Red Bull : fusion-acquisition du ministère de l’Economie sur celui de la Santé
Red Bull... Ce n’est pas une nouvelle race de chien dangereux, mais une boisson énergisante. Electrisante même pour le ministère de la Santé, qui s’opposait jusqu’ici à sa commercialisation, au nom du principe de précaution. Mais la ministre de l’Economie a tranché : la boisson sera commercialisée, telle quelle. Taurine, ma copine...
Le "Red Bull" est une boisson énergisante, contenant un composant controversé : la taurine. Controverse limitée, puisque 144 pays dans le monde l’ont autorisée, dont 25 des 27 pays de l’Union européenne. Mais la France est restée suspendue aux avis défavorables émis par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France (CSHPF) en 1996, 2001, 2003, 2005 et 2006, qui avait constaté quelques « effets neuro-comportementaux indésirables » de la substance. La firme autrichienne commercialisant la boisson avait dû remplacer le composant par de l’arginine pour pouvoir vendre en France.
Suspicion de toxicité rénale, effets neuro-comportementaux
L’avis de Scientific Committee on Food (SCF) de 1999, au niveau européen, avait conclu à... l’impossibilité de conclure à l’innocuité de la boisson, et avait recommandé des études approfondies. En 2003, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) et la SCF apportaient même "des éléments de suspicion de toxicité rénale et d’effets neuro-comportementaux" de la boisson. Le groupe de travail du panel Additifs de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA) soulignait également en 2005 que les éléments évoqués par la société Red Bull pour contredire ces conclusions "n’étaient pas suffisants en eux-mêmes pour lever l’ensemble des interrogations suscitées par les effets d’hyperactivité, neuromoteurs ainsi que rénaux observés". Enfin, le Comité scientifique pour l’alimentation humaine (CSAH) insiste, lui, sur le risque important lié à la consommation conjuguée d’alcool. Pas vraiment rassurant.
Quand Roselyne Bachelot aboie...
Selon le site du Quotidien du médecin, Quotimed.com (rapporté par Libération), Roselyne Bachelot en a remis une couche en août 2007 dans une lettre à destination du Premier ministre François Fillon, dans laquelle elle indique : "Dans l’attente des études de l’AFSSA, à titre de précaution et malgré l’avis formulé par ma collègue ministre de l’Economie, je maintiens mon opposition à la demande de commercialisation des boissons de la société Red Bull ainsi que des boissons analogues". C’est propre, c’est net, sans ambiguïté ni faute d’orthographe.
... Christine Lagarde passe !
Vendredi dernier, Christine Lagarde, ministre de l’Economie, a pris la décision unilatérale d’autoriser le Red Bull dans sa version taurinisée. Sans prendre la peine de consulter la ministre de la Santé. Roselyne Bachelot a réagi en faisant savoir à Matignon qu’il existe un « faisceau d’indices en faveur de l’existence d’un risque », notamment « des suspicions de décès » en Suède et en Irlande et des « cas de neurotoxicités », même si, officiellement, elle se dit « rassurée » par les avertissements qui accompagneront la commercialisation du produit (Le Figaro). Interrogé sur le sujet, le ministère de l’Economie insiste sur deux points. D’une part, aucune étude ne prouverait la toxicité de la boisson. D’autre part, la boisson étant autorisée dans 25 pays européens, elle est facilement commandable sur internet (Libération)... Et c’est ainsi que la ministre de l’Economie décida, dans son bureau de Bercy, d’autoriser la commercialisation du Red Bull. Roselyne Bachelot s’énerve et Quotimed.com fait même état d’un « clash » entre Roselyne Bachelot et Christine Lagarde. Mais la décision est prise.
Conclusions
Pour refuser l’autorisation de commercialisation d’un produit alimentaire, en France, il faut désormais disposer d’études prouvant sa toxicité, et non plus de simples suspicions, en contradiction flagrant avec le principe de précaution, inscrit dans la Constitution française. OGM, mayonnaise à l’huile de moteur, vin aux pesticides..., et pourquoi pas des Kinder Javelo ? Tant qu’on n’a pas de preuves de toxicité...
Pour autoriser la commercialisation d’un produit alimentaire, en France, le ministre de l’Economie n’a plus besoin de l’avis du ministre de la Santé. Il faut dire à sa décharge que la France était menacée de lourdes amendes, si elle ne s’exécutait pas...
Pour autoriser la commercialisation d’un produit alimentaire, en France, il suffit qu’il soit vendu dans d’autres pays et "facilement" disponible sur internet.
Avec votre bœuf aux hormones arrosé de sa mayonnaise à l’huile de moteur, vous reprendrez bien un peu de taurine saupoudrée de caféine et enrichie aux vitamines surdosées ? C’est Happy Hour pour tout le monde, profitez-en ! Et si, avec ça, les Français ne travaillent pas 4 000 heures par an, alors on passera à la cocaïne en suppositoire ?
Voir : Les mots ont un sens
Voir aussi : L’avis de l’AFSSA daté de 2006
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