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Commentaire de ERANOVA

sur La couleur de la peau ne définit pas une race, car cette notion n'existe pas


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ERANOVA 9 juin 2020 13:30

« Si l’on considère les premières lignes du préambule de la constitution de 1946, on peut comprendre qu’il ait eu une volonté forte de vouloir dépasser le traumatisme post-Nazisme » : voilà un autre glissement.

La volonté exprimée par la loi Lamine Gueye et la constitution de 1946 était d’engager l’intégration des territoires d’outre-mer et TOUTES les populations de l’Union française dans un ensemble fédéral fonctionnel. Évidemment que la contribution des corps d’armée d’outre-mer à l’effort de guerre contre les nazis avaient été stimulée par la promesse de l’État français de la disparition du statut d’« indigène » au profit de la pleine et entière citoyenneté française sur tous les territoires de la République. C’est visionnaire. Mais la perspective d’un contact autre que d’intérêt (pour la défense dut territoire) avec des populations que la culture avaient depuis le dépbut de la colonisation décrites comme frustes et inférieures rebutait la bien-pensance traditionnelle. L’Inconcevable, c’était quand même la participation de ces populations à l’élaboration de la culture française et à l’établissement de ces lois. C’était une question irréductible d’ethos ; question que l’on somma de contourner par la ruse de la création d’un citoyenneté bistre. Il y aurait d’un côté les vrais Français (devant tout de même, pour en posséder l’état, justifier de la continuité de leur lien avec le sol de la métropole et avec le le sang de la nation initiale) et les pseudo-français ( tous les autres, à jamais incapables de produire ces preuves et seulement intégrables au prix de quelque exploit individuels sur le champ de bataille, tels que ceux de l’inoubliable Capitaine Charles N’Tchoréré, héros africain français des deux guerres, exécuté d’une balle dans la tête par les Allemands pour avoir seulement prétendu être officier français).

Pour prendre la mesure de la détestation raciste en France, revenons aux sources de la littéraire humaniste du XIXe siècle. Même Victor Hugo, dont on a encore aujourd’hui en mémoire, l’engagement humaniste contre l’ostracisation et la répression des classes populaires dites dangereuses (les pauvres, les « sans dents » d’alors) en métropole, avait défendu une vision colonialiste et raciste de la société française :

« La Méditerranée est un lac de civilisation ; ce n’est certes pas pour rien que la Méditerranée a sur l’un de ses bords le vieil univers et sur l’autre l’univers ignoré, c’est-à-dire d’un côté toute la civilisation et de l’autre toute la barbarie […] Quelle terre que cette Afrique ! L’Asie a son histoire, l’Amérique a son histoire, l’Australie elle-même a son histoire ; l’Afrique n’a pas d’histoire. Une sorte de légende vaste et obscure l’enveloppe. Rome l’a touchée, pour la supprimer ». Un certain petit Nicolas sut s’inspirer de ces mots.

Schoelcher — oui, l’abolistionniste — venait tout juste en gusis d’introduction du fameux « Discours sur l’Afrique » d’arguer de la visée civilisatrice et compassionnelle de la colonisation : «  »La cause des Nègres que nous soutenons, et envers lesquels les nations chrétiennes ont tant à se reprocher, devait avoir votre sympathie ; nous vous sommes reconnaissants de l’attester par votre présence au milieu de nous. Cher Victor Hugo (...), quand vous parlez, votre voix retentit par le monde entier ; de cette étroite enceinte où nous sommes enfermés, elle pénètrera jusqu’au cœur de l’Afrique, sur les routes qu’y fraient incessamment d’intrépides voyageurs, pour porter la lumière à des populations encore dans l’enfance, et leur enseigner la liberté, l’horreur de l’esclavage, avec la conscience réveillée de la dignité humaine.«  Les historiens spécialistes de la nature brutale et raciste du régime colonial français apprécieront…

L’exploitation sans scrupules des populations et des ressources africaines venait de trouver les chantres les plus illustres dans les rangs des soi-disant humanistes. L’Afrique ne s’en remit jamais… On notera au passage le régime particulier souhaité pour le continent noir (au déni d’ailleurs des exactions que la France exerçait, mine de rien, sur tous les continents).

Et l’inarrêtable, l’immortel Hugo — le Ténardier des civilisations noires — d’enfoncer le clou : 

 »Le flamboiement tropical, en effet, c’est l’Afrique. Il semble que voir l’Afrique, ce soit être aveuglé. Un excès de soleil est un excès de nuit. […] Eh bien, cet effroi va disparaître […] Comment ? […] Déjà les deux peuples colonisateurs, qui sont deux grands peuples libres, la France et l’Angleterre, ont saisi l’Afrique ; la France la tient par l’ouest et par le nord ; l’Angleterre la tient par l’est et par le midi. Voici que l’Italie accepte sa part de ce travail colossal […] Cette Afrique farouche n’a que deux aspects : peuplée, c’est la barbarie ; déserte, c’est la sauvagerie ; mais elle ne se dérobe plus ; les lieux réputés inhabitables sont des climats possibles ; on trouve partout des fleuves navigables ; des forêts se dressent, de vastes branchages encombrent çà et là l’horizon ; quelle sera l’attitude de la civilisation devant cette faune et cette flore inconnues ?" On sait aujourd’hui la réponse.


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