@Mélusine ou la Robe de Saphir.
Difficilede décerner l’arrivée de la maladie. Dans son boulot jde commerciale je m’étais rendu compte que Nicole n’avait plus la pertinence qui faisait sa
force dans son argumentation. Elle me demandait de venir avec elle
lorsqu’il y avait des trajets un peu longs. Et je me suis rendu
compte que sa conduite devenait hasardeuse. Elle se retrouvait
parfois du mauvais côté de la route… Sans compter ses clés
qu’elle cherchait souvent, comme ses lunettes. J’en ai parlé à
notre toubib. Celui-ci l’a questionnée et l’a trouvée
effectivement « un peu à l’ouest ». Il m’a conseillé
de consulter un neurologue… Facile à dire, moins à faire avec une
personnalité comme Nicole. J’ai donc monté un bateau comme quoi
notre médecin me conseillait à moi d’aller voir un
neurologue, préventivement, vu que je prenais du carat et que
j’allais prendre la retraite… Et je lui demande de m’accompagner
et, puisqu’on y sera, de faire elle aussi le test…
On trouve donc dans
l’annuaire les coordonnées d’un spécialiste des boyaux de la
tête. On prend rencard et on y va. Nicole n’était pas très
chaude mais elle vient. Je vois le toubib le premier, elle restant
dans la salle d’attente. Le mec : petites lunettes cerclées
d’acier, physique de sarment de vigne et comportement pète-sec.
Très désagréable. Je lui explique la combine et il appelle donc
Nicole tandis que moi je vais dans la salle d’attente. Nicole était
évidemment perturbée par ce genre d’examen et voilà que ce type
entame avec elle un véritable interrogatoire de flic. « Votre
nom ? – Où êtes-vous née ? - Nom de votre père, de
votre mère ? - Où êtes-vous ? - Combien font 100 moins
7 ? » etc. Il s’agit là d’éléments d’un test de
dépistage des troubles de la mémoire, mais la manière de faire ce
test n’était pas très appropriée. Puis il m’a fait venir et
nous a dit, avec son air supérieur : « Il faut faire un
scanner de la tête pour dépister une éventuelle tumeur du cerveau,
puis un Doppler. Vous reviendrez dans un mois et on décidera… »
Une horreur, ce type ! Neurologue, peut-être, mais avec autant
de psychologie qu’un CRS dans une manif de gilets jaunes !
On a surtout décidé
de fuir à tout jamais ce sinistre mec. Ma Nicole est sortie de là
enfoncée dans les trente-sixièmes dessous. Il nous a fallu – à son fils Sébastien et moi - des trésors de patience et de persuasion pour
rattraper les dégâts occasionnés par un personnage dont on se
demande ce qu’il fait dans le monde médical.
Dès lors elle a
plongé. Elle n’était plus la même. Elle a arrêté toute
activité professionnelle. Elle ne voulait plus conduire. Elle a
commencé à se laisser aller...