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Commentaire de Debby Gore

sur Michel Bounan et la folle histoire du monde, soyons altermédiatistes


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Debby Gore (---.---.124.86) 2 novembre 2006 21:54

Monsieur,
Soyez assurés que je ne me sens investi d’aucune autorité pour « défendre » les thèses de Michel Bounan. En revanche, connaissant un peu ses malheureuses aventures avec ses zélateurs ou ses détracteurs, et dans les deux cas souvent pour de mauvaises raisons, je me permets de vous répondre en simple lecteur, étonné (encore que) par les ambiguïtés de votre article, qui au-delà du simple compte-rendu, se veut critique. Et il me semble que la moindre des exigences de toute critique est d’abord de coller à son objet. Sur les points que j’ai mentionnés, votre compréhension du texte semble, si ce n’est douteuse, pour le moins imprécise. Et quand on connait les réactions auxquelles ont donné lieu les ouvrages de Michel Bounan (lire Incitation à l’autodéfense), lit-on des comptes-rendus de lecture de ses ouvrages avec quelque circonspection, en ayant à l’esprit cette remarque de Guy Debord : « J’ai toujours considéré que le pire, pour mes ennemis, c’était qu’on lise attentivement leurs textes ».
Aussi, pour répondre à votre réponse :
« Une hystérie peut être déclenchée par la peur, et ce fut le cas au Moyen Age ainsi que plus tardivement. Il n’y a pas d’erreur majeure dans ce propos ». Personne ne vous conteste une erreur dans votre propos : je relève simplement une déformation des propos de l’auteur du livre dont vous voulez nous rendre compte. Le « Moyen-Age » n’étant jamais qu’une période qui s’est étirée sur près de mille ans, pourriez-vous d’ailleurs être plus prècis ? « Plus tardivement », est-on encore alors au « Moyen-Age » ?
En outre, si la « peur » n’est certainement pas étrangère à la genèse d’hystéries collectives, M. Bounan montre, et c’était là l’objet de ma remarque, que la « peur » engendre plus surement une socionévrose phobique, dominante au « Moyen-Age », qui a pu se maintenir par les rouages développés dans le livre sur une période peut-être un peu plus longue que les épisodes d’ « hystérie » que vous semblez avoir à l’esprit, ainsi que, dans des conditions similaires et indépendantes, dans d’autres civilisations « agricoles-impériales », à d’autres époques et en d’autres lieux, sur lesquelles se fonde l’analyse de l’auteur (Chine, Mexique, Egypte...). De plus, le tableau hystérique est avant tout relié au « reniement » de soi-même, à la « négation de sa propre individualité, du sujet vivant ». Ces aspects sont-ils absents des épisodes hystériques que vous mentionnés ?
« La thèse de Weber, exact, mais elle est juste citée à titre anecdotique dans la conclusion. Je ne l’ai pas vu discutée là où elle aurait dû l’être, dans le développement consacré au capitalisme ascétique ». Je remarque qu’après avoir affirmé que Bounan ne citait pas l’ouvrage de Weber, vous vous défendez maintenant en affirmant que citation il y a bien, mais purement anecdotique, ce qui est quand même différent. Mais là encore, ce que je trouve malhonnête, c’est que vous vous prévalez d’une opinion personnelle sur ce que devrait ou ne devrait pas discuter M. Bounan, et sur la place que tient la thèse de Weber dans son ouvrage : qui vous dit que sa remarque est « anecdotique » ? M. Bounan ne la « discute » pas : en êtes-vous si sûr ? L’ « angle » sous lequel il se place ne lui permet-il pas de réinvestir les « liens établis par Max Weber entre l’idéologie protestante et le développement du capitalisme » sous un jour nouveau ?
« Je ne pense pas avoir banalisé la thèse de Bounan en la mettant en perspective avec Forester et Debray. C’est un recadrage que j’ai jugé utile et puis chacun a sa propre lecture et juge en fonction de ses priorités et ses savoirs ce qu’un livre apporte ». Vous me permettrez d’insister : si je crois que nous avons bien lu le même livre, nous ne l’avons pas lu du même oeil. Je pense que les ouvrages de Michel Bounan montrent inlassablement que les « jugements » de chacun « en fonction de ses priorités et de ses savoirs » sur « ce qu’un livre apporte » ou sur quoi que ce soit d’autre, sont avant tout influencés par les goûts et les jugements de son époque, par ses interdits moraux et sociaux, par les si malheureuses « nécessités du marché ». Et que c’est bien à notre époque, si sensible aux désirs et aux attentes de chacun, que revient l’immense privilège de façonner « démocratiquement » des images et des marchandises propres à rassasier les désirs et les attentes d’un public hystérique, en fonction des petites « priorités » de chacun, de ses « savoirs », de son patrimoine génétique, de son portefeuille. Et il n’est alors pas trop compliqué de comprendre le but de la publication de tels ouvrages.
Quant à Bounan je crois qu’il est suffisamment sorti du « cadre assez large du spectacle » pour bien rire à l’idée que ses thèses soient « recadrées » par un « pronétaire » « altermédiatiste » en compagnie d’aussi définitifs penseurs que Debray et Forrester.
Bien à vous
Debby Gore


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