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Accueil du site > Tribune Libre > Hamon : un programme toujours impossible deux mois après

Hamon : un programme toujours impossible deux mois après

Après avoir vérifié, début février, une par une les candidatures investies par le parti socialiste aux élections législatives, j'avais établi que le programme « vainqueur et légitimé par la primaire de la gauche » et présenté par le candidat du parti socialiste Benoît Hamon était impossible politiquement, car une majorité législative, fondamentale à tout gouvernement, était impossible derrière ce programme. J'invite le lecteur à lire (ou relire) cet article pour se remémorer les détails ; car il faut bien comprendre en quoi consiste cette impossibilité. Dans ce dernier mois de campagne, rappeler que le programme socialiste est logiquement impossible est essentiel. Les électeurs doivent être informés sur cette réalité, en particulier face à ceux qui prétendent qu'il est le seul à pouvoir gouverner (« Mélenchon a renoncé à gouverner », un bobard de Laurence Rossignol), affirmation farfelue à la vue de l'analyse que je présente ici. La campagne socialiste, prise dans la panique d'une défaite historique (du jamais vu depuis la SFIO en perspective), montre de sérieux signes d'agonie. On se rappelle que Benoît Hamon avait changé ses couleurs pour celles du Parti de Gauche, et même qu'il avait adopté, quelques jours, le costume noir et la cravate rouge du Jean-Luc Mélenchon de 2012. Aujourd'hui, on apprend qu'il lance une « caravane » pour expliquer son programme, et un site internet pour simuler, selon vos revenus, son idée de revenu universel en pratique. Cela n'a évidemment aucune parenté avec la « caravane » ou le simulateur d'impôts de la France Insoumise. Bientôt une plateforme pour les procurations, et un « Hamonphone » ? Bref, passons sur le ridicule du plagiat du désespoir, et concentrons-nous sur les impossibilités politiques.

Il existe un préjugé d'impossibilité pour certains candidats : ainsi, préjuge-t-on que même si un « petit » candidat gagnait l'élection présidentielle, il ne verrait jamais suffisamment de ses candidats élus pour former une majorité aux élections législatives. Il serait donc obligé de « mettre de l'eau dans son vin », par des jeux d'alliances avec d'autres partis pour éviter une situation où tout gouvernement serait impossible. Je dis que cela relève du préjugé : cette affirmation n'a en effet absolument aucun fondement. Un parti quel qu'il soit présentant au moins 289 candidats aux législatives peut avoir une majorité théorique. Certains brandissent aujourd'hui ce préjugé à propos d'Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon : ce qui était vrai à l'époque d'une hégémonie du Parti Socialiste — époque qui semble révolue — ou du RPR-UMP-LR — et on verra ce qu'il en est — ne l'est plus aujourd'hui. La France Insoumise (avec ses alliés) peut très bien remporter une majorité, surtout si elle gagnait l'élection présidentielle. Personne ne peut opposer d'argument valable à cette possibilité.

Il existe en revanche une impossibilité a priori qui elle relève du cas inverse. Elle consiste en la situation où, même si le candidat vainqueur de l'élection présidentielle voyait tous ses candidats élus aux législatives, il n'aurait quand même pas de majorité derrière lui. C'est le cas de Benoît Hamon. Cette impossibilité a été détaillée dans l'article précédent. La majorité des candidats, sortants ou non est, dans tous les cas, opposée à la ligne et au programme défendu par Hamon (et les « socialistes » du PS). Elle est complètement acquise au social-libéralisme. Mieux encore : dans le cas de figure le plus optimiste, les électeurs ne pourront envoyer que 60 candidats socialistes « de gauche » à l'assemblée nationale. Autant dire que c'est très loin des 289 requis.

Des choses ont certes changé depuis. Il y a eu l'accord avec EELV, dont on ne sait quasiment rien (toujours reporté), mais aussi avec le Parti Radical de Gauche... qui ne défendait absolument pas le même programme que Benoît Hamon à la primaire. Ces accords ne changeront probablement rien à la situation, et le retard constaté dans leur approfondissement est un signe de panique : le manque de dynamique de la campagne du candidat socialiste y est sans doute pour quelque chose.

Nous avons donc fait une mise à jour, à partir de la liste publiée au 1er mars sur le site du parti socialiste. Le PS n'est pas foutu de tenir une liste correcte de ses propres candidats  : Claude Bartolone, dont on sait pourtant depuis un moment qu'il ne se représentera pas y est toujours candidat. D'autres ont des fautes d'orthographe dans leur nom. En tout, il y a 4 retraits à prendre en compte par rapport à la liste du mois de Janvier : un seul d'entre eux est effectif dans la liste officielle. Parmi ces quatre cas, on compte évidemment Claude Bartolone, mais aussi Florent Boudié (qui a rejoint Emmanuel Macron). Signe inquiétant pour le PS : deux candidats pro-hamon ont jeté l'éponge face au manque de soutien de cette ligne en interne !

On peut résumer l'évolution des choses sur ces deux mois en ceci : depuis la victoire du programme de Benoît Hamon à la primaire, les candidatures de gauche ont diminué au profit des candidatures libérales, en particulier celles en faveur d'Emmanuel Macron.

Je rappelle donc la méthodologie. 

Pour les députés sortants, nous avons recensé l'ensemble des positions prises dans des scrutins sujets à controverse à gauche : la ratification du pacte budgétaire européen en 2012, qui avait vu naître les premiers « frondeurs », le vote du CICE, du programme de stabilité, et la concrétisation des oppositions dans le vote des motions de censure déposées et/ou signées contre la loi Macron et la loi travail. Les candidats aux législatives de cette année qui étaient suppléants durant le mandat, et qui ont pris part à l'un de ces votes sont ici considérés comme « sortants ». S'ajoute à cela la position prise lors du congrès du Parti Socialiste en 2015, où les oppositions s'étaient déjà bien cristallisées : pour l'essentiel, l'alignement se fit autour de la motion A, représentant la ligne de Jean-Christophe Cambadélis et du gouvernement (ligne à laquelle se sont ralliés les « aubrystes » de la contribution « Pour réussir »), et de la motion B, déposée par Christian Paul et représentant ce que l'on appelle souvent la « gauche du PS », que nous désignons ici comme socialistes. On peut différencier deux intermédiaires : il y a les signataires ou les candidats de la motion B qui n'ont jamais exercé, lorsqu'ils étaient députés, leur pouvoir d'opposition aux lois sociales-libérales. Ceux là ont été désignés par l'appellation « social-libéral (ralliement) ». On y a également ajouté tous ceux qui, à un moment ou un autre, ont tenu un discours d'opposition à la ligne du gouvernement, mais s'y sont pleinement rallié par la suite. Il y a également les candidats qui ne sont pas sortants, mais qui ont signé ou furent candidats pour la motion B. Ceux là, n'ayant pu prouver leur engagement en acte à l'assemblée nationale, ont été désignés sous le terme « socialiste (présumé) », dans le doute du ralliement à la ligne sociale-libérale qui a pu avoir lieu de la part de signataires de la motion B. S'ajoute à cela des positionnements indépendants de ces tendances principales, et tous ceux dont le positionnement n'est pas connu.

J'ai également rajouté les données compilées concernant les soutiens socialistes à Emmanuel Macron. La liste des candidats qui se sont retirés entre temps est disponible dans un tableau séparé.

En synthétisant toutes ces données (dont le tableau est disponible ici), nous arrivons aux conclusions suivantes :

— sur les 396 candidats investis par le Parti Socialiste aux élections législatives au 1er mars 2017, auxquels nous avons ajouté Manuel Valls (qui n'est pas dans la liste officielle), 263 (67%) sont tenants de la ligne sociale-libérale du gouvernement (dont 22 (6% du total) le sont par ralliement, et 23 (6% du total) soutiennent Emmanuel Macron), 60 (15%) sont tenants d'une ligne socialiste (dont 40 (10% du total) le sont de manière présumée). 67 (17%) n'ont pas de positionnement connu.

— sur les 165 députés sortants investis par le Parti Socialiste selon les mêmes sources, 142 (87%) sont tenants de la ligne sociale-libérale du gouvernement (dont 19 (12% du total) par ralliement, et 18 (11% du total) soutiennent Emmanuel Macron), 20 (12%) sont tenants d'une ligne socialiste et 3 (2%) ont affirmé leur indépendance.

— sur les 231 députés non-sortants investis par le Parti Socialiste selon les mêmes sources, 121 (52%) sont tenants de la ligne sociale-libérale du gouvernement (dont 3 (1% du total) par ralliement objectif, et 5 (2% du total) soutiennent Emmanuel Macron), 40 (17%) sont tenants d'une ligne socialiste de manière présumée et 1 (1%) a tenu une ligne indépendante. Parmi ces non-sortants, 67 (29%) n'ont pas exprimé de positionnement qui nous soit parvenu.

Nous réitérons donc, deux mois après, notre conclusion :

Benoît Hamon est donc soit obligé de quitter son parti pour former un mouvement porteur de ses idées et présenter des candidats aux législatives qui pourraient les porter au parlement et les rendre applicables, soit obligé d'appeler à voter pour des étiquettes concurrentes aux élections de Juin, ce qui ne serait plus cohérent avec son investiture aux élections présidentielles par le parti socialiste. En un mot, la candidature de Benoît Hamon est incompatible depuis le début d'avec le projet pour lequel il a été désigné candidat par les électeurs de la primaire ouverte. Si les électeurs potentiels de Benoît Hamon veulent voir le programme légitimé par la primaire se réaliser, ils ne doivent ni voter pour lui, ni soutenir sa candidature aux élections présidentielles, puisqu'elle portera, par nécessité, au pouvoir les idées auxquelles ils s'opposent manifestement.

 

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Liste des candidats PS investis

 

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Liste des candidats PS investis retirés

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10 réactions à cet article    


  • rogal 3 avril 2017 17:03

    Hamon. Ce nom me dit quelque chose. Mais quoi ?


    • V_Parlier V_Parlier 9 avril 2017 18:41

      @rogal
      C’est un bisounours interventionniste de plus, à la fois guerrier à l’étranger, ami de la pègre sur notre territoire, eurofédéraliste, prétentieux sans charisme, distributeur d’argent virtuel (avant l’élection), partisan de la délocalisation... Bref, pour faire plus cour : C’est l’un des deux fils de Hollande, le frère de Macron mais en version « qui fait moins libérale ».


    • Laulau Laulau 3 avril 2017 17:49

      Voilà un article qu’on aimerait voir commenter par Benoit Hamon.
      La supercherie est énorme.


      • Lonesome Cowboy Lonesome Cowboy 3 avril 2017 19:06

        Du bon boulot qui prouve que les journalistes ne font pas le leur, trop occupé à diviser la gauche en alimentant un faux feuilleton de rapprochement possible ou pas, pour faire monter Macron.


        A partager !

        • biquet biquet 3 avril 2017 19:47

          Article bidon. Combien de députés et sénateurs socialistes ont apporté leur soutien à Benoît Hamon ? Combien des députés et de sénateurs socialistes ont apporté leur soutien à Macron ? Combien de députés et de sénateurs de droite ou centristes ont apporté leur soutien à Hamon ? Là le résultat est connu c’est zéro, ce qui est loin d’être le cas pour Macron.


          • prosperbincteux prosperbincteux 3 avril 2017 20:30

            @biquet
            Pour les socialistes à Macron, la source est indiquée. Pour les socialistes à Hamon, tout est dans la méthodologie. On se base sur les votes, les MOTIONS internes au parti (et ça concerne beaucoup de monde !) et les soutiens affichés dans la presse envers tel ou tel candidat lors des primaires, ou par la suite pour macron quand cela concerne Macron.

            Le moyen le plus simple de vérifier une de ces infos, c’est google actualités (tapez le nom du candidat + celui du soutien). Si vous voulez vérifier pour les motions, un outil : sur google, tapez « site:congres.parti-socialiste.fr » suivi du nom du candidat. Vous y trouverez sa signature dans une des motions.

          • alinea alinea 3 avril 2017 20:21

            Je pense que Hamon doit le savoir pour faire une campagne aussi nulle ! faut-il qu’il soit épris du PS pour subir tout ça, ne pas claquer la porte et dire qu’il soutient la FI !
            Il aura les voix de ceux qui sont allergiques à Mélenchon !! tu parles d’une gloire !


            • Le PS est fini depuis 1983... Le peuple s’est enfin débarrassé de cette gauche versaillaise qui le cocufie depuis plus de trente ans.


              • Alainet Alainet 5 avril 2017 08:42

                - Le PS d’Hamon est 1 candidature « leurre », qui va empêcher Mélenchon qui incarne encore la Gauche-Jaurès d’accéder au second tour ! Le Hollandisme en France et le Delorisme qui prévalent encore au Pouvoir.. ont été bien secoués dans le grand débat sur BFMtv, qui fut, contre toute attente, le grand déballage inattendu ! L’Oligarchie doit faire sa « gueule de raie » ce matin parce que contre toute censure médiatique ; les petits candidats ont crevé l’abcès de l’UE,de la ploutocratie, de la Nomemklatura, qui se perpétue par alternance, grâce au scrutin à 2 tours, les rapports du LRPS avec les banques pour se faire ré-élire, des scandales des élus corrompus & de la nécessité de moraliser la Politicaillerie qui entraîne la Démocrasouille ..obligeant le « club des 5 » à se justifier.
                - Tout çà ne restera pas lettre morte...


                • yvesduc 8 avril 2017 09:20

                  Hamon est compatible avec les militants du parti. Ce sont les cadres (du moins, une partie d’entre eux) qui refusent le vote des militants ! Ces cadres sont « incompatibles » !

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