Conservatisme, libéralisme et marxisme (2/3)
Jusqu'à l'aube de la première révolution industrielle, 85 à 90 % de la population européenne était constituée de paysans et de travailleurs liés au monde agricole.
L'évolution de l'économie conservatrice vers le libéralisme n'a que peu concerné ce monde paysan.
Les améliorations des méthodes de travail de la terre et le besoin de main d’œuvre dans l'industrie furent à l'origine de l'émigration de millions de paysans vers les villes où ils devinrent à partir du début du XIXe siècle une nouvelle classe sociale : les ouvriers.
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Du conservatisme au libéralisme. http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/conservatisme-liberalisme-et-185380
Cette première partie n'a pas évoqué la situation sociale des paysans et des ouvriers. La deuxième partie évoquera plus spécifiquement leurs conditions sociales et les mouvements ouvriers, anarchistes et communistes divers qui ont ébranlé le capitalisme libéral jusqu'en 1991.
2. Le marxisme et la voix des peuples.
Voici un extrait sorti d'un ouvrage célèbre. Nous pouvons légitimement nous demander qui est l'auteur de ce texte. Un auteur contemporain, à l'évidence !
« Poussée par le besoin de débouchés de plus en plus larges pour ses produit, le capitalisme moderne envahit le globe entier. Il lui faut s'implanter partout, mettre tout en exploitation, établir partout des relations.
Par l'exploitation du marché mondial, le capitalisme moderne donne un caractère cosmopolite à la production et à la consommation de tous les pays. Au grand regret des réactionnaires, il a enlevé, à l'industrie sa base nationale. Les vieilles industries nationales ont été détruites et le sont encore chaque jour. Elles sont évincées par de nouvelles industries, dont l'implantation devient une question de vie ou de mort pour toutes les nations civilisées, industries qui ne transforment plus des matières premières indigènes, mais des matières premières venues des régions du globe les plus éloignées, et dont les produits se consomment non seulement dans le pays même, mais dans toutes les parties du monde à la fois. À la place des anciens besoins que la production nationale satisfaisait, naissent des besoins nouveaux, réclamant pour leur satisfaction les produits des contrées et des climats les plus lointains. À la place de l'isolement d'autrefois des régions et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations. Et il en va des productions de l'esprit comme de la production matérielle. Les œuvres intellectuelles d'une nation deviennent la propriété commune de toutes. L'étroitesse et l'exclusivisme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles ; et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature universelle. »
C'est ici que beaucoup vont être surpris. Ce texte date de 1848 et c'est un extrait du « Manifeste du Parti communiste » cosigné par Karl Marx et Friedrich Engels.
Il faut préciser qu'ils utilisaient le terme « bourgeoisie » au lieu de « capitalisme moderne » mais leur définition de « bourgeoisie » est : « les capitalistes modernes qui possèdent les moyens sociaux, la production et utilisent du travail salarié. »
On pourrait tout aussi légitimement se dire qu'ils étaient des visionnaires pour avoir prévu l'évolution du monde économique 150 ans à l'avance.
Ce n'est pas le cas. Marx et Engels étaient de brillants analystes de la société capitaliste du XIXe siècle, ils étaient des économistes révolutionnaires mais la plupart de leurs prévisions se sont révélées fausses.
Le capitalisme libéral s'est révélé être beaucoup plus résiliant qu'ils ne l'avaient prévu et il a su s'adapter à toute les nouvelles situations du XIXe et du XXe siècle.
L'évidence, c'est que débarrassé de la menace communiste et pensant en être aussi du conservatisme économique (capitalisme d’État, protectionnisme ou Keynésianisme), le libéralisme a repris au XXIe siècle son objectif d'origine qui se nomme maintenant « la mondialisation ».
Marx et Engels décrivaient bien le système capitaliste libéral de leur époque.
Mais il est intéressant de remonter beaucoup plus loin dans le passé pour bien comprendre la démarche intellectuelle des premiers penseurs socialistes et communistes qui ont remis le bien fondé de la société bourgeoise (capitaliste) en question.
Le travail dans une verrerie au XIXe siècle.
La propriété privée.
La base sociale des sociétés primitives n'étaient pas composée de classes et la propriété privée était très limitée. Les premières maisons gauloises (néolithique) étaient même communautaires.
La commune rurale avec possession collective de la terre a été la forme normale des sociétés depuis les Indes jusqu'en Irlande dans les temps anciens.
Les recherches de l'historien allemand Konrad von Maurer, un spécialiste des civilisations du nord de l'Europe, ont montré que les tribus allemandes avaient au départ une organisation originale de l'exploitation des terres communes. Les surface cultivables étaient redécoupées après les récoltes et partagées entre les familles du village de façon à ce que les familles cultivaient d'autres terres tous les ans en laissant toujours 1/3 en jachère.
Les tribus amérindiennes de l'Amérique du Nord n'avaient non plus pas la notion de propriété individuelle de la terre.
Cela pour en venir à la question que se sont posé les premiers communistes en ce début du XIXe siècle.
Comment en est-on arrivé à la privatisation des terres et pourquoi la société s'est divisée en classes sociales ?
Cette question ne se pose plus aujourd'hui parce que l'évolution sociale nous a permis d'acquérir des biens par notre travail dont nous sommes seuls propriétaires et que l'individualisme est la norme dans notre système social. La réponse serait à présent inopportune. Le sens du mot « propriété » nous concerne maintenant tous mais à l'époque de la première révolution industrielle, la classe prolétaire, l'écrasante majorité du peuple, ne possédait absolument rien.
De l'autre côté, la classe bourgeoise détenait les usines, les logements, le pouvoir politique et même presque toutes les terres. Elle était aussi la seule à détenir la connaissance et la seule, à quelques exceptions près, à fréquenter l'école.
Cette inégalité était d'autant plus insupportable que les chances pour un prolétaire de changer de classe sociale étaient quasiment nulles.
Voila pourquoi en cette première moitié du XIXe siècle, certains penseurs socialistes, communistes et anarchistes ont remis la propriété en question.
Quand Proudhon écrit : « la propriété, c'est le vol ! », ce n'est pas un appel à confisquer les propriétés des bourgeois, c'est bien plus complexe que cela et nous y reviendrons plus loin.
Des révoltes paysannes et autres Jacqueries jusqu'aux migrations vers les villes.
Les premières commencèrent à l'époque médiévale et les dernières Jacqueries importantes en France eurent lieu à la fin du règne de Louis XIV.
Ces mouvements de révolte paysannes ont concerné toute l'Europe : la France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Irlande, la Russie etc... et aussi la Chine depuis le début de notre ère.
On peut aussi évoquer les bagaudes, ces révoltes des paysans gaulois contre les Romains.
Au Moyen Âge, les paysans pouvaient être propriétaires de leurs terres mais ils devaient s'acquitter d'un droit (le cens) au seigneur pour les exploiter.
En période de guerre, des impôts supplémentaires pouvaient être levés par le pouvoir royal. Avec les famines (climat) et les épidémies (peste), ce fut la cause de la plupart des révoltes paysannes.
La révolution agricole du XVIIIe siècle atténuera la gravité des famines mais sans les éradiquer tout-à-fait.
A partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les campagnes se dépeuplèrent au bénéfice des villes dont les ateliers et les usines avaient besoin de main d’œuvre abondante (exode rural). Ce mouvement débuta en Angleterre, le cœur de la première révolution industrielle, qui vit des villes comme Liverpool, Birmingham ou Manchester accueillir des centaines de milliers de nouveaux habitants qui ne tarderont pas à former le prolétariat urbain.
Le socialisme utopique.
La question sociale se posa très vite aux politiques, aux philosophes, aux artistes, au clergé, aux intellectuels de tous bords et même aux industriels eux-même. La précarité du monde ouvrier, l'accroissement de la misère, le surtravail des femmes et des enfants et les autres excès du libéralisme faisaient craindre des désordres, voire des insurrections ouvrières.
C'est un industriel gallois, Robert Owen (1771 – 1858), qui avait réussi dans les affaires, dans le secteur textile plus précisément, et qui était philanthrope à ses heures qui sera la figure marquante du socialisme utopique au Royaume-Uni. Sa notoriété débordera sur le continent européen et en Amérique.
OWEN, le premier théoricien des coopératives et crédité d'être l'inspirateur des Pionniers de Rochdale qui en 1844 lancèrent le mouvement coopératif à Rochdale, Lancashire.
De 1800 à 1828, il dirigeait comme associé gérant la grande filature de coton de New Lanark qui employait 2500 personnes en Écosse.
« A son arrivée, la situation sociale des ouvriers était déplorable. En quelques années, il transforma les habitations vétustes en une parfaite colonie où l'ivrognerie, la police, la justice pénale, les procès, l'assistance publique et le besoin de charité étaient devenus choses inutiles. Cela, en plaçant les gens dans des circonstances plus digne de l'homme et surtout en faisant donner une éducation soignée à la génération grandissante. Il fut l'inventeur des écoles maternelles et le premier à les introduire. Dès l'âge de deux ans, les enfants allaient à l'école.
Tandis que ses concurrents travaillaient de treize à quatorze heures par jour, on ne travaillait à New Lanark que dix heures et demie. Lorsqu'une crise du coton arrêta le travail pendant quatre mois, les ouvriers chômeurs continuèrent à toucher leur salaire entier. » (Edouard Dolleans) i
En 1817, il lança le slogan : « 8 heures de travail, 8 heures de loisir, 8 heures de sommeil. » qui sera repris par la Première Internationale ainsi que par le mouvement ouvrier français.
Il préconisait l'installation de communautés d'environ 1200 personnes vivants dans un même immeuble et partageant les cuisines et les salles à manger. Chaque couple bénéficiant d'un emploi et disposant d'un appartement privé.
En 1824, Robert Owen racheta la petite colonie de peuplement d'Harmony dans l'Indiana (États-Unis) et il tenta de réaliser son utopie. ii New Harmony fut un échec, l'expérience prit fin en 1829 et Robert Owen rentra définitivement en Angleterre.
Robert Owen installa une communauté de travail à "New Harmony". Les ouvriers travaillaient moins, on prenait soin des enfants pendant que les parents travaillaient... la productivité et les profits augmentaient.
Ses disciples créèrent d'autres communautés en Amérique et en Angleterre. Les expériences communautaires se comptèrent par milliers dans le monde. Les kibboutz en Israël ou les communautés libertaires hippies des années 60 se revendiquèrent des idées de Robert Owen.
En 1829, à 58 ans, il abandonna ses participations dans les activités capitalistes et il consacra son temps au développement des mouvements socialistes et laïques.
On lui doit la création d'une bourse du travail équitable pour les travailleurs sans emploi et de « Association of all Classes of all Nations » pour promouvoir les idées socialistes.
Il pensait que la seule parade pour les ouvriers consistait à s'unir pour contrôler l'outil de travail et il fut à l'origine de la création de coopératives et des syndicats en Grande-Bretagne.
Lorsqu'il présenta ses théories communistes et qu'il attaqua la propriété privée, tout changea. Il fut mis au ban de la société bourgeoise et subit la conspiration du silence de la presse.
Il se tourna alors vers la classe ouvrière et continua à agir en son sein jusqu'à sa mort.
Robert Owen pensait et non sans raison que sans les richesses créées par les machines et par la classe ouvrière, l'Angleterre n'aurait pas pu vaincre Napoléon. Il lui sembla normal qu'elle en récoltât les fruits plutôt que de subir l'asservissement au bénéfice de quelques-uns.
En France, c'est le » philosophe Charles Fourier (1772 – 1837) qui sera la figure marquante du socialisme utopique.
Charles Fourier.
Ne possédant pas de fortune personnelle, il sera toute sa vie à la recherche de fonds pour réaliser ses rêves de société harmonieuse. A une époque où les saint-simoniens iii avaient une grande influence, Charles Fourier lança l'idée d'une société communautaire agricole regroupée dans d'énormes bâtiments pouvant accueillir 400 familles : les phalanstères.
Ces phalanstères pouvaient donner plus d'avantages à ses résidents que des maisons individuelles. En plus des logements, ils pouvaient comprendre des bains, des centres de loisir, des lieux de réunions, un théâtre (on n'avait pas encore inventé le cinéma), des jardins, des pelouses ombragées, une école, une garderie, des galeries couvertes et bien sûr des magasins coopératifs.
Il y eu de nombreuses expériences de ce type en France et en Europe menées par des mécènes privés entre 1830 et 1850 mais elles finirent presque toutes par perdre leur caractère communautaire.
La plus remarquable de ces expérience est le Familistère de Guise iv dans l'Aisne qui dura jusqu'en 1968.
Le familistère de Guise.
Il fut construit par l'industriel fouriériste Jean-Baptiste Godin (les poêleries) à proximité de son usine. Pour être cohérent avec ses convictions sociales, il transforma son entreprises en société coopérative et il distribua petit à petit les bénéfices à son personnel sous forme d'actions.
La garde d'enfants au familistére de Guise en 1889.
Charles Fourier était un théoricien qui a inspiré de nombreux notables et industriels socialisants de son temps. Ses recherches pour atteindre l'harmonie universelle allèrent bien au-delà de l'expérience des phalanstères dont on retient surtout l'aspect matériel. Il avait une vraie pensée philosophique sur le sens de la vie et sur l'organisation de la société dans ce monde où le capitalisme libéral naissant considérait les prolétaires comme des masses à exploiter dans les pires conditions.
Parmi les socialistes utopiques intéressants, on peut aussi citer le Français Étienne Cabet (1778 – 1856) qui s'inspira très fort de l’œuvre de fiction de Thomas More, Utopia, datant du début du XVIe siècle pour écrire « Voyage en Icarie », une cité idéale parfaite. En 1848, il partit en Amérique et fonda sa communauté utopique sur les bords de la rivière rouge au Texas avec au départ 150 colons qui petit-à-petit augmentèrent jusqu'à plus de 500. Suite à des mésententes, la colonie se scinda plusieurs fois et finit par essaimer dans tous les États-Unis et finalement se dissoudre dans cet immense terrain expérimental économique et social que furent les États-Unis durant ce XIXe siècle.
A la même époque aux États-Unis, il faut aussi mentionner les innombrables communautés religieuses qui se ruèrent vers l'Ouest pour fonder des sociétés communautaires qui finiront aussi, pour la plupart, par se perdre dans le libéralisme dominant.
Le point commun des socialistes utopiques de la première moitié du XIXe siècle était qu'ils voulaient créer sans violence une contre-société socialiste au sein même du système capitaliste et en refusant de passer par la politique pour des réformes sociales parce qu'ils ne faisaient pas confiance à l’État. Par la multiplicité des expériences, ils espéraient atteindre une masse critique suffisante pour être pris en considération par le pouvoir politique.
Les résistances libérale et conservatrice augmentèrent avec le nombre de communautés créées et elles durent souvent faire face à de nombreux procès qui prononcèrent la dissolution de nombre d'entre elles avec parfois des peines de prison pour leurs dirigeants.
Le coup d'État bonapartiste de décembre 1851 viendra mettre fin à ce premier âge du socialisme en France et la répression forcera beaucoup ses membres à l'exil.
C'est Friedrich Engels qui appela ce socialisme naissant « socialisme utopique » pour le dévaloriser face au socialisme scientifique conçu par Marx. Il est aujourd'hui évident que toute les doctrines socialistes étaient utopiques à l'époque, même le socialisme scientifique qui n'était qu'une théorie parmi d'autres.
A partir de 1871 et l'écrasement (20.000 morts) de la commune de Paris par les Versaillais de Thiers, le socialisme scientifique évinça le socialisme utopique et l'anarchisme et il sera le principal modèle vde la classe ouvrière pour un siècle. Ce sera aussi le début de confrontations beaucoup plus dures entre la classe bourgeoise et la classe prolétarienne.
Pierre-Joseph Proudhon (1809 – 1865) et l'anarchisme.
Proudhon est une personnalité incontournable de la réflexion sociale et du bouillonnement d'idées qui caractérisa le bouleversement économique en France à partir de la monarchie de Juillet. Il a influencé le mouvement ouvrier français avant l'arrivée du marxisme. Auteur prolifique, journaliste, philosophe, penseur économique, il est surtout connu comme premier théoricien de l'anarchisme. vi Il est à noter que l'anarchisme se compose de plusieurs branches et que la pensée de Proudhon a évolué vers la fin de sa vie vers l'anarchisme libertaire qui le rapprochait du libéralisme libertaire.
L’État prédateur est l'ennemi des anarchistes de toutes tendances. Les anarchistes s'opposaient aussi au communisme parce qu'ils pressentaient qu'il entraverait la liberté individuelle pour servir l'intérêt commun. Les anarchistes défendent l'autogestion et la démocratie directe.
Originaire d'un milieu modeste, Proudhon dut interrompre ses études à 17 ans suite aux déboires financiers de son père. Il travailla ensuite dans une imprimerie ce qui lui permit de parfaire ses connaissances en autodidacte, de passer son baccalauréat à 29 ans et d'ensuite suivre les cours d'économie d'une faculté de droit.
Ses propos antisémites et misogynes ont surtout été mis en relief par ses détracteurs au XXe siècle mais ils ne reflétaient que les opinions courantes de l'époque.
Il adopta une dialectique hégélienne pour faire l'analyse de toutes les théories économiques et sociales de son temps avec beaucoup de perspicacité et il les publia ensuite.
Parmi les idées qu'il voulut mettre en pratique, il y eut la réorganisation du crédit avec la création de la Banque du Peuple qui devait permettre aux paysans et aux ouvriers d'obtenir des crédits sans intérêts sur le modèle des mutuelles. Malgré le succès populaire de cette idée (20.000 adhérents en six semaines), elle ne se réalisa pas parce qu'elle n'atteignit pas le capital de départ de 5 millions de francs pour répondre aux exigences légales. Il comptait sur l'apport en capital de ses journaux mais il furent à ce moment frappés de lourdes amendes.
Devenu député en 1848, il lança un projet de loi pour imposer les revenus des propriétés. Il reçut alors un blâme de l'Assemblée pour atteinte odieuse aux principes de la morale publique et au droit de propriété.
Il ne put faire avancer ses idées sur le fédéralisme socio-économique mais il fit avancer la réflexion sur la propriété dans un livre qui étudiait le problème de la propriété sous toutes les formes. (Théorie de la Propriété. 1862)
C'est dans son premier mémoire qu'il avança sa fameuse formule « La propriété, c'est le vol ! » qui fit scandale en 1840 et qui serait encore aujourd'hui contraire au Code civil (Code Napoléon) qui traite justement de la propriété.
Par cette formule, il ne condamnait pas la propriété en tant que telle mais plutôt l'injuste distribution de la propriété.
Les idées de Proudhon eurent une influence sur cet autre grand théoricien de l'anarchie que fut le Russe Mikhaïl Bakounine. (1814 - 1876) Il découvrit la pensée socialiste française (Fourier, Cabet, Blanc, Proudhon) lors d'un séjour à Dresde en 1842 en lisant « Le Socialisme et le Communisme de la France contemporaine. » de Lorentz von Stein. Devenu ami de Proudhon, Bakounine s'impliqua dans les révolutions en Europe et notamment lors du Printemps des Peuples vii de 1848.
Proudhon participa encore à la naissance de la Première Internationale en 1864 mais fatigué et usé par le travail, il se retira dans sa maison de Passy. Quand il s'éteignit le 19 janvier 1865, la France perdit un grand penseur du socialisme et un polémiste de talent. viii
Il faut aussi mentionner le fils d'aristocrate russe, Pierre Kropotkine (1842-1921), qui fut sans doute le principal théoricien de l'anarcho-communisme libertaire et celui qui élabora les théories les mieux construites.
Lénine n'est pas comparable à une quelconque autre figure révolutionnaire dans l'histoire. Les révolutionnaires ont eu des idéaux. Lénine n'en avait pas. Pierre Kropotkine.
C'était un scientifique de haut rang qui se convertit à l'anarchie en Europe de l'Ouest sous l'influence de James Guillaume. Il publia ses théories qui intellectuellement étaient très intéressantes mais il ne put jamais les mettre en pratique. Son idée de base était de former de petites communes autosuffisantes basées sur la libre adhésion de ses membres et de former des fédérations de producteurs qui approvisionneraient les coopératives. Il écarta le capitalisme libéral porteur d'inégalités et pensait que la nature humaine est plus prédisposée à vivre en harmonie grâce à la coopération et à l'entraide sans distinction de classe.
Comme tout anarchiste, il attachait une grande importance à la liberté individuelle et il refusait tout lien hiérarchique entre les hommes (et les femmes). Il disait que la justice doit veiller à faire respecter ces règles et à ne pas permettre l’émergence des instincts destructeurs qui font aussi partie de la nature humaine.
Kropotkine était géographe, zoologue, anthropologue et explorateur et cela a clairement influencé ses théories.
Critique de l'anarchie. Selon le philosophe et essayiste contemporain de tendance libérale Philippe Nemo, une société anarchiste est impossible à la fois sur le plan théorique et dans la pratique. Il constate que, tout au plus, on a pu observer de « brefs exemples historiques » mais aucune réalisation durable. Il estime que cette impossibilité est définitive en se basant sur les questions posées au XIXe siècle par Lord Acton concernant la politique : qui doit exercer le pouvoir et quelles doivent être ses limites ? Selon lui, la réponse anarchiste, en particulier des anarchistes socialistes, qui réunit un pouvoir sans limitation, exercé par le peuple dans son ensemble, sans que ce pouvoir soit confisqué par un individu ou un groupe d'individus, est fondamentalement instable. Cette solution ne peut pas durer car elle tend à devenir soit un système totalitaire (prise de contrôle par un individu ou un groupe) soit une démocratie libérale (limitation des pouvoir exercés par tous). A l'inverse de la réponse anarchiste, ces deux réponses sont stables puisque dans le premier cas, les pouvoir de l’État sur tous permettent facilement son maintien au pouvoir, tandis que dans le second, le « libéralisme rend possible l'existence d'opposants politiques faisant vivre la démocratie ». (Wikiberal / Anarchisme.)
PS. La devise anarchiste « Ni Dieu, ni maître. » vient du titre d'un journal socialiste révolutionnaire fondé en 1880 par Louis-Auguste Blanqui (l'Enfermé) et a ensuite été adoptée par le mouvement anarchiste.
Le socialisme scientifique. ix
C'est Proudhon qui inventa cette expression et elle fut reprise par Friedrich Engels en 1878 pour définir le marxisme quand il publia trois chapitres de « l'Anti-Dühring » x sous le titre de « Socialisme utopique et socialisme scientifique. »
Karl Marx (1818 – 1883) et Friedrich Engels (1820 – 1895) se rencontrèrent à Paris en 1844 et se lièrent d’amitié. Ils étaient tout les deux influencés par la philosophie de Hegel et il partageaient les mêmes vues sur la misère prolétarienne.
Marx et Engels.
Ils quittèrent Paris (expulsion) pour Bruxelles en 1845 parce qu'ils pouvaient y disposer de plus de liberté d'opinion.
La maison de Marx à Ixelles devint le lieu de rencontre de toutes les oppositions anticapitalistes d'Europe et c'est là qu'il rédigea avec Engels en 1847 le fameux « Manifeste du Parti communiste » à la demande de la Ligue des communistes (ex Ligue des justes) . Le but était de se réunir autour d'un texte fondateur et de former une union à l'échelle européenne.
Marx (29 ans) et Engels (27 ans) étaient encore jeunes quand ils écrivirent le Manifeste. On peut logiquement penser que les nombreuse discussions xi qu'ils eurent avec les divers dirigeants communistes plus expérimentés et au quotidien plus proches des ouvriers inspirèrent les deux jeunes économistes qui écrivirent là une œuvre d'une maturité étonnante et qui comme chacun le sait, se termine par le célèbre appel : « Prolétaires de tout pays, unissez-vous ! »
Des années plus tard et à plusieurs reprises, Marx et Engels dirent qu'ils auraient proposé des mesures xii moins radicales s'ils les avaient écrites plus tard dans leur vie mais ils refusèrent toujours de modifier le Manifeste lors des parutions suivantes.
Il faut noter qu'à cette époque de plus en plus de bourgeois libéraux ainsi que certains de leurs enfants prenaient conscience que les conditions de vie du prolétariat étaient indignes de pays civilisés et qu'il était de leur devoir de tout faire pour changer cette situation.
Ils se heurtaient aux journaux libéraux qui élevaient la doctrine libérale au-dessus de toute considération morale.
Ces derniers utilisèrent alors le mot « socialistes » dans un sens dérisoire pour qualifier tout ceux qui s'intéressaient au sort des prolétaires alors que politiquement le libéralisme ne s'était pas encore pleinement imposé contre le conservatisme mais qu'économiquement, il triomphait sur toute la ligne.
Il y avait deux tendances parmi les mouvements qui cherchaient des changements en faveur des prolétaires.
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Ceux qui voulaient les réaliser en passant par une voie légale. Leur objectif était d'obtenir le suffrage universel xiii pour conquérir ensuite le pouvoir politique et faire voter des lois qui amélioreraient les conditions sociales des prolétaires. Ils étaient surtout représentés dans les mouvements ouvriers européens qui naquirent d'abord au niveau d'une usine et ensuite d'un même secteur d'activité dans une même ville. En se regroupant, ils deviendront les partis ouvriers, ancêtres des partis socialistes.
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Ceux qui pensaient que le système libéral n'était pas réformable et que le changement devait passer par une révolution (pas nécessairement violente) et par l'instauration d'un système communiste qui mettrait fin aux classes sociales. Ce seront eux qui formeront les premiers partis communistes. Ils eurent conscience que la réussite de leur objectif devait passer par une unification des divers mouvements sociaux au niveau international.
Marx et Engels faisaient partie de cette deuxième tendance et ils consacrèrent toute leur vie à analyser le capitalisme et à essayer de percevoir son évolution et ses faiblesses. Ils contribuèrent grandement à la prise de conscience par le pouvoir politique que le sort des classes populaires ne pouvait être laissé à la seule discrétion du pouvoir économique.
Après de brefs séjours à Paris et à Cologne où il soutiendra les révolutions de 1848, Marx rejoindra son ami Engels à Londres où il résidera jusqu'à la fin de sa vie.
Leurs analyses sont d'une lucidité extraordinaire et même troublante quand on les place à l'époque contemporaine comme par exemple cet autre extrait du Manifeste du Parti communiste (1847).
« La bourgeoisie (le capitalisme moderne) ne peut exister sans révolutionner constamment les instruments de production et donc les rapports de production, c'est-à-dire l'ensemble des rapports sociaux. Le maintien sans changement de l’ancien mode de production était, au contraire, pour toutes les classes industrielles antérieures, la condition première de leur existence. Ce bouleversement continuel de la production, ce constant ébranlement de toutes les conditions sociales, cette agitation et cette insécurité perpétuelles distinguent l'époque bourgeoise de toutes les précédentes. Tous les rapports sociaux stables et figés, avec leur cortège de conceptions et d'idées traditionnelles et vénérables, se dissolvent ; les rapports nouvellement établis vieillissent avant d'avoir pu s'ossifier. Tout élément de hiérarchie sociale et de stabilité d'une caste s'en va en fumée, tout ce qui était sacré est profané, et les hommes sont enfin forcés d'envisager leur situation sociale, leurs relations mutuelles d'un regard lucide. »
Où cet autre extrait :
« Comment la bourgeoisie (les capitalistes modernes) surmonte-t-elle ces crises ? D'un côté, en imposant la destruction massive de forces productives ; de l'autre, en conquérant de nouveaux marchés et en exploitant plus à fond des anciens marchés. Comment, par conséquent ? En préparant des crises plus générales et plus puissantes et en réduisant les moyens de les prévenir. »
Les sanglantes défaites des révolutions de 1848 en Europe furent suivies par une période réactionnaire. Le mode de production capitaliste s'étendait implacablement et la classe ouvrière devenait de plus en plus nombreuse dans les années 1850.
Ces nouveaux ouvriers furent très vite encadrés par les anciens qui avaient connu les mouvements insurrectionnels de 1848. Petit à petit, la classe prolétarienne s'unissait et parvenait à faire entendre sa voix.
Dans les années 1850, Marx se trouvait à Londres avec sa femme et ses enfants, au cœur même du pays où était né l'économie libérale classique (Smith, Ricardo) et il était bien placé pour l'étudier sous tous les angles. Il profita de la riche documentation du British Museum pour pousser ses recherches plus en profondeur. Cela lui prit des années, des années difficiles parce qu'il était pratiquement sans ressources si ce n'était la rémunération pour la rédaction d'articles et l'aide généreuse que lui apportait son ami Engels.
En 1859, il publia « Contribution à la Critique de l’Économie politique », son dernier ouvrage important (et l'ébauche) avant « Le Capital » (1867), son œuvre majeure.
Les mouvements ouvriers des pays européens comprirent leur intérêt à s'unir contre le capitalisme et ils fondèrent à Londres l'Association internationale des Travailleurs (AIT) mieux connue sous le nom de « Première Internationale » (1864). Marx en fut un des principaux animateurs avec les puissants syndicats britanniques (mutuelles et coopératives) et avec les anarchistes de Proudhon et ensuite de Bakounine.
Leurs premières revendications n'avaient rien de révolutionnaires : la limitation de la journée de travail à 10 heures maximum (et ensuite à 8 heures), le suffrage universel (masculin), le refus du travail des femmes et des enfants xiv, l'émancipation économique des travailleurs grâce à l'augmentation des salaires ou encore le développement des coopératives.
Les dissensions entre les diverses tendances ne permirent jamais d'arriver à une cohésion et de présenter un front uni face à la machine capitaliste.
L'AIT ne put empêcher la guerre franco prussienne de 1870.
La répression qui suivit la commune de Paris en 1871 coûta la vie à de nombreux communards membres de l'AIT dont beaucoup de blanquistes. xv
« Le Temps des Cerises » est une chanson souvent associée à la Commune de Paris et elle fut une des chansons chantées par les communards. Son auteur, Jean Baptiste Clément, lui-même communard, l'avait écrite en 1866. Il a dédié sa chanson 11 ans après la Commune à une héroïque ouvrière prénommée Louise (ce n'était pas Louise Michel) qui soignait les blessés.
Marx parvint à écarter Bakounine de l'AIT en 1872 ce qui provoqua une scission de l'organisation. A partir de ce moment, les marxistes domineront l'AIT mais pour peu de temps, l'AIT disparaîtra lentement dans l'indifférence générale.
Marx meurt en 1883 en laissant son œuvre principale inachevée. Ce sera Engels qui publiera les tomes II et III du « Capital » sur base des notes de Marx.
Ce livre est très peu lu de nos jours et n'est pratiquement plus étudié dans les facultés d'économie.
Pourtant, l'analyse scientifique du capitalisme libéral de Marx permet de mieux comprendre le système économique contemporain et ses conclusions sont encore toujours pertinentes notamment quand il écrit que le capitalisme est un système instable et qu'il est indifférent au sort des êtres humains.
La vision marxiste se base sur une conception matérialiste de l'Histoire humaine : le matérialisme historique, grille d'analyse de Marx et Engels, donne à l'économie un rôle primordial dans l'évolution historique.
Quelques citations célèbres de Marx.
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Celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre.
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Les philosophes n'ont fait qu'interpréter diversement le monde, il s'agit maintenant de le transformer.
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La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans cœur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium des peuples.
Critique du marxisme.
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Le communisme de Marx a été pensé au XIXe siècle en pleine deuxième révolution industrielle et il était une réponse au capitalisme de l'époque mais cette réponse est devenue obsolète en ce XXIe siècle où le capitalisme est devenu planétaire et où le monde de la finance contrôle le pouvoir économique et est quasiment intouchable.
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Le Marxisme révolutionnaire avait un sens à une époque où les pays occidentaux n'avaient pas encore inscrit le suffrage universel dans leurs constitutions. Il a depuis totalement perdu de sa pertinence et les résultats des élections montrent le peu d'intérêt des électeurs pour un système communiste.
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Le système soviétique (qui n'était pas du marxisme) a démontré qu'on ne peut pas priver un peuple de liberté. Si on peut dire que le peuple ne s'est pas massivement révolté contre le pouvoir soviétique, il ne s'est pas non plus levé pour le défendre. Cela a été décisif et a permis à un petit groupe d'oligarques soutenus par des éléments extérieurs de prendre le pouvoir en Russie dans les années 90 dans une certaine indifférence générale.
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L'effondrement de la classe moyenne que Marx avait prédit n'eut jamais lieu. Au contraire, elle se développa durant tout le XXe siècle en Occident et la classe prolétaire devint une classe de consommateurs satisfaite de son sort.
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Depuis 150 ans, on prédit l'effondrement du capitalisme à chaque crise mais le système capitaliste est d'une résilience que Marx n'avait pas prévue et il a toujours trouvé un moyen pour surmonter les crises.
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La crise systémique qui touche l'économie libérale depuis 2008 est une crise majeure et mènera sans doute le monde à la multi-polarité mais aucun des nouveaux pôles ne retournera vers le marxisme.
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Il n'est pas imaginable que la classe moyenne tombe dans un état prolétarien et il n'est donc pas imaginable non plus qu'une révolution prolétarienne se produise comme l'avait prédit Marx.
Le marxisme a été craint par le capitalisme pendant plus d'un siècle. Toutes les avancées politiques et sociales dans les démocraties occidentales ont été concédés dans ce contexte et sont à mettre à l'actif du marxisme.
De la création de l'Internationale ouvrière à la Première Guerre mondiale.
L'Internationale ouvrière, aussi connue sous le nom de « Deuxième Internationale » fut fondée à l'initiative de Engels en 1889. Les délégations de 23 pays participèrent à sa création.
Comme la Première Internationale, la lutte des classes (exploitants / exploités) fut la base fondatrice de l'association. Le marxisme (révolutionnaire) fut la doctrine de départ mais un courant parlementariste devint majoritaire sous l'influence d'Eduard Bernstein et de Jean Jaurès au début du XXe siècle.
Cette même Internationale ouvrière décida d'organiser le 1er mai 1890 une manifestation internationale pour obtenir la journée de huit heures et de la reprendre tous les ans. Cette date fut choisie parce que l'année comptable de beaucoup d'entreprises américaines commençait ce jour-là (moving day pour les ouvriers).
La première conférence des femmes socialistes et une fédération de la jeunesse socialiste virent le jour quelques années plus tard.
Diverses tendances du mouvement ouvrier international firent partie de cette Internationale et les grands leaders des mouvements ouvriers participèrent aux congrès. On peut citer : Wilhelm Liebknecht (le père de Karl) et Eduard Bernstein pour l'Allemagne. Jules Guesde, Paul Lafargue (le gendre de Marx) et Jean Jaurès pour la France. Martov (menchevik) et Lénine (bolchevik) pour la Russie. Victor Adler et Karl Kautsky pour l'Autriche. Emile Vandevelde et Edouard Anseele pour la Belgique. Tous les chefs de file des mouvement socialistes du reste de l'Europe, des États-Unis et même du Japon vinrent à ces congrès. Les anarchistes furent cependant exclus après quelques années.
« L'Internationale » a été écrit par le chansonnier français Eugène Pottier en 1871. Il est adopté en 1904 comme hymne par la Deuxième Internationale et il sera l'hymne des mouvements socialistes, communistes et anarchistes jusqu'à ce jour. Il sera aussi l'hymne national de l'Union soviétique jusqu'en 1944.
Le suffrage universel masculin était appliqué partout en Europe occidentale et aux États-Unis en ce début du XXe siècle, en pleine seconde révolution industrielle. Les partis ouvriers (socialistes) firent leurs entrées dans les parlements et leurs députés purent proposer des réformes sociales qui améliorèrent grandement le sort des ouvriers.
La classe moyenne ne disparaissait pas et les prévisions de Marx sur l'effondrement du capitalisme ne se réalisèrent pas.
Sous l'impulsion d'Eduard Bernstein, le marxisme fut doucement écarté et remplacé par une doctrine réformiste et de prise du pouvoir politique par les urnes pour imposer des réformes des conditions sociales pour les travailleurs plutôt que par des soulèvements populaires.
A l'extrême gauche de la social-démocratie allemande, Rosa Luxemburg combattait les thèses de Bernstein.
A l'heure présente, le socialisme est le seul salut de l'humanité. Socialisme ou barbarisme. Rosa Luxemburg.
Deux grands défis se posèrent alors à l'Internationale : la position des délégations face au colonialisme et face à la guerre.
Si une condamnation de la politique coloniale capitaliste put être obtenue sans problème, il n'en fut pas de même en ce qui concerne la guerre. De nombreux partis socialistes avaient voté pour les crédits de guerre et le clivage entre les membres sonna la fin de la deuxième Internationale.
Les pacifistes comme Jaurès et les révolutionnaires comme Lénine, pourtant majoritaires, furent impuissants à arrêter la machine de guerre qui s'était mise en route.
https://www.youtube.com/watch?v=oOaV69tVaTY
Jacques Brel – Jaurès (1977)
En Allemagne, Karl Liebknecht et Rosa Luxembourg créèrent la Ligue spartakiste en 1915 et elle aura une influence sur le cours de la Première Guerre mondiale grâce aux idées pacifistes qui minèrent de l'intérieur le moral de le société civile et de l'armée allemande.
La Ligue spartakiste s'unit à d'autres partis et forma le parti communiste allemand en 1918. Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg furent assassinés avec une cinquantaine d'autres dirigeants communistes en 1919. L'absence d'un parti communiste pacifiste fort eut certainement une influence sur la facile arrivée au pouvoir du national-socialisme en 1933 (arrestation et déportation des communistes qui avaient fait 12 % des voix aux élections de 1933).
La Révolution d'octobre.
La Russie, en cette fin de XIXe siècle, avait un régime autoritaire dominé par le tsar et l'aristocratie impériale. C'était un pays peuplé de 128 millions d'habitants mais économiquement peu développé et essentiellement agricole. Les forces productrices capitalistes se développèrent d'abord très lentement mais, financée par les emprunts russes, l'industrialisation s'accéléra au début du XXe siècle.
La bourgeoisie libérale était peu présente et peu influente et les libertés publiques inexistantes.
L'abolition du servage en 1861 ne permit pas aux paysans libérés d'acquérir des terres vu qu'aucune aide financière n'existait pour les en aider. Comme dans l'ouest de l'Europe, les paysans vinrent grossir les populations des grandes villes et ils seront les acteurs principaux des révolutions russes.
Les koulaks, des fermiers possédant la terre et faisant travailler des ouvriers salariés dans leurs entreprises agricoles, étaient propriétaire d'immenses domaines, surtout dans la partie ouest de l'Empire (Ukraine).
Les principales activités industrielles russes étaient celles de l'armement et des chantiers navals.
Le mécontentement populaire qui suivit la défaite contre le Japon de 1904 (Port-Arthur) provoqua une agitation sociale suivie par des grèves qui débouchèrent sur la révolution de 1905.
Désunie et mal dirigée, cette révolution sera écrasée (Dimanche rouge xvi) par l'armée du tsar. Les révolutionnaires de 1917 en tirèrent les leçons et ne commirent plus les mêmes erreurs.
Le dimanche rouge.
Le Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) de tendance marxiste était à l'époque divisé en deux groupes : les mencheviks (minoritaires) qui voulaient s'allier aux libéraux et qui pensaient comme Marx que le capitalisme était un passage obligé avant de passer au communisme et les bolcheviks (majoritaires) qui pensaient unir les ouvriers et les paysans et passer directement au communisme. xvii Ces deux tendances étaient menées respectivement par Julius Martov et par Vladimir Ilitch Lénine.
La révolution de 1917 se déroula en deux temps. En février, lassés par les conséquences de la guerre et par la disette alimentaire, les grévistes, rejoints par la troupe, obtinrent l'abdication du tsar Nicolas II.
Le gouvernement provisoire socialo-libéral de Kerenski installé en mai 1917 fut très vite contesté parce qu'il ne mettait pas fin à la guerre alors que les pertes étaient de plus en plus nombreuses.
Les soviets (conseils) et les coopératives dominés par les communistes avaient depuis longtemps remplacé les services déficients de l’État et les communistes avaient de plus en plus d'influence sur le peuple.
Voila le contexte de la prise du pouvoir par les bolcheviks en octobre 1917 (calendrier julien).
Lénine, rejoint par Léon Trotski, lança un soulèvement armé contre le gouvernement provisoire dans la capitale (Saint-Pétersbourg). Le putsch plaça les bolcheviks au pouvoir avec l'appui des masses populaires et de l'armée.
La révolution s'étendit dans tout le pays et les paysans (85 % de la population) s'emparèrent des terres des seigneurs. Ce fut la plus grande jacquerie de tous les temps.
A Petrograd, le nouveau nom de Saint-Pétersbourg, cette révolution ne rencontra que peu de résistance et il n'y eut que peu de morts.
Le nouveau gouvernement entérina la prise des terres sans compensation par les paysans.
Lénine se comporta alors en potentat et écarta toutes autres tendances que les bolcheviks du pouvoir.
Avant de signer le traité de paix de Brest-Litovsk avec l'Allemagne, la nouvelle Armée rouge dut faire face à l'Armée blanche formée de contre-révolutionnaires et plus tard aux tentatives d'invasion des puissances occidentales. Trotski mena l'Armée rouge à la victoire au prix de nombreux massacres et d'exécutions sommaires. La répression des marins et des anarchistes révoltés de Kronstadt xviii en mars 1921 fut parmi les dernières actions militaires avant qu'une paix relative ne s'installe dans le pays.
Pendant ces années difficiles, Lénine avait instauré une économie de guerre (communisme de guerre) : nationalisation des usines et du commerce, travail obligatoire pour les ouvriers et les paysans, interdiction des grèves, rationnement, centralisation de la nourriture etc.
Sur le plan politique, Lénine voulut instaurer la dictature du prolétariat (préalable à l'installation du communisme suivant Marx) mais ce furent surtout des mesures liberticides qui furent prises : le Parti bolchevik devint parti unique, on censura la presse et la radio, on créa la Tchéka (police politique), la conscription devint obligatoire etc.
Les masses laborieuses avec nous. Ceci est notre force, la source de l'invincibilité du communisme mondial. Lénine.
L'échec économique fut patent et provoqua la terrible famine de 1921 qui fit 5 millions de morts. Lénine dut accepter l'aide alimentaire des États-Unis. Cela força Lénine à revoir sa politique économique et à lancer la Nouvelle Politique économique (NEP) qui fit une large ouverture au libéralisme, surtout en ce qui concernait l'agriculture. Cela rétablit un équilibre économique jusqu'en 1928.
Joseph Staline avait pris la tête de l'Union soviétique en 1924, à la mort de Lénine. Il relança le vaste programme d'industrialisation du pays initié par Lénine.
Il mit fin à la NEP suite à des problèmes de spéculation sur le cours des céréales. Une planification quinquennale assez complexe dans sa réalisation fut mise en place.
La collectivisation des terres agricoles amena les paysans à choisir entre le travail dans les sovkhozes, des fermes d’État où ils étaient salariés et des kolkhozes qui étaient des fermes coopératives où les paysans étaient payés suivant le rendement.
L'industrie fut nationalisée et l'économie du pays devint un capitalisme d’État bien éloigné de la dictature du prolétariat, du communisme et des idées anarcho-libertaires des révolutionnaires de 1917.
L'Union soviétique n'était pas prête pour le communisme, Lénine l'avait déjà dit en 1921 et il faut rappeler ici ces paroles de Marx : « Le socialisme vient après le capitalisme qui est un passage obligé et non pas à la place de celui-ci. »
Après la famine de 1932-1933 et les déportations et exécutions des opposants, la situation se stabilisa et le pays connut une forte croissance jusqu'en 1941 (la plus élevée d'Europe). L'Union soviétique devint autosuffisante et n'acheta plus que des machines-outils (à l'Allemagne et à la Grande Bretagne) contre des matières premières.
Le système économique de l'Union soviétique n'évolua pas ou très peu jusqu'à sa dissolution en 1991.
Le socialisme en Europe occidentale.
A la grande contrariété de Lénine, il n'y eut pas d'autre révolutions socialiste en Europe si on excepte l'Espagne (1936 – 1939) où le socialisme était arrivé au pouvoir par la voie législative. Dans la précipitation et dans la crainte de voir la révolution communiste russe faire tache d'huile, les démocraties occidentales votèrent des lois concédant d'importantes avancées sociales et firent entrer de nombreux partis socialistes dans les gouvernements. La scission du mouvement ouvrier entre socialistes acceptant le défit démocratique et communistes révolutionnaires soutenus par Moscou fut alors scellée.
Parallèlement, des dictatures nationalistes ou fascistes fondamentalement anticommunistes virent le jour dans de nombreux pays : Allemagne, Italie, Espagne, Portugal, Croatie...
Les concessions du capitalisme libéral furent importantes et les conditions sociales de la classe ouvrière s'améliorèrent grandement, surtout après 1945 et la fin des régimes nazis et fascistes, quand la société de consommation s'imposa en Europe occidentale.
On pouvait penser qu'un équilibre entre le libéralisme et le socialisme était trouvé durant les trente glorieuses. Les pays industrialisés occidentaux connurent une croissance exceptionnelle et la classe ouvrière bénéficia de nombreuses avancées sociales.
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Le plein emploi et le travail des femmes qui augmenta les revenus des ménages.
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L'augmentation des salaires et de la durée des congés payés.
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L'instauration d'un salaire minimum.
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La sécurisation des revenus, les allocations familiales et le régime des retraites.
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Le développement de l'industrie des loisirs.
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L'augmentation de l'espérance de vie.
Conclusion.
Il s'est écoulé plus de deux siècles entre la prise de conscience de la situation sociale du prolétariat ouvrier du début du XIXe siècle et la situation contemporaine. Beaucoup d'idées originales ont fleuri durant cette période, des expérience intéressantes ont vu le jour mais la plupart d'entre elles sont tombées dans l'oubli.
Que reste-t-il des idées romantiques pour transformer la société capitaliste en un monde meilleur et plus juste ? Rien, si ce ne sont les acquis que les générations antérieures nous ont légués au prix de luttes sociales rendue possible grâce à la solidarité des travailleurs.
Ces acquis sont actuellement remis en cause au nom de la concurrence économique et de la doxa libérale.
Nous voyons maintenant partout en Europe les partis socialistes renoncer à leur rôle de régulateur économique et de moteur de la transition du capitalisme vers un système plus équilibré.
Les États ont même renoncé à ce rôle en signant les traités européens et ils laissent l'Union européenne surveiller les règles de concurrence. C'est bien cela le libéralisme tel qu'il existe en Europe : la loi du marché et de la libre concurrence fixent les règles de la vie économique.
Je n'ai pas d'avis définitif à ce sujet. Ce système économique permet à une majorité de citoyens de vivre confortablement mais je ne peux que constater qu'une partie de la société est exclue du système et ne perçoit que le minimum lui permettant de survivre.
Notre perception du problème est faussée parce que il existe encore une certaine prospérité économique dans le nord de l'Europe mais un regard vers le Sud et l'Est nous permet de nous rendre compte que le nombre d'exclus est là-bas incommensurablement plus grand et que les États sont impuissants à leur venir en aide.
Les partis socialistes et leurs satellites ont renoncé à leur rôle de défenseurs du monde ouvrier. Celui-ci n'a d'ailleurs plus le même poids électoral qu'au XXe siècle, les usines ne sont plus si nombreuses en Europe et elles occupent de moins en moins de main-d’œuvre.
Les partis de gauche ont choisi la défense des droits de l'homme comme idéologie directrice et ils pensent pouvoir en faire le moteur de la transformation du monde vers plus de justice et vers l'élimination des dictatures.
Malheureusement, les opérations R2P xixde ces dernières années ne furent guère concluantes. Le réalisme économique oblige beaucoup de pays européens à traiter commercialement avec les pires régimes du monde, enrichis grâce à la vente de leur pétrole et en plus, exportateurs d'une idéologie religieuse tout-à-fait contraire aux valeurs que la gauche entend défendre.
Cette contradiction saute aux yeux de tout observateur un tant soit peu attentif et discrédite totalement tous les discours moralisateurs.
Une autre voie suivie par les partis de gauche est la transition de la société vers plus de libertarianisme xx au détriment des valeurs traditionnelles héritées de deux millénaires de morale dictée par l’Église. Ce libertarianisme occidental est rejeté par presque tous les autres pays de la planète (Chine, Inde, Russie, Afrique, monde musulman, monde chrétien etc.) et il sera un élément qui favorisera l'avènement d'un monde multipolaire.
Ici aussi, je n'ai pas d'avis tranché sur le sujet mais une impression de précipitation qui risque de provoquer une perte de repères pour les générations futures ainsi qu'une rupture morale avec énormément de pays dans le monde.
Nous pouvons faire la constatation que l'écart idéologique entre les partis politiques historiques de gauche et de droite devient de plus en plus réduit (c'est ce que Emmanuel Todd appelle l'alternance unique ou qu'on peut aussi appeler le libéralisme de droite et le libéralisme de gauche) et il en est de même des médias dominants qui ne représentent plus ce quatrième pouvoir tellement craint par les élites politiques il y a encore quelques dizaines d'années.
Ces médias en principe pluralistes, qui reçoivent d'ailleurs de substantielles aides dans beaucoup de pays européens xxi, ne produisent plus qu'une information lisse et univoque. Est-il utile de leur venir en aide au motif de sauvegarder une presse pluraliste alors qu'elle n'est plus qu'un support idéologique aux partis politiques traditionnels qui ne s'opposent d'ailleurs plus que symboliquement entre eux.
La vraie écoute des aspirations des peuples et la redécouverte de la démocratie est devenue une priorité pour les années à venir mais cela fera partie de la troisième partie de cette série d'articles.
i - Robert Owen : 1771 -1858. (Classic Reprint) par Edouard Dolleans. Ed. Forgotten Books.
ii - http://expositions.bnf.fr/utopie/grand/3_60.htm
iii - Le saint-simonisme était une doctrine économique et sociale qui préconisait l'amélioration du sort des masses prolétariennes et qui fut à l'origine du socialisme (le mot n'avait pas encore été inventé). La référence religieuse est un fil conducteur important dans l’œuvre du comte de Saint-Simon (1760 -1825). Ce courant de pensée aura de nombreux adeptes durant tout le XIXe siècle. http://www.wikiberal.org/wiki/Saint-Simonisme
iv - https://fr.wikipedia.org/wiki/Familistère_de_Guise J. B. Godin avait aussi construit un familistère à Bruxelles à côté de son usine. Ce bâtiment a été reconverti en logements pour revenus moyens après 1968. Les bâtiments de l'ancienne usine de production viennent d'être convertis en centre commercial (DOCKS) et il a été inauguré ce jeudi 20 octobre 2016. http://www.ieb.be/IMG/pdf/notedinteret_poeleriesgodin-2.pdf
v - Les partis socialistes européens contemporains ne peuvent plus être considérés comme socialiste depuis qu'ils reconnu qu'il n'y a pas d'alternative au libéralisme et qu'ils sont entrés dans la logique de la dérégulation et de la libre concurrence.
vi - Anarchie. Étymologie : du grec « an », préfixe privatif et de « arkhé », pouvoir, autorité. L'anarchisme est une philosophie politique sans dirigeants et sans dirigés. C'est l'ordre sans le pouvoir, c'est la paix sans la violence. C'est le contraire de ce qu'on lui reproche parfois, soit par ignorance, soit par mauvaise foi.
vii - https://www.herodote.net/1848_1849-synthese-169.php
viii - L'échange épistolaire avec cet autre polémiste de talent que fut le très libéral Frédéric Bastiat au sujet de la gratuité du crédit est resté célèbre. http://bastiat.org/fr/gratuite_du_credit.html
ix - On peut critiquer cette expression parce que le socialisme n'est pas une science mais plutôt un engagement politique. En revanche, Marx et Engels firent des analyses du capitalisme en utilisant des méthodes scientifiques dont la dialectique (thèse, antithèse, synthèse).
x - http://wikirouge.net/Anti-Dühring
xi - Une auberge située à la Maison du cygne à la Grand-Place de Bruxelles servait aussi de lieu de réunion et là aussi, de nombreuses pages du Manifeste furent écrites. C'est là que Marx passa le Nouvel An 1847-1948.
xii - 1. Expropriation de la propriété foncière et affectation de la rente foncière aux dépenses de L’État.
2. Impôt fortement progressif.
3. Abolition du droit d'héritage.
4. Confiscation des biens de tous les émigrés et rebelles.
5. Centralisation du crédit entre les mains de l’État, par une banque nationale, dont le capital appartiendra à l’État et qui jouira d'un monopole exclusif.
6. Centralisation entre les mains de l’État de tous les moyens de transport.
7. Multiplication des usines nationales et des instruments de production ; défrichement et amélioration des terres selon un plan collectif.
8. Travail obligatoire pour tous ; organisation d'armées industrielles, particulièrement pour l'agriculture.
9. Coordination de l'activité agricole et industrielle. Mesures tendant à supprimer progressivement l'opposition ville-campagne.
10. Éducation publique et gratuite de tous les enfants et abolition du travail des enfants dans les fabriques tel qu'il est pratiqué aujourd'hui. Coordination de l'éducation avec la production matérielle, etc.
xiii - Il s'agissait à l'époque du suffrage universel masculin.
xiv - Le travail des femmes au XIXe siècle n'avait rien à voir avec l'émancipation des femmes qui sera une lutte du XXe siècle (travail égal / salaire égal). Il s'agissait à l'époque de réduire la quantité de main d’œuvre sur le marché en éliminant les catégories qui étaient les plus exploitées et les plus sous-payées par le patronat et en l'obligeant à remplacer les femmes et les enfants par des hommes mieux payés.
xv - Louis-Auguste Blanqui (1805 - 1881) était un socialiste révolutionnaire français majeur. Il participa activement à de nombreuses révolutions du XIXe siècle en France et lutta contre la monarchie et le Second Empire. Cela lui valu de passer 35 ans de sa vie en prison d'où son surnom « l'Enfermé ». Quoique emprisonné en 1871, Blanqui fut considéré par la plupart des communards comme leur chef de file. 100.000 personnes assistèrent à ses obsèques en 1881. Deux citations célèbres : « Ni Dieu, ni maître. » (Le titre d'un de ses journaux.) « Le capital est du travail volé. » https://fr.wikipedia.org/wiki/Auguste_Blanqui
xvi - L'armée tira sur 100.000 manifestants pacifiques et fit suivant les sources entre 500 et 5.000 morts à Saint-Pétersbourg. https://www.herodote.net/22_janvier_1905-evenement-19050122.php
xvii - La faucille et le marteau qui se trouvait sur le drapeau soviétique symbolisait l'union des paysans et des ouvriers. Ce drapeau fut adopté en 1923.
xviii - Kronstadt est une ville sur l'île de Kotline à 20 km de Saint-Petersbourg. C'était et c'est encore toujours la base navale de la flotte de la Baltique. https://www.herodote.net/28_fevrier_1921-evenement-19210228.php
xix - R2P (Responsability to protect.) Cette doctrine a été invoquée à mauvais escient à de nombreuse reprises ces dernières années. http://www.mondialisation.ca/devoir-dingerence-humanitaire-vs-droit-international/5365385
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