La Caisse des Dépôts a été contactée dès le mois de janvier 2006 pour participer à l’acquisition d’une partie des titres EADS détenus par le groupe Lagardère, et susceptibles d’être cédés dans un avenir proche.
Le directeur général de la Caisse des Dépôts, après instruction par ses services, a pris la décision, fin mars 2006, d’acquérir une partie des titres cédés, soit 2,25 % du capital d’EADS, auprès d’Ixis qui a structuré l’opération. Cet investissement a pris la forme d’un achat à terme, au prix de 32,6 € par action, dont les échéances de livraison sont respectivement prévues en juin 2007, juin 2008, juin 2009. Compte tenu des titres qu’elle détenait auparavant (0,58 %), la Caisse des Dépôts détient donc aujourd’hui 1,33 % du capital d’EADS.
Simultanément à la cession des titres détenus par le groupe Lagardère, le groupe allemand Daimler a mis sur le marché un montant équivalent (7,5 %). Ces cessions, soit 15 % du capital d’EADS, se sont effectuées sur la base d’un prix de marché identique de 32,6 € l’action. Ce prix était alors inférieur à l’estimation de nombreux analystes financiers, et se situait en-dessous des titres des principaux concurrents d’EADS, s’agissant des principaux ratios d’évaluation boursière.
Elle confirme que, s’il apparaissait, à l’issue de l’enquête de l’AMF en cours, que des agissements aient pu lui nuire en tant qu’actionnaire d’EADS, elle se joindrait à la procédure qui serait engagée. Enfin, la Caisse des Dépôts confirme qu’elle a agi dans cette opération en qualité d’investisseur de long terme, aux côtés d’autres institutions financières. Elle a agi de manière autonome et n’a reçu aucune instruction des pouvoirs publics.
ceci est le compte rendu
Intervention d’Augustin de Romanet
Commission des finances de l’Assemblée nationale - 9 octobre
2007
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Je suis heureux de répondre à votre invitation qui me donne l’occasion
de revenir dans le détail sur les événements relatifs à l’acquisition par
la Caisse des Dépôts de 2,25 % du capital d’EADS.
Il est naturel que je vous donne ces explications, comme je le ferai au
Sénat demain, en raison du lien étroit établi par la loi entre la Caisse
des Dépôts et le Parlement.
Avant de répondre à vos questions,
- Je voudrais revenir rapidement sur les conditions dans lesquelles
cette acquisition a été conduite ; Dominique Marcel, directeur
des finances et de la stratégie, acteur de cette opération à
l’époque aux côtés de Francis Mayer, complétera ces éléments ;
je souhaite aussi réagir à quelques commentaires qui ont pu en
être faits ces derniers jours ;
- Je voudrais également vous annoncer une initiative relative à la
gouvernance de la Caisse des Dépôts en ce qu’elle concerne les
relations entre la commission de surveillance et le directeur
général.
2
1. En premier lieu, je voudrais revenir sur l’achat par la Caisse
des Dépôts des titres EADS et les commentaires qui ont pu en
être faits.
> L’opération en elle-même était une opération de marché où la
Caisse des Dépôts est intervenue comme investisseur de long terme.
- Quelques éléments factuels :
o La Caisse des Dépôts a été contactée dès le mois de
janvier 2006 pour participer à l’acquisition d’une partie
des titres EADS détenus par le groupe Lagardère, et
susceptibles d’être cédés dans un avenir proche.
o Francis Mayer, après instruction par ses services, a pris la
décision, le 28 mars 2006, d’acquérir une partie des titres
mis en vente, soit 2,25 % du capital d’EADS. Il n’a pas
acquis ces titres auprès de Lagardère mais auprès de la
banque Ixis qui a structuré l’opération. Cette vente a été
conclue le 12 avril 2006. Cet investissement a pris la
forme d’un achat à terme, au prix de 32,6 € par action,
dont les échéances de livraison étaient prévues en juin
2007, juin 2008, juin 2009.
- Sur quoi se fondait cette décision ? Ne perdons pas de vue le
contexte dans lequel est née cette opération. Il s’agissait d’une
opération de marché, conduite en s’appuyant sur toute
l’information financière disponible à l’époque :
o Il y avait un consensus des analystes sur le potentiel de
hausse du titre : la moyenne du cours cible pour les
analystes externes en mars 2006 était de 36 € ;
l’augmentation du flottant suite à la cession des 15 % de
titres était jugée positivement par les analystes, la
disparition de l’ « overhang » lié à la cession attendue des
titres par le groupe Lagardère était également un facteur
favorable. Cette bonne appréciation était confirmée par la
facilité de la cession des titres par la partie allemande
effectuée au même prix (32,60 € par action) ;
3
o Cet investissement apparaissait cohérent avec la politique
d’investisseur de long terme de la Caisse des Dépôts, le
secteur aéronautique présentant les caractéristiques d’un
cycle long ;
> Permettez-moi de revenir sur trois éléments qui ont donné lieu à
commentaires
- Premièrement, ne nous trompons pas de débat. Dans cette
opération, la Caisse des Dépôts est une double victime
présumée :
o victime d’un délit présumé de fausse information
financière dans le cadre de l’achat du bloc d’actions ;
o victime d’un délit d’initié présumé comme actionnaire
préexistant d’EADS.
o C’est en raison de mon devoir de défense des intérêts de la
Caisse des Dépôts que j’ai indiqué, dès le 24 mai dernier,
que si les enquêtes en cours démontraient des présomptions
de délits, la Caisse des Dépôts s’associerait aux procédures
qui en découleraient.
- Deuxièmement, sur la gouvernance, je crois que nous devons
nous méfier de tout anachronisme. Les mécanismes de
gouvernance ont été respectés par mon prédécesseur :
o les services de la Caisse des Dépôts ont été contactés par
des conseils pour acquérir une partie des 7,5 % de capital
EADS que le groupe Lagardère souhaitait vendre, selon un
montage complexe ;
o Sur la base de l’instruction de ses services, Francis Mayer
a décidé le 28 mars 2006 le principe d’en acquérir 2,25 % ;
le président de la commission de surveillance a été prévenu
de cette acquisition le 4 avril ; ce dernier l’a évoqué très
rapidement à la fin de la commission de surveillance du 5
avril comme l’atteste l’enregistrement des débats ;
4
o la commission de surveillance en a eu connaissance dans
le détail le 26 avril 2006, date de la plus proche séance
après l’achat des titres qui a été conclu formellement le 12
avril. Aucun membre de la commission n’a émis
d’observation ou posé de question lors des séances du 5
avril comme du 26 avril ; mais encore une fois, n’oublions
pas qu’à l’époque cette opération ne suscitait aucun débat,
d’autant plus que l’Etat lui même avait marqué son
attachement à EADS en ne vendant pas lui-même
d’actions ;
o la commission de surveillance du 21 juin 2006 a demandé
à « examiner la manière dont s’est déroulé le processus
d’acquisition, et à vérifier que les intérêts de la Caisse des
Dépôts ont été correctement pris en compte » ; cette
mission a été confiée à Pierre Hériaud, président du comité
d’examen des comptes et des risques ;
o le 12 juillet 2006, M. Heriaud a présenté dans une note à la
commission de surveillance les conclusions de cette
mission ; cette note avait été diffusée avant la séance ; les
débats de cette séance sont retracés dans un procès-verbal
public : deux membres de la commission ont fait des
observations sans remettre en cause l’opération.
La Caisse des Dépôts a agi dans le cadre de ses procédures
normales, de manière autonome. Je vous confirme qu’elle n’a
reçu ni demandé aucune instruction des pouvoirs publics.
D’ailleurs, alors en fonctions à la Présidence de la République, je
précise que mes collaborateurs et moi-même avons appris cette
acquisition après qu’elle a été rendue publique, comme il se doit
pour une opération de marché.
- J’en viens aux commentaires faits sur les rapports entre l’Etat et
la Caisse des Dépôts dans cette opération.
o Comme je viens de le dire, la Caisse des Dépôts n’a
demandé ni reçu aucune instruction de l’Etat d’acquérir ces
2,25 % du capital d’EADS.
5
o Ce point étant acquis, une question théorique se pose : le
ministère des Finances aurait-il pu ou du dissuader la
Caisse des Dépôts d’effectuer cet achat ? Soit il disposait
d’informations particulières, et alors il n’avait, en tout état
de cause, pas à les répercuter à la Caisse des Dépôts plutôt
qu’aux autres investisseurs qui ont acquis les 15 % mis sur
le marché. Soit le ministère des Finances ne savait rien de
particulier, et il n’avait alors pas de motif de mettre en
garde la Caisse des Dépôts face à un investissement qui
apparaissait comme justifié au vu de l’information du
marché.
2. Pour tirer les enseignements de cet événement et dissiper tout
doute sur les conditions d’intervention de la Caisse des Dépôts,
j’ai décidé de mettre en place dès à présent un comité des
investissements.
Depuis quelques jours a refait surface un débat sur la gouvernance de
la Caisse des Dépôts.
> Je voudrais tout d’abord rappeler que l’originalité de la gouvernance
de la Caisse des Dépôts est le reflet de l’originalité de la Caisse ellemême
et de ses missions :
- Par son statut, la Caisse des Dépôts est placée par la loi « de la
manière la plus spéciale sous la surveillance et la garantie de
l’autorité législative ». Cette gouvernance a fait ses preuves 190
ans durant par delà les changements de régimes politiques et les
crises traversées. Cette stabilité a été un facteur favorable au
mouvement ;
6
- En tout cas, la Caisse des Dépôts ne manque pas de contrôles.
Comme l’a dit le président de la chambre de commerce et
d’industrie de Paris, membre de la commission de surveillance,
je ne crois pas qu’il existe d’autres exemples dans le secteur
public et privé de contrôles aussi assidus et approfondis :
o La Commission de surveillance de la Caisse des dépôts est
composée de personnalités indépendantes
(4 parlementaires, le président de la CCIP, des hauts
magistrats, des hauts fonctionnaires et le gouverneur de la
Banque de France). Elle se réunit deux fois par mois, soit
22 séances en 2006.
o La Commission de surveillance s’est dotée de comités
spécialisés, présidés par un député, pour examiner de façon
approfondie les comptes et les risques ainsi que la gestion
des fonds d’Epargne. En 2006, ils se sont réunis 16 fois.
o La Caisse des Dépôts est aussi soumise au contrôle de la
Cour des comptes, qui conduit plusieurs contrôles par an.
Chaque fois qu’elle reçoit un mandat, une instance de
gouvernance et de contrôle spécifique est mise en place.
o Les dirigeants de la Caisse des Dépôts sont régulièrement
auditionnés par les commissions parlementaires.
- Est-ce à dire que rien ne peut changer ? Non. Je
suis comptable de la transparence et de
l’efficacité des interventions de la Caisse des
Dépôts. Je suis donc favorable à toute évolution
qui renforce la clarté de l’action de la Caisse
des Dépôts.
7
Les interrogations sur le rôle et sur le mode de décision de la Caisse
des dépôts montrent que des progrès peuvent être faits.
- S’agissant de rôle de la Caisse des Dépôts, cet événement
montre qu’elle doit toujours mieux expliquer son action. C’est
tout le sens du travail sur la lisibilité de son intervention que j’ai
entrepris depuis mon arrivée.
o En acquérant ces titres EADS, la Caisse des Dépôts
intervenait comme investisseur de long terme, attentif à
accompagner des entreprises, grandes ou petites, sur la
durée. Compte tenu de la durée du cycle aéronautique,
c’est dans quelques années que nous pourrons voir si
EADS réussit à se redresser et à retrouver le chemin de la
réussite. C’était une décision stratégique engageant sur
moyen terme la Caisse. Elle ne devrait pas revendre ses
titres avant de très longues années. Il faut donc lire et
commenter l’acquisition à cette aune et non à celle d’une
opération financière de court terme.
o Cette fonction d’investisseur n’est peut-être pas assez
lisible. J’avais eu l’occasion de faire ce constat dès mon
arrivée, et de le dire devant vous le 25 septembre dernier.
C’est une des raisons qui m’ont poussé à lancer le travail
sur les nouvelles orientations stratégiques du groupe Caisse
des Dépôts. Il devra permettre de doter le groupe, d’ici midécembre,
de doctrines encore plus claires.
- S’agissant des modes de décision, je suis également soucieux
depuis mon arrivée d’en renforcer encore la clarté sachant, je le
répète, qu’aucune faute de gestion ne peut être imputée à la
Caisse des Dépôts. Il me paraît important de mieux encadrer
encore les échanges d’information entre le directeur général et la
Commission de surveillance.
8
o Pour cela, je propose, en accord avec Michel Bouvard,
une amélioration de la gouvernance de la Caisse des
dépôts. Il s’agit de la création au sein de la commission
de surveillance d’un comité des investissements. Il
fonctionnera dans des conditions qui permettront de lui
soumettre les opérations de marché les plus confidentielles.
Ce comité sera notamment compétent pour examiner a
priori les investissements les plus importants comme celui
qui est l’objet de notre discussion. Il n’y aura plus
d’ambiguïté sur la systématisation de la réflexion
collégiale.
o Sur les autres aspects de la gouvernance, les pouvoirs
publics m’ont invité à leur livrer des propositions après les
6 premiers mois d’exercice de mon mandat. Vous
comprendrez que je leur réserve ces réflexions. Il faut en
tout état de cause bien mesurer ce qu’un nouveau système
pourrait apporter. Le cadre tracé par le Président Michel
Bouvard le 25 septembre lors de notre précédente audition
est celui dans lequel je m’inscris : pas de banalisation de la
gouvernance et maintien du périmètre du groupe.
*
Je vais maintenant laisser Dominique Marcel compléter mon
intervention.
15/10 11:03 - polochon
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