Lundi 15 mars 2021 :
Coronavirus : l’efficacité des
anticorps est réduite à zéro en moins de 80 jours.
Plongée dans le plasma d’un patient
convalescent, la souche originale du virus SARS-CoV-2 ne tarde pas à
muter pour échapper aux anticorps et aux lymphocytes T. Des
changements extrêmement rapides et inquiétants à plusieurs titres.
Les résultats de cette étude
pré-publiée sur le site bioRxiv font froid dans le dos. Une équipe
de chercheurs vient de mettre en évidence la capacité incroyable du
virus à muter pour échapper aux anticorps. Les chercheurs, menés
par Rino Rappuoli (le chef de la R&D externe de GSK Vaccines),
ont injecté la souche initiale du coronavirus SARS-CoV-2 dans le
plasma d’un patient convalescent pour voir comment le virus
réagissait. Durant 38 jours, le plasma a neutralisé le virus sans
problème même dilué 640 fois. Mais le rapport de force n’a
pas tardé à s’inverser.
Au bout du 45e jour, une première
mutation échappant aux anticorps est apparue sur la protéine de
pointe sur 36 % des virions.
Après un passage supplémentaire,
cette mutation concernait 100 % des virions et avait déjà divisé
l’efficacité du plasma par quatre. Après 12 passages et 80 jours,
est alors apparue la fameuse mutation E484K, présente notamment chez
les variants sud-africain et brésilien, et détectée récemment
chez le variant anglais. À cette date, la capacité de
résistance du sérum a encore été divisée par quatre. Ce dernier
était alors déjà 16 fois moins neutralisant qu’au départ.
Un troisième changement survenu après
un dernier passage entre le 80e et le 90e jour (lorsque s’est arrêtée
l’expérience) s’est accompagné « de l’abrogation complète de
l’activité de neutralisation par l’échantillon plasmatique »,
écrivent les auteurs.
La dernière mutation, l’insertion
spontanée d’une longue chaîne de 11 acides aminés à la position
248 de la protéine de pointe, est particulièrement intéressante
car elle constitue une stratégie d’évasion immunogène bien connue
décrite dans la grippe, le VIH-1 et d’autres virus. Mais alors que
ce genre de mutation de grande ampleur met généralement des années
à se produire, elle est ici intervenue en moins de trois mois !
Et les mauvaises nouvelles ne
s’arrêtent pas là. Selon une autre récente étude publiée
dans Science Immunology, certains peptides mutants du virus ne
se lient pas efficacement aux protéines de la surface des cellules
infectées. Cela signifie que ces cellules ne peuvent pas être
reconnues par les lymphocytes T CD8+, chargés de les détruire.
« Ces peptides mutants diminuent
la multiplication des lymphocytes T, retardent la production de
facteurs inflammatoires tels que l’IFN-γ et interrompent l’activité
globale de destruction cellulaire des lymphocytes T tueurs »,
relatent les auteurs de l’étude, qui ont examiné 747 séquences
génétiques du virus afin d’identifier ces mutations clés.
Une nouvelle d’autant plus inquiétante
que les immunologistes estimaient jusqu’ici que l’action des
lymphocytes T pouvait compenser une efficacité amoindrie des
anticorps.
De plus, certains vaccins comme ceux à
ARN induisent une réponse contre un nombre limité d’épitopes
reconnus par les CD8+, ce qui signifie que quelques mutations du
virus pourraient suffire à affaiblir leur efficacité.
https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/coronavirus-coronavirus-efficacite-anticorps-reduite-zero-moins-80-jours-85338/