Aux lecteurs que je remercie de leur visite ainsi que de la richesse de leurs commentaires.
Il m’a semblé important de rappeler ci-après l’intéressante contribution de deux auteurs du rapport d’information sur la nécessaire modernisation de la dissuasion nucléaire, thème directement en relation avec le budget des armées et l’obligation de prendre en compte une nouvelle configuration technologique et géopolitique que la France ne saurait méconnaître.
http://www.senat.fr/espace_presse/actualites/201706/modernisation_de_la_dis suasion_nucleaire.html
Trois questions à Xavier PINTAT et Jeanny LORGEOUX, auteurs du
rapport d’information "La nécessaire modernisation de la dissuasion
nucléaire (29 juin 2017)
Vous publiez un rapport d’information sur la nécessaire modernisation
de la dissuasion nucléaire, la dissuasion nucléaire est-elle toujours
d’actualité ?
Jeanny LORGEOUX : Elle ne cesse de l’être et sa modernisation continue est nécessaire dans un monde dangereux et incertain.
Cette conviction repose sur l’appréciation que nous faisons de
l’évolution des menaces, qui ne se résument malheureusement pas au seul
terrorisme islamiste. Force est bien de constater la résurgence des
menaces de « haut du spectre » - tenant à la Russie, dont la remontée en
puissance comporte un fort volet nucléaire, mais aussi à d’autres États
dotés de l’arme atomique, comme la Chine, l’Inde ou le Pakistan. Ceci
nous rappelle que seule la dissuasion peut nous préserver d’un éventuel
chantage nucléaire et nous permettre de conserver notre liberté
d’action. Nous ne pouvons oublier également la menace d’autres États
dits « du seuil », comme l’Iran ou la Corée du Nord, qui ont cherché ou
cherchent à mettre en œuvre des armements nucléaires et des missiles
balistiques.
Nous devons également prendre en considération les incertitudes
pesant sur nos alliances traditionnelles depuis le Brexit et l’élection
de Donald Trump. Les déclarations contradictoires de ce dernier
pourraient annoncer un moindre investissement des États-Unis au profit
de leurs alliés et un affaiblissement du concept américain de
’dissuasion élargie’.
Enfin, les évolutions technologiques à l’œuvre dans le monde, la
prolifération des systèmes de déni d’accès, de cyber-attaques
offensives, et le développement potentiel de frappes antisatellites
imposent une actualisation du niveau technique de nos outils de
dissuasion pour garantir leur crédibilité.
Tout ceci montre la nécessité de disposer d’une dissuasion autonome,
crédible et moderne. Cela n’implique pour la France aucune course aux
armements, cela se situe dans l’application rigoureuse du principe de
stricte suffisance. Sans modernisation continue des outils en fonction
de l’évolution des menaces, c’est la capacité à dissuader qui serait
compromise.
En quoi devrait consister cette modernisation ?
Xavier PINTAT : Nous venons d’achever un cycle
complet de modernisation des moyens des composantes océanique et
aéroportée. Il s’agit maintenant de se projeter sur les moyens futurs
qui leur succèderont, car la dissuasion se pense dans le temps long. Les
décisions d’investissement devront être prises dès la prochaine loi de
programmation militaire. Les grands rendez-vous identifiés dans le
rapport se situent dans le courant des années 2030, avec la mise en
service, à cette échéance, du sous-marin nucléaire lanceur d’engin de
troisième génération, des successeurs des missiles balistiques M-51.3 et
du missile de croisière ASMP-A, ainsi que la modernisation éventuelle
de la flotte d’avions de combat.
À plus court terme, la modernisation de la flotte des avions
ravitailleurs va être réalisée avec le remplacement d’ici 2025 des C135 à
bout de souffle par des MRTT.
Si nous voulons conserver une capacité crédible de dissuasion, les
outils doivent être modernisés. Il s’agit de préserver nos capacités de
pénétration et d’invulnérabilité, mais aussi la permanence de la
dissuasion, qui ne peut être exercée par intermittence.
Cet investissement est-il soutenable à l’heure où le budget de la défense est fortement sollicité ?
Xavier PINTAT : La modernisation de la dissuasion
nucléaire est soutenable financièrement. Elle requiert toutefois un
effort budgétaire pour porter de 3,9 milliards d’euros en 2017 à 5,5 ou 6
milliards d’euros en 2025, à valeur constante, les crédits qui lui sont
consacrés. Cette progression s’intègre logiquement dans l’effort
d’ensemble à consentir au profit du budget de la défense, tendant à
porter celui-ci à hauteur de 2 % du PIB en 2025, hors pensions et hors
« surcoût OPEX », d’après les engagements du Président de la République.
L’important, pour des raisons opérationnelles, mais également pour
maintenir le niveau de compétence dans les filières industrielles
stratégiques, est que ces investissements puissent être menés selon le
calendrier requis.
Selon nos projections, compte tenu de l’augmentation prévue à
l’horizon 2025 pour le budget de la défense, la part des crédits
consacrés à la dissuasion dans l’ensemble de ce budget restera stable, à
hauteur de 12 % environ, ce qui ne créera donc pas d’effet d’éviction
au détriment des autres fonctions stratégiques opérées par nos armées.
Voir aussi les réactions au comportement du Président :