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Jacques-François Bonaldi 30 novembre 2016 20:41

Curieux ! Je m’efforce de « donner à lire » Fidel et quelque chose (une part minime, soit dit en passant) de ses idées, et les commentateurs s’arrêtent uniquement aux propos que j’ai placés en guise d’introduction… Comme si l’important, c’était le rédacteur du prologue et non l’auteur ! Si ça voulait dire que les lecteurs sont d’accord avec les idées avancées par Fidel, ce serait au moins une belle satisfaction pour moi, mais je sais que sur Agoravox (ni ailleurs, soit dit en passant), il n’a jamais bonne presse et que rares sont ceux qui lui vouent quelque sympathie…

Vous comprendrez bien que je ne vais pas engager des débats théoriques sur le jeune Fidel. Les discussions au coin du feu et les révolutions en chambre et en pantoufles ne m’intéressent absolument pas : je préfère vivre ici une vraie, où l’on se salit les mains de cambouis, avec toutes ses difficultés, ses erreurs, ses problèmes, mais aussi avec ses réussites et ses grandeurs. Une révolution de celles qui transforment la vie des gens, pas de celles dont on discute peinardement en sirotant. De celles qu’on bâtit au jour le jour.

Quant à l’homme nouveau, je peux vous dire, moi, que je l’ai vu, pas seulement en puissance, mais en réalité, à différents moments de la Révolution cubaine, ne serait-ce que, pour donner qu’un seul petit exemple, les coopérants cubains capables de se rendre dans les endroits les plus inaccessibles, là où le personnel du cru ne va jamais, pour soigner des malades et sauver des vies, ou encore, sur un autre registre, les combattants partis pour défendre l’indépendance de l’Angola et, dans la même foulée, infliger une si cuisante déroute aux agresseurs racistes sud-africains qu’elle a entraîné à terme, entre autres facteurs, l’indépendance de la Namibie, la libération de Mandela et l’effondrement de l’apartheid.

Et si vous aviez vécu ce que nous vivons ici depuis vendredi dernier, 25 novembre, si vous aviez partagé l’immense douleur des Cubains, si vous aviez écouté les innombrables témoignages de gens ordinaires, si vous aviez vibré aux réactions d’une qualité humaine parfois extraordinaire qui traduisent une identification vitale avec ce qu’on appelle encore ici Révolution, si vous aviez pleuré avec nous la disparition physique du fondateur de la nation cubaine libre, alors, vous auriez pu découvrir que, oui, à Cuba, même si l’homme ancien occupe encore une bonne part du devant de la scène, l’homme nouveau a su se faire une place parmi les seconds rôles et qu’il n’est pas aussi inexistant que vous voulez le croire…  Mais, ça, cela dépasse la simple théorie…

Alors que je vous écris (il est 14 h à La Havane), les cendres de Fidel ont commencé leur retour vers Santiago de Cuba, un parcours d’un millier de kilomètres qui reprend à l’inverse l’itinéraire suivi début janvier 1959 par l’Armée rebelle pour atteindre La Havane, ce que l’on a appelé la Caravane de la liberté. Et, partout, de chaque côté de la route, des milliers et des milliers de Cubains se massent pour saluer les restes de celui qui leur a consacré chaque moment de sa vie. La révolution, voyez-vous, c’est aussi cette réalité-là et ce vécu.

Bien entendu, si vous ne lisez que la presse transnationale, vous n’en saurez jamais rien, pas plus que vous ne saurez à quel point la mort de Fidel a fait surgir, telle une lave, dans l’immense majorité du peuple cubain, tous âges confondus, cette énorme manifestation de douleur, mais aussi et surtout de reconnaissance et d’amour envers celui qui a fait de cette petite île des Antilles, de concert avec lui, un haut lieu de dignité et peut-être le seul où l’espérance collective d’un avenir meilleur reste possible.

(La Havane, 30 novembre 2016)


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