindre. Tous les quatre l’embrassèrent avec ferveur . Il retint la femme par la taille tout en portant son attention à ce que lui disait l’homme barbu qui , cambré et allongeant le bras , esquissait gauchement le geste d’une passe . Dominguin semblait contrarié , et lui signifia son désaccord par une moue . D’évidence , le matador était peiné par sa corrida ratée . Ce qui m’étonna , c’est que son attitude dans l’arène avait été totalement différente . Face à la foule , il s’était montré cynique , avec ses amis il avait l’air plus humble . Il portait le costume civil avec la même élégance que le costume de lumière . On avait l’impression que son corps continuait à toréer même en dehors des arènes .Aucun détail de son environnement ne semblait lui échapper .

 

Pendant que Dominguin continuait à bavarder avec ses amis , Antonio Ordonez apparut à son tour à la porte de l’ascenseur. Une grande ovation l’accueillit , et à présent toutes les têtes étaient tournées vers lui . Sans aucun doute il était le triomphateur. Alors écartant de la main ceux qui essayaient de l’approcher , Dominguin se fraya un chemin jusqu’à l’extérieur. Il passa tout près d’Ordonez sans le saluer ni même le regarder . Un homme qui portait un fourreau d’épées en cuir ciselé, son mozo de espadas , lui ouvrit le passage jusqu’à la Rolls dont le moteur tournait déjà . De la portière le torero fit un signe d’adieux avec une princière distance . La voiture démarra et s’arrêta quelques mètres plus loin pour embarquer Ava Gardner , sortie de l’hôtel par une porte latérale .

 

La nuit tombait . Un nouvel individu s’était glissé en moi .

 

 Etonnante confidence et révélation de Simon Casas à la fin de son livre « taches d’encre et de sang « :

De l’autre côté de la barrière j’assiste pour la nième fois à cette scène . Subitement m’apparaît un évidence inattendue : c’est à ma propre enfance que me renvoie ces visions de souffrance .

Je suis blotti entre les jambes de mon père ….J’ai quatre ans . J’assiste à ma première corrida .Fasciné . Effrayé .Aspiré par mon angoisse. J’ai toujours cru que c’est au triomphe du torero que je devais ma vocation taurine . Erreur : c’est à l’animal que je m’étais associé . A sa désespérance . Parce qu’enfant , moi aussi je souffrais . C’est au toro que je m’étais identifié .A son désarroi ,. A sa solitude . A sa perte .

Quand adolescent , j’ai voulu être torero , je me suis trompé . C’est vers la douceur que j’avais besoin de me laisser conduire . La violence m’effraie . Je suis démuni d’agressivité physique . La vue du sang m’est insupportable .

Je ne souhaite aucune cérémonie pour mes funérailles . Que l’on m’épargne dans toute arène le ridicule d’un minute de silence .

Je suis un toro .

Que ne puis-je imaginer , comme pour lui , le privilège de l’arrastre , mon corps tiré dans la poussière par des chevaux harnachés et au galop .Sublime sortie de scène .

Je suis un toro .

P.-S.




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