• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


En réponse à :


Vivre est un village Vivre est un village 5 mars 2020 10:31

Depuis février 1934 se dessinait en effet la perspective d’un « front unique » de la gauche qui entraverait le renversement du régime républicain : c’est en effet la profonde division des forces de ce camp qui avait rendu possible l’avènement au pouvoir du fascisme tant en Italie, fin octobre 1922, qu’en Allemagne, fin janvier 1933. Les socialistes et les syndicalistes les plus violemment anticommunistes constituèrent donc, avec les radicaux, la cible de ce recrutement moins élitiste. Ces milieux étant très liés à la franc-maçonnerie, le recrutement alla bon train dans les loges, « à la Grande Loge [droitière] plus qu’au Grand Orient » [24]. Cette méthode de conquête explique que la synarchie ait été souvent qualifiée « de franc-maçonnerie blanche » lors des enquêtes policières de 1937-1938 sur les œuvres des ligues fascistes en général et de la Cagoule en particulier [25]. C’est l’explosion du « scandale » dit du « complot de la synarchie » à l’été 1941 qui imposa, et définitivement, ce dernier terme [26].

La synarchie avait financé la scission « néo » de la SFIO (Marcel Déat, Adrien Marquet, etc.), en préparation depuis la fin de la décennie 1920 et devenue officielle en juillet 1933. Ce contact avec des socialistes virant au fascisme offrit le lien idéal avec les cégétistes - tous membres de la SFIO - tentés par la même évolution et séduits par le « Plan », dit « plan de la CGT », mais né hors des milieux syndicaux. Coutrot et les siens visèrent surtout les intimes de Léon Jouhaux, secrétaire général de la CGT, chef, donc, du courant « confédéré » - par opposition aux « unitaires » de la CGTU. Le distinguo entre les deux courants, respectivement et globalement socialiste et communiste, fut strictement maintenu après la réunification de la CGT au congrès de Toulouse de mars 1936.

Cette tactique patronale rencontra d’autant moins de difficultés que depuis l’été 1934 l’unification syndicale s’opérait sous la seule impulsion des « unitaires » et que la progression des effectifs, nette en 1935, considérable en 1936, leur bénéficiait presque exclusivement. L’anticommunisme des rivaux « confédérés » en fut vivement stimulé, courant dit « centriste » de Jouhaux inclus. Le secrétaire général ne songeait depuis 1920 qu’à « contrecarrer les tentatives faites par les communistes pour s’emparer des leviers de commande du mouvement syndical » [27]. Sa hantise de perdre la direction de la CGT (ce qui avait failli lui arriver en 1920-1921) explique le soutien durable qu’il apporta au confédéré qu’on peut considérer comme la « prise » syndicale la plus spectaculaire de la synarchie : René Belin, son second, fondateur et chef du courant Syndicats. Cette « tendance » avait emprunté son nom à l’hebdomadaire que Belin et son entourage avaient projeté dès le congrès de Toulouse avec le plein soutien de Jouhaux pour faire pièce à la Vie ouvrière « unitaire » : le secrétaire général lui affecta une partie de « la caisse noire » de la CGT, soustraite dès la réunification officielle de mars 1936 à la connaissance et à l’usage des unitaires [28].

Champion du « Plan de la CGT » de 1934, lié au socialiste belge Henri de Man qui avait comme les « néos » bifurqué vers le fascisme [29], le socialiste et syndicaliste Belin fut recruté en 1934 ou 1935. Il fut parrainé par Jacques Barnaud, qui fournit à son courant ultra-droitier des sommes plus importantes que l’argent noir de la CGT : le directeur général de la banque Worms remettait « régulièrement au journal Syndicats, dirigé par Belin, les subventions […] reçues par Raymond Froideval [et…] destinées à alimenter la campagne pro-munichoise dans la CGT » [30]. Le financement s’intensifia avec les succès ouvriers de mai-juin 1936, qui firent triompher ce que le confédéré Georges Dumoulin appelait l’« arithmétique lamentable […et] imbécile » des unitaires [31]. Car, à la grande rage des dirigeants de la CGT, les unitaires, qui dirigeaient et impulsaient le mouvement social, avant et en 1936, gagnaient les élections syndicales, surtout chez les ouvriers. Leurs militants se trouvaient donc hissés aux postes de direction à tous les niveaux « ouverts » de la Centrale : syndicats, unions locales et fédérations. Mais leur progression numérique à la tête des organisations s’arrêta là car les confédérés avaient au congrès de Toulouse statutairement verrouillé la direction centrale - Comité confédéral national et commission administrative [32].


Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON


Palmarès