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Accueil du site > Tribune Libre > Sortir de Babel : pour une science citoyenne

Sortir de Babel : pour une science citoyenne

Ainsi que j’ai tenté de le montrer dans « Pour une psychologie synthétique : le cas de l’autisme  », la science de l’autisme ressemble à la tour de Babel. Tous parlent mais ne se comprennent pas. Mais cela n’est pas propre à l’autisme. Depuis ses origines la psychologie vit une guerre des Balkans qui en a fait un véritable champ de bataille dont la confrontation entre tenants de la psychanalyse et des thérapies comportementales n’est actuellement qu’un exemple plus médiatique que les autres. La raison voudrait qu’on sorte au plus vite d’une situation préjudiciable à tous car, en ces temps troublés, nous avons plus que jamais besoin d’une science capable d’éclairer l’humain. Le projet d’une psychologie synthétique (définie plus bas) ouvre une piste qui, au travers d’une réappropriation et d’un ressourcement citoyens de la science, amènera à viser les invariants, qui rassemblent, plutôt que de perpétuer l’éternelle quête des « petites différences » qui servent surtout à flatter le narcissisme des chercheurs. La question de l’autisme servira à illustrer cette démarche dans les articles qui suivront.

 
La communauté des chercheurs n’est pas à part de celle des humains. Ce sont ces derniers qui, au final, non seulement financent mais surtout donnent son sens et sa légitimité à tout effort de recherche. D’une manière ou d’une autre, tôt ou tard, les travaux scientifiques doivent pouvoir contribuer au mieux-être et/ou à la connaissance de Monsieur Tout-le-monde qui y est d’autant mieux disposé qu’il est probablement le seul « honnête homme ». Il n’a, en effet, ni narcissisme, ni théorie concurrente à défendre, contrairement à tant de scientifiques.
 
Puisque la science part de l’homme pour revenir à l’homme, la tendance à l’hyperspécialisation abstraite et jargonnante devrait être constamment équilibrée par un effort de synthèse qui n’a pas à être délégué à la gent journalistique. La plupart, en effet, en sont incapables et, si l’on revient à la parabole des aveugles et de l’éléphant, on pourrait dire qu’ils ne font que répéter les éléments de la discussion qu’ils ont pu saisir et que, surtout, on a bien voulu leur donner à entendre. De sorte que, les journalistes scientifiques apparaissent de plus en plus souvent comme les simples tambours et autres porte-voix des grands groupes, big pharma et big techno, au bénéfice de big média contrôlé par big finance.
 
Rappelons-nous que la synthèse est la condition sine qua non et l’aboutissement logique de la pensée saine. L’analyse sans fin et la quête perpétuelle du détail (de l’information ou de la donnée) traduisent non une prudence et une modestie supposément scientifiques mais un manque motivation pour la cohérence qui n’est pas sans évoquer les tendances autistiques.
 
De fait, la science avance non par l’accumulation de faits qui compliquent le monde mais par des découvertes qui nous le simplifient et nous le rendent intelligible. C’est pour cette raison que n’importe quel élève de terminale scientifique connaît mieux l’univers que les meilleurs savants du XVIIIe ou des siècles précédents. Il connaît, par exemple, le tableau de Mendeleïev et la notion de masse atomique quand, au bout d’une vie de recherche, les alchimistes ne disposaient que d’une immense collection de recettes et d’observations parcellaires adossées à des représentations fantasmagoriques.
 
La synthèse est donc le lieu où scientifiques et citoyens sont appelés à se rencontrer car elle est le lieu ou s’ordonne l’envahissante richesse du réel et où se dégage ce qui le rend accessible, intelligible. Elle est d’une absolue nécessité car sans elle, sans cette rencontre entre chercheurs et citoyens qu’elle permet, la science reste sans conscience et ne peut mener qu’à la « ruine de l’âme » humaine, prête qu’elle est à servir tous les projets frankensteiniens de la technocratie machinique.
 
Ceci veut dire que la rencontre entre citoyens et scientifiques ne saurait se réaliser comme spectacle, avec un public simplement consommateur. Tout au contraire, il importe que le public soit acteur, ou plutôt, agent contribuant effectivement à la synthèse. Il en a les moyens car, nous avons commencé à le comprendre avec le web 2.0, l’intelligence est un processus collectif. Un peu d’histoire des idées suffit pour soupçonner qu’il n’y a pas plus d’intelligence et de rationalité chez les scientifiques que chez le commun des mortels [1].
 
Bien entendu, dans le cours normal de la science, certains individus peuvent faire des contributions exceptionnelles, mais ils se trouvent toujours plus ou moins vite débordés et dépassés, c’est-à-dire, transcendés par l’intelligence collective des communautés scientifique et humaine qui, constamment, enrichissent et déploient le sens de la contribution originale.
 
Ce qui fait que la science progresse constamment, ce n’est pas l’intelligence des individus aussi remarquable qu’elle puisse être pour certains, c’est le débat qui — sur un fond de grégarisme intellectuel amenant une constante reproduction des conceptions des uns par les autres — fait que certaines idées connaîtront un grand succès quand d’autres tomberont en désuétude ou se verront même directement falsifiées (comme, par exemple, la « génération spontanée » de la vie, conception abandonnée au terme d’une longue polémique que Pasteur a su mener à terme sans pour autant en être le seul protagoniste).
 
La science progresse donc avant tout parce qu’elle est le lieu de la co-sélection (collective) des idées, tout comme la nature évolue parce qu’elle est le lieu de la co-sélection (collective) des formes vivantes. Dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’un processus co-llectif où, a priori chacun a sa place.
Ainsi, il en va de la science comme du sport : « l’important, c’est de participer » !
 
C’est dans ce contexte d’une recherche d’unité entre science et citoyenneté au travers de l’intelligence collective que j’entends proposer une série d’articles où la question de l’autisme sera l’occasion d’exposer les bases d’une approche synthétique de la psychologie qui pourrait contribuer à la nécessaire sortie de Babel.
 
Je tenterai à cette occasion d’esquisser le principe d’un « jardin d’idées  », sorte de « laboratoire citoyen » dans lequel les idées pourraient se développer et fructifier grâce à l’intelligence collective du web 2.0. Ma conviction est que cette dernière n’a pas à être cantonnée à la compilation de savoirs encyclopédiques comme nous tendons à le croire avec le succès de Wikipedia. L’intelligence collective peut parfaitement contribuer à toutes les étapes de la recherche, jusques et y compris, la publication scientifique. Mais il n’est pas encore temps d’argumenter en ce sens. Le lecteur intéressé pourra déjà se reporter à ce diaporama ou ce wiki qui, bien qu’encore au stade embryonnaire, pourra lui donner le parfum de la chose.
 
Pour le moment, et pour finir, revenons à la psychologie synthétique dont il importe de montrer comment elle pourrait concerner tout un chacun et contribuer ainsi à une véritable unité, voire une indistinction, entre chercheurs et citoyens.
 
Le simple fait de poser le problème en ces termes nous amène à faire table rase de la foultitude des conceptions psychoco(gnitives) et psypsykaka(nalytiques) dont on pourrait dire qu’elles sont, par construction, étrangères à la pensée de Monsieur Tout‑le‑monde tant une part essentielle de leur visée est de produire de la différence dans et par le langage, donc le jargon.
 
On se sert généralement de ces conceptions pour briller en société, pour palabrer comme les aveugles de la fable, mais pas pour penser car leur technicité oblige à se tenir grosso modo dans la position de consommateur du savoir savant et non pas dans celle de concepteur.
 
Pour changer la donne et permettre à chacun de venir se risquer à l’exercice consistant à véritablement penser pour comprendre ses actes, son ressenti, son vécu dans la relation aux autres, il nous faut une conception qui offre d’emblée une maîtrise rassurante et donc encourageante du champ psychologique.
 
Autrement dit, il nous faut une conception réduite au minimum. Idéalement il faudrait n’avoir à penser qu’avec une seule notion qui soit... :
1. suffisamment simple pour être d’emblée maîtrisée par tous,
2. suffisamment connue et reconnue pour que chacun s’autorise à s’en saisir, à l’adopter, en étant sûr de sa valeur d’échange,
3. suffisamment efficace pour mettre instantanément en réussite et redonner le plaisir lumineux de comprendre et l’envie d’explorer.
 
Cette notion en or existe-t-elle ? On pourrait en douter, en pensant que si c’était le cas, elle figurerait sûrement en bonne place au tableau d’honneur de la science psychologique. Mauvaise pioche ! Comme vous pouvez l’imaginer une notion immédiatement accessible au commun des mortels ne saurait rester en vogue dans la sphère scientifique. Si tant est qu’elle puisse accéder au tableau d’honneur, elle en serait vite décrochée pour être ensuite reléguée dès que possible aux oubliettes.
 
C’est donc dans la marge, dans les rebuts de la science qu’il convient de chercher notre perle rare tant il se vérifie régulièrement que « la pierre rejetée par les bâtisseurs est devenue la pierre angulaire » !
 
De même que pour comprendre la vie, il faut revenir à ses formes ancestrales, revenons donc aux origines de la psychologie, à cet âge d’or de la science que fut le XIXe siècle, avant que les mots ne soient usés par les modes intellectuelles, avant que les chercheurs en sciences humaines n’aient renoncé à penser grand.
 
Nous découvrirons alors à coup sûr notre concept en or car il est immanquable. En effet, non seulement il était alors sur toutes les bouches et dans toutes les thèses, mais il était surtout unique au sens où c’est toute la psychologie qui se bâtissait sur lui et seulement sur lui. Ce concept, que dis-je cette notion toute simple, nous en avons tellement l’habitude que, tels les poissons dans l’eau, nous ne la voyons plus, nous n’y pensons plus, nous l’employons machinalement, dans une sorte d’automatisme mental sans remarquer qu’elle nous est en fait d’un usage constant et que, pour le meilleur ou pour le pire, toute notre vie tourne autour d’elle au point que, nous le verrons, il sera possible d’affirmer que nous ne sommes que cela, au sens où il n’est rien qui ne s’y enracine, d’une manière ou d’une autre.
 
Cette notion, que j’expliciterai dans le prochain article et à partir de laquelle, il nous sera possible d’appréhender l’intégralité du tableau autistique puis, à terme, l’intégralité de la psychologie, le lecteur la connaît bien, très bien même, mais peut-être va-t-il la redécouvrir quand il comprendra que je parle de...
 
... l’habitude !
 


[1] Voir « Je pense donc je me trompe  » de Jean-Pierre Lentin, avec quelques morceaux choisis ici.

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29 réactions à cet article    


  • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 22 février 2012 14:35

    Merci à l’’équipe de rédaction d’avoir corrigé la coquille dans le titre ! smiley


    • jef88 jef88 22 février 2012 19:42

      Je résume !
      Ceux qui « soignent » l’autisme deviennent autistes quand on touche à leur art....


      • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 22 février 2012 20:07

        C’est à peine exagéré pour certains.
        Il suffit de penser à la tour d’ivoire.
        Il est tellement facile de s’y enfermer et de regarder ensuite de haut ceux qui viennent frapper à la porte...
        Beaucoup se laissent tenter par cette facilité, heureusement pas tous...


      • easy easy 22 février 2012 21:11

        Ya pas grand monde ici. Faut dire que le sujet désempare.



        Considérant que votre invitation à une science citoyenne n’est pas un enfumage, j’y vais de mon apport.

        Les autistes, je ne pense pas en avoir approché. Mais pendant quelques années, je me suis intéressé à ceux qui se considéraient eux-mêmes schizophrènes puisqu’ils convergeaient vers des sites consacrés. Et j’en ai fréquenté.

        A poser qu’on les ait ou qu’ils se soient correctement diagnostiqués, j’aurais vu des gens fort différents sous cette appellation.
        Même la susceptibilité ne leur serait pas commune. A moins que certains la ravalent mieux que d’autres car ils sont tous sensibles. Ils seraient hétéronomes, subiraient la pression normaliste des normaupathes et imposeraient en retour qu’on ne s’adresse à eux que selon un biais étroit, sélectif et donc élitiste à leur yeux.

        Dans mon, enfance, j’avais communiqué selon un biais étroit avec des ethnies montagnardes et je m’en contentais.

        En plus de ses vertus sélectives offrant quelque élitisme baume, ce biais étroit donne l’impression au schizophrène de contrôler ce qu’il est en mesure de gérer sans trop de stress.


        Peut-être depuis Ferry, nous avons une vive tendance à vouloir amplifier la communication avec autrui et disons à l’instruire.
        Cela se voit beaucoup dans nos attitudes et nous finissons par croire que tous les gens monde ont cette frénésie à enseigner, à informer et aussi à ingurgiter des connaissances.
        C’est en réalité loin d’être le cas et bien des ethnies isolées de nous sont choquées tant par notre l’enseignite chronique que par notre maïeutisme voyeuriste, exhibitionniste, impudique. 

        En accompagnement de cette tendance hyper communiquante, c’est fou ce que nous avons développé nos mimiques depuis Louis de Funès. Hillary Clinton fait dix fois plus de grimaces que toutes les Indiennes réunies

        Dans ces conditions hyper expressionnistes, sûr que les schizoïdes ressortent comme mise en échec ou particulièrement boudeurs de nos rires aux oreilles.

        Il suffit de renoncer à notre tendance amalthéenne et prométhéenne, de se contenter du biais étroit qu’offrent certains effarouchés, pour établir avec eux une relation équilibrée.

        Il faut parler en papillon à l’un, en tarot à un second, en nuage à un troisième, en violon à un quatrième. Ca pose la problématique babélienne mais il ne faut pas chercher à la résoudre d’autant que celui qui parle le papillon, n’apprécie pas que son interlocuteur pratique également l’iceberg avec un second et le colibri avec un troisième. Au fond, on ne peut les aborder vraiment qu’en se dépouillant d’abord de toute autorité morale et intellectuelle.

        Une fois ce modus operandi trouvé sur le biais offert, il m’est régulièrement apparu qu’ils désiraient tous une exclusivité relationnelle. Et comme ils ont forcément été déçus de cette exclusivité tout au long de leur vie, ils la veulent tout en la sondant ou en la testant constamment et sorte d’hyper jalousie. Un praticien professionnel étant tenu à la distance, il ne peut connaître ce type de relation. (Les schizophrènes sont abordés par leur famille, par des médecins mais très rarement par des tiers curieux dans mon genre).


        Celui qui les approche de trop près doit tellement se dépouiller qu’il peut avoir l’impression de se faire avaler par un trou noir mais c’est cela que les schizophrènes ressentent depuis toujours face à nous.


        • bakerstreet bakerstreet 23 février 2012 10:37

          easy

          Dans mon, enfance, j’avais communiqué selon un biais étroit avec des ethnies montagnardes et je m’en contentais.

          On dirait du superville, ou du vialatte, peut-être du bosco.
          Très beau, à l’image de votre réponse


        • easy easy 23 février 2012 13:09

          Bonjour Bakerstreet,

          Vous avez compris le fond et c’est l’essentiel.

          Mais comme de ce côté-ci du mur nous sommes particulièrement curieux, je vais en raconter plus sur la forme.

          Au Vietnam, comme en Chine et ailleurs, il y a 54 ethnies. Et comme souvent, elles se répartissent en altitude. La plaine pour les Viets (90% de la population totale), la basse montagne pour 30 ethnies et la montagne plus haute pour le reste. (Les altitudes de plaine étant partout très favorables à l’émergence de cités et aux batailles rangées)

          Ma famille est Viet.

          Mais ma grand-mère, polycommerçante, avait eu une très singulière envie de prendre part au commerce international monopolisé par les colons français en créant une plantation de thé à partir de jungle à défricher dans les plateaux de Dalat. 

          Les planteurs Français, portés par un esprit moderniste, mécaniste, machiniste à la Jules Verne-Citroën, visaient le plus souvent la plantation d’hévéas qu’il vaut mieux planter en plaine et de manière romaine, bien alignée. Comme les ethnies montagnardes répugnaient tant à descendre dans les plaines qu’à saigner les arbres et même à fréquenter les Viets parce que ces derniers polluaient l’eau en chiant n’importe où, les planteurs français n’employaient que des Viets (Cf le film Indochine).

          Inaugurant une plantation de thé en zone haute, sur un terrain tout en collines, ma grand-mère pouvait négocier la cueillette des feuilles aux montagnards qui étaient enchantés de faire un travail leur convenant complètement. Il leur fallait uniquement changer la taille de leur hotte habituelle, s’en fabriquer des plus larges pour y jeter les feuilles par-dessus l’épaule. Et ça intéressait surtout les montagnardes qui n’avaient pas à manier d’outil, ni à se courber et qui pouvaient donc cueillir tout en portant aussi leur bébé dans un tissu contre leur poitrine. Ces femmes étaient robustes, une hotte de feuille pèse bien moins qu’une hotte de raisins et ces conditions de travail les enchantaient. Elles étaient entre elles, pouvaient porter leurs bijoux tintinnabulants, papoter, chanter, sans avoir le moindre contremaître sur le dos et surtout sans subir la pression méprisante de Viets à leurs côtés. (Car l’équivalent de notre insulte « Bouseux » était là-bas « Montagnard »)
          Après environ 4 h de cueillette, mon oncle battait une jante pour leur indiquer au loin qu’il était l’heure de rentrer pour le pesage. Elles rentraient vers la théérie, chacune faisait peser sa hotte, en était immédiatement payée et mon oncle les reconduisait avec son Unimog vers leur haut village.

          Cette situation impliquait donc un respect total des différences et timidités des ethnies montagnardes de la part de ma famille Viet. C’était le point capital pour que l’exploitation puisse fonctionner.

          Mes oncles Viets se sentaient donc progressivement bizarres, singuliers, marginaux, par rapport aux autres Viets puisqu’ils n’utilisaient pas le mot « Montagnard » comme injure et qu’ils fréquentaient des farouches, des sauvages (qui n’ont jamais eu d’autre armes que l’arbalète de chasse tirant des flèches de bambou très légères ne méritant pas le terme de carreau)

          Au fil des années, mes oncles s’étaient mis à aimer de plus en plus ces sauvages (l’ethnie Hmong, très connue, est très habillés alors que l’ethnie de notre plantation était la plus nue d’entre toutes). Ils ressentaient ce qu’avaient ressenti les révoltés de la Bounty en découvrant les Tahitiens.

          Et c’était de plus en plus souvent que mes oncles allaient passer un moment dans les villages de huttes sur pilotis de leurs employés. C’est alors que je les accompagnais et que j’observais leur mutation supplémentaire. Une fois sur place, ils avaient tout des montagnards, plus rien des Viets.
          Et pour moi, enfant, cette mutation était encore plus facile à accomplir. J’appréciais non seulement la vie des montagnards mais aussi la mutation, le dépouillement, l’abandon de toute arrogance de mes oncles.
          Loin d’y apporter nos manières, nous fusionnions avec ces sauvages pour jouer à leurs jeux de société, pour parler leur langue, faire leurs gestes.
          Même le Zippo n’était pas de mise au moment de fumer.

          Et lorsque nous rentrions à la plantation, face aux nôtres qui ne s’étaient pas permis ces escapades transculturelles, mes oncles et moi ressentions à la fois une culpabilité et un contentement complice. Il y eut souvent des disputes à mon sujet, mes tantes exposant qu’il n’était pas bon de m’entraîner à ces sauvageries, mes oncles s’efforçant d’exposer que je n’en étais pas affecté. A moi de faire alors peuve de vietnamité entière pour rassurer ces dames.



          Du coup, quand je suis face à des gens qu’ici on appelle malades mentaux, j’ai le réflexe de m’adapter à leur grammaire. Je suis certain que je me méprends pour une part. Il existe très probablement un dysfonctionnement mental chez eux puisqu’ils ne pratiquent jamais la même langue et ne s’entendent pas bien entre eux. Ils ne sont donc pas des montagnards pratiquant entre eux la même grammaire. Mais comme pour une autre part, comme je parviens tout de même à établir avec eux une relation équilibrée dans un cadre de binôme et parfois même de groupe (6 schizophrènes + moi), je m’en contente.




          Dans Vol au-dessus d’un nid de coucou, il y a une scène sur un bateau. Ils s’entendent car ils sont soulagés de leur problématique commune : Ils n’ont pas à subir le sociétisme. Ils n’ont pas à jouer le jeu de la société, à servir dans quelque tuyauterie sociale, à pratiquer la grammaire sociale utilitariste, efficace, rentable, productive.

          De cette situation qui leur est particulièrement favorable, du soulagement de chacun et donc du Nous qui se regarde, il surgit une intelligence et chacun ressent la joie de participer enfin à cette classe ou colonie d’intelligences. 

          Trop préoccupé par la sécurité de tous, trop grave, je ne suis pas capable de produire du Jack Nicholson. J’ai organisé des parenthèses moins dangereuses avec mes amis schizophrènes et c’était un ravissement (Etant entendu que je gérais, l’air de rien, toute la logistique).

          Je vois un continuum de cas entre Le Cercle des poètes disparus ; Danse avec les loups ; Mission ; Easy rider ; Birdy ; Billy Eliot et Vol au-dessus d’un nid de coucou.


        • bakerstreet bakerstreet 23 février 2012 14:37

          Il est vrai que nous sommes des êtres adaptatifs, et que l’image que nous renvoie l’autre de nous même est fondamentale dans notre histoire et nos évolutions.
           Rien de tel que de dire à quelqu’un qui n’est bon à rien pour qu’il le devienne.
           Je ne vous apprendrais pas cette expérience américaine faite sur un pannel d’enfants pris au hasard, et le message positif donné par des psychologues aux enseignants : « Nous suivons ces enfants surdoués ! »
          C’était faux bien sur, mais tous ces enfants ont vu leurs résultats s’améliorer, et se hisser à la hauteur de la hauteur de la vision et du désir.


        • easy easy 23 février 2012 17:08

          Je connais d’autant les expériences d’Asch (1950) et de Milgram (1960) que ce dernier avait écrit sur le phénomène de soumission à l’autorité certes lors de la Shoah mais aussi lors de la guerre de Corée et aussi lors du massacre de My Lai au Vietnam (1968)

          Sur ce sujet je préfère les expériences démontrant notre stratégie face au groupe à celles qui démontrent notre stratégie face à un chef. Je substitue à l’habituel mot « soumission » que je trouve trop déresponsabilisant et victimiste, celui de « stratégie ». Je crois que sauf à avoir un pistolet sur la tempe ou des chaînes aux chevilles, on agit non par soumission mais par stratégie.




          «  » Il est vrai que nous sommes des êtres adaptatifs, et que l’image que nous renvoie l’autre de nous même est fondamentale dans notre histoire et nos évolutions.«  »«  »


          Votre assertion serait parfaitement entendue par les sauvages.
          Jusqu’à son dernier mot.
          Vous avez utilisé ici le mot évolution dans le seul sens de changement, de différent, sans sous-entendre un jugement de valeur. Il n’y a pas de « demain mieux qu’hier » dans vos propos. Même dans ce sens a-valoriste, il serait assez peu compréhensible à bien des non gréco-romanisés.


          Depuis Aristote, ce mot est le plus souvent porteur d’un jugement de valeur en « Demain mieux qu’hier » et mieux à tous égards depuis le confort jusqu’à la moralité en passant par la justice ou le droit.

          Ce sens progressiste du mot évolution, c’est certain, les sauvages que j’ai connus ne le comprenaient pas.

          Rien que le salaire temps passé ou au poids de feuilles récoltées était à l’époque un concept qui était à la limite de les autister. Si ce n’était par cette cueillette dans notre plantation, ils ne pratiquaient que très peu de commerces avec les Viets et préféraient en tous cas le troc forfaitaire.

          Comme les Aborigènes d’Australie, ils étaient perturbés par la question « Combien as-tu d’enfants ? ». Ils répondaient « Bin, il y a Joseph, Hélène et Léon » « Certes mais alors ça fait combien ? » « Bin euh, Joseph, Hélène et Léon »

          Ils pratiquaient des jeux de société sans principe d’accumulation et on n’en sortait jamais clairement vainqueur. On avait joué, villageoisement joué, c’est l’essentiel. Même entre Viets, entre équipes des différentes plantations, quand on jouait au volley-ball, on ne comptait pas. On se félicitait d’avoir joué aimablement ensemble, c’est tout. Et plus tard, j’ai été choqué quand j’ai vu qu’en France on comptait des points. Ca m’a paru très inamical. 

          (Les colonisateurs avaient très souvent enseigné la marelle aux enfants indigènes afin de les initier à différentes notions : les chiffres arabes, les principes comptables et d’accumulation, le carré, l’empilement, la croix, le transept, l’église, la symétrie, la dualité, le progrès, la conquête, la frontière, le territoire, la propriété foncière, l’ascension sociale, la victoire, le paradis, le mérite, l’élitisme, le cataphatique...)

          L’évolution au sens de « Demain mieux qu’hier » n’a été probante que sur le plan du confort (armement inclus). C’est alors le confort qui valide à lui seul tous les champs du mieux. Le mieux du confort certifie le mieux de la Justice, le mieux de la politique, le mieux de la morale, le mieux de l’éthique.

          C’est en saucissonnant le mieux global et en ne considérant principalement que le mieux confort que nous parvenons à nous convaincre de notre progrès global.
          On fait semblant. Car dès qu’il apparaît que le confort matériel régresse, on ressent le naufrage spirituel.
          Quand on retire son smartphone à quelqu’un, il panique tant ce seul appareil résume le progrès global.


          Il ne sert à rien de continuer à courir après la solution de progrès. Il vaut mieux en abandonner l’illusion et se contenter de l’étant. Le « da-sein » suffit et n’a pas besoin d’être de progrès.

          Dire que le progrès n’a jamais été indispensable ne veut pas dire qu’on le pourchasserait désormais. Ca veut seulement dire qu’on ne sera pas dépité de ne pas progresser et qu’on ne verra aucun inconvénient, aucune honte à revenir éventuellement à des formules de vie ayant convenu aux anciens.
          Mais renoncer au concept de progrès implique de renoncer aussi à l’arrogance et au sentiment de supériorité culturelle.


        • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 23 février 2012 17:52

          @ easy (suite)

          Désolé pour le délai de réponse, j’ai été pris par une urgence. Voici la seconde partie de ma réponse à votre message.

          Je regrette pas le délai car entretemps vous avez rajouté une illustration absolument saisissante qui me réjouit beaucoup. C’est un beau cadeau que vous nous faites avec ce témoignage. Me voilà bien récompensé de ma tentative. Je trouve ça encourageant.

          J’allais vous dire que votre message, je le suivais bien mais que peut-être certains auraient des difficultés même si tous sauront probablement apprécier la poésie de votre style.

          Avec votre témoignage, tout est limpide.

          Enfin, tel que je le vois.

          Alors, comment vous dire ce que je vois, ce que j’ai entendu ?
          Voyons si j’arrive à vous rejoindre...

          Je ne cesserai d’y revenir dans le cadre de la psychologie synthétique que je souhaite construire, la question n°1 de l’humain, avant même « être ou ne pas être », c’est « en être ou ne pas en être ».
          C’est la question de l’appartenance, de l’in group / out group. C’est la question de savoir qui est comme moi et qui ne l’est pas.

          Pour aller très vite, le mal, la violence, se fonde généralement sur le fait que l’autre est « différent » et dès lors, il n’a pas droit aux mêmes égards que moi, il n’a donc pas droit à mon empathie.

          Ce qui fait cette assimilation entre les humains, le fait qu’ils se reconnaissent comme semblables, c’est d’abord la langue. Les Barbares c’est pas des humains, ils parlent pas notre langue, ils font des « ba, ba, ba » incompréhensibles.

          Nous, on se parle, on se comprend, on est donc des semblables, on peut se faire confiance.

          Voilà comment marche le monde depuis la nuit des temps et avec quoi il faut s’accommoder au quotidien.

          Nous y sommes habitués mais il est clair que cela fait une somme de violence incroyable. Vous l’avez très bien décrite à l’égard des « montagnards ».

          Pour les catalans, les culs terreux, c’est les « gabatch », les audois, du département d’à côté.

          Et oui, les frères ennemis, tout le monde connait ça.

          Pour revenir aux schizophrènes, ce que vous décrivez, d’abord de sélectivité puis de jalousie, donc de pulsion d’emprise, c’est le b-a ba de la psychologie synthétique, puisque les schizophrènes ont les mêmes besoins que nous tous : ils veulent du contrôle.

          Et la communication est un moyen de contrôle. Quand elle est satisfaisante, on en veut, encore, et encore et bien sûr, on s’inquiète de tout ce qui pourrait nous la faire perdre.

          Bref, rien que de très naturel qui peut se comprendre, on le verra, sous le registre de l’habitude.

          Bon, je vais m’en tenir là pour le moment, car précisément, j’ai encore à finir cet article sur l’habitude.

          Mais quoi qu’il en soit, je vous remercie pour cette belle contribution. Elle devrait en inciter plus d’un à intervenir à un moment ou un autre et elle aidera certainement à ouvrir plus largement le débat


        • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 23 février 2012 17:56

          Précision pour le lecteur : mon message ci-dessous est en fait la première partie de ma réponse au commentaire d’easy ci-dessus.


        • bakerstreet bakerstreet 23 février 2012 19:12

          Vos interventions, easy, sont vraiment intéressantes.
          Mes considérations littéraires sur votre phrase étaient à cent lieux de votre histoire, néanmoins, par je ne sais quelle grâce, j’en avais senti la magie.

          Vous avez tiré de votre expérience asiatique le sens de la relativité des valeurs.
          Beaucoup trop de gens n’ont pas eu cette chance, et quand il l’ont rencontré, ils n’ont pas su ou pu l’exploiter.
          La rencontre de l’autre les blinde parfois dans leurs certitudes et leurs défenses.

          Bien sûr, le concept d’évolution est à pendre avec beaucoup de précautions. Au niveau philosophique, sociologique, comme dans bien d’autres domaines, il est nul, si l’on sous entend qu’il puisse signifier « progrès » d’une culture par rapport à un une autre.

          Toute notre histoire occidentale, basée malheureusement sur la violence et la conquète, ne s’est faite qu’en s’articulant sur cette conception : On avait des droits sur l’autre étant donné que son état naturel le rangeait au niveau d’un être primitif, voir d’un animal. On comprend que les études de Darwin, et les écrits de Levi-Strauss les ai fait ricaner, tant ces pensées était à cent lieux de leur édification.

          « Tristes tropiques » raisonne encore de sa modernité, à l’heure où un Claude Géant instrumentalise le vieux fond de commerce du racisme et de la bêtise.


        • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 23 février 2012 10:22

          Merci easy pour cette contribution.

          Oui, sans doute le sujet désempare car nous sommes endoctrinés à l’idée que la pensée a ses spécialistes et que ce n’est pas l’affaire du commun des mortels.

          C’est une fadaise née de ce que les psychologues appellent « l’erreur fondamentale » (d’attribution) qui consiste à attribuer à l’individu l’ensemble de ses faits, gestes et pensées sans voir ou reconnaître tout ce qui dans la situation l’a déterminé à agir ainsi.

          Sous le rapport de l’intelligence, l’erreur fondamentale consiste donc à croire qu’elle est le produit de l’individu alors qu’elle est le produit de la situation, donc le produit du « collectif » puisqu’une caractéristique première de la situation est que l’humain naît et vit « en collectif », hormis, peut-être les autistes

          Bref, il est inconstestable qu’il y a des individus (plus) intelligents mais ce qu’ils créent reste le produit de la société et de l’esprit du temps.

          Conclusion : l’intelligence est d’abord collective et par conséquent, tout le monde peut y prendre part à sa mesure. L’important c’est de participer.

          Donc encore une fois, merci pour votre apport sous forme de témoignage.

          Je vais y réagir, mais le commentaire suivant pour ne pas effrayer le lecteur par des posts trop long


          • easy easy 23 février 2012 18:11

            Avec vous, inutile de faire dans le pas-à-pas.

            Je diagonalise alors en exposant qu’il existe dans notre société un empêchement à l’avènement d’une conception des choses telle que vous la proposez.

            Cet empêchement nous saute à la figure à la barre des tribunaux.

            Le système est tel qu’il ne faut décapiter qu’une seule personne pour chaque méfait constaté. Plus il parvient à ne brûler qu’un seul bouc, plus le système se régale de sa capacité à tout mettre sur le dos d’un seul coupable.
            C’est ce principe et lui seul qui permet d’isoler le juge du coupable. Le champagne pour le juge, la corde pour le coupable.




            Le sentiment d’ipséité nous est probablement inné et nous aurions toujours vécu seul sur une île déserte, nous l’éprouverions probablement. Ainsi isolés, probablement refuserions-nous parfois cette ipséité. Peut-être que certains jours, nous nous verrions comme ayant changé, comme étant devenu un autre, comme étant un autre ou comme étant nouveau-né à 30 ans

            Or la Société nous oblige à une ipséité absolue. Et cela uniquement, parce qu’elle veut que nous répondions de nos actes passés sur notre tête actuelle, avec notre corps actuel.

            Il est possible que les autistes et schizoïdes aient des difficultés innées à ressentir cette ipséité aussi nettement que les autres. Si c’est bien le cas alors l’imposition à l’ipséité absolue par le corps social doit les choquer et les autister. « Ce n’était pas vraiment moi »

            Mille fois mille fois, on nous aura martelé qu’il faut accéder au Je, donc à l’ipséité parfaite. Même le « To be ou not to be » est ) entendre Je par Je

            Cela, quelques fois pour recevoir une médaille en chocolat, mais le plus souvent pour être fusillé au titre du « Toi responsable unique tel que défini par ton corps qui commence à tes cheveux et qui finit à tes orteils »

            Je serais enchanté qu’enfin on admette la pensée collective ou le fait que la pensée individuelle est très fortement reliée à la pensée collective. Je serais enchanté qu’à la barre comparaisse toujours une pyramide des responsabilités, que César, Mao, Johnny et Napoléon soit toujours convoqués et co inculpés aux côté des Dupont qui conduisent sans permis ou qui égorgent derrière quelque palissade. 

            Mais qui restera alors intact de toute responsabilité pour pouvoir juger tranquillement cette pyramide de gens et les envoyer en prison ?


          • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 23 février 2012 19:45

            "Je diagonalise alors en exposant qu’il existe dans notre société un empêchement à l’avènement d’une conception des choses telle que vous la proposez."

            J’avoue être intrigué. Je ne vois pas en quoi ce qui suit constituerait une entrave, puisque c’est une réalité dont précisément l’approche que je propose permet de rendre compte.

            En effet l’habitude nous mènera à l’imitation ET à l’attribution de causalité DONC à la construction collective de la réalité ET DONC à la construction sociale, mimétique, du soi d’où procède la mêmeté à soi (ipséité) que vous évoquez puisque le soi se contruit finalement dans le miroir social que constitue le regard des autres. D’ailleurs j’ai vu que vous évoquiez quelque chose comme ça avec Bakerstreet, à moins que ce ne soit l’inverse.

            Le miroir social engendre l’invariance de soi puisque nous venons nous y alimenter pour nous penser et nous voir nous même. Le miroir social est mémoire de nous et parfois (souvent ?) mémoire cruelle car nos erreurs ou nos fautes peuvent nous être renvoyées indéfiniment et sont alors pour nous des stigmates.

            Nous reviendrons je l’espère sur tout cela, mais tout d’abord, expliquez moi, où voyez que cela puisse constituer un obstacle pour mon projet de psychologie synthéique ? A moins que vous pensiez à autre chose que je n’ai pas aperçu ?


          • easy easy 24 février 2012 12:26

            J’ai trop diagonalisé
            Reprenons 


            Je pose d’abord ce que je comprends de votre démarche sur le sujet que vous nous exposez avec ce papier et le précédent afin que vous puissiez me corriger de quelque méprise éventuelle.

            Traduit dans le trop libre excès de mes termes toujours à reprendre, voici ce que vous considéreriez :

            Confrontés aux problèmes que posent les anomalies mentales, surtout l’autisme, les docteurs égotiques n’acceptent pas d’avouer leur impuissance et remplissent leur vacuité par une abondante production de fumigènes (le jargon).

            Le jargon de chacun étant inaccessible même aux plus pugnaces puisque c’est fait pour ça, chaque docteur développe le sien à proportion de son échec. Quiconque voudrait comprendre ces jargoneurs pour en extraire une synthèse devra faire d’abord bonne réserve d’aspirine.

            Comme les fumées sont insaisissables et qu’elles se mélangent tant en amont de leur création qu’en aval, chaque enfumeur pantoufle en toute inexpugnabilité bien comprise de ses comparses. Et ce ne sont pas les rares Michel Onfray ou Sophie Robert qui vont les empêcher de dormir.

            Résultat de cette situation qui dure depuis un siècle, la carte des théories de l’autisme a une allure cacophonique (balkanisation). Prises une à une ou ensemble, ces théories doctorales semblent produire quelque chose mais ce n’est que de l’autisme. Il y a bien du bruit, ça bouge, ça semble bien vivant, mais on n’y comprend rien et ça sent surtout le cramé.


            Vous n’en êtes pas satisfait. Vous sentant de force, vous réagissez avec optimisme et constructivement.

            Considérant que la manière de Michel Onfray est contre productive parce qu’elle apparaît trop exclusivement délogeuse de pantouflards, vous braquez plutôt le projecteur sur Nous Tous pour proposer un modus vivendi autour de l’idée selon laquelle la compréhension de l’autisme peut surgir aussi bien de l’intelligence de Marcel Bidochon, de ma concierge et des Agoranautes que de celle de Pierre Delion, Genevieve Loison, Daniel Widlocher, Bernard Golse, Estela Solano, Yann Bogopolsky, Bruno Bettelheim.

            Donnant à entendre alors qu’il sera en tous cas plus facile de synthétiser les productions intelligentes de la rue que les productions de fumée des Babéliens.

            D’autant que celles de la rue prennent automatiquement forme concrète (14 juillet 1789, Web, Wiki, pop music, bronzage, piercing, peer to peer, manifs, boycott, restos du coeur, culture bio, SPA, Taï Chi, ...)

            D’autant que les parents des enfants autistes font partie de cette rue. Et que si les docteurs ont de bonnes raisons stratégiques de rejeter la faute de leur impuissance sur les parents, la rue qui ne se sent tenue à rien ne se voit aucune raison stratégique d’accabler des parents déjà à la peine.



            Ce serait pour démontrer pourquoi il faut passer de la recherche doctoriste à la recherche collectiviste que vous auriez écrit ces deux paragraphes articulés autour d’une nécessaire synthèse pratique et compréhensible à tous.

             ***********

            La synthèse est donc le lieu où scientifiques et citoyens sont appelés à se rencontrer car elle est le lieu ou s’ordonne l’envahissante richesse du réel et où se dégage ce qui le rend accessible, intelligible. Elle est d’une absolue nécessité car sans elle, sans cette rencontre entre chercheurs et citoyens qu’elle permet, la science reste sans conscience et ne peut mener qu’à la « ruine de l’âme » humaine, prête qu’elle est à servir tous les projets frankensteiniens de la technocratie machinique.
             
            Ceci veut dire que la rencontre entre citoyens et scientifiques ne saurait se réaliser comme spectacle, avec un public simplement consommateur. Tout au contraire, il importe que le public soit acteur, ou plutôt, agent contribuant effectivement à la synthèse. Il en a les moyens car, nous avons commencé à le comprendre avec le web 2.0, l’intelligence est un processus collectif. Un peu d’histoire des idées suffit pour soupçonner qu’il n’y a pas plus d’intelligence et de rationalité chez les scientifiques que chez le commun des mortels

            ***********

            Voilà le topo que je propose de vos motivations et de votre entreprise


            Mon propos est alors de vous dire que si dans le domaine de la seule recherche sur les anomalies mentales ou sur le seul autisme, le concept d’intelligence collective ne heurte que le doctorisme et l’autoritarisme, donc le seul narcissisme et la situation des professionnels qui sont payés pour produire de l’intelligence, ce même concept, dans ses divers développements, finira par heurter le principe judiciaire qui veut une seule tête à couper, un seul responsable, une seule intelligence, même pour un fait impliquant plusieurs personnes. 

            Alors que vous êtes tout concentré sur l’installation de votre concept d’intelligence collective en n’y voyant que son effet positif sur la meilleure compréhension des maladies mentales, je déboule en alertant que des développements de ce concept heurteront forcément le principe de notre Justice et vous en êtes surpris car vous ne voyez pas le rapport.

            Je vous propose de partir de la problématique judiciaire pour voir comment elle pourrait être perturbée par votre concept s’il était adopté.

            La Justice s’exerce au nom d’une intelligence collective tant en termes de dommages commis par un fâcheux, qu’en termes de torture à lui infliger en retour. Elle s’exerce en ces termes mais par le biais de docteurs de justice dont la parole est d’une autorité inexpugnable.
            La Justice ne peut pas, au nom d’une intelligence collective, juger et condamner cette intelligence collective. 
            Elle ne peut juger et condamner que des individus considérés comme séparés ou isolés de l’intelligence collective : « Nous te jugeons, Nous te condamnons, toi le out group »
            La Justice doit toujours isoler le justiciable de la masse qu’elle prétend incarner et servir.


            On pourrait m’objecter qu’il y a un monde entre l’intelligence collective et la responsabilité collective, ou que les méfaits d’un individu tiennent précisément de ce qu’ils ne relèvent pas de l’intelligence collective, mais je demanderais alors quelle collectivité on considère.

            Avant que l’une des deux soit exterminée, n’y avait-il pas au minimum deux collectivités la veille de la saint Barthélemy ? 
            En Indochine, en Algérie de 1960, combien y avait-il de collectivités sinon au moins dix ? 

            Dans toute affaire de Justice, les avocats tendent à exposer le fait de l’intelligence collective ou son impact sur l’accusé « Il vient d’un milieu qui... »

            Diderot, Voltaire auront procédé de la sorte pour rompre l’isolement du Chevalier de la Barre dans lequel l’accusation le plaçait.
            Parce que l’accusation a isolé l’accusé, la défense a tenté de le rattacher à la collectivité ou à une collectivité. « Ce qu’a fait le Chevalier, d’autres collectivités n’y voient pas matière à reproches, alors pourquoi votre collectivité s’acharne t-il autant à l’isoler de tous ? Pourquoi votre collectivité expédie-t-elle le Chevalier vers la seule collectivité absolue qu’est celle des morts ? »
            Réponse des juges « Vous inventez une collectivité à laquelle appartiendrait le Chevalier or elle n’existe pas. Il n’existe qu’une seule collectivité, celle que nous représentons et le Chevalier s’en est exclu de lui-même »

            C’est pour cela que quand on veut élever une protestation, il vaut mieux le faire au nom d’un collectif, d’une intelligence collective qui s’est officiellement annoncée et réalisée, une association, un syndicat, un parti politique.
            Autant d’associations, autant de regroupements d’intelligences collectives.

            Malgré ces précautions, la Justice trouvant toujours un biais pour isoler le prévenu, bien des leaders de collectifs se retrouvent seuls à la barre puis derrière les barreaux.

            Parce que j’estime que votre concept démontrera trop bien que les individus sont psychologiquement rattachés à Nous Tous (dans tous les sens : actifs et passifs ; ontologiquement et phylogéniquement ; pour le meilleur et pour le pire ; au passé, au présent et au futur) et que les responsabilités de chacun sont tout autant rattachées à la collectivité, les avocats l’embrasseront et la Justice en sera embarrassée.




            Par ailleurs et plus accessoirement.

            Lorsqu’on considère Wiki, on peut y voir une production utile, consensuelle, une réussite sans équivoque née de la rue. De là, on pourrait en déduire que des solutions apportées par l’intelligence collective sur le sujet de l’autisme seraient tout aussi utiles et consensuelles.

            En fait la rue produit bien des choses faisant débat voire polémique. Les tags, le rap, le mariage gay, le naturisme, le gothisme, le hooliganisme, l’épilation intégrale, le divorce, le suicide, le libertinage, l’échangisme, le marché noir,...
            Et la Justice y met son nez. En isolant toujours ceux qu’elle interpelle. En individualisant leur cas.


            La séparation entre les deux sortes de productions se voit par la doctorisation. Lorsque quelque chose surgit de l’intelligence collective, tant qu’aucune doctorisation n’a pu s’y installer, cette chose sera dénigrée par la Justice. Une fois doctorisée, elle servira la Justice.

            Justice et doctorisés marchent donc de concert. Les docteurs ou experts sont toujours des auxiliaires de Justice et jamais un psychiatre expert ne dira d’un justiciable qu’il a agit en étant porté par quelque intelligence collective, pas même de petit collectif.

            Alors que la psychiatrie admet parfaitement l’ontologie familiale et sociale de notre psychologie, donc une étiologie aussi familiale et sociale de nos déviances, elle nous abandonne à l’isolement en responsabilités pour aider la Justice à nous juger isolément. Ou alors elle nous déresponsabilise complètement pour nous envoyer à l’asile. Elle ne fait rien pour convoquer la famille et la société à la barre.



            Je crois en l’intelligence collective. Ramenant cette intelligence collective à la surface d’un lac, je crois que chacun de nous est une goutte de pluie tombant dessus, chacun de nous participant au chaos global et le subissant aussi. Juger du plic de l’un de nous en l’isolant du point de vue de ses responsabilités et en collectivisant au contraire les doléances « Toi responsable, Nous victimes », n’est évidemment pas juste. Mais comme ça ne conduit au sacrifice que d’un seul, ceux qui en réchappent y voient une reconnaissance de leur ploc. Chaque jour le sacrifice d’un bouc confirme le sursis de tous les autres qui se sentent alors davantage vivre.


            Les individus, surtout dans les cités, ressentiraient assez fortement un doute sur leur état de vivant s’il n’y avait pas le principe du bouc émissaire. L’unique plaisir que pourrait tirer une personne parvenue en ce Paradis où il ne se passe plus rien, où l’on n’éprouve ni faim ni soif ni désir ni frustration, tiendrait dans son regard sur le fait qu’elle aura échappé à la torture de l’enfer. 

            Pareil sur Terre, il me semble que chacun tire un plus grand plaisir de vivre en réalisant chaque jour qu’il échappe à quelque lapidation « Ouf, aujourd’hui la lame est encore tombée sur un autre bouc ! J’ai de la chance, j’ai de la chance ! »
            Je ne sais pas comment nommer ce sentiment très secret. Sadisme, égoïsme, cruauté, soulagement ? Non, c’est autre chose mais ça ne porte pas encore de nom. Le chancisme peut-être.




            Accessoirement toujours :
             
            L’ipséité dont je parle est cette impression que nous avons probablement de façon innée d’être en chaque instant, à chaque réveil, la même personne qu’hier. En dépit d’un mal de dos en moins, d’un divorce en plus, de cheveux en moins, de rides en plus. 

            Ce n’est pas un sentiment si logique qu’il pourrait en avoir l’air.
            Même nonobstant le fait que nous grandissons de taille, que nous changeons de visage, que toutes nos cellules, sauf les neurones, sont changées régulièrement. Même si nous étions strictement identiques physiquement, il n’irait pas forcément de soi de ressentir chaque matin qu’on est la même personne qu’hier. Et pourtant cette impression existe bel et bien.

            Le fait est qu’il arrive que cette impression s’estompe ou n’existe plus.
            Déjà, il nous arrive souvent de nous réveiller en nous demandant où nous sommes. mais en plus, à la suite d’un choc à la tête, il nous arrive de ne plus savoir qui nous sommes. Il nous arrive aussi de dire « Je me sens un autre homme ». Et puis il y a l’empathie qui nous envoie souvent dans la peau d’un autre « Je me mets à ta place »

            J’estime qu’il faut qu’il y ait quelque mécanisme mental pour ressentir cette ipséité et je ne serais pas étonné qu’une panne de ce mécanisme produise des individus dont on dit qu’ils auraient plusieurs personnalités.

            Et je disais donc qu’outre le fait que ce sentiment nous soit probablement naturel et qu’il nous arrive parfois de moins le ressentir, la Justice tient à nous considérer comme étant absolument la même personne aujourd’hui qu’il y a 30 ans. Si notre ipséité était imparfaite, si elle n’existait pas, la Justice se chargerait de nous l’imposer. 

            La Justice se sert grandement de cette ipséité pour isoler l’individu « Tu es toi, personne d’autre. Tu n’es rattaché à rien »

            Votre concept de pensée collective contrarierait aussi cette ipséité dont la Justice a besoin pour torturer aujourd’hui de bon droit un corps et très isolément un esprit qui a fauté 30 ans plus tôt.



            Voilà à quoi se heurterait, à mes yeux, votre concept d’intelligence collective en ses extensions qui déborderaient de la seule recherche sur l’autisme.
            C’est le seul obstacle mais je le crois insurmontable.
            Voilà pourquoi, à mes yeux, ce concept qui a pourtant ses réalités, serait constamment dénié et bien avant d’atteindre l’enveloppe du judiciaire. Vous ressentirez des réticences à son adoption, on vous opposera mille prétextes, on ne vous dira pas l’os judiciaire, mais ce sera bien lui qui suscitera les levées de bouclier.






          • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 24 février 2012 19:49

            Whaouh !

            Il y aurait des articles à écrire sur pas mal de point que vous soulevez. Mais cela attendra. Encore une fois, nous aurons, j’espère, l’occasion d’y revenir.

            Il est bien tard où j’habite vu que j’ai de l’avance, je suis épuisé par une journée de formation, mais votre long commentaire vaut bien une réponse sur le vif.

            La voici. Pardonnez l’absence d’obliques, bref, le tac au tac abrupt, juste pour tracer des traits qui feront cadre.

            Vous avez cru que je ne vous avais pas compris je demandais où est le problème avec mon projet.
            Je pense que je vous avais compris. Et je pense que si je ne voyais pas que vous puissiez parler de la question de l’intelligence collective, c’est que, pour moi, elle ne fait aucun problème.

            Autrement dit, je vous assure que ma réponse première contient déjà les éléments de mes réponses ultérieures qui toutes tendront à vous montrer, avec succès, j’espère, que vous faites erreur.

            La justice ne fera pas obstacle ou difficulté. Je ne sais pas ce qu’elle vous a fait, mais pour ma part, ayant consacré la moitié de ma thèse à la question de l’attribution de causalité, je peux vous assurer que j’y vois clair dans les problématiques causales ou de responsabilité qui furent, (tiens comme c’est singulier), quasiment les premières que les premiers psychologues,(des psychologues sociaux), se sont posées.

            C’était au XIXe, le monde découvrait les foules révolutionnaires et, bien sûr, le problème numéro un pour la justice au service du pouvoir était de pouvoir incriminer. On a donc cherché les meneurs, les leaders. Mais cela s’est révélé quand même très limité.

            Je ne saurais trop vous conseiller de lire notre fameux Gabriel Tarde, mais surtout son fan italien, Scipio Sighele, qui a écrit « les foules criminelles » et qui évoque en long et en large le problème que pose l’action collective dès lors qu’il faut assigner une responsabilité.

            Lorsqu’elle est suffisamment distribuée la responsabilité n’est plus. Il y a toujours moyen d’y remédier. Vous avez raison, la justice (et le pouvoir qui l’instrumentalise) ne cherche que ça. Les boucs émissaires se ramassent à la pelle. L’histoire le confirme amplement. Mais si vous ne l’avez déjà fait, lisez Girard, vous serez fasciné.

            Quoi qu’il en soit, désolé de ne pas être argumentatif et seulement indicatif (ou affirmatif) : tout cela ne fait plus problème. Aucunement. Il est toujours possible donner à chacun sa part, de rendre à César.

            Autrement dit, l’attribution de causalité a toujours une solution.

            Parce que, revenons à l’intelligence collective, nous sommes tous des champions de l’attribution de causalité. Nous faisons à longueur de temps, tous azimuts.

            Bon, maintenant, pour clôre provisoirement et rassurer le lecteur qui nous a suivi jusque là, nous allons progressivement avoir des échanges plus resserrés, plus centré sur une problématique, puis une autre et pas toutes à la fois comme nous l’avons fait à peu de choses près.

            Disons que c’était une première prise de contact, où vous nous avez offert de beaux morceaux de bravoure sur lesquels nous reviendrons pas à pas afin de faire apparaître en quoi, précisément la psychologie synthétique peut constituer une réponse aux interrogations ou inquiétudes que vous exprimez.

            Vous ne demandez pas à l’être, je le sais, mais passez moi la formule : je vous rassure, la psychologie synthétique ne passera pas sous la coupe de la justice, cette dernière n’y fera pas obstacle, c’est nous qui allons l’assimiler, la digérer, en faire sens du point de vue fondamental, cad, psychologique.

            Là où la justice pourrait un jour trouver à redire à tout ça, c’est le jour où elle fera des lois rétroactives pour condamner ce qui pourrait contribuer à une révélation dont elle ne voudrait pas.

            C’est possible, mais le pire n’est pas sûr.

            En attendant, nous restons dans le cadre des lois, nous ne contestons pas les fondements institutionnels même si nous les questionnons et ce qui importe avant tout, c’est le plaisir de la compréhension, l’expérience du « aha ! » comme disent les allemands.

            J’espère que ce qui suivra en suscitera chez de nombreux lecteurs, et les exemples précieux que vous nous avez donné pourront y contribuer.


          • easy easy 24 février 2012 21:08

            «  »" Il est toujours possible donner à chacun sa part, de rendre à César.

            Autrement dit, l’attribution de causalité a toujours une solution «  »"

            Il y a effectivement à jouer de curseurs pour laisser à chacun sa juste part.


          • Kaméléon 23 février 2012 13:41

            Je me rends sur ce site quotidiennement depuis des années. Beaucoup de sujets m’ont interpellés, m’ont donnés à penser depuis. C’est aujourd’hui, suite à votre article que je me décide enfin à m’inscrire afin de contribuer moi aussi.

            Mes sentiments sont partagés suite à la lecture de certains de vos articles, notamment celui ci. Vous donnez l’impression de surfer sur les sujets d’actualité comme l’amour, l’autisme, en proposant finalement de dresser « une psychologie synthétique » en appelant tout un chacun à participer.
            J’attends impatiemment votre prochain article afin de démêler peut être mieux vos intentions car je reste dubitative face à cet article qui dresse un état des lieux de la psychologie qui me parait consensuel, notamment de part mon métier qui m’amène à accompagner au quotidien des enfants dont certains souffrent de troubles du spectre autistique.
             Je ne peux que constater les conséquences de cette bataille, qui engendre parfois des aberrations dans la prise en charge thérapeutique et/ou éducative de ces enfants.

            Toutefois, votre démarche m’interpelle suffisamment pour m’amener à m’exprimer ici, et susciter mon intérêt.
            Apparemment vos avez trouvé le « concept en or » alors en attendant l’explication de cette notion, je continue mes observations et mes recherches au plus près de l’individu et son environnement.


            • easy easy 23 février 2012 17:26

              Bienvenue à bord Kaméléon

              Vous me semblez si timide ou intimidé que j’en suis à hésiter à le dire.


              Ici vous dites que Luc-Laurent surfe sur l’actualité. Ca peut donner à entendre qu’il se contente de glisser sur la surface des choses.

              Mais s’il vous a incité à intervenir enfin, c’est sans doute que ce n’est pas ce que vous voulez dire.

              Quoi qu’il en soit, ça vaut pour d’autres et très certainement pour Luc-Laurent, il utilise ou profite des sujets d’actualité pour surfer quelque billet dessus mais c’est toujours pour y dire son profond. Il a du lourd à exprimer et soucieux d’être compris, digesté, il passe par le biais de tout ce qui semble intéresser les gens pour faire surgir des réflexions aussi profondes que singulières qui méritent largement d’être connues.


            • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 23 février 2012 18:20

              @ Kaméléon

              Merci pour message et votre impatience, qui me réjouit grandement !

              C’est super que vous travaillez au quotidien avec des enfants relevant du spectre de l’autisme. Vous pourrez ainsi nous faire part de vos observations, réflexions et interrogations. Vous pourrez mettre à l’épreuve mes hypothèses et cela nous ouvre de belles perspectives de débat.

              Si vous permettez, pour commencer de suite, vous dites que je dresse un état des lieux consensuel. Que voulez-vous dire exactement ? Que tout le monde devrait être d’accord avec moi ? Si c’est ce que vous pensez, j’en suis heureux.

              Mais je ne vous cache pas que, tel que je l’imagine (mais peut-être je me trompe ?), nombre de psychologues qui se pensent des « bons représentants » de la science psychologique seraient en désaccord avec moi car ils se font une très haute idée de leur science et ne voudraient pas qu’elle soit discréditée par ces métaphores de Babel, Balkans, champ de bataille, et pourquoi pas capharnaüm ?

              Ceci étant, nous sommes ici entre nous, car même s’ils ont écho de ce que j’écris là, il est douteux qu’ils viennent contester mes propos. Bref, je pense que nous ne serons pas ennuyés par de vaines récriminations quant au caractère polémique de mes propos.

              Quoi qu’il en soit, je vous dis à bientôt, et je vous remercie encore une fois car, me sachant attendu, je vais m’atteler d’autant plus volontiers à la tâche d’écrire qui reste toujours un sacré exercice.

              @ easy,

              Merci pour ces compliments que j’apprécie grandement.
              Rassurez-moi, suis-je aussi transparent que ça ?
               smiley


            • easy easy 24 février 2012 13:00



              «  »«  »« Je ne cesserai d’y revenir dans le cadre de la psychologie synthétique que je souhaite construire, la question n°1 de l’humain, avant même »être ou ne pas être« , c’est »en être ou ne pas en être« .
              C’est la question de l’appartenance, de l’in group / out group. C’est la question de savoir qui est comme moi et qui ne l’est pas. »«  »"

              Avec l’in group / out group, vous mettez à genoux l’Eurasien pourri que j’étais. Cette insulte n’est plus du tout d’actualité de nos jours au Vietnam (même pas pour les bâtards US) mais à l’époque de Dien Bien Phu, ma mixité visible à l’oeil nu faisait de moi non seulement un out group aux yeux des deux camps mais même un traître ou l’incarnation d’une traitrise.

              Alors qu’un Bleu et un Vert pourraient se mépriser mutuellement sur leur seul physique, alors qu’ils sont de toutes manières in group aux yeux des leurs, alors qu’ils pourraient ne pas être dénigrés pour leur moralité, j’étais rejeté pour mon immoralité de traître et je ne relevais d’aucun groupe, pas même des autres Eurasiens pourris puisqu’ils avaient tous été évacués vers la France (pour se retrouver internés dans des camps, comme celui de Sainte Livrade sur Lot)

              Enfant, repéré Eurasien par son physique, rejeté des deux camps, considéré comme traître confirmé ou potentiel par les deux camps, n’ayant même pas une communauté d’autres traîtres avec qui s’associer, en aucun cas considéré comme victime par qui que de soit, menacé à tout instant de lynchage, insulté mille fois, lapidé cent fois au lance-pierre, mon cas dénié par mes parents débordés, eux-mêmes stigmatisés (façon Marguerite Duras & son amant Chinois), je ne peux qu’être sensible à votre haute considération pour la problématique de l’in group / l’out group.

              Vous n’étudieriez jamais aussi bien cette problématique qu’en examinant le cas des enfants dont le physique prouve qu’ils sont nés d’un amour interdit entre deux camps ennemis et qui passent alors pour des traîtres.

              De l’eau pour votre moulin, j’en ai tout un Mékong à votre disposition et j’aimerais beaucoup qu’il tournât à plein régime.
              Mais il y a l’os judiciaire dont je vous ai parlé.


              Je trouve d’ailleurs utile de montrer que votre vision surgie en considérant un contexte pacifique se heurtera au principe judiciaire parce qu’en temps de guerre, il l’emporte sur tout. Et l’épée étant toujours au sommet de tout, la situation de guerre larve toujours.

              Ca peut évidemment décourager les esprits animés des meilleures intentions, mais je le dis souvent, un édifice conceptuel qui ne sait pas résister à la fureur de la guerre, ne vaut que fétu de paille. Et rien ne résiste à la guerre sinon la guerre.

              Je dois donc citer les deux cas de figure qui se produisent en temps de furie au sujet des out group absolus, des enfants nés entre les deux eaux. Mais par extension à d’autres aussi.
              Soit ils subissent le pire.
              Soit ils sont épargnés grâce à un fétu de paille. 

              J’estime suffisant le fait qu’ils soient quelquefois épargnés, qu’en dépit de la folie furieuse, il y ait parfois des gens capables de considérer que ces enfants n’ont pas à être torturés et qui acceptent de courir le risque de les protéger. 
              Il me suffit de ces exceptions pour être consolé de tout et pour estimer que l’humanité s’exprime en son entièreté. 


              Mais travaillez, Luc-Laurent, travaillez tout de même votre fétu de paille. Il ne sauvera pas tout le monde mais il en sauvera forcément quelques uns et ce sera déjà très grande oeuvre de votre part.


              • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 25 février 2012 06:54

                Encore une fois votre témoignage démontre l’intensité cuisante de cette dynamique in group out group sous-jacente au système des relations humaines.

                Ceux qui sont dans la marge, dans l’entre-deux, deviennent vite les victimes, les bouc émissaires préférés.

                Nous aurons l’ocasion d’y revenir.

                Quoi qu’il en soit, je retiens que nous sommes d’accord sur ce point (je suppose). Le fait social élémentaire, c’est l’assimilation. Le fait de considérer l’autre comme mon semblable.

                Celui qui le voit comme dissemblable justifie a priori toutes les violences qu’il pourra lui faire par la suite.

                C’est normal, il n’est pas mon semblable pourra-t-il se dire !

                D’où l’importance de lutter contre le racisme et la xénophobie.

                D’où l’importance de CESSER de tant vanter les différences pour se réjouir qu’elles puissent être accueillies par tant de similitudes.

                Nous sommes tous semblables, (d’abord par notre origine commune, ensuite parce que nous nous imitons sans cesse), ça pourrait être un axiome de la psychologie synthétique.

                Beaucoup ne le savent pas.

                Mais seuls les autistes ont une excuse valable.

                Nous verrons le moment venu pour c’est le cas.


              • Corinne Colas Corinne 26 février 2012 23:36

                Partie A

                 

                 Bonjour,

                 

                Il y a des sujets qui n’intéressent que modérément la société française, et l’autisme en fait partie. La première idée est de vous remercier pour ce qui semble être un « article-feuilleton » avec un thème peu habituel sur Agoravox. Mieux, on se dit que cela mérite une petite ovation ! Mais dès le début, vous plantez le décor de telle façon, qu’on se demande où cela va aboutir. 

                Après deux papiers consécutifs sur ce qui serait //le cas de l’autisme// « dans …, et…, etc. », je m’interroge encore plus sur votre démarche. Je la pense sincère, voire idéaliste mais pour être honnête jusqu’au bout, je la trouve peu à même de faire avancer la compréhension de l’autisme au moins dans la façon de poser votre sujet. Elle semble un prétexte à un exercice de style. Dans un contexte politoco-médiatico particulier où certains tentent d’introduire un faux débat, cela ajoute à la confusion.

                 

                Quelques remarques en vrac :

                Votre fiche de rédacteur mentionne que vous êtes psychologue scolaire. Vous êtes donc un professionnel susceptible d’apporter son « expertise » au sein de l’école mais vous affirmez :

                a) il n’y a toujours pas d’accord sur la question de savoir ce qu’est l’autisme

                b) sa définition est // terriblement vague et sans utilité //

                 

                De telles assertions sont inquiétantes ! Ne forcez-vous pas un peu trop le trait ? Attention, c’est ce que disent justement les psychanalystes… pour une fois, on ne peut pas leur donner tort mais pour une autre raison qu’un simple refus des étiquettes ou d’un trop grand nombre de conceptions quant à son étiologie. Pour étudier des causes, il faut bien définir l’objet. Ne serait-il pas préférable de dire que si on n’en connaît pas les causes, on est quand même d’accord aujourd’hui pour « savoir » ce qu’est l’autisme puisque le diagnostic est possible. Cela inclut notamment des outils (CARS, PEP-R, AD-R, ADOS, l’échelle de Vineland, tests de QI…) qui sont validés et une batterie d’examens, qui bien conduits, permettent par exemple un diagnostic différentiel. Ce n’est pas parce que les familles ont la malchance de tomber encore et toujours sur des professionnels qui se font, chacun dans leur coin, leur propre tambouille quant à leur représentation de l’autisme qu’il faut conclure à une mauvaise définition de ce handicap. 

                Blâme t- on l’auteur parce que son bouquin fait l’objet de diverses interprétations ? C’est la même problématique dans l’autisme. Certains professionnels ne lisent que ce qu’ils veulent voir. Quant au rapport de la HAS : // montagne qui a accouché d’une souris //, je suis d’accord avec vous… mais c’est le propre de tous les rapports, non ? Il ne fallait pas en attendre des révélations spectaculaires. 

                C’est juste un cadre de travail qui n’est pas exempt de défaut mais tout de même, il n’est pas à jeter. Bien que ménageant les susceptibilités des uns et des autres (le fameux consensus franco-français), il est plutôt « à la page », notamment au 5.3 Spécificités de fonctionnement. Cette synthèse rapide a pour objet l’autisme et autres TEDS, rappelons-le tandis que vous, vous parlez du // cas de l’autisme// comme un trouble unique. Pour que ce soit plus clair et précis, il  est « utile » de s’entendre sur les termes utilisés lorsqu’on s’adresse à tout le monde (// entre chercheurs et citoyens // comme vous dites dans l’article 2).

                Vous comptiez vous former sur les autismes en consultant ce rapport, je comprends votre dépit... Mais si on faisait Médecine ou Psycho en consultant la HAS, cela se saurait ! Pour ceux qui connaissent bien ce type de troubles, une formation de référent allant à la rencontre des professionnels, est cruciale. De là, débouche la « mesure 5 du Plan Autisme 2008-2010 relative à la nécessité de développer la formation de personnes ressources "susceptibles d’assurer une formation adaptée aux spécificités des TED, aux handicaps qu’ils génèrent et aux réponses que différentes méthodes d’intervention sont susceptibles d’apporter aux personnes qui en souffrent".

                 

                D’autre part, je vous rappelle au moins un des points de vigilance des recommandations ANESM :

                « Donner aux familles une information aussi objective que possible, qui tienne compte de l’avancée des connaissances dans le domaine de l’étiologie et des caractéristiques cliniques de l’autisme et des autres TED. »

                 

                Pour appuyer votre démonstration sur « l’inutilité » de la définition de l’autisme, vous citez : //un développement nettement déficient de l’interaction sociale et de la communication, et un répertoire considérablement restreint d’activités ou d’intérêts.// Ceux qui sont indifférents à ce handicap, trouvent là, une justification à leur méconnaissance, d’autant que l’analogie simpliste avec le monde politique souligne votre propos. Si eux ont des excuses, ici un psychologue n’en a pas. En effet, vous savez bien que pour chacun de ces trois points, il y a pourtant toute une palette de critères objectifs très précis qui ne peuvent être comparés à l’« autisme » de nos politiques. Je vous cite : //pourrait même s’appliquer à ces politiciens qui deviennent autistes lorsqu’ils accèdent au pouvoir //. Pour rappel, le terme « autisme », complètement galvaudé signifie « refus d’écouter » dans le langage courant tandis qu’au sens clinique, « le problème de l’autisme n’est pas le manque de désir d’interagir et de communiquer, mais un manque de possibilité de le faire »(1).

                 

                 


                • Corinne Colas Corinne 27 février 2012 00:01

                  Partie B


                  Il est vrai qu’on ne peut contester de façon générale un sous-diagnostic de l’autisme. Cela parce qu’au-delà des instruments forcément insuffisants pour le dépister chez les personnes d’intelligence normale (en présence de troubles des apprentissages, l’image est encore plus brouillée), une grande expérience est nécessaire… En résumé, peu de professionnels sont formés spécifiquement aux TED (ou plutôt TSA bientôt) et quelques uns de ceux qui croient « connaître », ne possèdent en guise de connaissances, qu’un simple vernis de surface. Cela n’est donc pas cruel que de préciser que ce qu’ils « savent », n’est que ce qu’ils ont appris pendant leurs études, c’est-à-dire pas grand-chose de toute façon.

                  « L’on voit de plus en plus de formateurs et d’enseignants avec bien plus de connaissance théorique que de véritable expérience et des professionnels venant d’achever leurs études, forts de leur diplôme et de leur savoir académique rencontrer des parents qui, eux, détiennent bien plus de connaissance directe » (Théo Peeters). 

                  La France a pris un grand retard malgré quelques experts d’exception… qui ne ménagent pas leur temps pour diffuser l’information « utile » à travers divers livres ou des conférences. L’actualisation de la formation est un vrai problème aussi. Pour exemple, vous citez Uta Frith pour conclure : // elle aurait pu aussi bien dire qu’il leur manque un boulon // (à propos des autistes) mais ce n’est que ce que vous en comprenez. Ses travaux repris par la suite, ont permis au contraire d’observer tout autre chose. Lire « L’autisme, une autre intelligence : Diagnostic, cognition et support des personnes autistes sans déficience intellectuelle » de Laurent Mottron en 2004.

                   

                  Vous écrivez aussi cette fois à propos des chercheurs : // Sous couvert d’ouverture d’esprit, de modération et de pragmatisme, nombre d’entre eux passent d’une conception à l’autre en fonction des patients en clamant haut et fort qu’ils sont sans a priori et que chaque patient est un cas particulier. // 

                  En tant que psychologue, ne devriez-vous pas vous en féliciter dans votre pratique ? Et en tant que chercheur, vous ne pouvez nier que c’est en s’appuyant sur des études de cas individuel, qu’il y a des découvertes. 

                  Votre phrase laisse à penser que c’est par méconnaissance, qu’il est avancé que « chaque patient est particulier ». Vous l’appuyez avec je vous cite : // Imaginez que le chirurgien qui doit vous opérer de l’appendicite vous dise qu’il tente une technique personnalisée avec chacun de ses patients parce que nous sommes tous différents, vous seriez probablement inquiet.//.

                   Pour info, même ici, c’est plutôt un progrès que de considérer que chaque cas est particulier. En effet, plusieurs techniques chirurgicales sont en effet possibles (merci à // la compilation de savoirs encyclopédiques// façon Wikipédia que vous décriez ) : incision, dite de Mac Burney (la classique), laparoscopie et parfois lors de complications, une laparotomie.

                  Concernant // la Science de Babel //,  les spécialistes de l’autisme sont des gens plus mesurés que vous ne le pensez et les parents n’ont pas la mémoire qui flanche. Personne n’a oublié la foire d’empoigne quant à la conceptualisation de la dyslexie et autres « dys ». Comme pour les TSA, ils sont définis, font l’objet de diverses théories, ne sont pas toujours bien diagnostiqués malgré la pléthore d’experts qui savent si bien en parler et surtout, les enfants qui en sont atteints, on ne sait pas trop au fond… comment ils s’en sortent…  Et pour eux aussi, les méthodes de rééducation miracle, abondent. 

                  Mais après tout, tant mieux ! Il est préférable d’applaudir à ce foisonnement que de regretter un manque d’intérêt des chercheurs.

                  Le rôle des familles, c’est de se renseigner ensuite : http://www.srmhp.org/0101/autism.html

                  C’est vrai que bien des « professionnels » ne sont pas toujours crédibles. C’est vrai aussi que les familles trouvent plus d’infos (officielles) sur l’internet que lors d’une consultation. C’est vrai aussi que les théories sur la causalité autistique sont pléthoriques. Cependant, elles ne sont pas forcément concurrentes puisque il y a divers sous-groupes établis (on parle bien de TSA) et les recherches issues de diverses disciplines, peuvent parfois (par « chance ») permettre au contraire de valider ou d’infirmer telle ou telle démonstration. Mais je vous cite : // (…) leur diversité qui confine à la pagaille est aussi le signe sûr qu’après déjà plus de soixante années de recherche nous n’avons abouti à rien de bien solide et que nous nous trouvons, plus probablement, au point de départ, autour duquel nous n’avons fait que tourner en balayant toutes les directions. // N’est-ce pas là un jugement à l’emporte-pièce, dans le seul but de promouvoir votre seule démarche !

                   … Peut être que les commentaires sont rares parce que votre papier a pour objet principal la promotion de la psychologie synthétique… comme une approche qui, pour tenter des lois générales, devrait dépasser ce que vous appeliez dans la partie 1 : cette // sorte de Babel croulant sous le poids des données accumulées par une multitude de disciplines et leurs différents courants // ? (euh…).

                   

                   

                   


                • Corinne Colas Corinne 27 février 2012 01:21

                  Partie C  


                  La recherche avancée en sciences fondamentales a permis d’invalider les conceptions psychanalytiques. Une meilleure compréhension des TSA, de « l’intérieur » et non à partir des symptômes, a abouti à la création du programme TEACCH.  Merci donc au contraire au //poids des données accumulées par une multitude de disciplines et leurs différents courants // 

                   

                  Dans l’un de vos commentaires, vous déplorez // les approches génétiques dont on va souper jusqu’à plus soif pendant encore un bon siècle //. En effet, chaque jour amène son lot de découvertes pour certains des TSA mais pourquoi se plaindre de cette soi-disant hégémonie du « neurobiologique » ? Cela se résume à une info essentielle : c’est une caractéristique innée de la personne tout comme la couleur de ses yeux. Vous fustigez les //professionnels ( ..) coincés (..) dans les stéréotypes de leurs chapelles respectives // mais vous écrivez :

                  //comprendre l’autisme consiste à identifier les mécanismes psychologiques en cause, quels que soient les facteurs génétiques, physiologiques ou neurologiques sous-jacents.

                  Car c’est au seul niveau psychologique que les sujets que nous sommes « habitent », c’est à ce seul niveau que le syndrome autistique est défini et c’est à ce seul niveau qu’il peut être compris.//

                  Mazette ! Ne prêchez-vous pas pour votre « paroisse » ?

                   

                  Je reviens à mon point de départ. Lire encore le mot « autisme » pour parler en réalité des « autismes », certains commencent à en faire des boutons… L’autisme classique tel que décrit partout (et auquel, vous vous référez) n’est qu’une forme d’autisme - Vous le savez donc je m’adresse à // l’intelligence citoyenne// en général… - Il fait partie des troubles regroupés aujourd’hui sous l’appellation TED (Troubles envahissants du développement) mais bientôt plus simplement sous « TSA » pour « Troubles du Spectre Autistique ». Les enfants et adultes ont tous notamment en commun des problèmes de communication avec les autres ou des difficultés avec les interactions sociales ordinaires. La notion de « spectre » contrairement à ce qu’en déduisent certains professionnels peu imaginatifs, n’étant d’ailleurs plus à concevoir comme un « continuum » allant de « doux » à « sévère » car une personne atteinte de TSA n’est pas « peu » ou « beaucoup » autiste.

                   Enfonçons le clou !

                  Le terme « spectre » de l’expression « troubles du spectre autistique  » signifie que chaque enfant est unique et possède sa propre combinaison de caractéristiques. Elles forment un ensemble pour lui donner un profil distinct de communication sociale et de comportement. (http://www.aboutkidshealth.ca/Fr/ResourceCentres/AutismSpectrumDisorder/Wha tisASD/Pages/default.aspx

                   

                   Je crois que tout ce qui précède, n’est pas en désaccord avec votre passage ci-dessous :

                   // Autrement dit, il nous faut une conception réduite au minimum. Idéalement il faudrait n’avoir à penser qu’avec une seule notion qui soit... :

                  1. suffisamment simple pour être d’emblée maîtrisée par tous,

                  2. suffisamment connue et reconnue pour que chacun s’autorise à s’en saisir, à l’adopter, en étant sûr de sa valeur d’échange,

                  3. suffisamment efficace pour mettre instantanément en réussite et redonner le plaisir lumineux de comprendre et l’envie d’explorer. //

                   Grâce au // poids des données accumulées// (dénoncé dans l’article 1) et à //l’analyse sans fin et la quête perpétuelle du détail (de l’information ou de la donnée)dénoncée dans l’article 2 //, il en découle paradoxalement une notion simple et reconnue pour le prochain DSM – V. 

                   Celle-ci qui est à comprendre comme une variété de situations et indépendante du degré d’atteinte ou de la présence ou non d’une déficience mentale associée, ne peut de fait s’accommoder d’une modélisation « simpliste » telle que vous la préconisez

                  On devrait donc le marteler jour après jour : on parle d’autisme mais il s’agit bien d’ « autismes » au pluriel. Est-ce la marque d’une incapacité ou d’une prodigieuse avancée dans la « simple » reconnaissance de la neurodiversité ? Ce handicap devient un double handicap dans une société qui s’obstine dans sa vision étriquée des enfants et adultes avec TSA.

                   D’autre part, je vous cite : // Isoler et traiter LA cause génétique de l’autisme constituerait en soi une formidable avancée mais (…)//.Pas sûr que les personnes avec TSA  puissent être assimilées à de mauvaises herbes à éradiquer. Seule une société normopathe peut y souscrire…Et au-delà du problème éthique soulevé, encore une fois de quel autisme, parlez-vous ?

                   J’espère ne pas avoir été trop rude en ne reprenant que des points de vos articles qui m’interpellent. Il n’y avait pas d’intérêt à souligner ceux avec lesquels, j’étais d’accord… J’ai pris le contre-pied de votre argumentation car il me semblait que a) plusieurs niveaux de langage apportaient de la confusion pour les gens plus intéressés « au cas de l’autisme » b) ce n’était pas un choix judicieux que de se servir de ce handicap pour défendre votre démarche intellectuelle. 

                  Vous écrivez ds l’un de vos commentaires que // Nous sommes tous semblables, (d’abord par notre origine commune, ensuite parce que nous nous imitons sans cesse), ça pourrait être un axiome de la psychologie synthétique. // … c’est une construction neurotypique pure !  Un TSA avec intelligence « normale », vous dirait que vous êtes atteint d’une normopathie aigüe.

                   

                  Cordialement



                   

                   


                  • Corinne Colas Corinne 27 février 2012 01:25

                    Partie D (fin)


                    Annexe :

                    Quelques vidéos pour ceux qui sont intéressés par //ces conceptions pour briller en société, pour palabrer comme les aveugles de la fable, mais pas pour penser //, elles peuvent « aider » un peu tout de même :

                    http://cusm.ca/microscope-stethoscope/article/conferences-du-microscope-au-stethoscope-2008-l%E2%80%99autisme-demystifie-dr-e-fombonne

                     

                    http://www.cra-rhone-alpes.org/spip.php?article2077

                     

                    Et surtout ci-dessous, ce message reçu sur ma boite mail et qui est dédié à toutes les familles concernées par les TSA :  

                     Pour te prouvé que autiste ne veu rien dirt est que sé la personne qui se défini par ses actes est non par son diagnostic. 

                    Voici un exemple qu’on peut étre autiste et réussir dans la vie com Jean-Paul André diagnosticé autiste a 6 ans. 

                    http://www.youtube.com/watch?v=i9XfjnB_EoA&feature=related


                  • Corinne Colas Corinne 27 février 2012 01:40

                    J’ai oublié de préciser que le lien envoyé était une blague... d’un TSA qui a connu l’hôpital de jour pendant un an... et qui sait prendre un peu de distance... Leçon de vie ! 


                  • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 28 février 2012 03:36

                    Bonjour Corinne,

                    Merci pour votre long commentaire, certes critique mais c’est la loi du genre.
                    Il est d’autant plus bienvenu qu’il est richement documenté.

                    Je vais faire de mon mieux pour y répondre avec l’attention qu’il mérite.

                    Mais ça sera pour ce soir...
                    A bientôt


                    • Luc-Laurent Salvador Luc-Laurent Salvador 28 février 2012 18:45

                      Bonsoir Corinne,

                      Tout d’abord, oui, j’assume, je me sers bel et bien de la question de l’autisme pour introduire à la psychologie synthétique.

                      Mais je crois la démarche légitime et même banale dans un cadre scientifique, je ne vois pas ce qu’il y aurait à y objecter a priori.

                      Le seul problème est que des agoravoxiens pourraient me dire que le format feuilleton est inhabituel et pourrait frustrer en suscitant des attentes non rapidement satisfaites.

                      Soit, mais c’est le principe même des feuilletons non ? smiley


                      Comme je ne peux pas encore ce soir aborder les multiples points que vous soulevez, je vais m’attacher au plus important et je reviendrais plus tard sur les autres.

                      Le point le plus important, c’est bien sûr la définition de l’autisme.

                      Vous me reprochez d’affirmer que celle donnée par la HAS est « terriblement vague et sans utilité  »

                      C’est pour vous dire « des choses inquiétantes ».
                      Est-ce que je ne force pas le trait ?
                      Est-ce que je ne me rapproche pas des (affreux) psychanalystes en disant cela ?

                      Voilà vos objections.
                      Je les trouve étonnantes.
                      Car si je suis dans l’erreur, si j’exagère, il devrait vous être facile de montrer que la définition de la HAS est le contraire de ce que j’en dis : précise et utile !

                      Mais vous ne le faites pas car vous ne le pouvez pas.
                      La seule chose que vous pouvez avancer c’est : " Ne serait-il pas préférable de dire que si on n’en connaît pas les causes, on est quand même d’accord aujourd’hui pour « savoir » ce qu’est l’autisme puisque le diagnostic est possible".

                      Que vaut cet argument ?
                      Un diagnostic est possible et donc on est d’accord pour « savoir » ce qu’est l’autisme ?

                      Quelle idée vous faites-vous du diagnostic ?
                      On peut diagnostiquer une pathologie dont on ignore tout, comme ce fût le cas pour le SIDA par exemple.
                      Ainsi, le diagnostic ne prouve absolument rien sur la connaissance que l’on peut avoir d’une pathologie.

                      Par contre, le simple fait que nous parlions de « spectre » est, en soi, une preuve suffisante que nous ne savons PAS ce qu’est l’autisme, car nous ne savons même pas en dessiner les contours.

                      Nous savons seulement nous accorder sur une manière « orthodoxe » de « ranger » les individus dans des groupes, de leur coller des étiquettes. C’est tout. Rien de plus.
                      Cela n’EST PAS l’indication d’un quelconque savoir de « ce qu’est l’autisme ».

                      Vous avez certainement beaucoup de connaissances sur l’autisme, mais vous ne pouvez pas me dire ce que c’est.

                      Au mieux vous pourriez donner une définition de l’autisme trouvée ici ou là.
                      Mais ces définitions ne nous diront pas ce qu’est l’autisme.

                      Prenez celle du Larousse qui n’est pas plus mauvaise qu’une autre :

                      • Trouble du développement complexe affectant la fonction cérébrale, rendant impossible l’établissement d’un lien social avec le monde environnant.

                      Côté cause, elle invoque le biologique, ce qui est certainement très correct mais ne nous permet pas d’identifier spécifiquement l’autisme.
                      Coté phénoménologie, elle fait état d’une impossibilité à établir un lien social.

                      Ce serait super si nous étions capable de dire en quoi consiste précisément le lien social !

                      Mais nous ne le sommes pas, pas encore.
                      D’où le chaos conceptuel (et pratique) que j’ai évoqué et que la citation suivante dit excellement :

                      « quasiment tous les problèmes concevables qu’un enfant puisse avoir ont été trouvé chez ces malheureux enfants et quasiment toutes les [causes] concevables ont été évoquées pour rendre compte de ce grave trouble » (p. 569) in Hughes, J. R. (2009). Update on autism : A review of 1300 reports published in 2008. Epilepsy & Behavior 16 (2009) 569–589.

                      Comme disait le Talmud, nous ne voyons pas les choses telles qu’elles sont mais telles que nous sommes.

                      Le chaos conceptuel relatif à l’autisme est simplement le reflet du chaos conceptuel en sciences humaines.

                      Il nous faut mettre de l’ordre, trouver une meilleure cohérence que celle dont nous disposons actuellement.
                      Voilà ce à quoi je pense la psychologie synthétique peut contribuer.

                      A bientôt pour la suite de ma réponse.

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