La politique du vide...
Entre Nicolas Sarkozy « I love America » et Ségolène Royal qui snobe les questions qui fâchent, je ne sais pas pour vous, mais moi, je me dis qu’on va finir par trouver du pétrole en France, à force de descendre de plus en plus bas dans le niveau du débat politique...
Ce n’est pas très nouveau, remarquez : en 2002, le slogan de Chirac, c’était "La France a peur", et celui de Jospin, c’était : "J’ai un bon bilan". On a vu le résultat : des candidats n’arrivant pas à se faire aimer (avec une tentation masochiste du candidat socialiste au programme non socialiste) dans une France qui avait effectivement les chocottes, on déroulait le tapis rouge pour permettre à Jean-Marie Le Pen de rejoindre le deuxième tour sans se mouiller sous les gouttes d’un débat qui n’a jamais réellement eu lieu. Remarquez, c’était la même chose en 1995, avec un docteur Chirac "plus c’est gros plus ça passe" n’hésitant pas à se la jouer plus socialiste en médecin de la fracture sociale qu’un Parti socialiste au bord de la guerre civile. Voire en 1988, où le conflit Chirac-Mitterrand s’est vite transformé en une affaire privée, je lave mon linge sale en famille. Notons au passage que depuis que le débat politique se tranforme en conflit d’images, en démagogie et coups tordus, Le Pen et Laguillier ramassent la mise à chaque fois sans trop s’exposer, progressant électoralement sans que leurs discours aient évolué d’un pouce, plus en raison du dégoût des autres que grâce à une attraction particulière. En fait, depuis les fameuses "Cent mesures" de François Mitterrand, il faut reconnaître qu’on a autant de mal à trouver un programme dans le discours de nos hommes politiques qu’un scénario dans les films de Michaël Youn...
En 2007, ça repart, et on recommence pour une nouvelle campagne dans le leitmotiv tout, et surtout n’importe quoi. Ca commence par une connivence de plus en plus franche des médias autour du "habemus candidatum et candidatae", et ce brave François Bayrou n’a pas tort du tout (même si avec des militants UDF comme Jean-Marie Cavada ou Dominique Baudis, il n’est pas le plus à plaindre...). Ca y est, les médias ont choisi, TF1 et France Télévision ont voté avant même les militants pour Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Je ne sais pas si ce sont les candidats le plus à même de libérer du temps de cerveau pour Coca-Cola, mais en tout cas, ça frôle la mauvaise foi et l’hystérie maladive, autour de ces deux personnes. A tel point qu’en tant que militant PS, je crains le pire pour la désignation du candidat : soit Ségolène est élue et on dira que le PS a fait feu des idéaux pour céder à la mode des sondages, soit elle n’est pas élue et on se permettra de fustiger la bande de machos du PS. Le débat du choix du candidat PS glisse de plus en plus vers le "Etes-vous pour ou contre une femme candidate ?". Et il faut avouer que les opposants sont lourdauds dans ce débat glissant, un discours d’une heure de Laurent Fabius étant résumé en une seule phrase (certes nullissime) : "Je préfère dire Voici mon programme que Mon programme c’est Voici". Idem dans l’opposition pour la très longue intervention de Nicolas Sarkozy à l’université d’été du MEDEF, résumée en une seule phrase sans doute rédigée par son supporter Jean-Marie Bigard : "L’élection présidentielle n’est pas un concours de beauté". C’est bien de le rappeler, car quand on voit le concours de Mr et Miss Camping organisé par VSD avec les photos de Nicolas Marathon Man Sarkozy et de Ségolène dipsi bikini Royal, on aurait un doute. Si ça continue, l’émission consacrée aux résultats de la présidentielle va être présentée par Nikos Alliagas...
Alors, certes, il y a quelques fous, persuadés que l’élection peut se gagner sur un programme. François Hollande, par exemple, dit que "Le candidat PS, c’est le projet". Mouais. A moins que VSD ne se fasse un tirage photo sur les vacances du projet socialiste, on en doute un peu. Surtout que le candidat (qui est en fait une candidate...) qui s’affranchit le plus des règles du projet, notamment le sacro-saint "Surtout, ne parlons pas de la carte scolaire !", eh bien, c’est la compagne du GO. Laquelle a une furieuse tendance à snober les débats contradictoires avec les jeunes du MJS, prétendument instrumentalisés. Ségolène Royal n’a pas faux : les anciens cadres du MJS, les Delphine Batho, Julien Dray, Malek Boutih, Arnaud Montebourg, Vincent Peillon se retrouvent tous sous une seule et même bannière... la sienne ! Alors d’un côté, on dit : "Jeune, engage-toi en politique !", et de l’autre : "Sois jeune et tais-toi !". Curieuse double conception de la politique, et pourtant Ségolène Royal devrait savoir qu’il n’y a pas de mauvaise question, il n’y a que des mauvaises réponses. Voire de mauvaises absences de réponse.
En face, Nicolas Sarkozy a passé une université d’été plutôt tranquille. Doc Gyneco, Johnny Halliday, Steevy du loft, ceux qui disent que la droite n’attire pas les intellectuels... n’ont pas complètement tort sur ce coup-là. C’est tout de même hallucinant de voir que le discours de clôture de Nicolas Sarkozy a été complètement zappé par les médias au détriment... des analyses stupéfiantes de Doc Gyneco : "Les jeunes des banlieues, c’est des bouffons." Pas faux. Je me souviens d’un rappeur de banlieue qui crachait dans le groupe Ministère Amer sa haine des flics et faisait l’apologie des drogues douces. Il est facile à reconnaître : il porte un grand bonnet blanc et se la joue porte-parole de l’UMP à l’heure actuelle. Dans la suite des vacances du petit Nicolas Sarkozy, le gendarme à New York dit : "J’aime les USA et j’aime Bush". Oui, sauf qu’il y a 50% des Américains qui n’aiment pas Bush et que c’est extrêmement caricatural de réduire le débat à pro- contre anti-américains. La plupart des cadres du PS se réclament des économistes américains Keynes et Galbraith, une forte délégation PS allant de Moscovici à Montebourg a pris part à la dernière Convention démocrate investissant John Kerry, et même le très à gauche Montebourg a vanté dans ses nombreux écrits la loi antitrust de F. D. Roosevelt permettant aux "trois plus grosses entreprises de distribution américaines de posséder 25% du marché national, alors que les trois plus gros groupes de distribution français détiennent 80% du marché national". Alors plutôt que de défendre l’Amérique, le petit Nicolas ferait mieux de dire quelle Amérique il défend...
Et pendant ce temps-là, alors que les têtes d’affiche soignent leur bronzage, qui se préoccuppe du problème des sans-papiers, du squat de Cachan, en opposition à Sarkozy ? Jack Lang ? Laurent Fabius ? DSK ? Ségolène Royal ? Lionel Jospin (je l’ai oublié, celui-là, mais dans le remake du chanteur malaimé qui nous fait un éternel come-back, il fait très fort aussi avec une campagne de comm’ : "Je veux bien revenir si tu m’aimes encore", il fait presque aussi bien que sa comm’ en 2002) ? Non, Josiane Balasko et Lilian Thuram. Ben oui, les politiques étant de plus en plus dans les cases people, il est normal que selon le principe des vases communicants, Josiane Balasko vienne défendre les squatteurs de Cachan pendant que les éléphants PS sont en pleine superproduction : "Les Blasés 3 : les mêmes qu’en 2002... en pire !".
Dans tout cela, je suis fatigué, j’arrive à trouver encore la force d’en rire, mais je n’ose même pas demander à Jean-Marie Le Pen s’il a passé de bonnes vacances... A mon avis, sûrement meilleures que les miennes...
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