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Accueil du site > Tribune Libre > Olivier Lejeune, le jeune entrepreneur innovant du modem

Olivier Lejeune, le jeune entrepreneur innovant du modem

Il y a exactement vingt ans, le 4 mars 1988, disparaissait un ami. Témoignage en croisement pour lui rendre hommage.

Quelques mots, quelques lieux, une unité de temps : modem, télécommunications, électronique, informatique, innovation, Nancy, triangle entre Melun, Fontainebleau et Montereau, et... il y a deux décennies.

Un produit technologique parmi d’autres

L’antenne intérieure Wi-Fi directionnelle, à polarisation verticale, compatible avec tous les équipements sans fil 2,4 GHz et supportant tous les standards, augmente la portée du réseau et supprime les obstacles.

Un des nouveaux produits de télécommunication fabriqués en France.

Études inachevées

Il y a déjà très longtemps, j’intégrais pour mes études une école supérieure à Nancy.

La rentrée se faisait en début octobre. Très classiquement, l’école (qui avait innové quelques décennies avant dans le téléenseignement) proposait une scolarité à base de cours en amphi, de travaux dirigés et de travaux pratiques.

Peut-être par conservatisme, les places dans l’amphi n’étaient pas variables. Et donc, par les hasards des premières heures, je me retrouvais à côté d’un camarade fort sympathique.

Réservé, calme, posé, il était un voisin très agréable, bien que sa motivation me parut assez faible pour suivre les tracas habituels de la scolarité.

Autre hasard des découpages de la promo en groupes, je me retrouvais également avec lui pour quelques activités technologiques et, là aussi, sa bonne humeur s’associait à une sorte de distraction générale.

Son esprit était visiblement ailleurs.

Toujours souriant, jamais agacé, un peu dans la lune.

Ses notes aux (nombreux) contrôles continus pas forcément au rendez-vous.

Puis, après Noël, la place à ma droite était devenue vide. Il avait renoncé à poursuivre. Il avait autre chose à faire.

Vol écourté

À l’aéroport d’Essey-lès-Nancy, une ancienne élève de mon lycée accourut toute essoufflée. Hélas pour elle, son réveil ne s’était pas déclenché et elle rata son vol. Bien gênant car elle devait faire ce vol dans le cadre d’un stage pour devenir hôtesse de l’air.

Cela se passait tôt le matin du vendredi 4 mars 1988.

L’avion, c’était un Fokker F27 (Fairchild FH-227B) de la compagnie Transport aérien transrégional pour le vol entre l’aéroport de Nancy-Essey et celui de Paris-Orly (vol 230).

L’appareil avait été construit en 1967 et avait volé 33 142 heures.

Trois membres d’équipage accompagnaient les vingt passagers. Vingt-trois destinées particulières, riches, irremplaçables. Une jeune fille pleine d’avenir avec son papa. Et aussi un jeune homme de 21 ans.

À 5 h 53, l’avion décolla donc pour atteindre une altitude moyenne de 4 270 mètres puis, à 6 h 26, commença sa descente jusqu’à 2 135 mètres.

Lorsqu’il fut en dessous de 1 830 mètres, le contrôle aérien perdit son contact.

Une panne électrique se serait produite. L’avion descendit en chute libre sans que les pilotes pussent s’en apercevoir, les valeurs de l’altitude ni de la vitesse n’étant plus accessibles. Le pilotage automatique était débrayé.

L’avion heurta une ligne électrique, puis, à 6 h 37, s’écrasa sur la commune de Machault, près de Fontainebleau et de Melun, en Seine-et-Marne.

Aucune survivant.

Des restes humains dans les champs.

Une messe à l’église Saint-Sébastien au centre-ville de Nancy.

Une PME française de nouvelles technologies

Olitec est une société anonyme au capital social de 5,5 millions d’euros cotée en bourse depuis 1996.

En dix ans, la société est parvenue à devenir numéro un sur le marché français des modems.

Olitec est divisé en cinq départements de recherche et développement qui lui assurent son indépendance technologique : logiciel de communication, télécommunication par fils, télécommunication sans fils, recherche appliquée et diversification, nouvelles technologies (ADSL, DECT, Bluetooth, etc.).

Pour conquérir ses marchés, l’entreprise a anticipé les besoins du marché en proposant de nombreuses innovations technologiques et commerciales.

Innovations technologiques...

1996 : premier fax-modem (Self Memory) permettant un ordinateur de recevoir des fax sans être allumé (vendu à plus d’un million d’unités en 1997).

1996 : compatibilité PC et Mac (Universal Self Memory).

1999 : premier modem compatible avec Linux.

1999 : premier modem sans fil (Wave Memory).

2000 : premier modem téléphone fax internet sans fil et autonome (Wave Phone).

2000 : premier modem ADSL.

2003 : premier modem ADSL Wi-Fi.

... et commerciales

L’entreprise, par sa bonne connaissance des réseaux de la grande distribution alors fermée à l’informatique, réussit à être référencée chez Carrefour, Auchan, Continent bien avant les autres et seule pendant longtemps.

La longue expérience d’acheteuse de la dirigeante a aussi réduit considérablement le coût des composants grâce à ses talents de négociatrice.

En 1997, Olitec double presque ses ventes et mise sur l’exportation, d’abord en Europe puis mondialement, grâce à un contrat avec le distributeur mondial de Netscape qui lui commande 150 000 modems.

Souplesse d’organisation

Le management s’est toujours exercé avec l’appui des salariés qui ont même soutenu activement leur présidente lors de sa mise en examen en 2003.

La bonne organisation de l’entreprise l’a rendue capable de fournir en vingt-quatre heures 2 000 modems spéciaux pour la Belgique par exemple.

Son credo (créativité, qualité, compétitivité) lui a permis de proposer sur le marché des produits toujours en avance accessibles au grand public.

Quelques chiffres

L’entreprise s’est développée jusqu’à employer 140 salariés (en 1999).

En 1996, avec 63 salariés, Olitec vendait 245 000 modems, pour 20,3 millions d’euros dont 5 % à l’exportation, faisant un bénéfice d’1,1 million d’euros. En 1997, entrant dans le marché mondial, la société réalisait 42 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont 55 % à l’exportation. En 1998, 805 000 modems étaient vendus.

En 2000, le CA était à 43 millions d’euros avec 120 collaborateurs. Puis, c’est la chute : 2001, 31 millions d’euros (100 salariés) ; 2002, 28,7 millions (72 sal.) ; 2003, 13,6 millions (62 sal.) ; 2004, 12,7 millions (50 sal.).

En 2005, l’entreprise comprenait 41 salariés (dont 6 pour la R&D et 12 pour la force commerciale) pour un CA de 8,9 millions d’euros et un résultat très négatif.

Résultat négatif également en 2006 pour 6,3 millions d’euros de CA.

En chute libre

Son différend avec France Télécom sur le marché de l’ADSL a considérablement fait chuter son chiffre d’affaires et a nécessité un plan social en 2001 réduisant de plus de 30 % ses effectifs.

Depuis, la société a des difficultés à survivre et ne parvient pas à enrayer sa chute. Les chiffres de 2007 sont encore très mauvais (l’été 2007, baisse de plus de 40 % de ses ventes).

Une légende à la Steve Jobs

Un jeune homme passionné d’électronique s’amusait durant son adolescence à bricoler des petits appareils électroniques.

Petit génie de l’informatique, il parvint à bidouiller dans le garage de ses parents un modem révolutionnaire.

L’élément-clé était la possibilité de fabriquer un tel modem à bas coût, ce qui permettait de le rendre accessible au grand public pour le prix de 1 990 francs (303 euros) alors que les produits concurrents étaient vendus à l’époque à près de 10 000 francs (1 500 euros).

Ses parents lui offrirent alors pour son baccalauréat deux pages publicitaires dans une revue spécialisée (Micro Systèmes).

Grâce à l’interface gratuite qu’il proposa, il suscita beaucoup d’intérêt. Les commandes affluèrent alors qu’il n’avait pas encore commercialisé son bijou. Tout était prêt pour démarrer l’affaire.

Il abandonna ses études, qu’il suivait nonchalamment, et créa son entreprise.

Olivier

Olivier Lejeune, ce cher camarade qui plongea naturellement dans la vie économique, venait de créer l’une des entreprises françaises les plus innovantes des dernières décennies.

Le 3 mars 1988, alors qu’il devait se rendre à Paris le lendemain pour un rendez-vous commercial, il avait fortement hésité entre l’avion et le train et avait finalement opté pour la voie aérienne pour perdre le moins de temps possible.

Sa mère Jacqueline, pour continuer son œuvre humaine et technologique (une vingtaine d’employés à l’époque), prit sa succession, transforma en 1989 la SARL en société anonyme tout en implantant l’outil de production, et poursuivit son développement en gardant les mêmes challenges qu’Olivier. Ce qui lui valut plusieurs prix d’économie.

Olivier Lejeune, parmi d’autres, fut un innovateur passionné qui alla jusqu’au bout de ses idées technologiques.

Bravo à toi.

Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (4 mars 2008)

NB :

Madame Lejeune a eu il y a quelques années des déboires judiciaires dont je ne connais quasiment rien à part les courtes dépêches de presse. Il est entendu que ces événements sont sans rapport avec cet article.

Par ailleurs, les propos ici n’ont pas pour but de faire du publi-reportage. Je suis incapable personnellement de savoir si les produits Olitec sont meilleurs, ou pas, que ceux de ses concurrents.


Documents joints à cet article

Olivier Lejeune, le jeune entrepreneur innovant du modem Olivier Lejeune, le jeune entrepreneur innovant du modem

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7 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 5 mars 2008 13:09

    Oui mais moi je lis la presse économique et les actionnaires ont senti la conséquence de ce que vous ignorez ou faite semblant d’ignorer en affirmant

    "Madame Lejeune a eu il y a quelques années des déboires judiciaires dont je ne connais quasiment rien à part les courtes dépêches de presse. Il est entendu que ces événements sont sans rapport avec cet article"

    Les lecteurs économiques seront appréciés !


    • Nemo 5 mars 2008 13:16

      Lerma.

      TG.


    • claude claude 6 mars 2008 00:01

      lerma,

      "Les lecteurs économiques seront appréciés"

      la phrase exacte est  : "Les lecteurs des pages économiques sauront apprécier"

      il faut apprendre à écrire bien la france !!!!


    • claude claude 6 mars 2008 00:02

      @ l’auteur,

      je connaissais cette petite entreprise et l’histoire de cette maman courage.

      merci pour ce bel hommage à votre ami.


    • Guillaume Desrosiers Guillaume Desrosiers 5 mars 2008 23:10

      Je suis très sensible à ce genre d’écriture croisée. On lit avec plaisir. On sent aussi l’émotion de l’auteur.


      • gany 6 mars 2008 09:22

        Bravo et longue vie à cet esprit.


        • Icks PEY Icks PEY 6 mars 2008 09:52

          Merci pour cet article.

          Icks PEY

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