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Alienor 12 octobre 2007 20:18
Alienor

@Walden

Je partage assez largement ce que vous dites sur le monde de l’art et la façon dont les lois de l’économie se sont greffées dessus. Malheureusement plus rien n’échappe à la « marchandisation » universelle, pas même les hommes... Je pense que j’arrive à comprendre votre point de vue sur cette affaire. Quelques escrocs produiraient des oeuvres faciles et chères qui bénéficieraient d’une « bulle » ou d’un effet de mode exagérant considérablement leurs valeurs. A quel moment peut-on parler d’escroquerie ou d’arnaque quand le vendeur et l’acheteur sont tous les deux satisfaits ? Sûrement quand le seul prix d’une oeuvre est considéré comme le garant de sa qualité artistique et sur ce point je vous rejoins. Je ne connais pas suffisamment bien les hautes sphères du monde artistique pour savoir si certains charlatans finissent par être finalement reconnu à leur « juste » valeur mais d’après ce que certains professionnels m’ont dit, c’est le cas. Même s’il y a une bulle, volontairement provoquée, à un moment donnée autour d’un « artiste » de ce type, les véritables critiques d’art, et le temps, permettraient découvrir le pot aux roses au bout de quelques dizaines d’années. J’ignore si c’est vrai, mais cela laisse espérer que tout ne serait pas totalement pourri par la loi de l’argent. Personnellement, je ne connais pas suffisamment Cy Twombly pour juger de son intégrité. Les données objectives dont je dispose c’est qu’il a une place dans les grands musées publics et que la toile abîmée date, il me semble, de 1974. Donc je suppose que si c’était un charlatan il aurait sans doute déjà été oublié. J’aurais donc tendance à lui accorder le bénéfice du doute, et c’est pour ça que je le défends.

Quant aux millions d’euros réclamés par la galerie à Rindy Sam, qui n’est apparemment pas très argentée, c’est ridiculement disproportionné, un euro symbolique assorti à la limite d’une petite peine d’intérêt général (mais pas dans un musée ! smiley) serait amplement suffisant. D’autant plus que ses intentions n’étaient pas mauvaises au départ. Et puis je pense qu’elle ne recommencera plus.

« est-il bien acceptable que des oeuvres classiques et historiques puissent demeurer privées ? N’est-ce pas une forme de hold-up culturel par le pouvoir de l’argent, en un sens largement aussi grave que la destruction de statues, qu’un particulier richissime, ou une entreprise, puisse s’accaparer des oeuvres de portée universelle pour, à leur bon vouloir, les exposer ou bien les receler comme les 40 voleurs dans des caves à trésors ? »

Hélas, je regrette autant que vous cet état de fait. Il arrive que les possesseurs d’oeuvres les aient acheté à bas prix à l’artiste au moment ou personne n’en voulait. Elles ont au moins eut le mérite de lui permettre de manger ce qui n’est pas toujours évident quand on est dans ce métier. Après une fois que c’est devenu des classiques, que faire ? Peut-on leur prendre de force ce qu’ils ont acquis somme toute honnêtement ? Je ne sais pas si vous avez visité l’exposition consacré la galerie Vollard au musée d’Orsay, mais on pouvait saisir toute l’ambiguïté du commerce artistique. Pour résumer, Amboise Vollard était un marchand de tableaux manifestement passionné d’art, il a permis à des artistes en difficulté de vivre en leur achetant des oeuvres en leur faisant des commandes ou en leur versant des rentes, mais il revendait ces même tableaux en faisant plusieurs fois la culbute par rapport au prix qu’il les avaient acheté. Certains de ces artistes le voyaient comme un mécènes, d’autres comme un escroc qui ne payait pas leurs oeuvres à leur juste valeur. Difficile de trancher...

L’acheteur peut aussi prendre un risque en payant très cher une oeuvre qui ne vaudra plus rien d’ici quelques année et qui finira dans les brocantes. Franchement j’ai du mal à me positionner à ce sujet. Il y a des collectionneurs qui enferment leurs tableaux dans des coffres dans un but de spéculation, effectivement, mais il y a aussi de vrai passionnés qui permettent encore une fois de faire vivre les artistes qui ne se nourrissent pas, malheureusement, que d’amour de l’art et d’eau fraîche. Au sujet des réquisitions, il paraîtrait aussi que la politique de l’état en la matière n’est pas toujours très loyale ou honnête et qu’il aurait des pratiques assez douteuses pour s’approprier les chef d’oeuvres lors de successions. La fin est peut-être louable (donner accès à l’oeuvre au public) mais la fin justifie-t-elle toujours les moyens ?

Une autre solution possible serait l’achat par l’état des oeuvres d’artistes contemporains, ça existe déjà (les FRAC ou les commandes) mais il y a parfois des protestations quant aux sommes dépensées et le risque que les oeuvres soient façonnées pour correspondre au goût de ces FRAC. La question c’est aussi qui décide de ce qui est de l’art « noble » ou ce qui n’en est pas ? Dans quelle mesure la fracture totale existant avec le public (c’est lui qui paye dans le cas des FRAC...) n’est elle pas préjudiciable sur le long terme ?

Sinon on pourrait demander à l’état de verser une « rente » aux artistes à condition qu’ils donnent leurs oeuvres à l’état... Mais là encore se pose la question, sur quels critères doit on se baser pour sélectionner les heureux élus ?

« Or, que je sache, le baiser de Rindy Sam ne souille pas davantage l’oeuvre que pourrait le faire son propriétaire s’il lui prenait la lubie de faire un geste similaire, ou bien d’y mettre le feu. Mais dans la situation actuelle, inéquitable, personne ne serait en droit de demander, au nom de l’art, réparation à cet heureux possesseur, même s’il s’agissait d’une oeuvre inestimable, dont les foules seraient à jamais privées. »

En france, nous avons des lois relativement protectrices par rapport aux artistes et à leurs droits sur les oeuvres. Je ne suis pas experte en droit mais il existe un droit inaliénable, que l’on ne peut acheter, qui est le droit moral : « L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. », selon l’article L 121-1 al. 2 du CPI, le droit moral est perpétuel, imprescriptible et inaliénable (CF wikipédia). Donc il est illégal, en France, de détruire ou d’altérer une oeuvre que l’on a pas créé, même si on la possède.

Ouf ! Désolée pour ce gros pavé, mais ce sujet m’intéresse particulièrement et il est agréable de discuter avec vous.

PS : L’avatar est un petit gribouillis de mon cru. C’est pas très du grand art mais bon smiley, contente, que vous l’aimiez !



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