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Commentaire de Darkhaiker

sur Science, Religion et Idéologie


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Darkhaiker Darkhaiker 28 juin 2013 16:37

ESPRIT CRITIQUE OU ESPRIT POSITIF


« L’esprit critique et l’évidence des faits sont balayés d’un revers de main par les tenants d’une société meilleure. Les certitudes enterrent la curiosité et l’imagination, elles détruisent l’esprit critique, rendent la conversation inutile, et par conséquence détruisent les liens sociaux.  »


L’esprit critique n’a rien à voir avec l’évidence des faits. L’esprit critique est un idéal, une croyance : il pense qu’en pensant il pourra accéder à l’évidence des faits. L’évidence serait extraite des faits par un travail supposé de dévoilement d’une vérité objectivée et recoupée par des raisonnements méthodiques non contradictoires et conformes à l’idée visée comme incarnation ou matérialisation d’une théorie, d’une idée, d’une raison des choses accessible par une logique appliquée.


Trop souvent l’esprit critique n’est qu’une logique formelle auto-satisfaite. Celui d’un « esprit de critique » qui n’est qu’un anti-système aussi fermé que ce qu’il prétend critiquer. La critique est devenue un but en soi et son résultat donne automatiquement et par principe de la vérité. La critique est donc posée comme source automatique de vérité, comme critère absolu, alors qu’il ne peut, au mieux, être que relatif.


L’esprit critique est un pouvoir intellectuel et moral aussi toxique que le refus de la critique. Que vaut un esprit critique qui n’est pas désintéressé de sa critique ? Si l’esprit critique cherchait vraiment des critères de vérité il accepterait des limites rationnelles comme celle qui indique que la vérité n’est pas, loin de là, exclusivement rationnelle, puisque la rationalité n’est qu’une forme toujours provisoire et relative, un outil limité de la recherche, un outil parmi d’autres.


Encore faut-il être assez scientifique pour admettre « l’évidence du fait » que tous les outils de recherche ne formeront jamais qu’un faisceau indiquant l’existence de la chose vraie relativement (en relation). Cette scientificité ne peut venir que des limites, donc de ce qu’elle n’est pas, et de ce qui la relaie de l’intérieur du monde, des choses et des êtres au sens propre du mot « religieux » : non ce qui sépare mais ce qui relie (religere). Ce qui permettrait de voir aussi bien les continuités que les discontinuités paradoxales ô combien du monde intra, inter et extra-humain.


Si ils peuvent parfaitement se passer d’esprit critique, comment les tenants d’une « société meilleure » pourraient-ils bien se passer de « l’évidence des faits » ?


Si l’esprit critique est un esprit qui fonctionne par et à partir du négatif, dont la « suppression » suppose une sorte de génération spontanée (hégélienne) du positif, qu’en est-il de l’esprit qui fonctionne à partir du positif ?


Un esprit positif ne perd pas de temps avec le négatif en le théorisant et en le manipulant pour l’amener au miracle, à la conversion magique de « l’inversion ». Ceci n’est que de la magie noire, pas de la science « blanche ». L’esprit positif identifie le négatif et respecte sa « fonction » en le retranchant du réel : il le rend et le confine à l’imaginaire d’un révolte abstraite, théorique, purement scientifique, spéculative, auto-centrée.


L’esprit positif rend à César ce qui n’appartient qu’au moi humain et le laisse à son anthropocentrage dialectico-circulaire. Une société meilleure n’est pas une science « positive », positiviste, elle est une science humaine d’humanité, pas d’humanisme.


S’il est vrai que les théories des « certitudes enterrent la curiosité et l’imagination », il n’en est pas moins vrai que celles des incertitudes en font de même. Idéologie oblige.


Dire qu’elles détruisent l’esprit critique n’est pas plus vrai, dans la mesure où elles le créent de toute pièce dans son désir le plus fou et dans son angoisse la plus profonde. Elles le nourrissent comme une mère abusive, elle inversent même leurs obsessions propriétaires en lui, sous couvert de révolution de la « vérité » à l’intérieur des affrontements logiques. Construire ou déconstruire : la recherche du pouvoir est la même (s’il doit être critiqué), parfois pire à cause du bébé de l’eau bénite du rationalisme.


Ce qui rend la conversation inutile peut être un bien suprême quand tant parlent pour ne rien dire ou pour critiquer seulement, comme si la critique pure était une vertu positive, une prière officielle répondant aux angoisses de fin du monde et de la parlotte psychanalytico-confessionnale de mauvaise langue, ou du mensonge qui tuera l’ennemi à la cervelle et aux mains sales.


Comme si la parole était faite pour ne rien dire ou pour dire du mal. Quand la parole est souillée et corrompue mieux vaut se taire si l’on veut que du lien renaisse. Il se peut que le lien meure du trop d’information et de paroles vaines : à trop arroser une plante elle meurt. Quant à l’imagination, on peut douter que l’esprit critique puisse avoir quelque rapport sexuel avec elle : beaucoup trop sûr de lui. Une société meilleure ne viendra pas de l’abandon des certitudes mais de leur justesse. A moins d’avoir foi dans une société pire.





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