Un président vraiment normal
Il est le président d’un des plus pauvres pays de la planète, et a passé des années en prison lors du règne du dictateur du pays dont il est maintenant l’heureux élu.
Il s’appelle Jose Mujica, et a été élu président de l’Uruguay, et lui peut vraiment revendiquer le fait d’être un président normal, un exemple pour tous les présidents du monde.
L’Uruguay, est un petit pays de 3,3 millions d’habitants, avec un PIB (produit intérieur brut) de 49 milliards de dollars.
Loin de ceux qui sont fiers de leur yachts, de leurs champagnes millésimés, Mujica vit dans une ferme modeste dans la banlieue de Montevideo, protégé seulement par deux policiers en civil qui se trouvent à proximité, et s’est récemment illustré en vendant la luxueuse résidence présidentielle, la qualifiant « d’inutile ».
Il a 78 ans, et en a passé près de 15 dans les geôles uruguayennes, après avoir été torturé, enfermé 2 ans dans un profond trou, avec comme seuls compagnons une grenouille et un rat, avec qui il partageait son pain.
Il y a eu, d’après des sources bien informées, jusqu’à 6000 prisonniers politiques, du temps de la dictature, ce qui, rapporté au nombre d'habitants du pays est considérable, et ferait à l’échelle de la France quasi 130 000 prisonniers politiques. lien
Il avait commencé son parcours politique en tant qu’anarchiste, puis a été l’un des responsables des redoutables Tupamaros, ces résistants qui pratiquaient la rébellion à coup d’enlèvements, de vols armés, dans les rues de Montevideo.
Amnistié en 1984, il crée le MPP (mouvement de participation populaire), puis adhère au Front Elargi en 1989, avant de devenir député en 1995, sénateur en 1999, ministre de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche en 2004, et le 29 novembre 2009, il est finalement élu président de l’Uruguay, avec 52% des voix.
Lors de son élection de député, il a surpris tout le monde arrivant au volant d’une vespa, et il a refusé la luxueuse résidence qui lui était attribuée, préférant rester dans sa modeste ferme, continuant d’y travailler, notamment à la culture des fleurs.
Déclarant : « je peux sembler être un vieil homme excentrique…mais c’est mon choix », il conclut : « j’ai vécu comme ça la plupart de ma vie, je peux bien vivre avec ce que j’ai ».
Il accuse la plupart des dirigeants du monde d’avoir « une obsession aveugle pour atteindre une croissance de la consommation, comme si le contraire signifierait la fin du monde ». lien
Récemment, il a attiré l’attention des médias en décidant la légalisation du chanvre, voulant en faire un monopole d’état, (lien) décision encore contestée par les Uruguayens, ceux-ci n’ayant pas réalisé que ça priverait les mafias de leurs juteux revenus.
Mais il a aussi dépénalisé l’avortement, accordé le droit de vote aux femmes, légalisant le divorce, et le mariage homosexuel.
Il a invité l’écologie dans son programme, et a lancé un ambitieux programme de production de méthane, n’oubliant pas l’énergie éolienne.
Il ne porte pas de cravate, reverse les 90% de son salaire afin de financer le programme d’expansion des logements pour pauvres, et sa seule richesse est une vieille coccinelle Volkswagen bleue qu’il avait acheté en 1987.
Ces discours lyriques et citoyens sont de petites merveilles, comme lorsqu’il déclare par exemple que « si l’humanité entière aspirait à vivre comme un américain moyen, nous aurions besoin de 3 planètes ».
Il n’hésite pas à citer Epicure, ou Sénèque, qui définissaient le pauvre « non pas comme celui qui a peu, mais comme celui qui a une infinité de besoins et désire toujours plus que ce qu’il a ».
Question économie, son petit pays ne s’en sort dans le fond pas si mal, avec une croissance de 3,6%. lien
Dénonçant une civilisation « contre la simplicité, contre la sobriété, contre tous les cycles naturels, et ce qui est pire, une civilisation contre la liberté de disposer du temps de vivre des relations humaines, l’amour, l’amitié, l’aventure, la solidarité, la famille », il vit lui tous les jours en harmonie avec ses convictions, ce qui par les temps qui courent est plutôt rare. lien
Mais si ce président devrait être un exemple pour tous les autres, il existe quand même d’autres pays ou l’élu ne s’accorde pas les privilèges exorbitants pratiqués un peu partout.
Un autre pays pourrait aussi servir d’exemple, c’est l’Islande, pays qui a vu la réélection d’Olafur Ragnar Grimsson, lequel peut se flatter d’avoir tenu en échec les banksters, d’autant que la Cour de l’AELE (association européenne de libre échange) a donné raison à l’Etat Islandais lorsqu’il a refusé de rembourser les épargnants étrangers qui avaient placé leur argent dans ses banques privées.
L’Islande a refusé les politiques qui se sont imposées depuis 30 ans en Europe, et a laissé les banques faire faillite sans les renflouer, instaurant le contrôle des changes, renforçant l’état providence, protégeant les ménages les plus modestes, et refusant d’appliquer l’austérité brutale.
Affirmant qu’il est plus important de préserver la démocratie, les droits de l’homme, et l’état de droit, refusant le dictat des marchés financiers, le président islandais se félicite d’avoir écouté la voix du peuple. lien
Quittons l’Islande pour la Suède.
Dans ce pays « les ministres mènent une vie normale » comme le rappelle Lena Hjelm-Wallen, ancien patron de la diplomatie suédoise, ajoutant, « bien sur au ministère des affaires étrangères il y a un cuisinier et des salons pour recevoir nos hôtes, mais au quotidien, pourquoi ne pas déjeuner à la cantine ? ».
En effet, à Stockholm, les ministres déjeunent à la cantine, tout comme les hauts fonctionnaires et leurs secrétaires.
Pas d’alcool, pas de fromage, pas de dessert, seulement des carafes d’eau et du lait froid, et quand ils ont fini de déjeuner, ils débarrassent leur plateau.
Transmis à la Chambre des Députés française, et au Sénat, dont on sait la richesse des caves gouvernementales, et le faste des cuisines.
En effet, dans les caves de l’Elysée, on dénombre environ 15 000 bouteilles, et les Pétrus ont comme voisins célèbres des Mouton, des Lafite, des Margaux et des champagnes rares… et cher…mais le Quai d’Orsay possède aussi la sienne, tout comme Matignon, le Sénat, et l’Hôtel de Lassay. lien
Tous les ans, selon le pointilleux René Dosière, l’Elysée dépense 250 000 € en vins rares et chers…Charles de Gaulle, pour lequel on cherche en vain des fonds afin de restaurer sa croix de Lorraine, aimait surtout le Champagne, mais il le payait de ses propres deniers. lien
Transmis au gouvernement, aux députés, et aux sénateurs, qui, par ses temps de disette, seraient bien inspirés d’en tirer quelques conclusions.
Seul le premier ministre suédois dispose d’un logement officiel, de 175 m², dont il paye le loyer, et d’une voiture de fonction. lien
Les autres utilisent leurs propres véhicules.
Transmis au premier ministre « normal » français, et aux autres ministres, dont 23 occupent des logements de fonction, même si 15 d’entre eux l’ont refusé.
Jean-Marc Ayrault a donc le privilège d’une voiture de fonction dont le coût est estimé à 120 000 €, blindée au Kevlar, tout comme celles du ministre de l’intérieur, et de celui de la défense.
Détails de avantages de ces privilégies sur ce lien.
Encore mieux, les anciens dirigeants peuvent bénéficier encore aujourd’hui d’un véhicule de fonction avec un chauffeur, d’un secrétaire particulier, et d’un garde du corps, et si les avantages consentis au premier ministre sortant sont encadrés par une loi, ceux qui sont attribués aux anciens présidents de la République sont seulement justifiés par un courrier signé par un certain Laurent Fabius, le 8 janvier 1985. lien
Transmis au président « normal » qui pourrait, par un nouveau courrier, annuler ce genre de décisions, inconcevables dans un pays couvert d’impôts, et accumulant la misère et le chômage.
Alors si, comme promis, le nouveau président a baissé de 30% son salaire et celui de ses ministres, ces derniers perçoivent tout de même 10 000 € mensuels, et le premier ministre reçoit 14 000 €, outre les autres avantages que l’on peut découvrir sur ce lien.
Il est inconcevable en Suède d’imaginer des voyages en jet privé, des suites dans des palaces, et il n’est pas rare de croiser un ministre dans une gare, ou en train de faire ses courses dans une grande surface.
On se souvient de Mona Sahlin, ex numéro 2 du gouvernement d’Ingvar Carlsson, qui avait du présenter sa démission pour avoir osé acheter des barres chocolatées avec sa carte de crédit de fonction. lien
Transmis aux élus français d’aujourd’hui et d’hier, dont les frasques financières défrayent régulièrement la chronique. lien
Plus grave, les politiques pris la main dans le sac, et condamnés, sont systématiquement réélus s’ils se représentent aux électeurs.
Alors comment ne pas s’étonner de l’impopularité de François Hollande ?
Il est probable que le jour où il prendra conscience de la détresse du peuple qu’il est censé gouverner, sa situation pourrait s’améliorer, mais il ne semble pas en prendre le chemin.
Comme dit mon vieil ami africain : « le monde flatte l’éléphant et piétine la fourmi ».
L’image illustrant l’article vient de segundoasegundo.com
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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